Décision

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Choucair c. Garfield

2022 QCTAL 8509

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

604849 31 20220105 G

No demande :

3429206

 

 

Date :

25 mars 2022

Devant la juge administrative :

Pascale McLean

 

Charles Choucair

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Tiana Lee Garfield

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le locateur demande la résiliation du bail et le recouvrement de tous les loyers dus au moment de l'audience. Comme deuxième motif de résiliation, il invoque que la locataire paie fréquemment son loyer en retard. L'expulsion du logement, l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel et les frais sont également demandés.

[2]         Les parties sont liées par un bail du 1er septembre 2021 au 31 août 2022, au loyer mensuel de 900 $.

[3]         Il a été établi que la locataire n’a pas payé les mois de novembre et décembre 2021. Comme elle a donné une avance de 900 $ à la signature du bail, cette somme sera appliquée sur le loyer du mois de novembre 2021. Il est donc établi que la locataire doit 900 $ pour le mois de décembre 2021.

[4]         Présente à l'audition, la locataire admet ne pas avoir payé le loyer. Elle prétend que le locateur est en défaut d'exécuter ses obligations.

[5]         Elle témoigne de punaises de lit dans son logement, ce qui justifie le non-paiement du loyer, selon elle.

[6]         Or, tel que rappelé par la juge administrative Francine Jodoin dans l'affaire Gougeaon-Morisset Inc. c. Pelletier[1] :

« [23] La jurisprudence bien établie ne reconnaît pas à une partie le droit unilatéral de se faire justice à elle-même et de retenir le loyer pour forcer une autre partie à exécuter ses propres obligations ou pour se compenser des inconvénients subis (2). Il n'appartient pas au locataire de décider de l'octroi de cette compensation ni de son montant.

[24] Le fait d'introduire un recours ne valide pas cette rétention du loyer et permettre la réunion des demandes n'est pas dans l'intérêt d'une saine administration de la justice puisqu'elle provoque une remise sur l'audience du dossier qui fait l'objet de la mise au rôle et en retarde le traitement.


[25] Rappelons que même en considérant la défense d'inexécution prévue à l'article 1591 du Code civil du Québec laquelle ne s'applique que dans les cas d'inexécution substantielle, celle-ci n'a pas pour effet d'éteindre l'obligation du locataire, elle ne fait qu'en suspendre son exécution jusqu'à l'accomplissement de l'obligation corrélative du locateur (3). Cette défense ne peut servir de compensation judiciaire.

[26] D'ailleurs, dans un jugement de la Cour du Québec(4), siégeant en appel sur une décision du Tribunal de la Régie du logement en résiliation de bail et recouvrement de loyer, le Tribunal énonce ce qui suit :

« [12] Le non-paiement du loyer par un locataire est un motif qui, à lui seul, peut commander la résiliation d'un bail et l'éviction du locataire. Si une situation particulière survient qui porte un locataire à croire qu'il est justifié de retenir le paiement du loyer dû ou le subroger à certaines conditions, il doit s'adresser à la Régie du logement pour être autorisé à agir ainsi, et ce, avant d'agir et non après le fait. » »

[Références omises]

[7]         Par conséquent, la défense de la locataire ne peut être admise.

[8]         La demande du locateur en recouvrement de loyer est donc bien fondée en faits et en droit.

[9]         La locataire est en retard de plus de trois semaines dans le paiement de son loyer, ce premier motif de résiliation de bail est donc justifié.

[10]     Le bail ne sera toutefois pas résilié si le loyer dû, les intérêts et les frais judiciaires sont payés avant la date du présent jugement, conformément aux dispositions de l’article 1883 du Code civil du Québec.

[11]     Quant au deuxième motif de résiliation, le locateur invoque les retards fréquents de la locataire à payer son loyer. Pour obtenir cette conclusion, la loi impose qu'il fasse également la preuve du préjudice sérieux que ces retards lui occasionnent. La preuve établit que le loyer a été payé en retard à 5 reprises au cours des 7 derniers mois.

[12]     Ces défauts de la locataire étant réguliers et continuels, la fréquence de ces retards rencontre les critères de l'article 1971 C.c.Q.

[13]     Le locateur invoque, à titre de préjudice sérieux, les problèmes de gestion occasionnés par les retards, de même que le paiement de l’hypothèque et des autres charges financières de l’immeuble.

[14]     En employant le terme sérieux, le législateur a imposé une preuve exigeante au locateur. La perception tardive d'un loyer crée en soi un préjudice. Pour justifier la résiliation d'un bail, il faut donc que ce préjudice soit plus grand que les simples inconvénients occasionnés par tout retard. Cette preuve ne peut donc uniquement se fonder sur une simple allégation. Le préjudice peut être prouvé par une preuve documentaire, le cas échéant, et il doit être fondé sur des faits objectifs et précis. Dans les circonstances, le Tribunal conclut que la preuve soumise par le locateur est insuffisante pour démontrer, par prépondérance de preuve, que les retards de la locataire lui ont causé un préjudice pouvant être qualifié de sérieux. Ce motif de résiliation de bail est par conséquent rejeté.

[15]     L'exécution provisoire de la présente décision n’est pas justifiée aux termes de l'article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[16]     RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement;

[17]     CONDAMNE la locataire à payer au locateur la somme de 900 $, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 5 janvier 2022, plus les frais judiciaires de 80 $ et de notification, prévus au Tarif, de 23 $;


[18]     REJETTE la demande quant au surplus.

 

 

 

 

 

 

 

 

Pascale McLean

 

Présence(s) :

le mandataire du locateur

la locataire

Date de l’audience : 

18 mars 2022

 

 

 


 


[1] Gougeaon-Morisset Inc. c. Pelletier, 2020 QCRDL 14849.

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Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.