Décision

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Service de calèches et traîneaux Lucky Luc c. Ville de Montréal

2022 QCCA 1610

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-09-700012-206

(500-17-094003-160)

 

DATE :

30 novembre 2022

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

GENEVIÈVE COTNAM, J.C.A.

MICHEL BEAUPRÉ, J.C.A.

PETER KALICHMAN, J.C.A.

 

 

SERVICE DE CALÈCHES ET TRAÎNEAUX LUCKY LUC

MOISE COHEN

DANNY SÉGUIN

JOSÉE LAPOINTE

ALEXANDRA VAN PETEGHEM

RÉJEAN FORTIN

JEAN-SIMON DESPAROIS

APPELANTS _ demandeurs

c.

 

VILLE DE MONTRÉAL

INTIMÉE _ défenderesse

 

 

ARRÊT

 

 

[1]                Les appelants se pourvoient contre un jugement rendu le 30 septembre 2020 par la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Brian Riordan)[1], lequel rejette leur pourvoi en contrôle judiciaire modifié du 21 août 2020 (le « pourvoi »).

[2]                Par ce pourvoi, dont la première version fut signifiée à l’intimée le 13 décembre 2019, les appelants recherchaient essentiellement la nullité du Règlement interdisant les calèches[2] (le « Règlement ») adopté par cette dernière le 20 août 2018. Vu cette conclusion principale en nullité, le pourvoi des appelants était assorti de conclusions accessoires en jugement déclaratoire et injonction permanente visant la confirmation de leur droit au renouvellement de leurs permis annuels de transport de personnes au moyen d’une calèche, lesquels ont expiré le 31 décembre 2019 suivant les articles 2, 5 et 8 du Règlement[3].

[3]                Les appelants identifient quatre questions en litige, qu’il convient de reformuler ainsi :

a)     le juge a-t-il erré de façon manifeste et déterminante en concluant au caractère déraisonnable du délai écoulé entre l’adoption du Règlement par l’intimée et la signification du pourvoi?

 

b)     le juge a-t-il erré en droit en concluant que la Loi sur les compétences municipales[4] conférait à l’intimée le pouvoir d’adopter le Règlement prohibant le transport de personnes au moyen d’une calèche sur son territoire à compter du 31 décembre 2019?

c)     le juge a-t-il erré en droit en ne concluant pas que l’interprétation du paragraphe 6.1° de la LCM, selon laquelle l’intimée possède le pouvoir de prohiber une activité licite sur son territoire, entre en conflit avec l’article 68 de l’annexe C de la Charte de la Ville de Montréal, métropole du Québec[5]?

 

d)     En cas de réponse négative aux questions b) et c), le juge a-t-il erré de façon manifeste et déterminante en concluant que les appelants ne détiennent pas de droits acquis au renouvellement de leurs permis de transport de personnes au moyen d’une calèche sur le territoire de l’intimée?

[4]                La Cour conclut que le juge a commis une erreur manifeste eu égard à la question a), mais que cette erreur ne nécessite pas son intervention puisqu’elle n’a pas influé sur l’issue du litige. Il y a par ailleurs lieu de répondre négativement aux questions b), c) et d) et, en conséquence, de rejeter l’appel.

[5]                Une revue du contexte sera d’abord utile à la compréhension de ce dispositif et des raisons qui le sous-tendent.

1-     Contexte

[6]                En tout temps pertinent, les appelants étaient propriétaires de chevaux et de calèches aux fins du transport de personnes au moyen d’une calèche, ou exerçaient, à temps plein ou partiel, le métier de cocher. Tous étaient détenteurs à ces fins des permis délivrés par l’intimée en vertu de ses anciens Règlement sur les véhicules hippomobiles[6] (le « Règlement V-1 »), dont la version originale, sous un titre différent, fut adoptée en 1979, et Règlement sur les calèches[7] (le « Règlement 17-079 ») qui lui avait succédé en 2017. Ces permis délivrés sur une base annuelle avaient été renouvelés successivement, dans certains cas depuis plusieurs années et au prix d’investissements importants. En somme, comme le résume d’ailleurs l’intimée dans son mémoire, jusqu’au présent litige, « [l]’industrie du transport de personnes par calèche était […] une activité commerciale permise par la Ville de Montréal ».

[7]                Cela dit, un retour en arrière s’impose afin de mieux cerner l’évolution de la position de l’intimée concernant cette activité sur son territoire.

