Suljic c. Therrien | 2023 QCTAL 12532 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Saint-Jérôme | ||||||
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Nos dossiers : | 646491 28 20220803 A 681946 28 20230216 G | Nos demandes : | 3627583 3804562 | |||
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Date : | 20 avril 2023 | |||||
Devant la juge administrative : | Louise Fortin | |||||
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Dana Suljic
Jean-François Racine Foster |
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Locataires - Partie demanderesse (646491 28 20220803 A) Partie défenderesse (681946 28 20230216 G) | ||||||
c. | ||||||
Isabelle Therrien |
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Locatrice - Partie défenderesse (646491 28 20220803 A) Partie demanderesse (681946 28 20230216 G) | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] Les locataires ont introduit leur demande le 3 août 2022, et produit un amendement le 8 février 2023, lequel modifie leur demande comme suit :
- AUTORISER que la preuve versée au dossier 583994 28 2021 17, demande numéro 3321463 soit versée dans le présent dossier;
- CONDAMNER la locatrice à payer aux locataires à titre de dommages et intérêts moraux la somme de 3 000 $;
- CONDAMNER la locatrice à payer aux locataires la somme de 5 000 $ à titre de dommages punitifs;
- CONDAMNER la locatrice à payer aux locataires la somme de 1 935,70 $ pour les erreurs d'électricité et/ou les compteurs croisés et/ou pour le panneau électrique avec de mauvais branchements, somme qui sera à parfaire à l'audition;
- ORDONNER l'exécution provisoire immédiate de la présente décision, nonobstant appel;
- CONDAMNER la locatrice à payer les frais judiciaires et de poste recommandée (12,44 $ X 2) et l'intérêt légal et l'indemnité additionnelle sur toute somme due aux locataires à compter du 23 décembre 2021;
- PRONONCER la résiliation du bail à compter du 15 janvier 2023 et LIBÉRER les locataires de tout paiement de loyer après cette date;
- CONDAMNER la locatrice au paiement des frais de notification du présent amendement des frais d’huissier pour la signification de citations à comparaitre et de toutes sommes à parfaire au jour de l'audience;
- RÉSERVER les droits des locataires pour toute réclamation de dommages qui sera évaluée à la suite de l'abandon du logement.
[2] La locatrice de son côté a introduit son recours le 16 février 2023 et demande une somme de 1 815 $ à titre de recouvrement de loyer et une somme de 3 260,58 $ à titre de dommages intérêts[1].
[3] Ces deux dossiers ont été réunis pour preuve commune, conformément à l'article 57 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.
[4] Le 10 décembre 2021, la soussignée rendait une décision dans le dossier 583994 impliquant les parties et dont les conclusions sont les suivantes :
« POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[40] ORDONNE à la locatrice d'effectuer les travaux ci-après mentionnés, dans les 30 jours de la présente décision :
- Réparer le chauffage de la chambre principale
- Réparer les rampes du balcon
- Installer un ventilateur dans la salle de bain
- Vérifier la présence de moisissures dans les matériaux du logement et procéder à la décontamination, le cas échéant
- Réparer les murs et les repeindre
- Nettoyer et réparer le hall d'entrée ainsi que la cage d'escalier
- Terminer et régulariser l'installation du réservoir d'eau chaude »
[41] DIMINUE le loyer de 12% par mois à compter du 14 mai 2021, jusqu'à ce que la locatrice ait exécuté les obligations prévues à la présente ordonnance;
[42] CONDAMNE la locatrice à payer aux locataires la somme de 1 500 $, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 17 août 2018, plus les frais de justice de 102 $.
[43] REJETTE la demande quant au surplus. »
Contexte et preuve
[5] Les parties sont liées par un bail reconduit du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023 au loyer mensuel de 825 $ par mois (réduit à 726 $ par mois depuis la décision du 10 décembre 2021).
[6] Le logement en cause compte trois pièces et demie.
