Décision

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ArcelorMittal Canada inc. c. R.

2023 QCCA 1564

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-10-007700-212

(500-73-004529-174) (500-73-004530-172)

 

DATE :

 14 décembre 2023

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A.

LORI RENÉE WEITZMAN, J.C.A.

 

 

ARCELORMITTAL CANADA INC.

7623704 CANADA INC.

APPELANTES – accusées

c.

 

SA MAJESTÉ LE ROI

INTIMÉ – poursuivant

 

 

ARRÊT

 

 

[1]                Les appelantes portent en appel un jugement rendu le 15 octobre 2021 par l’honorable Julie Riendeau de la Cour du Québec, district de Montréal, qui les a déclarées coupables de plusieurs infractions à la Loi sur les pêches.

[2]                Elles se pourvoient également contre un jugement rendu le 19 février 2020, qui a accueilli en partie leur requête en exclusion de la preuve découlant d’une perquisition.

[3]                Pour les motifs de la juge Lavallée, auxquels souscrivent les juges Morissette et Weitzman, LA COUR :

[4]                ACCUEILLE la requête en autorisation d’appel sur des questions mixtes de fait et de droit;

[5]                REJETTE l’appel, avec les frais de justice.

 

 

 

 

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

 

 

 

 

 

SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A.

 

 

 

 

 

LORI RENÉE WEITZMAN, J.C.A.

 

Me François Fontaine

Me Virginie Blanchette-Séguin

NORTON ROSE FULBRIGHT CANADA

Pour les appelantes

 

Me Donald Barnabé

Me Isabelle Desrosiers

SERVICE DES POURSUITES PÉNALES DU CANADA

Pour l’intimé

 

Date d’audience :

24 octobre 2023

 



 

 

MOTIFS DE LA JUGE LAVALLÉE

 

 

[6]                Les appelantes se pourvoient contre un jugement[1] de la Cour du Québec qui les a déclarées coupables de plusieurs infractions à la Loi sur les pêches[2]. Elles en appellent également d’un jugement ayant accueilli partiellement leur requête en exclusion de la preuve découlant d’une perquisition[3].

Contexte

[7]                Ce pourvoi met en lumière le rôle central que jouent les obligations d’autodéclaration dans le régime pénal de la Loi sur les pêches, pièce législative qui fut longtemps le principal outil d'intervention du gouvernement fédéral en matière environnementale[4].

[8]                À l’instar de plusieurs affaires judiciaires environnementales, le présent litige tire son origine de rejets, dans un milieu récepteur, de substances dont la concentration dépasse des normes réglementaires.

[9]                En l’espèce, ces substances nocives sont des matières en suspension (« MES ») qui ont été déversées à l’extérieur de la mine, à partir de points de rejets considérés comme « finaux » par le régime de la Loi sur les pêches qui interdit ce type de rejets dans des eaux fréquentées par des poissons ou en tout autre lieu, peu importe les conditions où le rejet risque de pénétrer dans ces eaux.

[10]           Les appelantes, qui sont des associées dans la société en nom collectif ArcelorMittal Exploitation Minière Canada, exploitent une mine de fer à Fermont. Elles ont été accusées d’infractions à la Loi sur les pêches[5], plus précisément de 100 chefs d’accusation pour avoir 1) rejeté ou permis le rejet de MES[6] excédant la limite permise dans des eaux où vivent des poissons ou en quelque autre lieu où il existait un risque que cette substance pénètre dans de telles eaux, en un rejet instantané ou sur une base mensuelle, 2) fait des déclarations fausses ou trompeuses dans des rapports trimestriels, 3) omis d’effectuer certains tests imposés par règlement lors de rejets irréguliers, et finalement 4) produit en retard certains rapports trimestriels.

[11]           Ces accusations ont respectivement été portées sur le fondement des articles 36(3) et 63(1) de la Loi sur les pêches et des articles 14(1)b), 17(1) et 21(1) du Règlement sur les effluents des mines de métaux[7] (« REMM »).

[12]           La Cour du Québec a déclaré les appelantes coupables de 93 chefs d’accusation, et les a condamnées à une amende de 15 millions de dollars pour l’ensemble de ces infractions[8].

[13]           Elles n’ont présenté aucune défense aux accusations d’avoir produit en retard certains rapports trimestriels, de sorte que leur déclaration de culpabilité à cet égard n’est pas en appel. Les deux chefs d’accusation de déclarations fausses ou trompeuses pour lesquels elles ont été déclarées coupables ne font pas non plus l’objet du présent pourvoi. Rappelons que ces accusations avaient été portées contre les appelantes qui avaient illégalement fait un tri des résultats d’échantillonnage afin de ne transmettre à Environnement Canada que les résultats hebdomadaires ne dépassant pas les concentrations réglementaires.

[14]           Les appelantes demandent à la Cour d’infirmer les autres conclusions du jugement de première instance, soit celles d’avoir rejeté ou permis le rejet de substances nocives dans des eaux où vivent des poissons ou en quelque autre lieu où il existait un risque que ces substances pénètrent dans de telles eaux (en un rejet instantané ou sur une base mensuelle), ainsi que d’avoir omis d’effectuer certains tests exigés par règlement lors de rejets irréguliers. Elles demandent également d’infirmer la conclusion du jugement qui déclare 7623704 Canada inc. coupable des mêmes infractions que ArcelorMittal Canada inc.

[15]           Enfin, tel que mentionné précédemment, elles se pourvoient également contre le jugement de la Cour du Québec qui a rejeté partiellement leur requête en exclusion de la preuve découlant d’une perquisition de documents à la mine[9].

[16]           Une requête en autorisation d’appel a été déférée à la Cour[10]. Il convient de l’accueillir puisque les questions mixtes de fait et de droit qu’elle soulève[11] sont liées aux moyens d’appel dont la Cour est déjà saisie.

Analyse

[17]           Pour l’essentiel, les appelantes font flèche de tout bois, plaidant : 1) que la juge a erré en concluant à la fiabilité des résultats d’analyse qui ont conduit à leur culpabilité; 2) qu’elle aurait dû faire droit à leur défense de diligence raisonnable pour prévenir les rejets aux points finaux HS-1 et MS-2; 3) qu’elle a erré en retenant la responsabilité de 7623704 Canada inc. alors qu’il ne s’agit que d’une société de portefeuille qui n’exerce pas de contrôle sur les activités de la mine; 4) qu’elle s’est méprise dans son interprétation des termes « rejet irrégulier » du REMM, notamment parce que les rejets sont survenus dans le cours normal des opérations de la mine; et 5) qu’elle a erré en rejetant partiellement la requête en exclusion de la preuve.

1. La fiabilité et la force probante des résultats d’analyse pour les rejets instantanés de substances nocives contrevenant à l’article 36(3) de la Loi sur les pêches

[18]           Les appelantes ont été déclarées coupables d’avoir enfreint les paragraphes 36(3) et 36(4) de la Loi sur les pêches, lesquels interdisent le rejet de substances nocives dépassant la concentration maximale de MES permise par l’annexe 4 du REMM.

[19]           Ces rejets ont eu lieu entre le 25 mai 2011 et le 14 mai 2013, aux deux « points de rejet finaux »[12] de la mine, les points HS-1 et MS-2. L’effluent se déversant à HS-1 provenait essentiellement d’installations de traitement des eaux, alors que l’effluent rejeté à MS-2 comprenait des eaux de résurgence et de ruissellement circulant à travers des haldes stériles et des chemins présents sur le territoire de la mine. En résumé, il s’agit de points à partir desquels la mine déverse ses effluents dans des eaux fréquentées par des poissons ou en tout autre lieu, peu importe les conditions où le rejet risque de pénétrer dans ces eaux.

[20]           Dans leur premier moyen d’appel, les appelantes soutiennent que la juge a erré en estimant que les résultats d’analyse aux deux points finaux de la mine étaient fiables. Elles sont d’avis qu’elle a : a) erronément conclu qu’une présomption de validité s’appliquait à l’égard de ces résultats d’analyse; b) fait défaut de tenir compte de certaines « défaillances » qui affectaient ces résultats; c) omis de prendre en compte le calcul mathématique de la marge d’erreur des résultats d’analyse.

