Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Olivieri c. Canisela

2022 QCTAL 35617

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

626378 31 20220413 S

No demande :

3719309

 

 

Date :

12 décembre 2022

Devant la juge administrative :

Pascale McLean

 

Luigi Olivieri

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Carlos Canisela

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le locateur demande la résiliation du bail du locataire, l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel et les frais de justice.

[2]         Il s'agit d'un bail reconduit du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023 au loyer mensuel de 673 $, payable le premier jour du mois.

[3]         Le locateur allègue comme motif de résiliation, le non-respect d'une ordonnance de payer le loyer le premier jour du mois, conformément aux conclusions d'une décision rendue par la soussignée le 12 juillet 2022 selon l'article 1973 C.c.Q. et dont la section pertinente du dispositif se lit comme suit:

« [12] SURSOIT à la résiliation et ORDONNE au locataire de payer son loyer le 1er de chaque mois à compter du 1er septembre 2022, et ce, pour toute la durée du bail en cours et pour sa période de reconduction subséquente, le cas échéant; »[1]

[4]         La disposition sur laquelle la demande du locateur repose est rédigée ainsi :

« 1973. Lorsque l'une ou l'autre des parties demande la résiliation du bail, le tribunal peut l'accorder immédiatement ou ordonner au débiteur d'exécuter ses obligations dans le délai qu'il détermine, à moins qu'il ne s'agisse d'un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer.

Si le débiteur ne se conforme pas à la décision du tribunal, celui-ci, à la demande du créancier, résilie le bail. »

[5]         La preuve démontre que, depuis l'ordonnance, le locataire a fait défaut de payer le loyer le premier jour du mois de novembre 2022. Il dépose le paiement Interac daté du 3 novembre 2022.

[6]         En défense, la locataire témoigne qu’il s’agit d’une erreur de sa part. Il croyait avoir payé le 1er novembre 2022.


ANALYSE ET CONCLUSION

[7]         Dans Samson c. Poitras[2], le Tribunal écrit ceci quant à la nature de l'ordonnance émise, suivant l'article 1973 C.c.Q et l'examen que le Tribunal doit faire lorsqu'il est saisi d'une demande en résiliation de bail pour défaut de respecter une ordonnance émise en vertu de cette disposition :

« [11] Dans l'affaire Lavigueur c. Grenon (1), la Cour du Québec souligne l'importance de l'ordonnance ainsi émise :

« [30]    Le Tribunal constate que l'ordonnance prévue à l'article 1973 C.c.Q. s'apparente à l'injonction. Lorsqu'une ordonnance est préalablement émise par un régisseur, ce dernier doit tenir une audition avant de prononcer la résiliation. Comme on le sait, le défaut de respecter une ordonnance de la Cour ou une injonction est sanctionné par un outrage au Tribunal. Par contre, dans le cadre d'une ordonnance de l'article 1973 C.c.Q., la sanction est la résiliation. ».

(...)

[12] Lorsqu'une ordonnance est émise conformément à l'article 1973 du Code civil du Québec précité, la seule preuve du défaut du locataire de respecter une telle ordonnance entraîne la résiliation du bail et le Tribunal n'a plus discrétion(2) pour décider, par exemple, qu'il y a lieu de réitérer l'ordonnance ou refuser la résiliation.

[13] Ceci étant, le Tribunal doit quand même entendre la preuve pertinente présentée pour constater si, depuis que l'ordonnance a été émise, le défaut est réel et en lien avec la nature des ordonnances émises, s'il y a eu renonciation à l'ordonnance prononcée ou transaction entre les parties depuis.

[14] Il va de soi que tout élément de défense pertinent doit être entendu et considéré.

[15] Par contre, la contravention à l'ordonnance est acquise lorsque cette défense consiste à démontrer que l'ordonnance n'aurait pas dû être émise (appel déguisé) ou que le défaut résulte de difficultés financières ou personnelles. Toute défense qui consiste à refaire la preuve sur l'existence réelle de retards fréquents n'est pas pertinente.

[16] En cela, le Tribunal n'adhère pas à l'opinion qui veuille qu'il existe deux écoles de pensées sur la conséquence liée au non-respect d'une ordonnance émise suivant l'article 1973 C.c.Q.(3). Lorsque la jurisprudence a énoncé l'absence de discrétion du juge pour résilier le bail cela était en lien évidemment avec une preuve claire de la contravention à l'ordonnance. Évidemment, si cette contravention ne relève pas du locataire ou si les faits subséquents indiquent qu'il y a eu, par exemple, renonciation à l'ordonnance, le juge ne pourra conclure à la contravention. Il n'exerce pas ainsi une discrétion mais apprécie la preuve présentée.

[17] Le Tribunal ne peut exercer une discrétion judiciaire pour pallier à la résiliation dans la mesure où la contravention est avérée. Cette discrétion a déjà été exercée au stade de l'émission d'une ordonnance en lieu et place de la résiliation immédiate.

[18] Il faut noter que l'objectif recherché par l'article 1973 C.c.Q. est d'accorder une ultime chance au locataire de rencontrer ses obligations lorsque la preuve soumise justifie la résiliation du bail et que le préjudice sérieux a été démontré. Ceci explique la raison pour laquelle la sanction au défaut de respecter une telle ordonnance est aussi irrémédiable lorsque la contravention est démontrée. »

[Références omises] [Notre soulignement]

[8]         Dans le présent cas, la preuve non contredite démontre que le locataire ne s’est pas conformé à l'ordonnance émise en vertu de l'article 1973 C.c.Q.

[9]         Le Tribunal ne peut retenir la défense qu’il s’agit simplement d’une erreur. L’ordonnance était claire. Accepter ce type d'excuse rendrait, à toutes fins, inutile et sans effet une ordonnance du Tribunal.

[10]     Le retard du locataire et ses explications démontrent plutôt qu'il n'a pas pris au sérieux l'ordonnance émise par le Tribunal.

[11]     La discrétion du Tribunal est limitée. Lorsqu'il constate que l'ordonnance n’est pas respectée, il doit prononcer la résiliation en l'absence d'explications valables données par le locataire. Le bail sera donc résilié pour ce motif.

[12]     Le préjudice causé au locateur ne justifie pas l'exécution provisoire de la décision, comme il est prévu à l'article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[13]     RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion du locataire et de tous les occupants du logement;

[14]     CONDAMNE le locataire à payer au locateur les frais de justice de 103 $.

 

 

 

 

 

 

 

 

Pascale McLean

 

Présence(s) :

le locateur

le locataire

Date de l’audience : 

7 décembre 2022

 

 

 


 


[1] Demande 3554521.

[2] Samson c. Poitras 2016 QCRDL 32646, AZ-51328977 (SOQUIJ).

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.