[7] Les locataires ont quitté le logement le 15 janvier 2023 et transmis un avis d’abandon à la locatrice, lequel a été reçu le 12 janvier 2023.Celui-ci fait état de ce qui suit :
« Je vous avise que le logement est impropre à l'habitation parce que:
Infiltration d'eau, moisissure, problème de ventilation, d'électricité, réservoir d'eau chaude, plomberie, stress, anxiété, santé. Travaux mal exécutés à refaire plusieurs visites de l'urbanisme et avis d'infraction émis et service d'incendie. Le locateur ne se conforme pas au jugement rendu. Mise en demeure envoyée ignoré par le locateur malgré demande urgente adressé. »
Reproduit tel quel
[8] Les locataires soumettent qu’à la suite de la décision rendue le 10 décembre 2021, la locatrice n’a pas respecté ses obligations et n’a pas procédé aux travaux requis.
[9] Ils déposent des photographies du logement prises entre avril 2022 et le 15 janvier 2023. Notamment, on voit les tuiles soulevées et manquantes du hall d’entrée, ainsi que de la saleté, le mauvais état de l’escalier intérieur en colimaçon et l’état de dégradation des murs et plafonds du logement.
[10] Le 26 mai 2022, ils transmettaient la mise en demeure suivante à la locatrice, laquelle a été reçue le 1er juin 2022. Il convient de reproduire cette lettre qui résume bien leur témoignage et leur demande :
« SUJET : Mise en demeure pour travaux non complétés, infiltration d’eau et H-Québec
Madame Therrien,
Le 10 décembre 2021, le Tribunal administratif du logement a rendu un jugement vous ordonnant notamment d’exécuter des travaux dans un délai de 30 jours.
Le 23 décembre 2021, une lettre vous a été envoyée par courrier recommandé qui joignait une copie du jugement et relatait les sommes à payer ainsi que certains problèmes avec les compteurs électriques et les réservoirs d’eau chaude.
Depuis le 23 décembre 2021, malgré l’ordonnance, aucun travail n’a été fait et des infiltrations d’eau subsistent dans notre appartement. L’homme de maintenance Charles Turennes a bloqué nos appels, M. Karim Baraké ne répond à aucun de nos appels et s’il répond, le ton utilisé est agressif et irrespectueux.
À ce jour, les travaux non-exécutés sont :
En plus, des travaux déjà exécutés par vous ont cédés et/ou ont provoqués d’autres anomalies. Des infiltrations d’eau se produisent de façon répétée dans notre chambre à coucher qui nécessitent que des récipients soient vidés pendant la nuit causant beaucoup d’anxiété et de fatigue. Aussi, l’escalier intérieure en colimaçon nécessite qu’elle soit resolidifiée à plusieurs endroits pour assurer notre sécurité.
Tel qu’indiqué dans notre lettre du 23 décembre 2021, nous constatons qu’à la lecture des factures d’Hydro-Québec depuis juillet 2020, des erreurs de branchement emportent des lectures et des coûts inappropriés pour un logement 3½. Regardons l’historique de consommation depuis notre arrivée en juillet 2020 :
Historique de la consommation
- Du 23 juillet 2020 au 21 septembre 2020 (61 jours) : 118,68 $
- Du 20 novembre 2020 au 21 janvier 2021 (63 jours : 169,39 $
- Du 22 janvier 2021 au 23 mars 2021 (61 jours) : 152,86 $
- Du 23 juillet 2021 au 22 septembre 2021 (62 jours) : 98,60 $
- Du 20 novembre 2021 au 21 janvier 2022 (63 jours) : 577,21 $
- Rattrapage du 23 mars 2021 au 19 novembre 2021 (302 jours) : 552,96 $
- Du 22 janvier 2022 au 21 mars 2022 (59 jours) : 529,89 $
- Du 22 mars 2022 au 21 mai 2022 (60 jours) : 275,64 $
Vous n’êtes pas sans savoir que ces modifications à notre facture d’Hydro-Québec surviennent à la suite du jugement intervenu en avril 2021 dans le dossier d’une autre locataire de l’immeuble (Nathalie Paquette). Le problème avec les compteurs d’électricité n’a été que déplacé vers notre compte afin de satisfaire au jugement.
