Allam c. Gestion Ronald E. Simard inc. | 2025 QCTAL 9080 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
Bureau dE Québec |
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No dossier : | 824441 18 20240930 T | No demande : | 4609315 |
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Date : | 12 mars 2025 |
Devant le juge administratif : | Philippe Morisset |
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Ali Allam | |
Locataire - Partie demanderesse |
c. |
gestion Ronald E. Simard Inc. | |
Locateur - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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- Le locataire requiert la rétractation de la décision rendue le 20 janvier 2025, à la suite d’une audience tenue le 27 novembre 2024, à laquelle il était absent.
APERÇU
- Le locataire soutient qu'il a pris connaissance de cette décision le 21 janvier 2025 et il a déposé sa demande auprès du Tribunal administratif du logement le 3 février 2025, tel qu'en fait foi le dépôt de sa demande.
- Il explique ne pas avoir reçu l'avis d'audition et qu'il a été empêché de se présenter devant le Tribunal sans qu'il y ait faute de sa part.
- Comme moyens sommaires de défense à la demande originaire, le locataire déclare et explique que le loyer du mois de novembre a été payé au moment de l'audition.
- Le locateur, quant à lui, soutient que les motifs du locataire ne sont pas suffisants pour accorder une rétractation.
QUESTIONS EN LITIGE
- Le délai pour introduire le recours a-t-il été respecté ?
- Le locataire a-t-il établi des motifs justifiant son absence à l'audience et présente-t-il des moyens de défense sommaires à la demande originaire ?
ANALYSE ET DÉCISION
Preuve
- D'entrée de jeu, il est pertinent de rappeler que celui qui veut faire valoir un droit doit faire la preuve des faits au soutien de sa prétention, et ce, de façon prépondérante, la force probante du témoignage et des éléments de preuve étant laissée à l'appréciation du Tribunal[1].
Le principe sur lequel se fonde une demande de rétractation
- Afin de rendre sa décision, le Tribunal doit tenir compte de la jurisprudence. À maintes reprises, les tribunaux ont déterminé que la rétractation est un moyen procédural exceptionnel, car le principe de l'irrévocabilité des jugements est important. Ce principe a été réitéré par la Cour d'appel du Québec :
« Le principe de l'irrévocabilité constitue un élément important de notre système juridique. En effet, une jurisprudence constante affirme que la stabilité des décisions judiciaires est essentielle à une saine administration de la justice. Ce principe se comprend facilement car il est évident que le justiciable, qui est une partie à une action, s'attend à ce que le jugement en résultant mette fin au litige de façon définitive, sous réserve, bien sûr, de porter le jugement en appel. [...] »[2]
Délai
- La demande de rétractation doit être introduite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l'empêchement[3], et en l'espèce, ce délai a été respecté, de l'avis du Tribunal.
Motifs
- Dans le cas qui nous concerne, la demande de rétractation pour réussir doit établir que la partie a été empêchée de se présenter à l'audience ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante[4].
- Pour qu'un motif soit retenu par le Tribunal, il faut que le locataire n'ait pas été négligent dans l'exercice de ses droits. Le Tribunal s'exprime ainsi dans un jugement de la Cour supérieure :
« Par ailleurs, en ce qui a trait à la partie elle-même, il n'y a pas d'ambiguïté. Elle ne doit pas adopter un comportement négligent dans la défense de ses droits, sans quoi le principe de l'irrévocabilité des jugements pourra lui être opposé. Cela n'est que logique et conséquent. Une partie ne peut laisser cheminer une affaire judiciaire qui la concerne directement sans s'en préoccuper. Elle doit être empressée de faire valoir sa prétention et de préserver ses droits. Les règles de procédure ne peuvent être modulées pour tenir compte du laxisme d'une partie.[5]
- De la preuve et des témoignages entendus, le Tribunal retient que le locataire a été empêché de se présenter à l'audition en raison d'une certaine négligence, mais cette faute ne lui sera pas fatale pour les motifs exposés ci-dessous.
- En effet, ce principe peut faire l'objet d'une modulation en certaines circonstances, comme l'indique la Cour d'appel :
« [30] En matière de rétractation de jugement pour cause de « surprise ou autre cause jugée suffisante » (C.p.c., art. 482), le rescindant (les « motifs qui justifient la rétractation ») et le rescisoire (« les moyens de défense à l'action »), sont des vases communicants. Plus les moyens de défense sont sérieux, plus sont vraisemblables et recevables les motifs du défendeur pour expliquer que son défaut est dû à la surprise, à l'oubli, à l'inadvertance, à la méprise, à une erreur, peut-être même stupide, mais sincère. »[6]
- D'autre part, dans un jugement de la Cour du Québec, le Tribunal exprime ce principe comme suit :
« Le tribunal constate que deux principes s'affrontent dans ce dossier, soit celui de l'irrévocabilité des jugements et celui du droit de se faire entendre. La jurisprudence enseigne qu'en l'absence de négligence grossière ou flagrante du requérant, le principe du droit de se faire entendre a préséance sur celui de l'irrévocabilité des jugements. »[7]
Moyens sommaires de défense
- Le locataire a démontré qu'il avait des moyens sommaires de défense ayant des chances de succès. En effet, la preuve démontre que le loyer du mois de novembre a été payé au moment de l’audience.
Conclusions
- Le locataire a démontré qu'il avait des moyens sommaires de défense ayant des chances de succès et, tel que relaté précédemment, même si la négligence du locataire est en cause quant à la raison de son absence à l'audience, celle-ci doit céder le pas à son droit de faire valoir sa défense au procès, car il a tout de même présenté des moyens sommaires de défense qui méritent d'être examinés, pour une saine administration de la justice.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
- RÉTRACTE la décision rendue le 20 janvier 2025;
- RÉFÈRE le dossier à la mise au rôle pour la convocation des parties sur la demande originaire, et ce, pour une durée de 30 minutes;
- LE TOUT sans frais.
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| Philippe Morisset |
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Présence(s) : | le locataire |
Date de l’audience : | 3 mars 2025 |
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[2] Lavallée c. Banque Nationale du Canada, C.A., 1998-08-28, SOQUIJ AZ-98011689, J.E. 98-1823, [1998], R.J.Q. 2289.
[5] Mondex Import inc. c. Victorian Bottle Inc., C.S., 1999-04-22, SOQUIJ AZ-99026305, B.E. 99BE-640.
[6] Groupe JSV inc. c. Goal Capital inc., C.A., 2014-02-28, 2014 QCCA 389, SOQUIJ AZ-51050462.
[7] Girard c. Primeforce, (C.Q., 2007-01-15), 2007 QCCQ 1557, SOQUIJ AZ-50420505, J.E. 2007-877, [2007] R.J.Q. 1053.