[21]           Je suis d’avis qu’aucune de ces prétentions n’est bien fondée. Voici pourquoi.

a)                 La présomption de fiabilité des résultats d’analyse

[22]           Les appelantes affirment que la juge a erré en concluant que les résultats d’analyse des effluents aux points de rejet de la mine pouvaient être utilisés en preuve sans prouver leur « fiabilité ». Elles affirment que la juge a retenu ces résultats en preuve parce qu’elle a appliqué une présomption de fiabilité à leur égard, dans ce passage du jugement :

[82]  Ainsi, non seulement est-il raisonnable que les résultats transmis à EC par les accusées puissent être utilisés en preuve au soutien d’accusations, mais il est tout aussi légitime de les considérer fiables sans autre preuve de la part de la poursuivante. Il en va du fonctionnement du système de surveillance mis en place par la LP et le REMM et de l’atteinte de l’objectif du régime, soit la protection et la conservation de la ressource publique que sont les pêcheries.[13]

[Soulignement ajouté; renvoi omis]

[23]           Ce faisant, les appelantes proposent une lecture erronée de ce paragraphe 82 du jugement. En effet, il faut replacer ce paragraphe du jugement dans le contexte des paragraphes qui le précèdent et le suivent. Il devient alors évident que la juge traite de l’admissibilité et de la valeur probante de ces résultats, sans appliquer une présomption de fiabilité à ces résultats d’analyse :

[79] Un coup d’œil aux dispositions du REMM, dont celles mentionnées ici, convainc que nous sommes sans contredit face à un régime d’autodéclaration, définissant des modalités de surveillance qui reposent sur la bonne foi des assujettis, responsables de déclarer à l’État les informations qui permettent à ce dernier de surveiller leurs activités. 

[80] Dans un tel contexte, il est déraisonnable de penser que seuls les résultats obtenus après ce que les accusées appellent un « échantillonnage légal » puissent être utilisés pour prouver des accusations.

[81] Plus particulièrement en lien avec les analyses de substances nocives, le REMM impose au propriétaire ou exploitant de la mine qui en rejette dans des eaux où vivent des poissons que les essais réalisés satisfassent à des exigences analytiques spécifiques et soient effectués conformément aux normes généralement reconnues régissant les bonnes pratiques scientifiques au moment de l’échantillonnage et selon des méthodes éprouvées et validées.

[82] Ainsi, non seulement est-il raisonnable que les résultats transmis à EC par les accusées puissent être utilisés en preuve au soutien d’accusations, mais il est tout aussi légitime de les considérer fiables sans autre preuve de la part de la poursuivante. Il en va du fonctionnement du système de surveillance mis en place par la LP et le REMM et de l’atteinte de l’objectif du régime, soit la protection et la conservation de la ressource publique que sont les pêcheries.

[83] Conclure autrement serait d’ailleurs incompatible avec l’esprit des lois réglementaires, qui imposent à ceux qui choisissent sciemment de s’adonner à une activité réglementée, de se soumettre à un cadre de responsabilités déterminé.

[84] Cette approche, tout en favorisant l’efficience de la LP, préserve un certain équilibre puisqu’un accusé ayant fait preuve de diligence raisonnable peut être exonéré de toute responsabilité, le régime de responsabilité stricte s’appliquant. Ce moyen de défense est d’ailleurs cristallisé à l’article 78.6 LP.

[85] Un parallèle peut d’ailleurs être fait avec l’affaire Fitzpatrick où des données de journaux de bord qu’un pêcheur est tenu de colliger suivant la LP servent de preuve au soutien d’accusations de surpêche.

[86] Il est ainsi clair, pour le Tribunal, que les résultats transmis à EC par les accusées suivant les exigences de l’article 12 REMM, via sa plateforme électronique (SITDR), de même que les résultats transmis à EC lors de rapports de rejets irréguliers, sont admissibles en preuve tels quels, sans autre preuve de la poursuivante quant à leur fiabilité.

[87] Il est aussi clair, pour le Tribunal, qu’il en est de même pour les résultats internes et Exova transmis volontairement à EC par les accusées dans le cadre de l’enquête menant à cette affaire. À ce sujet, rappelons que le Tribunal rejette en cours de procès une requête en exclusion de preuve les concernant.

[88] Dans la mesure où les résultats soutenant les accusations en l’espèce sont obtenus dans les contextes énoncés, tous sont ainsi admissibles tels quels, sans autre preuve de la poursuivante quant à leur fiabilité.

[89] Ce qui précède n’empêche évidemment pas les accusées d’attaquer la valeur probante de ces résultats et de soutenir qu’ils ne sont néanmoins pas fiables.[14]

[Caractères gras ajoutés; renvois omis]

[24]           Dans ces paragraphes, la juge ne conclut nullement que ces analyses sont présumées fiables au sens où leur valeur probante serait présumée. Elle affirme que ces résultats sont admissibles en preuve et ne fait que rappeler, à raison, que les appelantes plaident un argument semblable à celui qui a été rejeté dès le milieu des années 1990 contre le régime d’autodéclaration qui est le socle de la Loi sur les pêches.

[25]           Bien qu’à l’époque, ces critiques étaient formulées dans le contexte d’une contestation constitutionnelle fondée sur la protection contre l’auto-incrimination garantie par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, les propos de la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Fitzpatrick[15] demeurent pertinents en l’espèce :

L'appelant en l'espèce ne s'est pas lancé aveuglément dans la pêche commerciale.  Il faut présumer qu'il est au courant des modalités du permis de pêche du navire, dont l'obligation de soumettre des rapports radio et des journaux de bord.  (Comme l'a fait remarquer le juge Taggart de la Cour d'appel, il y a, dans la formule type de permis de pêche commerciale, audessus de l'espace réservé à la signature du propriétaire ou de l'exploitant du navire, une clause qui stipule que le soussigné comprend qu'il est tenu, aux termes de son permis, de [TRADUCTION] «fournir des registres de prises exacts selon la forme et aux personnes que peut prescrire la Loi sur les pêches et son règlement d'application», et que le défaut de le faire peut entraîner l'annulation ou la suspension du permis.)  Il faut présumer que l'appelant était au courant du plan de gestion de la pêche au poisson de fond, qui accompagne le permis de pêche et qui explique que la quantité de poisson qu'il est autorisé à pêcher est contingentée.  L'appelant savait que ces contingents étaient sujets à des variations annoncées au moyen d'avis publics du ministère des Pêches et Océans, et il savait aussi qu'il lui était interdit de prendre plus de poisson que la quantité permise.  Peuton affirmer que, s'il excède la limite permise, il s'étonnera du fait que le ministère public veut pour le poursuivre utiliser le rapport radio et les journaux de bord qu'il a fournis?  Ne se rendaitil pas compte en soumettant ce rapport et ces journaux qu'ils pourraient être utilisés à cette fin, notamment?

En faisant cette remarque, je m'appuie sur un argument du genre de celui qui repose sur l'acceptation des conditions, que le juge Cory a analysé dans l'arrêt Wholesale Travel, précité.  Dans cet arrêt, le juge Cory a conclu que cet argument justifiait d'assujettir l'exigence en matière de faute pour une infraction à la réglementation à une norme d'examen fondé sur la Charte, qui soit moins élevée que celle des « crimes proprement dits ».  L'argument reposant sur l'acceptation des conditions postule qu'il faut présumer que les personnes assujetties à la réglementation, lorsqu'elles se lancent dans un secteur assujetti à l'obtention de permis, connaissent et ont accepté les modalités pertinentes du domaine d'activité réglementé, et qu'elles doivent donc être tenues responsables de toute violation de ces modalités. 

[…]

En acceptant son permis, il doit souscrire aux modalités qui s'y rattachent, ce qui inclut la préparation de rapports radio et la tenue de journaux de bord, et l'engagement de poursuites contre ceux qui pratiquent la surpêche.  Dans la mesure où l'appelant s'estime contraint « malgré lui » de soumettre des rapports radio et des journaux de bord et où il craint qu'ils puissent être utilisés, un jour, contre lui dans des poursuites pour surpêche, il est libre de renoncer à la pêche commerciale, et de se libérer ainsi de cette obligation.