En additionnant les 4 factures du 23 juillet 2020 au 22 septembre 2021, le total est de 529,53 $ pour 247 jours ce qui représente de 66,45 $/mois. Nous pouvons facilement voir qu’à compter du 20 novembre 2021, les montants réclamés (total de 1935,70 $) sont disproportionnés et injustifiés pour un appartement de 3 pièces et demie. Bien que ce problème fût souligné dans notre lettre du 23 décembre 2021, rien n’a été fait. Par conséquent, nous vous réclamons la somme de 1 935,70 $ en remboursement des frais d’Hydro-Québec déjà payés afin que nous évitions une interruption de services dans notre logement.
En tant que propriétaire-locateur, vous êtes tenu de délivrer le logement en bon état de réparation et de procurer au locataire la jouissance paisible pendant toute la durée du bail.
De plus, vous êtes tenu de vous conformer à toute ordonnance de cour rendue à votre endroit.
Étant donné les travaux non complétés ainsi que la perte de jouissance des lieux, la loi permet au locataire de demander la résiliation du bail ou la diminution du loyer, de réclamer des dommages-intérêts et de faire exécuter les travaux.
Par conséquent, vous êtes par la présente formellement mise en demeure, dans un délai de 10 jours de la réception des présentes (1) d’entreprendre TOUTES les démarches pour effectuer l’ensemble des travaux requis, (2) de rembourser les locataires pour les frais d’Hydro-Québec déjà payés de 1 935,70 $ et (3) d’indemniser les locataires, à titre de perte de jouissance des lieux et dommages-intérêts, la somme de 5 000,00 $.
À défaut de résoudre les travaux et de payer la somme de 6 935,70 $ dans les dix (10) jours de la réception des présentes, les démarches suivantes seront entreprises :
Prenez note également que nous envisageons de quitter le logement étant donné les défectuosités, l’état de détérioration substantielle et de danger pour notre sécurité et de santé. Ainsi, la différence de prix payé pour un autre logement vous sera réclamée.
En terminant, toutes les sommes réclamées seront à parfaire au fil des mois et des évènements et nous demanderons une condamnation pour dommages punitifs vu vos comportements et négligence répétée ainsi que l’ajout des intérêts et de l’indemnité additionnelle prévus par la loi.
VEUILLEZ AGIR EN CONSÉQUENCE, sans autre avis ni délai. »
Reproduit tel quel
[11] Au soutien de leurs preuves, les locataires produisent également des vidéos qui montrent que du 16 mai 2022 jusqu'en juillet 2022, ils ont subi plusieurs infiltrations d'eau dans leur logement, plus particulièrement dans leur chambre, le passage et le sous-sol.
[12] Ils ont dû dormir dans le salon pendant des mois, alors que l’air dans leur chambre était irrespirable et que c’était très humide. Ils toussaient constamment et avaient des écoulements nasaux.
[13] Inquiets de la qualité de l'air ambiant dans leur logement, ils ont mandaté Guylaine Tardif, microbiologiste, laquelle a produit un rapport en date du 22 septembre 2022, lequel conclut :
« A la suite de l'analyse des résultats d'échantillonnage d'air ambiant et des surfaces prélevées par Gabriel Paradis au [...] à Saint Jérôme (appartement 1), nous pouvons conclure que l'air et la surface échantillonnés dans la chambre de cette résidence est dite contaminée car les taux de moisissures se retrouvent au-dessus du niveau extérieur (Voir tableau I, en jaune). Une décontamination devra être effectuée en employant les mesures nécessaires pour éviter la dispersion des spores vers les pièces non contaminées. Dans un but préventif, un suivi du taux d'humidité devra être instauré afin de maintenir entre 30 et 50 % avec un système de ventilation et/ou un déshumidificateur. »
Reproduit tel quel
[14] En raison de tous ces problèmes et de l’inaction de la locatrice, ils ont vécu beaucoup de stress, ce qui a affecté leur couple, le locataire a fait une dépression et a dû prendre des médicaments.