[8]                D’abord, outre l’interdiction d’exercer le commerce de transport de passagers par véhicule hippomobile sans détenir de permis à cette fin, le Règlement V-1 ne prévoyait pas d’autres cas de prohibition ou d’interdiction d’exercer cette activité économique. Il édictait toutefois des règles de conduite[8], les exigences relatives à la tenue des écuries[9], prévoyait des dispositions pénales[10] et, à son article 22, conférait au comité exécutif de la Ville le pouvoir d’adopter certaines ordonnances, notamment afin de « contingenter » cette activité :

ORDONNANCES

22. Le comité exécutif peut, par ordonnance :

contingenter les véhicules hippomobiles pouvant circuler dans la ville pour une période donnée et à cette fin prescrire l’ordre de préséance dans lequel les permis seront octroyés;

2° déterminer les parcours ou les limites dans lesquels les véhicules hippomobiles doivent circuler;

3° établir des postes d’attente pour les véhicules hippomobiles;

4° déterminer les jours, heures et périodes de l’année durant lesquelles les véhicules hippomobiles peuvent circuler;

5° fixer le prix qui peut être exigé pour une promenade en véhicule hippomobile, à l’heure ou pour un parcours déterminé;

6° exiger certains accessoires pour la voiture ou le cheval afin d’assurer la sécurité des passagers;

(supprimé);

prévoir, à l’occasion d’événements qu’il détermine, certaines exceptions aux exigences du présent règlement, relatives aux parcours, limites, jours et heures où les véhicules hippomobiles sont autorisés à circuler;

9° (supprimé);

10° obliger le requérant d’un permis de conducteur de véhicule hippomobile à réussir un test de compétence visant à démontrer sa capacité d’atteler et de dételer un cheval, son aptitude à conduire un véhicule hippomobile, sa capacité à fournir des informations d’intérêt touristique aux passagers et sa connaissance de la réglementation appropriée;

11° déterminer les circonstances dans lesquelles le test de compétence peut être imposé, en établir le contenu et les différentes modalités, et fixer les sommes que la Ville peut percevoir pour ce test;

12° obliger le conducteur d’un véhicule hippomobile à consigner quotidiennement le temps durant lequel un cheval est attelé, au moyen d’un instrument prévu à cette fin, et à rendre disponible cette information sur demande à un représentant de la Ville.

[Soulignements ajoutés]

[9]                Le 18 mai 2016, sur la base de cette disposition, le comité exécutif de l’intimée adopte l’Ordonnance n° 67, pour valoir à compter du 24 mai suivant, date de sa publication. Cette ordonnance fixe à « 0 » le nombre de véhicules hippomobiles pouvant circuler dans la Ville jusqu’au 31 mars 2017 et prescrit du même coup que « [l]es permis délivrés ou renouvelés pour la période allant du 1er avril 2016 jusqu’au 31 mars 2017 sont nuls et sans effet ».

[10]           Dès le 25 mai 2016, les appelants saisissent la Cour supérieure d’une demande d’injonction interlocutoire provisoire afin qu’il soit ordonné à l’intimée de leur permettre de continuer à exploiter leurs permis pour le reste de la saison 2016.

[11]           Le même jour, le juge Casgrain conclut à l’existence du droit apparent des appelants au remède recherché, que la balance des inconvénients penche en leur faveur et qu’il y a urgence. Ainsi, il accorde la demande et rejette les motifs de justification présentés par l’intimée, lesquels sont fondés sur la sécurité des citoyens, le nombre considérable de chantiers prévus dans la ville cet été-là, tout particulièrement dans le Vieux-Montréal, le caractère inapproprié des infrastructures existantes pour offrir les soins nécessaires aux chevaux et le fait que les préjudices économiques subis par les caléchiers ne sont pas irréparables. De façon déterminante, le juge conclut aussi dès ce stade que l’intimée n’a pas le droit d’interdire ainsi le transport de passagers par calèche sur son territoire puisque le terme « contingenter » utilisé au paragraphe 22() du Règlement V-1 « n’est pas nécessairement l’équivalent d’interdire». Selon lui, « le moratoire de la Ville est une interdiction pure et simple, pas un contingentement ».

[12]           Quelques jours après ce jugement, l’intimée abroge l’Ordonnance n°67.

[13]           Environ 15 mois plus tard, le 21 août 2017, le Conseil de ville adopte le Règlement 17-079, lequel remplace le Règlement V-1.

[14]           L’objet du Règlement 17-079, énoncé à son article premier, est d’« institue[r] un cadre visant la protection du bien-être du cheval utilisé à l’occasion des activités de calèches ». Son article 2 prévoit qu’il s’applique au « service de transport de personnes contre rémunération au moyen d’une calèche qui circule sur le parcours joint en annexe A au présent règlement », soit à l’intérieur des limites du Vieux-Montréal. Sauf celles de ne pas exercer le commerce de transport de personnes au moyen d’une calèche sans y être autorisé par un permis d’exploitant et de ne pas avoir la garde ou le contrôle d’une calèche sans détenir un permis de cocher, le Règlement 17-079 ne prévoit pas d’interdiction d’exercer cette activité économique.

[15]           Puis, un an plus tard, le 20 août 2018, le Conseil de ville adopte le Règlement. Comme l’indique son préambule, il est adopté en vertu de l’article 68 de l’annexe C de la Charte de la Ville de Montréal, métropole du Québec[11] (la « Charte »), des articles 6 et 10 de la Loi sur les compétences municipales[12] (la « LCM ») et de l’article 369 de la Loi sur les cités et villes[13] (la « LCV »). L’article 2 du Règlement est au cœur du présent litige :

2. Il est interdit d’exercer le commerce de transport de personnes au moyen d’une calèche, d’un traîneau ou d’une carriole sur le domaine public.