[Soulignements ajoutés]

[26]           Commentant cet arrêt de la Cour suprême dans R. c. Fitzpatrick, la professeure Halley rappelle les fondements et l’importance du régime d’autodéclaration de la Loi sur les pêches :

Entreprendre la visite de l'ensemble des activités polluantes afin de prélever des échantillons ou d'installer des appareils de mesure des contaminants aux différents endroits où une charge polluante peut être émise dans l'environnement représente, d'un point de vue administratif et financier, une tâche pratiquement impossible. Pour ces raisons, les régimes reposant sur l'auto-déclaration des émissions de contaminants dans l'environne­ment constituent une solution de rechange acceptable. De plus, ils constituent une intrusion moins envahissante pour les administrés que l'augmentation des inspections administratives. Enfin, ces régimes de divulgation permettent de surveiller d'une manière continue la conduite des administrés et d'accroître les probabilités que ceux-ci adoptent une conduite respectueuse de la loi. Dans ce contexte, les normes d'émissions particulières ont plus de chance d'être intégrées dans le processus décisionnel des pollueurs.[16]

[27]           Dans leur plaidoirie, les appelantes font fi des conclusions de l’arrêt R. c. Fitzpatrick, datant de trois décennies et concluant à la validité du régime d’autodéclaration de la Loi sur les pêches. Cet arrêt n’est pas isolé, mais fait partie d’une abondante jurisprudence confirmant la validité de régimes pénaux dans différents secteurs d’activités tels que l’impôt sur le revenu ou le commerce des valeurs mobilières, que ce soit en lien avec l’obligation de produire des documents[17] ou de permettre l’inspection de lieux soumis à la réglementation[18].

[28]           Œuvrant dans un tel secteur d’activité réglementé, les appelantes doivent accepter de respecter les mécanismes de mise en œuvre de cette loi, en fournissant périodiquement des renseignements se rapportant à la gestion de la qualité environnementale de leur mine, ce qui permet à l'administration de contrôler de manière continue le respect des normes prescrites et de gérer les risques environnementaux de son exploitation. Si elles ne respectent pas les règles environnementales qui régissent la mine, elles risquent, à terme, de perdre leurs autorisations environnementales.

[29]           En l’espèce, contrairement à ce que les appelantes prétendent, les résultats des analyses étaient admissibles en preuve et la juge n’a nullement fait référence à une présomption législative, jurisprudentielle ou de fiabilité par rapport à ces résultats. Elle s’est ensuite penchée sur la force probante des résultats d’analyse, qu’elle a examinée à la lumière de l’ensemble de la preuve[19], et a conclu que les résultats des rejets instantanés constituaient une preuve hors de tout doute raisonnable de la culpabilité des appelantes à l’égard de tous les chefs d’accusation, sauf deux, estimant qu’à l’égard de ceux-ci, un doute raisonnable subsistait[20].

[30]           J’estime que ce raisonnement de la juge est bien-fondé.

b)                 Les « défaillances » affectant la valeur probante des résultats d’analyse

[31]           Les appelantes plaident aussi que les résultats d’analyse ne constituent pas une preuve hors de tout doute raisonnable des éléments essentiels des infractions de rejets, en raison de nombreuses défaillances affectant leur valeur probante, et ce, à toutes les étapes du processus allant de l’échantillonnage à l’analyse.

[32]           Les analyses déposées par l’intimé au soutien des chefs de rejet ont été traitées par deux laboratoires. Certaines analyses ont d’abord été effectuées par Exova, un laboratoire indépendant de Québec[21]. Lorsque ArcelorMittal Canada inc. lui envoyait des échantillons d’eau aux fins d’analyse par un chimiste, Exova communiquait les résultats de concentration en MES environ une semaine après l’échantillonnage.

[33]           Ensuite, d’autres analyses ont été effectuées par le laboratoire interne d’ArcelorMittal Canada inc.[22]. Ce laboratoire procédait donc également à des analyses d’échantillons d’eau en lien avec leur concentration en MES. Les résultats de ces analyses étaient connus le lendemain.

[34]           Peu importe lequel de ces deux laboratoires analysait les échantillons, ceux-ci étaient prélevés par des employés d’ArcelorMittal Canada inc. qui effectuaient l’échantillonnage d’eau dans le cadre de leur travail de techniciens miniers.

[35]           Conformément au REMM, ArcelorMittal Canada inc. prélevait au moins un échantillon par semaine pour chacun des deux points de rejet finaux, puis, chaque trimestre, elle entrait au Système informatique de transmission de données réglementaires (« STIDR ») d’Environnement Canada la concentration en MES d’au minimum un de ces échantillons par semaine[23].

[36]           La juge a considéré les défaillances soulevées par les appelantes concernant l’échantillonnage[24], la chaîne de possession des échantillons[25], les activités du laboratoire d’ArcelorMittal Exploitation Minière Canada[26] et les disparités dans les résultats d’analyse[27], et a conclu que tous les résultats de concentration en MES dans un échantillon instantané d’effluent, interne ou Exova, soumis en preuve au Tribunal étaient suffisamment fiables pour être pris en compte aux fins de déterminer s’il y a ou non un dépassement de concentration en MES pour un jour donné[28].

[37]           Cette décision prend appui dans la preuve.

[38]           D’une part, les employés des appelantes n’ont pas remis en doute la fiabilité des résultats d’analyse au moment où ceux-ci ont été obtenus[29]. Tous les témoins dont le travail a trait à la gestion des eaux et aux points de rejet ont affirmé qu’ils se fondaient effectivement sur ces résultats d’analyse pour effectuer leurs tâches.

[39]           Isabelle Cantin, conseillère en protection de l’environnement, a témoigné que ces analyses étaient utiles pour avoir « une meilleure connaissance de l’impact sur la qualité de l’effluent »[30]. Dans le cadre de ses fonctions, elle était chargée de veiller à la fréquence minimale d’échantillonnage et à la compilation des résultats d’analyse, et elle a présenté des revues environnementales à la direction, lesquelles s’appuyaient aussi sur ces résultats. Elle a affirmé que « tous les dépassements auraient dû être déclarés »[31], et a expliqué que, dans le cadre de son travail, elle prenait connaissance de tous les résultats pour en transmettre un qui ne dépassait pas la concentration maximale. Lorsque cela n’était pas possible, elle rédigeait un rapport de rejet irrégulier et en informait ses supérieurs. Elle a par ailleurs confirmé à une inspectrice d’Environnement Canada qu’elle considérait que les résultats d’analyse étaient exacts[32].

[40]           Dans le cadre de son travail, Stéphanie Nault, superviseure de laboratoire, se fonde également sur ces résultats d’analyse, en signalant les dépassements de concentration maximale en MES au département de métallurgie et en procédant à une vérification des entrées des résultats[33]. Enfin, Serge Thériault, ingénieur minier, s’appuie sur ces résultats d’analyse obtenus pour gérer la qualité de l’eau[34].

[41]           D’autre part, les défaillances ponctuelles soulevées par les appelantes ne peuvent permettre de conclure que la juge a erré de manière manifeste et déterminante dans l’évaluation de la preuve. Il ressort de la preuve que ces défaillances concernent des questions périphériques dont l’impact est très limité au regard de la preuve[35].

[42]           Mais il y a plus. En effet, dans son évaluation de la preuve, la juge considère les disparités dans les résultats d’analyse de quelques échantillons. Elle retient les chefs d’accusation dans les cas où deux résultats pour une même journée dépassaient la norme de concentration prescrite et rejette les chefs d’accusation lorsque l’un des deux résultats pour la même journée était en dessous de la concentration permise[36].

[43]           Mécontentes de ce raisonnement, les appelantes plaident une jurisprudence qui ne leur vient nullement en aide puisque dans toutes les affaires qu’elles citent, une preuve sérieuse de divergences répétées dans les résultats des tests ou d’erreurs dans les méthodes utilisées avait été faite[37]. On ne peut certainement pas en dire autant ici.