[15] Pendant des semaines, ils ont dû demeurer au logement afin de vider les bacs d’eau qui se remplissaient rapidement.
[16] Suivant leur mise en demeure, ils réclament la somme de 1 973,70 $ pour les frais d’électricité payés en trop, une somme de 3 000 $ à titre de dommages moraux, une somme de 5 000 $ à titre de dommages punitifs en raison de l’inaction de la locatrice à intervenir et à compléter les travaux, ainsi que les frais de courriers recommandés et les frais de justice.
[17] Ils demandent également la résiliation du bail à compter du 15 janvier 2023.
[18] Aminata Ba est technicienne en information, permis et inspections pour la Ville de St-Jérôme. Sa dernière visite au logement remontre au 29 juin 2022. Son rapport fait état de ce qui suit:
« J'ai visité l'appartement 1 au [...] qui est mauvaise état. Il y a de l'infiltration d'eau, de l'humidité et des odeurs.
Monsieur Racine Foster a installé des barils dans l'appartement pour recueillir l'eau qui provient du toit.
Dans l'appartement 2 du 150 des traces d'infiltration d'eau au plafond;
De l'infiltration d'eau, de l'humidité et des odeurs sont dans la cave;
L’escalier et la galerie arrière sont dangereux,
Les escaliers intérieurs sont en décrépitude et manque d'entretien;
De l'humidité, mauvaise odeur, des trous dans les plafonds sont également présents dans les corridors.
Reproduit tel quel
[19] Par la suite, deux constats d’infraction pour insalubrité et réparations ont été transmis, dit-elle, à la locatrice en date du 4 octobre 2022. Le 6 février 2023, le dossier a été référé à la Cour municipale.
[20] Karim Baraké est le conjoint de la locatrice et s’occupe de la gestion de ses immeubles.
[21] Contrairement aux prétentions des locataires, il allègue que les travaux requis dans la décision du 10 décembre 2021 ont tous été effectués par Charles Turenne, entrepreneur en construction, à l’exception de la ventilation de la salle de bain qui est impossible d’installer, compte tenu de l’âge et de la configuration du bâtiment.
[22] Il explique qu’en 2021, il a fait refaire la toiture de l’immeuble dont le toit est plat. Malgré le fait que la toiture était neuve, il est vrai qu’il y a eu un problème d’infiltration d’eau à l’été 2022. Afin de solutionner le problème, il a dû mandater plusieurs spécialistes, alors qu’il s’est finalement avéré que le drain intérieur du toit était bouché.
[23] Après avoir solutionné le problème, soit à la fin du mois de juin 2022, Charles Turenne a mandaté, dit-il, un de ses employé pour réparer les murs et plafonds du logement des locataires affectés par les infiltrations d’eau. Toutefois, le locataire a refusé la personne en question, exigeant des cartes de compétence.
[24] Pour ce qui est de l’eau chaude, il indique que, depuis un an, ces frais sont à la charge de la locatrice.
[25] Il soutient que les locataires n’étaient pas justifiés de quitter le logement. À cet égard, le locataire lui aurait mentionné qu’il avait trouvé un logement moins cher.
[26] Le 3 février 2023, après avoir remis le logement en état, il a offert au locataire de revenir, mais celui-ci n’a pas répondu.
[27] Il a reloué le logement pour le 1er mars 2023.
[28] Il réclame donc un solde de 363 $ pour le loyer de janvier 2023 et le loyer de février 2023 (726 $) à titre d’indemnité de relocation.
[29] Il réclame également la somme de 3 260,58 $ pour désencombrer le logement, le nettoyer, réparer les murs et plafonds et les repeindre, travaux confiés à Charles Turenne construction Inc., tel qu’il appert de la facture du 21 janvier 2023.
[30] Charles Turenne témoigne à son tour et explique qu’il a effectué les travaux décrits à la décision du 10 décembre 2021, à l’exception de la ventilation de la salle de bain, travaux qui étaient impossibles à réaliser.
