Desjardins Assurances générales inc. c. Montagné |
2021 QCTAL 16566 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
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Bureau dE Montréal |
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No dossier : |
355680 31 20170913 G |
No demande : |
2328867 |
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Date : |
21 juin 2021 |
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Devant la juge administrative : |
Karine Morin |
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Desjardins Ass. gén. Inc., subrogée dans les droits de Gestion immobilière Matam ltée. |
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Locatrice - Partie demanderesse |
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c. |
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Nicolas Christopher Montagné |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] Par un recours introduit le 13 septembre 2017, la demanderesse, Desjardins assurances générales Inc., subrogée dans les droits de la locatrice, Gestion immobilière Matam Inc., réclame au locataire le remboursement d'une indemnité d'assurance qu'elle a versée à son assurée, d’un montant de 15 044,38 $ pour des pertes et dégradations causées à l’immeuble en raison d’un dégât d’eau.
[2] À l’audience, le montant réclamé par la demanderesse est amendé à 12 572,34 $. Cette somme tient compte de la dépréciation des travaux de 15% appliquée par la demanderesse, de la relocalisation temporaire des locataires d’un montant de 2 028,00 $ et de la franchise de 2 500 $ payée par l’assurée.
[3] Bien que dûment convoqué, le locataire est absent à l’audience.
[4] La mandataire de l’assureur soumet au Tribunal que les parties étaient liées par un bail de logement du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015. Au soutien de sa prétention, elle dépose la première page d’un bail, du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011, sur lequel le nom du locataire visé par la présente demande n’apparaît pas. Elle dépose aussi en preuve un avis de modification du bail pour sa reconduction du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015 sur lequel il est possible de constater que le locataire visé par la présente demande y a apposé sa signature, en plus des deux autres locataires.
[5] La mandataire de l'assureur déclare que le ou vers le 8 décembre 2014, l'immeuble de la locatrice a été endommagé à la suite d'un dégât d’eau causé par la laveuse se trouvant dans le logement du locataire.
[6] En l'instance, le Tribunal doit statuer sur la cause probable de ce sinistre et, le cas échéant, déterminer si, selon la prépondérance de preuve, il est entièrement ou en partie dû au comportement fautif du locataire.
[7] Monsieur Nicolas Mercier, homme de maintenance de la locatrice, témoigne avoir reçu un appel au motif que de l’eau s’écoulait du plafond du logement 7, situé juste au-dessous du logement 11, loué par le locataire visé par la présente demande. Il se rend au logement du locataire et constate que l’eau s’écoule du tuyau de la laveuse. En raison d’une installation déficiente et des tuyaux rouillés de la laveuse, un faible débit d’eau s’écoule sur le plancher de la cuisine. L’étendue des dégâts lui laisse croire que la situation perdure depuis longtemps et la présence de linges imbibés d’eau autour de la laveuse suggère que le locataire connait la problématique. Il ferme l’entrée d’eau pour éviter que la problématique ne s’aggrave.
[8] Il procède aux travaux urgents et aux travaux de reconstruction dans les logements 7 et 11. Il n’a jamais rencontré le locataire concerné par la présente demande.
[9] Monsieur Pascal Leblanc, estimateur en bâtiment après sinistre à l’emploi de la demanderesse, se rend à l’immeuble le 10 décembre 2014 afin d’évaluer la cause et le montant des dommages. Il constate que le connecteur se trouvant derrière la laveuse n’est plus étanche en raison de la rouille.
[10] Les dommages constatés nécessitent le remplacement du bas des murs, le remplacement du revêtement de plancher et le remplacement de certaines armoires dans la cuisine du logement du locataire. Dans l’unité 7, les travaux consistent à la réparation du plafond et du bas des murs, le remplacement du revêtement de plancher et le remplacement de certaines armoires de cuisine.
[11] Les locataires des deux logements ont dû être relogés, mais il ne précise pas pour quelle durée et ne dépose pas de factures à cet effet.
[12] La mandataire de la demanderesse dépose copies des mises en demeure envoyées au locataire le 5 juillet 2016 et le 13 juillet 2017 ainsi que l’ensemble des factures résultant des travaux effectués à l’immeuble.
[13] Le locataire visé par la présente demande est-il responsable des dommages causés à l'immeuble?