[44]           Les appelantes, qui remettent en question la fiabilité de leurs propres analyses, adoptent une position critiquable, comme la juge de première instance l’a remarqué avec à-propos, en soulignant qu’il est pour le moins déconcertant que les appelantes cherchent à discréditer la fiabilité de leurs propres échantillons d’effluents[38], alors qu’elles affirment respecter les bonnes pratiques dans leur échantillonnage[39], et alors mêmes qu’elles ont omis de transmettre à Environnement Canada plusieurs résultats d’analyse dépassant les limites de concentration prévues à la Loi sur les pêches et au REMM, tout en plaidant la diligence raisonnable[40].

c)                 Le calcul de la marge d’erreur dans les résultats d’analyse

[45]           Les appelantes prétendent également que pour six chefs d’accusation, les résultats des analyses ne prouvent pas hors de tout doute raisonnable les infractions de rejet. Elles soutiennent que lorsqu’on prend en compte la « marge d’erreur », les valeurs des résultats d’analyse se situaient sous la limite de concentration en MES permise. Par conséquent, elles auraient dû bénéficier du doute raisonnable pour ces chefs.

[46]           La juge conclut que le calcul d’une telle marge d’erreur n’a pas à être appliqué aux résultats puisque cela n’est exigé ni par le paragraphe 12(2) ni par l’annexe 3 du REMM :

[204]  La seule interprétation possible du paragraphe 12(2) et de l’annexe 3 du REMM est qu’ils prescrivent les exigences analytiques, notamment de précision et d’exactitude, pour assurer la fiabilité des instruments de mesure et, par conséquent, la fiabilité des résultats obtenus. Ces résultats sont de ce fait ce qu’ils sont. Il n’est ni logique ni cohérent que quiconque doive se livrer à un calcul de marge d’erreur pour tous les résultats obtenus en application d’obligations réglementaires. Si telle était l’intention du législateur, il l’aurait exprimée clairement.[41]

[47]           À l’époque des infractions reprochées, l’article 12 du REMM énonce que les essais effectués « doivent satisfaire aux exigences analytiques prévues à l’annexe 3 » (« shall comply with the analytical requirements set out in Schedule 3 »). Cette annexe 3 du REMM prévoit les exigences analytiques pour les effluents de mines de métaux, parmi lesquelles on retrouve notamment une précision[42] de 15 % pour le total des MES.

[48]           À la lecture des dispositions réglementaires, il ressort qu’un calcul d’une marge d’erreur de 15 % n’a pas à être effectué. En effet, il n’est nulle part question de marges d’erreur dans le REMM. Il appartenait certes à l’intimé de remplir son fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable que la concentration en MES des rejets dépassait la concentration permise[43], mais rien n’indique que le calcul d’une marge d’erreur devait être effectué pour valider les résultats d’analyse.

[49]           Si telle est l’interprétation que les appelantes voulaient que la juge adopte du paragraphe 12(2) du REMM, encore fallait-il qu’elles expliquent ce qu’on entend par le terme « précision » contenu à l’annexe 3 du REMM. Dans cette annexe, il est question d’« exactitude » et de « limite de détection de la méthode », expressions qui renvoient à des notions distinctes qui sont pertinentes pour statuer sur le sens du terme « précision ». Le terme « marge d’erreur », quant à lui, n’apparaît pas à cette annexe.

[50]           La preuve montre, au contraire, que les différents termes énoncés à l’annexe 3 du REMM ont des sens bien précis. L’agente d’application de la loi Nathalie Bouchard est la personne que les appelantes ont fait témoigner à cet égard. À ce sujet, elle a expliqué que l’incertitude, l’exactitude et la précision sont « trois données différentes de pourcentage […] ce sont trois calculs mathématiques différents »[44].

[51]           De plus, comme l’affirme l’intimé, aucune preuve d’expert n’a été produite à cet effet. Les appelantes ne peuvent à la fois plaider qu’il incombait à l’intimé de produire une preuve d’expert sur « l’incertitude », terme qui n’apparaît pas au REMM, et se réfugier derrière cette marge d’erreur alléguée de 15 % sans en avoir fait la preuve.

[52]           Les appelantes admettent qu’effectivement, l’incertitude des résultats internes et des résultats Exova est inconnue pour la période des infractions[45]. Elles ne convainquent nullement qu’il faudrait appliquer un calcul d’une marge d’erreur de 15 % aux résultats d’analyse.

[53]           Ce premier moyen remettant en question la fiabilité des résultats d’analyse doit échouer.

2. La défense de diligence raisonnable

[54]           S’agissant d’infractions de responsabilité stricte, « la preuve des éléments constitutifs de l’actus reus comporte une présomption de négligence »[46], ce qui a pour effet d'établir le caractère répréhensible de la conduite de la personne poursuivie. Celleci « peut toutefois repousser cette présomption en démontrant l'absence de négligence dans la conduite de ses activités »[47]. Cette défense a été reconnue par la Cour suprême dans R. c. Sault Ste-Marie :

Les infractions dans lesquelles il n'est pas nécessaire que la poursuite prouve l'existence de la mens rea ; l'accomplissement de l'acte comporte une présomption d'infraction, laissant à l'accusé la possibilité d'écarter sa responsabilité en prouvant qu'il a pris toutes les précautions nécessaires. [48]

[55]           Lorsque l’actus reus est prouvé, la personne accusée doit, pour repousser la présomption de négligence, faire la démonstration de sa diligence selon la balance des probabilités[49]. Pour faire obstacle à la preuve de diligence de l'accusé, la poursuivante peut faire valoir que des mesures efficaces de prévention des infractions ont été omises par ce dernier.

[56]           S’agissant de l’invocation de cette défense dans le cadre de l’application de la Loi sur les pêches, la professeure Paule Halley écrivait déjà, il y a trente ans :

Le degré de diligence exigé en matière de destruction de l'habitat du poisson et de pollution des eaux poissonneuses s'est révélé très élevé. La portée de la diligence varie selon le degré de risques inhérents à l'activité poursuivie.[50]

[57]           S’autorisant de l’article 78.6 de la Loi sur les pêches qui codifie dans cette loi la défense de diligence raisonnable, les appelantes reprochent à la juge de ne pas avoir estimé qu’elles avaient fait preuve de diligence raisonnable dans leur surveillance des deux points de rejets finaux de la mine.

[58]           Les appelantes soutiennent d’une part, que la juge de première instance a erré dans son analyse de cette défense puisque les procédés mis en place au point de rejet final HS-1 comprennent une série complexe d’infrastructures permettant de limiter les quantités d’effluents. Elles affirment, d’autre part, que des efforts considérables ont été déployés à compter du mois d’août 2012 afin de mettre en place un système de bassins permettant de limiter le dépassement de concentration en MES pour l’effluent qui se déverse à MS2.

[59]           Selon elles, la juge a omis d’apprécier ces faits, alors qu’ils démontraient pourtant leur diligence raisonnable au moment des infractions reprochées.

[60]           Citant R. v. Commander Business Furniture Inc.[51], la juge de première instance souligne que les « facteurs énoncés par la Cour provinciale de l’Ontario, tels que répertoriés dans la jurisprudence canadienne à travers le temps, peuvent être utiles afin de déterminer si la défense de diligence raisonnable s’applique »[52].

[61]           Le professeur Roach résume ainsi ces facteurs dans son ouvrage Criminal Law[53] :

The courts look to a large range of factors in determining whether the accused has established a defence of due diligence to a regulatory offence. Relevant factors include: the likelihood and gravity of the risk, including whether it was foreseeable and the effect that it could have on vulnerable people and neighbourhoods. Other factors look to the ability of the accused to control or manage the risk of the prohibited act from occurring. Factors such as alternative solutions, regulatory compliance, industry standards and preventive systems, efforts made to address the problem, and the promptness of the accused’s response are significant. Other matters such as factors beyond the control of the accused, technological limitations, skill level expected of the accused, complexities involved, and economic considerations can be relevant in determining whether the accused has taken all reasonable steps to prevent the risk. Courts will consider the perspective of the reasonable person when applying the due diligence defence. They will examine the training and supervision that was or was not given to employees. The focus in due diligence is on whether the accused has taken reasonable steps to prevent the commission of the offence.

[62]           Cette nomenclature, sans être exhaustive, est un guide utile lorsqu’il s’agit de décider d’un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable.