[31] En ce qui concerne l’employé qui s’est présenté chez les locataires après la réparation de la toiture, il ne peut dire de qui il s’agit.
[32] Il explique également que c’est lui qui a effectué les travaux et disposé des biens qui étaient demeurés dans le logement après le départ des locataires.
[33] En réponse, les locataires nient catégoriquement avoir refusé de donner accès à la locatrice ou ses représentants pour faire des travaux dans leur logement.
[34] De plus, ils n’ont pas, disent-ils, quitté le logement pour réduire le prix du loyer, alors que le loyer qu’ils payent présentement est de 1 300 $ par mois.
[35] C'est ainsi que se résume l'essentiel de la preuve.
Analyse
[36] Les locataires fondent leur demande sur l'application de l'article 1915 du Code civil du Québec qui prévoit ce qui suit :
« 1915. Le locataire peut abandonner son logement s'il devient impropre à l'habitation. Il est alors tenu d'aviser le locateur de l'état du logement, avant l'abandon ou dans les dix jours qui suivent.
Le locataire qui donne cet avis est dispensé de payer le loyer pour la période pendant laquelle le logement est impropre à l'habitation, à moins que l'état du logement ne résulte de sa faute ».
[37] Cette disposition permet au locataire d'abandonner son logement s'il devient impropre à l'habitation. Le locataire est alors dispensé de payer le loyer pour la période durant laquelle le logement est impropre à l'habitation.
[38] L'article 1913 C.c.Q. précise que le logement est impropre à l'habitation lorsque son état constitue une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité des occupants ou du public. Il peut également être déclaré comme tel par un tribunal ou autre autorité compétente.
[39] D'autre part, l'analyse de la jurisprudence nous enseigne qu'il faut retenir des critères objectifs pour établir le caractère impropre du logement.
[40] Dans l'affaire Gestion immobilière Dion[2], le juge Jean-Guy Blanchette écrit :
« (...) pour évaluer si l'impropreté d'un logement à habitation constitue une menace sérieuse pour la santé, la Cour doit procéder à ladite évaluation d'une façon objective et se demander si une personne ordinaire peut vivre objectivement dans les conditions exposées lors de l'audition. Ce ne sont pas les appréhensions subjectives ni l'état psychologique du locataire ou des occupants qui doivent prévaloir mais bien la situation ou l'état des lieux compris et analysé objectivement lors de la prise de décision du déguerpissement (...) ».
[41] De plus, dans l'affaire Hajjar c. Hébert[3], le Tribunal a établi les éléments que le locataire doit démontrer :
«1) les problèmes reliés à la chose louée ou dans l'immeuble en général;
2) la dénonciation de leurs plaintes au locateur;
3) l'inaction du locateur à exécuter ses obligations légales;
4) leur départ est justifié, car le logement était impropre à l'habitation au sens de l'article 1913 du Code civil du Québec et si la santé des occupants est en jeu, une preuve médicale est requise;
5) la relation de cause à effets entre l'état du logement et les dommages réclamés. »
[42] Ainsi, le Tribunal est d'avis que les locataires n'ont pas fait la preuve que le logement constituait une menace sérieuse pour leur santé. Le Tribunal ne peut donc conclure que le logement était impropre à l'habitation, au sens de l'article 1913 C.c.Q. donnant ouverture à l'abandon du logement.
[43] Toutefois, les articles 1854 et 1864 du Code civil du Québec prévoient :
« 1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail.
Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l'usage pour lequel il est loué, et de l'entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail. »
« 1864. Le locateur est tenu, au cours du bail, de faire toutes les réparations nécessaires au bien loué, à l'exception des menues réparations d'entretien; celles-ci sont à la charge du locataire, à moins qu'elles ne résultent de la vétusté du bien ou d'une force majeure. »
[44] Ces dispositions imposent au locateur des obligations de « résultat ». Le deuxième alinéa de l'article 1854, lui, impose une obligation de « garantie » qui est encore plus étendue.