Analyse et décision
Fardeau de preuve
[14] Tel que mentionné dans une décision de la juge administrative Lucie Béliveau[1] :
« Le Tribunal tient à souligner qu'il appartient à celui qui veut faire valoir un droit de prouver les faits qui soutiennent sa prétention, et ce, de façon prépondérante. Ainsi, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante, la preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante. La force probante du témoignage est laissée à l'appréciation du Tribunal.
Le degré de preuve requis ne réfère pas à son caractère quantitatif, mais plutôt qualitatif. La preuve testimoniale est évaluée en fonction de la capacité de convaincre des témoins et non pas en fonction de leur nombre.
Le plaideur doit démontrer que le fait litigieux est non seulement possible, mais probable et il n'est pas toujours aisé de faire cette distinction. Par ailleurs, la preuve offerte ne doit conduire à une certitude absolue, scientifique ou mathématique. Il suffit que la preuve rende probable le fait litigieux.
Si une partie ne s'acquitte pas de son fardeau de convaincre le Tribunal ou que ce dernier soit placé devant une preuve contradictoire, c'est cette partie qui succombera et verra sa demande rejetée. » (Références omises)
Obligations du locataire et dommages
[15] Selon l'article 2474 du Code civil du Québec (C.c.Q.) relatif à la subrogation en matière d'assurances, l’assureur établit son droit d'action contre le locataire. Il peut invoquer à l'encontre de ce dernier les mêmes droits et recours qu’aurait pu exercer la locatrice.
[16] L’article 1855 du Code civil du Québec indique l’obligation du locataire d’user du logement avec prudence et diligence.
[17] L'article 1862 C.c.Q. énonce la responsabilité présumée du locataire de réparer les préjudices subis par le locateur en raison des pertes et dégradations survenues au logement à moins qu'il ne démontre que celles-ci ne sont pas dues à sa faute ni à celle des personnes à qui il en a permis l'usage ou l'accès.
[18] Également, le locataire est responsable des biens qu'il fait entrer dans le logement, et ce, en vertu de l'article 1465 C.c.Q.
« 1465. Le gardien d'un bien est tenu de réparer le préjudice causé par le fait autonome de celui-ci, à moins qu'il prouve n'avoir commis aucune faute. »
[19] L'article 1607 C.c.Q. prévoit que le créancier de l'obligation a droit à des dommages en réparation du préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel que lui cause le défaut du débiteur et qui en est une suite immédiate et directe.
[20] Par ailleurs, seuls les dommages directs et prévisibles associés au manquement reproché peuvent être réclamés.
[21] En l’instance, la preuve non contestée et fortement prépondérante démontre que les dommages causés dans les logements 7 et 11 de l’immeuble résultent du dégât d’eau causé par la laveuse se trouvant dans le logement du locataire. Ainsi, il est responsable des dommages causés à l’immeuble de la locatrice.
[22] Par contre, la preuve est muette quant à la somme payée pour la relocalisation temporaire des locataires des deux logements durant les travaux. Aucune facture ni détail de cette somme n’étant déposé en preuve, celle-ci ne sera pas accordée.
[23] Par ailleurs, l'avis de reconduction du bail sur lequel apparaît la signature du locataire visé par la présente demande ne prévoit pas la responsabilité des locataires entre eux envers la locatrice. La solidarité ne se présume pas et elle n'existe que lorsqu'elle est expressément stipulée par les parties ou prévue par la loi[2].
[24] Ainsi, le locataire visé par la présente demande est condamné aux tiers du total des dommages.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[25] CONDAMNE le locataire à payer à la demanderesse la somme de 4 190,78 $, avec les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 5 juillet 2016, plus les frais de justice de 97 $.
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Karine Morin |
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Présence(s) : |
la mandataire de l’assureur |
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Date de l’audience : |
31 mai 2021 |
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[1] Office municipal d'habitation de la Plaine de Bellechasse c. Therrien, R.D.L., 2019-06-11, 2019 QCRDL 19669, SOQUIJ AZ-51604719.
[2] Article 1525 du Code civil du Québec. Cinar Corporation c. Robinson, (C.S. Can., 2013-12-23), 2013 CSC 73, SOQUIJ AZ-51029656, 2014EXP-62, J.E. 2014-32, [2013] 3 R.C.S. 1168, EYB 2013-230908; Bilodeau c. A. Bergeron et Fils Ltée, (C.S. Can., 1974-06-21), SOQUIJ AZ-75111089, [1975] 2 R.C.S. 345, 1974 CanLII 171 (CSC).
AVIS :
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