[63]           Les appelantes, accusées d’infractions de responsabilité stricte, auraient pu se disculper en démontrant, par prépondérance de preuve, qu’elles avaient fait preuve de diligence raisonnable pour empêcher la commission des infractions[54], ce qui aurait nécessité qu’elles démontrent avoir pris toutes les précautions raisonnables pour éviter que l’événement en question ne se produise. La norme étant objective, « elle suppose l’examen de l’attitude d’une personne raisonnable placée en pareilles circonstances »[55], étant entendu que le fait d’avoir établi et pleinement mis en œuvre un système préventif est en l’espèce le facteur déterminant pour décider si un employeur doit être tenu responsable des actes de ses employés[56].

[64]           Exploitant une entreprise dans un domaine hautement technique et spécialisé, le comportement des appelantes doit être analysé en examinant les mesures qu’elles ont entreprises au regard de celles qu’une entreprise minière diligente aurait accomplies[57]. Compte tenu de la taille de leur entreprise, du potentiel de risque environnemental de leurs activités et de l’accessibilité à l’expertise requise pour prévenir ce risque, le niveau de diligence attendu dans les mesures de prévention mises en place aux points de rejet est accru[58].

[65]           En l’espèce, toutefois, la juge n’a pas erré lorsqu’elle a conclu qu’elles n’ont nullement fait la démonstration qu’elles ont fait preuve de diligence raisonnable afin de prévenir les rejets d’effluents miniers au point de rejet HS-1 ou MS-2.

[66]           Concernant le point de rejet HS-1, les appelantes soutiennent que le témoignage de l’ingénieur Serge Thériault permettait d’établir leur diligence raisonnable pour éviter les rejets de substances nocives à cet endroit. Or, il y a lieu de souligner que ce témoin a mentionné qu’il ne jouait aucun rôle dans la gestion de la qualité de l’eau à HS-1 ni « dans les échantillonnages », ayant d’ailleurs mentionné de manière très générale la fréquence d’échantillonnage à ce point de rejet. Il s’est également dit d’avis que le parc à résidus ne pouvait avoir aucun impact sur la concentration en MES des effluents à HS1[59]. Ainsi, contrairement à la prétention des appelantes, son témoignage n’a pas permis d’établir les moyens pris pour diminuer la concentration des rejets à cet endroit[60].

[67]           S’agissant de la défense de diligence raisonnable visant les mesures prises par les appelantes au point de rejet MS-2, certains autres constats peuvent être faits. En ce qui a trait à ce point de rejet, il ressort clairement de la preuve que l’augmentation des MES est causée par le « lessivage lors de pluies de la halde 10 »[61], c’est-à-dire par le ruissellement des eaux qui passent à travers les haldes stériles[62]. Isabelle Cantin, conseillère en environnement au sein de la mine lors des infractions, a témoigné que cette halde était « une vieille halde qui était là depuis des années », et affirmé qu’elle ignorait à quel moment celle-ci a été réactivée parce que son département n’en avait pas été informé[63].

[68]           Il va sans dire qu’il était connu des appelantes que la halde pouvait causer des dépassements[64], mais sa réouverture n’a néanmoins pas fait l’objet de communications avec le département de l’environnement. C’est dans ce contexte qu’Isabelle Cantin explique qu’il « manque de communication lors des prises de décisions au niveau de la planification minière » et que « certaines décisions ont des impacts environnementaux majeurs qui ne sont pas pris en compte »[65]. Elle ajoute qu’il n’y a pas de procédure claire concernant la marche à suivre en cas de dépassement de concentration en MES[66].

[69]           Enfin, les appelantes mettent l’accent sur les températures hivernales pour justifier leur retard à mettre en place des mesures propres à prévenir les rejets. Cela ne convainc guère, l’arrivée des températures froides étant forcément un élément prévisible[67] auquel elles devaient se préparer avec diligence[68]. La juge a eu raison de conclure que les démarches entreprises à compter de l’automne 2012 pour prévenir les rejets de substances nocives à ce point de rejet[69] ne peuvent fonder une défense de diligence raisonnable pour des infractions survenues au cours des mois d’août à novembre 2012[70]. Elle a également eu raison de conclure que ces démarches automnales n’ont servi « qu’à maîtriser ce qui semble être la source des infractions, et non à prévenir leur commission »[71]. De telles mesures adoptées « après coup » ne peuvent donner ouverture à une défense de diligence raisonnable. La juge a eu raison de conclure que la diligence exercée après le fait n'a aucune incidence sur la responsabilité des appelantes.

[70]           Le fait d’affirmer, comme les appelantes le font, que les systèmes de gestion des eaux sont complexes et que les dépassements ont eu lieu dans le cadre des opérations courantes impliquant le rejet d’un effluent ne saurait convaincre qu’elles ont fait preuve de diligence raisonnable. En effet, « celui qui ne peut faire la preuve d'aucune mesure préventive n'a pas de défense de diligence raisonnable à présenter »[72]. Sans avoir à atteindre la perfection[73], les systèmes mis en place à la mine auraient dû l’être avec un niveau beaucoup plus élevé de prévoyance et de planification, et une meilleure communication dans leur mise en œuvre aurait dû exister. Ce n’est qu’à ces conditions que les appelantes auraient pu plaider la défense de diligence raisonnable.

3. La culpabilité de 7623704 Canada inc.

[71]           Les appelantes estiment que la juge a erré en droit en reconnaissant la culpabilité de 7623704 Canada inc. Elles affirment que cette dernière est certes l’associée d’ArcelorMittal Canada inc. dans la société en nom collectif ArcelorMittal Exploitation Minière Canada[74], mais qu’elle n’a joué qu’un rôle limité dans l’exploitation de la mine, comme Me Lavoie, le conseiller juridique des appelantes, l’a d’ailleurs affirmé lors de son témoignage.

[72]           Ce moyen d’appel est voué à l’échec.

[73]           Les appelantes ont admis que « du 27 février 2013 au 1er janvier 2016, par le biais de la société ArcelorMittal Exploitation Minière Canada, ArcelorMittal et 7623704 Canada inc. sont propriétaires et exploitantes de la mine de fer du Mont-Wright »[75].

[74]           Partant, la juge a eu raison d’appliquer la présomption de l’article 2215 alinéa 1 du Code civil du Québec qui prévoit qu’« [à] défaut de stipulation sur le mode de gestion, les associés sont réputés s'être donné réciproquement le pouvoir de gérer les affaires de la société ». Il s’agit d’une présomption qui ne pouvait pas être repoussée par le témoignage de Me Lavoie. Une entente écrite démontrant qu’une telle entente existait entre les appelantes devait être déposée en preuve pour la renverser. En l’absence d’une telle preuve, la juge a eu raison de conclure à la responsabilité pénale de 7623704 Canada inc.

4. La conclusion selon laquelle le rejet instantané dont la concentration en matières en suspension dépasse 30 mg/L est un « rejet irrégulier » au sens du Règlement sur les effluents des mines de métaux

[75]           Les appelantes plaident que la juge a erré et qu’elles ne devaient être tenues pénalement responsables d’aucune omission de test ou de suivi en cas de « rejet irrégulier » au sens de la Loi sur les pêches et du REMM, à l’exception de deux chefs d’accusation. Elles estiment, en effet, que les seuls rejets irréguliers pour lesquels elles devaient effectuer des tests de létalité et de suivi sont ceux ayant été causés par le bris soudain d’une digue survenu à la mine, et qu’elles ne peuvent conséquemment être pénalement responsables pour cette absence de tests que pour les chefs 79 et 107 qui concernent ce bris.

[76]           Au soutien de ce moyen, elles plaident donc qu’un rejet qui dépasse les limites permises de MES (c’est-à-dire un échantillon instantané dont la concentration en MES dépasse 30 mg/L) ne signifie pas automatiquement qu’il s’agit d’un « rejet irrégulier » au sens de l’alinéa 14(1)b) et du paragraphe 17(1) du REMM. Selon elles, puisque l’expression « rejet irrégulier » apparaît à l’alinéa 14(1)b) du REMM et qu’on retrouve plutôt la notion de dépassement dans d’autres dispositions de ce règlement[76], il faut donner une interprétation différente à ces deux termes. Elles s’appuient aussi sur la version anglaise de l’expression « rejet irrégulier », soit « out of the normal course of events ».