[45] Également, tout manquement du locateur aux obligations découlant du bail peut donner lieu à la diminution du loyer ou à la résiliation lorsque le locataire en subit un préjudice sérieux, conformément à l'article 1863 du Code civil du Québec, lequel stipule :
« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir. »
[46] Pour conclure à la résiliation du bail en vertu de cette disposition, la preuve doit démontrer que l'inexécution des obligations de la locatrice a causé un préjudice sérieux aux locataires.
[47] Or, la preuve démontre que les locataires ont adressé de nombreuses demandes à la locatrice pour qu'elle exécute ses obligations.
[48] La locatrice est loin d’avoir convaincu le Tribunal qu’elle avait mandaté quelqu’un pour effectuer les travaux dans le logement des locataires à la suite des infiltrations d’eau.
[49] À cet égard, le témoigne de l’entrepreneur Charles Turenne est loin d’être probant et convaincant, alors qu’il n’a pas été en mesure de dire le nom de l’employé à qui les locataires auraient refusé l’accès.
[50] De plus, les photographies et vidéos produites par les locataires démontrent le mauvais état du logement et l’absence de réparations.
[51] À cela s’ajoute le témoignage de madame BA qui a constaté l’état des lieux le 29 juin 2022 et recommandé l’envoi d’avis d’infraction en octobre 2022, rien n’ayant été fait.
[52] Ainsi, le Tribunal est d'avis que les locataires ont démontré que la locatrice n'avait pas rempli ses obligations et que les manquements de la locatrice leur a causé un préjudice sérieux justifiant la résiliation du bail au 15 janvier 2023.
[53] Par conséquent, les demandes de recouvrement de loyer pour janvier 2023 et l’indemnité de relocation pour février sont rejetées.
[54] Quant aux dommages matériels de 3 260,58 $ réclamés par la locatrice, il appert de la facture de Charles Turenne Construction Inc. et de son témoignage qu’une partie des travaux consistait à réparer les murs et plafonds et à repeindre le logement, travaux qui auraient dû être exécutés suite aux infiltrations d’eau survenues dans le logement, et ce, bien avant le départ des locataires. Ces dépenses étaient de la responsabilité de la locatrice et sont donc rejetées.
[55] Le Tribunal accorde cependant à la locatrice la somme de 200 $ pour le retrait des biens meubles abandonnés dans le logement.
[56] En ce qui concerne les demandes des locataires, le Tribunal est d’avis que la preuve justifie l’octroi de dommages moraux et accorde la somme de 1 500 $.
[57] Quant aux dommages punitifs, l'article 1621 du Code civil du Québec prévoit que de tels dommages peuvent être accordés dans les cas où la loi le permet, ce qui est le cas, notamment des articles 1899, 1902 et 1968 du Code civil du Québec et des droits protégés par la Charte des droits et libertés de la personne, aux articles 2 à 10.
[58] Toutefois, rien dans le présent dossier ne justifie l'attribution de tels dommages, le recours ne reposant sur aucune base légale.
[59] En ce qui concerne les frais d’électricité réclamés, la preuve est insuffisante pour conclure à la responsabilité de la locatrice, de sorte que cette partie de la demande est rejetée.
[60] Il en est de même des frais de poste recommandée et de notification des citations à comparaitre, lesquels constituent des dommages indirects.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[61] CONSTATE la résiliation du bail aux tort de la locatrice à compter du 15 janvier 2023;
[62] CONDAMNE la locatrice à payer aux locataires la somme de 1 500 $, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 3 août 2022 et les frais de justice de 89,75 $;
[63] CONDAMNE les locataires à payer à la locatrice la somme de 200 $;
[64] REJETTE les demandes quant au surplus.
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Louise Fortin | ||
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Présence(s) : | les locataires la locatrice | ||
Date de l’audience : | 1er mars 2023 | ||
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[1] Le Tribunal note que la locatrice ne réclame pas, dans sa demande, les intérêts, l'indemnité additionnelle prévue au Code civil du Québec et les frais.
[2] J.E. 91-345.
[3] Hajjar c. Hébert, [1999], J. L. 316.
AVIS :
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