9401-7167 Québec inc. c. St-Louis | 2025 QCTAL 7286 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
Bureau dE Montréal |
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No dossier : | 835830 31 20241202 G | No demande : | 4549248 |
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Date : | 27 février 2025 |
Devant la juge administrative : | Anaïs Gagné |
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9401-7167 Québec Inc | |
Locatrice - Partie demanderesse |
c. |
Martine St-Louis | |
Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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- Par sa demande déposée le 2 décembre 2024, la locatrice demande la résiliation du bail et la condamnation de la locataire au paiement des loyers dus et à devenir dus ainsi que l’exécution provisoire de la décision. Comme second motif de résiliation, la locatrice invoque les retards fréquents de la locataire à payer son loyer.
- Les parties sont liées par un bail de logement reconduit du 1er octobre 2024 au 30 septembre 2025, pour un loyer de 1 040 $.
- La locataire doit 4 260 $ soit, par imputation, le loyer des mois d’octobre 2024 (100 $) à février 2025.
- La locataire est en retard de plus de trois semaines dans le paiement de son loyer, ce premier motif de résiliation est donc justifié.
- Le bail ne sera toutefois pas résilié si le loyer dû, les intérêts et les frais judiciaires sont payés avant la date du présent jugement, conformément aux dispositions de l’article 1883 du Code civil du Québec.
- Quant au deuxième motif de résiliation, la locatrice invoque les retards fréquents de la locataire à payer son loyer.
- Pour obtenir cette conclusion, la loi impose qu'elle fasse également la preuve du préjudice sérieux que ces retards lui occasionnent.
- Elle mentionne que le loyer a été payé en retard à 12 reprises au cours des 12 derniers mois.
- Ces défauts de la locataire étant réguliers et continuels, la fréquence de ces retards remplit les critères de l'article 1971 C.c.Q.
- Le mandataire de la locatrice invoque les problèmes de gestion occasionnés par les retards.
- Son mandataire œuvrant dans l'immeuble a dû contacter la locataire à plusieurs reprises et se présenter au logement à six reprises et a envoyé des avis de retard par courriels, dont deux avant l’introduction de la demande et trois en décembre et janvier.
- Il s’agit de messages dont le texte est un copier-coller à l’exception du montant réclamé.
- Quant aux avis envoyés après l’introduction de la demande, le Tribunal conclu qu’il s’agit de démarches faites dans le but de bonifier la preuve de préjudice de la locatrice relativement à la présente demande.
- Mis à part les problèmes administratifs occasionnés, la locatrice n'a pu, par contre, détailler d'autres conséquences.
- Quant au préjudice sérieux allégué, celui-ci doit être évalué à l’aune des critères développés par la jurisprudence, notamment, dans l’affaire Allaire c. Boudreau[1] la Cour du Québec précise :
« [54] Pour pouvoir obtenir la résiliation du bail en raison des retards dans le paiement du loyer, les Intimés devaient prouver trois éléments qui sont cumulatifs : 1) que les retards étaient fréquents, 2) qu’ils en ont subi un préjudice et 3) que le préjudice subi était sérieux.
[55] La preuve ne fait aucun doute ici. Les retards de l’Appelante étaient plus que fréquents. Ils sont devenus la norme pour cette dernière, sa façon de faire à elle, sans égard à ses obligations contractuelles.
[56] Par ailleurs, de la preuve présentée par les Intimés, le Tribunal conclut qu’ils ont non seulement subi un préjudice de cette situation, mais aussi que ce préjudice est sérieux.
[57] La jurisprudence enseigne que le préjudice sérieux dont il est question ne se limite pas à une perte ou une menace pécuniaire. D’ailleurs, dans le contexte de l’application possible de l’article 1971 C.c.Q., le fait de payer les arrérages de loyer en tout temps avant jugement n’est pas pertinent [19]. Il faut mais il suffit que les retards soient fréquents et que la situation cause un préjudice sérieux au locateur.
[58] Le préjudice sérieux dont il est question peut être d’une nature autre que pécuniaire [20] :
• alourdissement anormal de la gestion de l'immeuble, multiplicité des démarches auprès du locataire ou du tribunal pour percevoir les loyers ou coûts supplémentaires [21] ;
• soucis et tracas causés par l’entêtement du locataire à retenir son loyer, temps et énergie consacrés pour les vacations devant la Régie du logement, notes comptables et suivi des démarches effectuées [22] ;
• démarches constantes et multipliées pour se faire payer, demandes répétées à la Régie du logement afin d'obtenir le paiement du loyer, gestion de trois décisions de la Régie du logement [23] ;
• nombreux avis envoyés au locataire pour lui rappeler ses retards, remise du dossier à ses avocats pour récupérer le loyer dû et frais ainsi engagés [24] ;
• multiplication des démarches pour obtenir les loyers dus et paiement de frais bancaires pour de nombreux chèques retournés [25] ;
• impossibilité de disposer des sommes dues, procédures de recouvrement et pertes d’intérêts sur l’argent non reçu [26] ; »
- En employant le terme sérieux, le législateur a imposé une preuve exigeante à la locatrice.
- La perception tardive d'un loyer crée en soi un préjudice.
- Pour justifier la résiliation d'un bail, il faut donc que ce préjudice soit plus grand que les simples inconvénients occasionnés par tout retard.
- Cette preuve ne peut donc uniquement se fonder sur une simple allégation.
- Le préjudice peut être prouvé par une preuve documentaire, le cas échéant, et il doit être fondé sur des faits objectifs et précis.
- Dans les circonstances, le Tribunal conclut que la preuve soumise par la locatrice est insuffisante pour démontrer, par prépondérance de preuve, que les retards de la locataire lui ont causé un préjudice pouvant être qualifié de sérieux.
- Ce motif de résiliation de bail est par conséquent rejeté.
- Le Tribunal rappelle par contre à la locataire son obligation légale de payer son loyer le premier de chaque mois en vertu de l’article 1903 C.c.Q.
- Advenant d'autres défauts, la locatrice pourra réclamer à nouveau la résiliation du bail pour retards fréquents et, cette fois, faire la preuve du préjudice sérieux lui étant occasionné.
- L'exécution provisoire de la présente décision est justifiée aux termes de l'article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
- ACCUEILLE en partie la demande;
- RÉSILIE le bail et ORDONNE l’expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement;
- ORDONNE l’exécution provisoire, malgré l'appel, de l'ordonnance d'expulsion à compter du 11e jour de sa date;
- CONDAMNE la locataire à payer une somme de 4 260 $ à la locatrice, plus les intérêts et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q., sur la somme de 2 580 $ depuis le 2 décembre 2024 et sur le solde à compter de l’échéance de chaque loyer, et 116,25 $ à titre de frais de justice;
- REJETTE la demande pour le surplus.
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| Anaïs Gagné |
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Présence(s) : | le mandataire de la locatrice |
Date de l’audience : | 20 février 2025 |
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