[77]           Selon les appelantes, pour faire la preuve qu’un rejet irrégulier existe et qu’une contravention à l’article 14(1)b) du REMM a donc lieu, l’intimé doit faire une démonstration supplémentaire, soit que le rejet « nuit – ou risque de nuire – aux poissons ou à leur habitat ou à l’utilisation du poisson par l’homme », au sens du paragraphe 38(5) de la Loi sur les pêches (tel que libellé à l’époque)[77].

[78]           Je suis d’avis que cette interprétation ne peut être retenue, car elle n’est compatible ni avec les termes de la Loi sur les pêches ni avec les objectifs du régime de protection de l’environnement de cette loi et du REMM.

[79]           En effet, une lecture des dispositions législatives et réglementaires pertinentes[78] montre que certaines substances comme les MES sont des substances nocives[79]. Le rejet d’un effluent contenant une substance nocive est seulement permis si la concentration de cette substance ne dépasse pas les limites permises et si les exigences relatives aux vérifications sont effectuées[80]. Ainsi, il est clair que le processus d’essai de détermination de la létalité aiguë en cas de rejet irrégulier[81] s’enclenche si un échantillon prélevé montre des concentrations dépassant les limites permises.

[80]           La position des appelantes détonne. Elle revient à dire que seuls les rejets provenant de circonstances inusitées, comme le bris d’une digue, sont soumis à un test visant à protéger les poissons et leur habitat dans le cas où un échantillon contient déjà des substances nocives pour eux.

[81]           La juge a eu raison de conclure qu’un rejet interdit au sens des paragraphes 36(3) et (4) de la Loi sur les pêches constitue un rejet irrégulier auquel renvoie l’alinéa 14(1)b) du REMM[82]. Il en va ainsi du respect de l’objectif de la Loi sur les pêches et du REMM, soit « la conservation et la protection du poisson et de son habitat, notamment par la prévention de la pollution »[83].

[82]           Au surplus, si l’on retenait l’interprétation que proposent les appelantes, il s’ensuivrait qu’un rejet qui dépasse la norme de concentration en MES permise, contrevenant au paragraphe 36(3) de la Loi sur les pêches et pouvant être sanctionné par une amende maximale d’un million de dollars[84], ne serait pas nécessairement un rejet irrégulier ou out of the normal course of events, ce qui heurte le sens commun. Les autorités citées par les appelantes n’appuient pas davantage leur position à cet égard[85].

[83]           Enfin, soulignons que l’expression « rejet irrégulier » ne se trouve plus au REMM depuis le 1er juin 2018[86]. La juge remarque que celle-ci a été remplacée par la notion de « rejet non autorisé », ce qui vient soutenir la thèse selon laquelle son interprétation des dispositions en question est conforme à l’intention du législateur[87].

[84]           La juge n’a commis aucune erreur dans l’interprétation législative et réglementaire des dispositions applicables. Partant, ce moyen d’appel doit aussi échouer.

5. Le rejet partiel de la requête en exclusion de la preuve découlant de la saisie

[85]           Selon les appelantes, la juge aurait erré en rejetant partiellement la requête en exclusion de la preuve à l’égard des documents soumis en preuve par l’intimé sous la cote P-33.

[86]           Voici comment la juge résume le débat ayant trait à la requête en exclusion de cette preuve :

[9] Il est acquis que c’est à celui qui invoque la violation d’un droit garanti par la Charte de la démontrer par prépondérance des probabilités. Mais dans le présent contexte où les documents visés sont obtenus sans autorisation judiciaire, le fardeau de la preuve appartient à la poursuivante.

[10] Ainsi, la poursuivante démontre-t-elle, par prépondérance des probabilités, que la saisie n’est pas abusive en raison de l’obtention de consentements valables? La preuve démontre-t-elle, au contraire, une violation de l’article 8?[88]

[87]           La juge conclut d’abord que la saisie des documents ayant eu lieu lors de la rencontre du 2 juin 2014 entre l’employée d’ArcelorMittal Canada inc. et Environnement Canada était abusive[89] et que ces documents devaient être écartés de la preuve[90].

[88]           Toutefois, elle estime que les documents que les appelantes ont remis à Environnement Canada à la suite de la demande d’information de cette dernière[91] ont été communiqués en toute connaissance de cause par leur directeur des services juridiques[92]. Selon la juge, il y avait alors non seulement absence de contrainte, mais les appelantes étaient en outre informées de manière détaillée de l’utilisation pouvant être faite des documents et des conséquences possibles si elles choisissaient de ne pas obtempérer[93]. Elle conclut donc que l’obtention de ces documents n’est pas contraire à l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés[94].

[89]           Les appelantes plaident que la juge s’est méprise en concluant qu’elles ont valablement renoncé à la protection de l’article 8 de la Charte. Selon elles, puisque les enquêteurs ont omis de leur indiquer qu’ils avaient précédemment obtenu des documents de la part de leur employée, leur décision de transmettre les documents n’a pas été prise en toute connaissance de cause, de sorte que ces documents doivent aussi être exclus de la preuve.

[90]           Il m’apparaît évident que les appelantes ont valablement renoncé à la protection de l’article 8 de la Charte lorsque Me Lavoie a transmis sa réponse à la demande de remise volontaire d’Environnement Canada[95]. Il n’est par ailleurs pas contesté que Me Lavoie avait l’autorité nécessaire pour renoncer à cette protection[96].

[91]           L’argument des appelantes tient essentiellement au fait que Me Lavoie ne savait pas que des documents avaient été préalablement obtenus par Environnement Canada dans le cadre d’une rencontre avec une employée des appelantes[97]. Les appelantes n’expliquent toutefois pas en quoi cette information était une information cruciale pour permettre à Me Lavoie de prendre une décision « éclairée ». Elles n’ont d’ailleurs administré aucune preuve pour appuyer cette prétention.

[92]           Il s’avère que la demande d’information d’Environnement Canada comprenait une liste des incidents visés et l’étendue de l’enquête entreprise, qu’elle précisait que les appelantes pouvaient fournir ces informations, qu’elles n’avaient pas l’obligation de le faire, que ce qui serait fourni pourrait être utilisé en preuve devant un tribunal et qu’elles étaient encouragées à en discuter avec leur conseiller juridique. Elle leur octroyait en outre un délai raisonnable pour s’exécuter, le cas échéant[98].

[93]           De l’arrêt R. c. Borden[99] portant sur la notion de consentement éclairé, il faut retenir qu’il n’est pas « nécessaire que l’accusé ait une compréhension approfondie de chacune des répercussions possibles de son consentement », et qu’il y a lieu de conclure que les appelantes avaient « suffisamment de renseignements pour faire un choix utile »[100].

[94]           En l’espèce, la juge de première instance a considéré l’ensemble de ces circonstances et n’a pas erré dans son analyse[101].

[95]           Pour les motifs qui précèdent, je suggère que la Cour accueille la requête en autorisation d’appel sur des questions mixtes de fait et de droit, et rejette l’appel avec les frais de justice.

 

 

 

 

SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A.

 

 


[1]  R. c. ArcelorMittal Canada inc., 2021 QCCQ 10578 [jugement entrepris].

[2]  Loi sur les pêches, L.R.C. 1985, ch. F-14. Sauf indication contraire, toutes les références aux dispositions législatives et réglementaires sont celles qui étaient en vigueur à l’époque pertinente, soit de mai 2011 à mai 2013.

[3]  R. c. ArcelorMittal Canada inc., 2020 QCCQ 698 [jugement sur requête].

[4]  Paule Halley, « La Loi fédérale sur les pêches et son régime pénal de protection environnementale », (1992) 33:3 C. de D. 759, p. 761.

[5]  Loi sur les pêches, supra, note 2.

[6]  « Matières en suspension » est l’expression utilisée dans la version actuelle du Règlement sur les effluents des mines de métaux, DORS/2002-222, aujourd’hui intitulé Règlement sur les effluents des mines de métaux et des mines de diamants, DORS/2002-222. Dans les versions applicables au moment des infractions reprochées, on utilisait « total des solides en suspension ». Il s’agit de la même chose. « MES » sera utilisé dans cet arrêt.

