Laframboise c. Rochon |
2020 QCTAL 7508 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
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Bureau dE Québec |
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No dossier : |
539675 18 20201006 G |
No demande : |
3081447 |
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Date : |
12 novembre 2020 |
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Devant la juge administrative : |
Chantale Trahan |
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Yves Laframboise |
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Locateur - Partie demanderesse |
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c. |
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Jacqueline Rochon |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] Par une demande introduite le 6 octobre 2020, le locateur demande la résiliation du bail et l’expulsion de la locataire en raison de ses comportements, lui causant ainsi un préjudice sérieux.
CONTEXTE
[2] Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020, lequel a été reconduit jusqu’au 30 juin 2021, au loyer mensuel de 690 $.
PREUVE DU LOCATEUR
[3] Il s’agit d’un immeuble dont la locataire occupe un logement au rez-de-chaussée de l’immeuble. Or, un locataire vit dans un logement situé au-dessous de celui de madame Rochon et un autre locataire demeure dans un logement au-dessus de celui de cette dernière.
[4] Le locateur témoigne que les problèmes avec madame Rochon ont commencé il y a six ou sept mois, les locataires voisins de cette dernière se plaignant toujours des mêmes problèmes de comportement de celle-ci.
[5] En l’occurrence, madame Rochon fait énormément de bruit dans son logement et elle est malentendante à un haut degré. Elle monte le volume de son téléviseur au maximum, dérangeant passablement les locataires qui vivent dans l’immeuble. Le locateur doit intervenir auprès de madame Rochon à chaque semaine depuis les derniers mois pour lui rappeler de cesser de faire du bruit, de cesser de parler et de crier fort et de baisser le volume de son téléviseur. Il soupçonne que la locataire ait des pertes de mémoire importantes car à chaque fois qu’il l’appelle pour lui rappeler les consignes d’usage et son intervention immédiate pour cesser le bruit, même à plus d’une reprise durant une même soirée, elle ne se souvient pas qu’il l’ait appelée précédemment.
[6] Il explique également qu’il a connaissance que les problèmes de bruit que fait madame Rochon sont exacerbés par une consommation d’alcool importante. Il a eu connaissance de l’intervention des policiers au cours de l’été car elle ne répondait pas au téléphone depuis trois ou quatre jours et devant son inquiétude et celle d’un membre de sa famille, il a demandé l’intervention des policiers pour vérifier si madame Rochon se portait bien. Ils l’ont retrouvée endormie, fortement intoxiquée par l’alcool et confuse. Un rapport d’intervention a été déposé par les services policiers de la Ville de Québec au soutien de cet événement.
[7] Le locateur a demandé à madame Rochon de se procurer des écouteurs pour son téléviseur, mais elle n’en donne pas suite. Il lui a également demandé de vérifier la possibilité de se procurer des appareils pour sa surdité mais encore là, elle ne répond pas à la demande.
[8] Une locataire a témoigné à l’audience de l’intensité et de la fréquence que madame Rochon pouvait faire du bruit, comme élever à outrance le volume de son téléviseur, parler et crier fort. Elle explique qu’elle peut parfois l’entendre trébucher ou gémir durant la nuit en raison, selon elle, de son intoxication à l’alcool. Elle a vu madame Rochon à quelques reprises avoir une démarche erratique lorsqu’elle montait la voir et senti l’haleine d’alcool qu’elle dégageait. Elle précise qu’elle doit intervenir souvent personnellement au même titre que le locateur pour faire cesser le bruit, mais que la situation ne s’améliore pas.
[9] Le locateur est d’avis que madame Rochon a besoin d’un logement plus adapté à sa condition de santé et il craint pour la sécurité de son immeuble en raison de ses comportements. Il témoigne que madame Rochon promet de modifier ses comportements mais rien ne change. Au contraire, il doit intervenir de façon plus fréquente auprès d’elle. Il remarque que madame Rochon est plus souvent confuse et qu’elle se répète en raison de ses nombreux oublis. Il craint que certains locataires ne renouvellent pas leur bail, la présence de madame Rochon devenant un élément à considérer dans leur réflexion.
[10] Le locateur a fait appel à une travailleuse sociale pour que madame Rochon reçoive de l’aide, mais il ne semble pas que cette demande soit concluante, celle-ci refusant toute aide individuelle quelconque. Devant ce constat et devant le peu de mobilisation de sa part, il demande la résiliation du bail car ses comportements lui causent un préjudice sérieux.
ANALYSE ET DÉCISION
[11] Le Tribunal tient à souligner qu’il appartient à celui qui veut faire valoir un droit de prouver les faits qui soutiennent sa prétention et ce, de façon prépondérante. Ainsi, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante, la preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante. La force probante du témoignage est laissée à l'appréciation du Tribunal.
[12] Le degré de preuve requis ne réfère pas à son caractère quantitatif mais plutôt qualitatif. La preuve testimoniale est évaluée en fonction de la capacité de convaincre des témoins et non pas en fonction de leur nombre.
[13] Le plaideur doit démontrer que le fait litigieux est non seulement possible mais probable et il n'est pas toujours aisé de faire cette distinction. Par ailleurs, la preuve offerte ne doit pas nécessairement conduire à une certitude absolue, scientifique ou mathématique. Il suffit que la preuve rende probable le fait litigieux.
[14] Si une partie ne s'acquitte pas de son fardeau de convaincre le Tribunal ou que ce dernier soit placé devant une preuve contradictoire, c'est cette partie qui succombera et verra sa demande rejetée[1].
[15] Les articles
« 1860. Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.
Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer le préjudice qui peut résulter de la violation de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci.
Le locateur peut, au cas de violation de cette obligation, demander la résiliation du bail. »
« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir. »
[16] Le locateur doit démontrer de manière prépondérante que les comportements de madame Rochon troublent la jouissance normale des autres locataires, causant ainsi un préjudice sérieux.
[18] La preuve non contredite établit que madame Rochon a des comportements nuisibles et dérangeants envers les autres locataires, ce qui cause un préjudice sérieux au locateur et aux autres locataires. Ces derniers sont troublés dans la jouissance paisible de leur logement qu’ils sont en droit de s’attendre.
[19] Le Tribunal ne voit pas d’autre solution que de résilier le bail de madame Rochon. La preuve est prépondérante au fait que cette dernière refuse de s’amender malgré plusieurs plaintes à son égard et plusieurs interventions personnelles du locateur lui demandant de modifier son comportement. Même si le Tribunal considère que madame Rochon se trouve dans un besoin d’aide actuellement, le locateur doit rencontrer ses obligations légales et assurer aux autres locataires la jouissance paisible des lieux loués.
[20] Le Tribunal considère que l’exécution provisoire de la présente décision n’est pas justifiée, conformément à l’article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[21] ACCUEILLE la demande du locateur;
[22] RÉSILIE le bail de la locataire;
[23] ORDONNE l'expulsion de la locataire ainsi que celle de tous les occupants du logement;
[24] CONDAMNE la locataire à payer au locateur les frais judiciaires de 99 $.
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Chantale Trahan |
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Présence(s) : |
le locateur |
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Date de l’audience : |
9 novembre 2020 |
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AVIS :
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