[7]  Règlement sur les effluents des mines de métaux, supra, note 6.

[8]  R. c. ArcelorMittal, C.Q. Montréal, no 500-73-004529-174, 10 juin 2022, Riendeau, j.c.q.; R. c. ArcelorMittal, C.Q. Montréal, no 500-73-004530-172, 10 juin 2022, Riendeau, j.c.q.

[9]  Jugement sur requête.

[10]  ArcelorMittal Canada inc. c. R., 2021 QCCA 1928 (Kalichman, j.c.a.).

[11]  Id., paragr. 8.

[12]  Les rejets en question ont eu lieu les 25, 26 mai 2011, 27, 28 août, 5, 6, 17, 19, 24 septembre, 3, 7, 11, 20, 21, 22, 28, 30 octobre, 1er, 2, 3, 4, 5, 6, 9, 13, 15 novembre 2012, 30 avril, 7, 14 mai 2013. Pour les rejets mensuels, il s’agit des mois d’août et de novembre 2012.

[13]  Jugement entrepris, paragr. 82.

[14]  Id., paragr. 79-89.

[15]  R. c. Fitzpatrick, [1995] 4 R.C.S. 154, p. 175-178.

[16]  Paule Halley, Le droit pénal de l’environnement : l’interdiction de polluer, Cowansville, Yvon Blais, 2001, p. 80.

[17]  Voir notamment R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, paragr. 72 et 95-99; British Columbia Securities Commission v. Branch, [1995] 2 R.C.S. 3, p. 35-42; R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627, p. 649-650; Voir également L. M. Austin, « Information sharing and the reasonable ambiguities of section 8 of the Charter » (2007), 57 U. Toronto L.J. 499, p. 520-521.

[18]  Voir notamment Del Zotto c. Canada, [1999] 1 R.C.S. 3; Comité paritaire de l’industrie de la chemise c. Potash; Comité paritaire de l'industrie de la chemise c. Sélection Milton, [1994] 2 R.C.S. 406, p. 420421.

[19]  Jugement entrepris, paragr. 123-207.

[20]  La juge rejette les chefs 5 et 19 qui sont appuyés par les résultats d’analyse, voir jugement entrepris, paragr. 208-213. Quant aux chefs 29, 37, 38 et 39, ils sont appuyés par d’autres éléments de preuve, comme les rapports de rejet et la preuve circonstancielle, voir jugement entrepris, paragr. 214-218.

[21]  Pièce P-37, Certificats d’analyse du laboratoire accrédité externe EXOVA, en liasse.

[22]  Pièce P-29, Résultats internes pour l’année 2011 envoyés par ArcelorMittal; Pièce P-30, Feuille de travail (résultats internes pour l’année 2012 envoyés par AM).

[23]  Témoignage d’Anik Thériault, 15 janvier 2020.

[24]  Jugement entrepris, paragr. 167-170.

[25]  Id., paragr. 171-178.

[26]  Id., paragr. 179-184.

[27]  Id., paragr. 185-197.

[28]  Id., paragr. 208.

[29]  Id., paragr. 148-166.

[30]  Témoignage d’Isabelle Cantin, 24 janvier 2020.

[31]  Témoignage d’Isabelle Cantin, 3 février 2020; Pièce P-23, Courriel d’Isabelle Cantin à Anik Thériault du 29 octobre 2013; Pièce P-36, Courriel d’Isabelle Cantin à Gilles Couture du 22 octobre 2013.

[32]  Pièce P-23, Courriel d’Isabelle Cantin à Anik Thériault du 29 octobre 2013.

[33]  Témoignage de Stéphanie Naud, 22 janvier 2020.

[34]  Témoignage de Serge Thériault, 23 janvier 2020.

[35]  Témoignage de Brigitte Nadeau, 21 janvier 2020. Voir aussi Témoignage de Simon Larouche, 22 juin 2020.

[36]  Jugement entrepris, paragr. 210-212.

[37]  R. v. Vale Newfoundland and Labrador Ltd., [2016] N.J. No. 43, paragr. 41-48 et 54-64 (Prov. Ct. N.L.); R. v. Petro-Canada, 2009 ONCJ 179, paragr. 71; Québec (Procureur général) c. Granicor, J.E. 2005-1892, paragr. 264-269 (C.Q.); Québec (Procureur général) c. Ciment St-Laurent inc., J.E. 95-1944, p. 16-18 (C.Q.); R. v. Ault Foods Ltd., [1994] O.J. No. 4197, paragr. 97-102 (C.J. Ont.); R. v. Ikhnaton (The), [1983] O.J. No. 2176, paragr. 2-13 (C.J. Ont.).

[38]  Tous les résultats d’analyse déposés en preuve sont ceux des appelantes, Environnement Canada n’ayant pas prélevé d’échantillons.

[39]  Règlement sur les effluents des mines de métaux, supra, note 6, paragr. 12(2) et annexe 3.

[40]  Jugement entrepris, paragr. 147.

[41]  Id., paragr. 204.

[42]  On note qu’il s’agit de « [l’é]cart-type relatif à des concentrations dix fois supérieures à la [limite de détection de la méthode] », voir Règlement sur les effluents de mines de métaux, supra, note 6, annexe 3, note infrapaginale 1.

[43]  Il s’agit d’un élément essentiel de l’infraction : jugement entrepris, paragr. 45. Voir R. c. Brown, 2022 CSC 18, paragr. 49.

[44]  Témoignage de Nathalie Bouchard, 14 décembre 2020.

[45]  Pour les résultats internes, voir témoignage de Stéphanie Naud, 22 janvier 2020; Témoignage de Nathalie Bouchard, 14 décembre 2020. Pour les résultats Exova, voir témoignage de Nathalie Bouchard, 14 décembre 2020.

[46]  Paule Halley, « La Loi fédérale sur les pêches et son régime pénal de protection environnementale », supra, note 4, p. 816.

[47]  Ibid.

[48]  R. c. Sault Ste-Marie, [1978] 2 R.C.S. 1299, p. 1326.

[49]  Id., p. 1325.

[50]  Paule Halley, « La Loi fédérale sur les pêches et son régime pénal de protection environnementale », supra, note 4, p. 816

[51]  R. v. Commander Business Furniture Inc., [1992] O.J. No. 2904 (C.J. Ont.).

[52]  Jugement entrepris, paragr. 287.

[53]  Kent Roach, Criminal Law, 8e éd., Toronto, Irwin Law, 2022, p. 265-266, cité dans CFG Construction inc. c. R., 2023 QCCA 1032, paragr. 159.

[54]  La Souveraine, Compagnie d’assurance générale c. Autorité des marchés financiers, 2013 CSC 63, paragr. 56; Lévis (Ville) c. Tétreault; Lévis (Ville) c. 2629-4470 Québec inc., 2006 CSC 12, paragr. 15; R. c. Sault Ste-Marie, supra, note 48, p. 1313 et 1325; Agence du revenu du Québec c. 9371-3873 Québec inc., 2021 QCCA 1507, paragr. 5-9.

[55]  La Souveraine, Compagnie d’assurance générale c. Autorité des marchés financiers, supra, note 54, paragr. 56. Voir aussi Immeubles Jacques Robitaille inc. c. Québec (Ville), 2014 CSC 34, paragr. 35; R. c. Sault Ste Marie, supra, note 48, p. 1326.

[56]  Depuis cette affaire, ces critères, bien qu’ils ne soient pas exhaustifs, représentent la « shopping list of factors in a due dilligence analysis », selon les auteurs John Swaigen et Susan McRory, Regulatory Offences in Canada, 2e éd., Toronto, Carswell, 2018, p. 65-66 et p. 104.

[57]  R. c. Wholesale Travel Group inc., [1991] 3 R.C.S. 154, p. 239-240; Agence du revenu du Québec c. 9371-3873 Québec inc., 2021 QCCA 1507, paragr. 9 citant R. c. Légaré Auto Ltée, J.E. 82-191, paragr. 6 (C.A.).

[58]  R. v. Imperial Oil, 2000 BCCA 553, paragr. 8 et 29. Voir aussi John Swaigen et Susan McRory, supra, note 56, p. 102; Paule Halley, Le droit pénal de l’environnement : l’interdiction de polluer, supra, note 16, p. 180-181 citant R. v. Gulf of Georgia Towing Co., [1979] 3 W.W.R. 84 (C.A. B.C.).

[59]  Témoignage de Serge Thériault, 23 janvier 2020. Voir aussi témoignage d’Isabelle Cantin, 3 février 2020.

[60]  Il ressort également de la preuve qu’aucune procédure n’existait en cas de dépassement de la norme réglementaire en MES : Pièce P-33, Compte rendu – Revue environnement Mont-Wright tenue le 1er novembre 2012; Témoignage d’Isabelle Cantin, 24 janvier 2020 et 3 février 2020.

[61]  Pièce P-33, Compte rendu – Revue environnement Mont-Wright tenue le 1er novembre 2012; Témoignage d’Isabelle Cantin, 3 février 2020.

[62]  Témoignage de Serge Thériault, 23 janvier 2020. Les haldes stériles sont des roches ne contenant pas de minerai à extraire et formant un amoncellement. Témoignage d’Anik Thériault, 13 et 15 janvier 2020.

[63]  Témoignage d’Isabelle Cantin, 3 février 2020.

[64]  Les appelantes en étaient conscientes dès février 2003, puisqu’elles écrivaient alors que les dépassements sont « associés à la géographie du milieu et au chemin d’accès », tel qu’il appert de la Pièce P-2, Lettre adressée à l’agent d’autorisation datée du 4 février 2003.

[65]  Pièce P-33, Compte rendu – Revue environnement Mont-Wright tenue le 1er novembre 2012; Témoignage d’Isabelle Cantin, 3 février 2020.

[66]  Témoignage d’Isabelle Cantin, 24 janvier et 3 février 2020.

[67]  Pièce P-17, Rapport de rejet irrégulier du 11 novembre 2012 (MS-2) et pièces jointes; Témoignage de Serge Thériault, 23 janvier 2020; Témoignage d’Isabelle Cantin, 4 février 2020.

[68]  John Swaigen et Susan McRory, Regulatory Offences in Canada, supra, note 56, p. 126.

[69]  Concrètement, les appelantes ont mandaté en août 2012 une firme pour construire un bassin de sédimentation, pour ensuite prendre conscience que les travaux ne pourraient être entrepris avant l’hiver et abandonner ce projet. Elles ont ensuite entrepris la construction d’un bassin temporaire, mais une digue de celui-ci a cédé, ce qui a causé un important déversement d’eau dont la concentration en MES dépassait les normes réglementaires. Les appelantes ont finalement construit un bassin dans le roc pendant l’hiver, puis un bassin permanent a été construit en aval de MS-2 au printemps. Voir notamment, à ce sujet : Témoignage de Serge Thériault, 23 janvier 2020; Témoignage d’Isabelle Cantin, 3 et 4 février 2020.

[70]  Les appelantes avaient par ailleurs reçu une lettre d’avertissement en 2010 de la part d’Environnement Canada au sujet du dépassement des limites en MES : Pièce P-16, Lettre d’avertissement du 2 novembre 2010.

[71]  Jugement entrepris, paragr. 335 [soulignements dans l’original].

[72]  Paule Halley, « La Loi fédérale sur les pêches et son régime pénal de protection environnementale », supra, note 4, p. 816.

[73]  R. v. Safety-Kleen Canada Inc., [1997] O.J. No. 800, 114 C.C.C. (3d) 214, p. 224 (Ont. C.A.).

[74]  Jugement entrepris, paragr. 1; Pièce P-1, Liste des admissions, 10 janvier 2020.

[75]  Pièce P-1, Liste des admissions, 10 janvier 2020 [soulignement ajouté].

[76]  Voir notamment les alinéas 4(1)a), 24(1)a) et 34(3)a) du REMM.

[77]  Notons que la même idée était libellée quelque peu différemment à l’art. 38(4) de la version de la Loi sur les pêches applicable avant le 29 juin 2012, dans laquelle on faisait référence à un « dommage — ou [un] risque réel de dommage — pour le poisson ou son habitat ou pour l’utilisation par l’homme du poisson ».

[78]  Les paragraphes 34(1) de la Loi sur les pêches, supra, note 2 et 1(1) du REMM, en plus des articles 3 et 4 ainsi que de l’annexe 4 du REMM. Voir aussi les articles 29 à 31 du REMM.

[79]  En l’espèce, voir l’annexe 4 du REMM.

[80]  Voir les paragraphes 4(1) et 4(2) du REMM.

[81]  En vertu de l’al. 14(1)b) du REMM. Il en va de même pour le test de suivi requis par le paragr. 17(1) du REMM. Notons que ces exigences font partie de la Partie 2 du REMM intitulée « Conditions régissant l’autorisation de rejeter ».

[82]  Jugement entrepris, paragr. 427.

[83]  Celui-ci est prévu à l’art. 2.1 de la Loi sur les pêches en vigueur actuellement. Il constituait le titre de la partie regroupant les art. 34-42 de la Loi sur les pêches à l’époque pertinente. D’ailleurs, cet objectif doit être interprété de manière souple et généreuse : Fer et métaux américains c. Communauté métropolitaine de Montréal, 2022 QCCA 935, paragr. 12.

[84]  Loi sur les pêches, supra, note 2, al. 40(2)a).

[85]  La décision Saint-Brieux précise bien que « l’adjectif “irrégulier” « s’entend d’une chose qui sort de l’ordinaire, qui n’est pas conforme à la norme, ou qui est inusité » : Saint-Brieux (Ville) c. Canada (Pêches et Océans), 2010 CF 427, paragr. 47 [soulignement ajouté]. Quant à la décision Dynamitage, on peut y lire que le rejet dans le cours normal des événements peut être « la conduite d’une automobile [qui] entraîne le rejet de gaz d’échappement dans l’environnement naturel », ce qui n’est d’aucune aide aux appelantes : Dynamitage Castonguay Ltée c. Ontario (Environnement), 2013 CSC 52, paragr. 24.

[86]  Règlement modifiant le Règlement sur les effluents des mines de métaux, DORS/2018-99, art. 40.

[87]  Jugement entrepris, paragr. 428-429 citant Therrien (Re), 2001 CSC 35, paragr. 119. Le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation signale que les modifications « comportent des changements qui clarifient le texte » : Gouvernement du Canada, « Résumé de l’étude d’impact de la réglementation », en ligne : https://gazette.gc.ca/rp-pr/p2/2018/2018-05-30/html/sor-dors99-fra.html (page consultée le 20 novembre 2023).

[89]  Id., paragr. 34-49.

[90]  Id., paragr. 64-93.

[91]  Les deux documents litigieux sont ceux apparaissant sous la cote P-33 : Compte rendu – Revue environnement Mont-Wright tenue le 1er novembre 2012, en liasse. Il s’agit d’un document intitulé « Compte-rendu – Revue environnementale Mont-Wright » du 1er novembre 2012 et la présentation PowerPoint présentée à cette date : Procès-verbal du 29 janvier 2020; Pièce A-1.6, Identification de la clé USB comprenant les documents remis par Isabelle Cantin le 2 juin 2014.

[92]  Jugement sur requête, paragr. 56.

[93]  Id., paragr. 57-60.

[94]  Id., paragr. 62.

[95]  Pièce RA-1.4, Demande de renseignements datée du 10 novembre 2014, réponse de Me Lavoie du 5 février 2015 et affidavit du 20 février 2015. Par ailleurs, contrairement à ce qui est avancé par les appelantes, la présentation PowerPoint (Pièce P-33a) n’a pas été spécifiquement demandée dans cette demande d’Environnement Canada du 10 novembre 2014.

[96]  Jugement sur requête, paragr. 56.

[97]  L’intimé soulève avec raison que seul le compte-rendu de la présentation (Pièce P-33b) avait été préalablement obtenu par Environnement Canada.

[98]  Pièce RA-1.4, Demande de renseignements datée du 10 novembre 2014 et réponse de Me Lavoie du 5 février 2015 et affidavit du 20 février 2015.

[99]  R. c. Borden, [1994] 3 R.C.S. 145.

[100]  Id., p. 162 et 164.

[101]  Jugement sur requête, paragr. 58-60.

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