[16]           L’article 3 prévoit des amendes pour quiconque, personne physique ou morale, contrevient à l’article 2 ou sollicite une clientèle aux fins de ce commerce. Quant à l’article 5, il abroge notamment les dispositions du Règlement 17-079 concernant l’octroi ou le renouvellement des permis d’exploitant ou de cocher. Enfin, l’article 8 prévoit que les permis délivrés en vertu du Règlement 17-079 deviendront caducs à la date de prise d’effet du nouveau règlement, soit environ 16 mois plus tard, le 31 décembre 2019.

[17]           Dans l’intervalle, rapidement après l’adoption du Règlement, l’intimée met sur pied une campagne de communication dans divers médias écrits et parlés afin de le faire connaître. Puis, au début de l’année 2019, après être entrés en contact avec les exploitants de calèches et les cochers, des représentants de l’intimée entament plusieurs démarches afin de mettre en place diverse mesures destinées à les aider à se préparer à l’entrée en vigueur du nouveau règlement. De même, le coût des permis pour la saison 2019, soit du 1er avril au 31 décembre, est ajusté à la baisse en raison de la caducité des permis à compter de cette dernière date.

[18]           Le 10 avril 2019, l’intimée annonce l’instauration d’un programme d’une durée de deux ans prévoyant la possibilité de prise en charge des chevaux de calèches, accompagnée d’une compensation de 1 000 $, afin de leur trouver un nouveau lieu d’accueil en partenariat avec la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux de Montréal. Puis, le 21 juin 2019, une lettre est transmise à tous les détenteurs de permis afin de les convoquer à une rencontre d’information prévue le 4 juillet suivant. Une dizaine de propriétaires de calèches et de cochers se présentent à cette rencontre, lors de laquelle des représentants de l’intimée, de l’assurance-emploi et d’Emploi-Québec les informent de diverses ressources d’accompagnement visant à faciliter, pour les intéressés, la réintégration au marché du travail ou l’obtention d’un nouvel emploi, notamment par le dépôt de candidatures à des postes au sein de l’intimée.

[19]           En somme, pendant plus d’un an suivant l’adoption du Règlement en août 2018, les appelants ont des discussions ou rencontres avec divers représentants de l’intimée et soupèsent les offres qui leur sont présentées ainsi que leurs options.

[20]           Finalement, le 16 décembre 2019, ils saisissent la Cour supérieure d’une demande d’injonction interlocutoire provisoire afin que l’entrée en vigueur du Règlement, prévue le 31 décembre suivant, soit suspendue temporairement. Le 19 décembre 2019, ils signifient à l’intimée leur demande afin que le Règlement soit déclaré nul et que leur droit de continuer à jouir de leurs permis et d’exercer le commerce de transport de personnes par calèche soit en conséquence confirmé.

[21]           Le 20 décembre 2019, le juge Pinsonneault tranche la demande d’injonction interlocutoire provisoire. Il conclut que l’argument d’absence de compétence de l’intimée pour adopter le Règlement soulève une question sérieuse. Néanmoins, concluant à l’absence d’urgence vu les délais écoulés depuis son adoption, à l’absence de préjudice irréparable et que la prépondérance des inconvénients penche en faveur de l’intérêt public, il rejette la demande.

[22]           L’instruction du pourvoi des appelants et de ses conclusions accessoires en jugement déclaratoire et injonction permanente a lieu les 1er et 2 septembre 2020. Le jugement entrepris est rendu le 30 septembre 2020.

2-     Le jugement entrepris

[23]           Le juge résume d’abord la preuve qu’il retient concernant les motifs pour lesquels l’intimée a décidé d’adopter le Règlement :

-          la gestion des plaintes des citoyens, dont 15 en 2018 et 10 en 2019;

-          les coûts d’installation des panneaux de signalisation des endroits désignés pour les calèches;

-          les coûts d’installation et d’entretien de « buvettes » pour les chevaux, soit 3 200 $ en 2019;

-          les coûts de réparation d’ornières dans l’asphalte causées par les roues des calèches, lesquels coûts, sur une seule rue du Vieux-Montréal, la rue St-Jacques, s’élevaient à 4 753,34 $;

-          les coûts de réparation prévisibles d’autres rues du Vieux-Montréal;

-          la nécessité et les coûts de nettoyage et de désodorisation de la chaussée;

-          les coûts de « gestion des matières organiques », soit environ 12 300 $ en 2019.[14]

[24]           Au soutien de ces constats, le juge réfère à la déclaration solennelle du directeur des travaux publics de l’intimée auprès de l’arrondissement concerné[15]. Les appelants n’ont pas reproduit cet élément de preuve dans leur mémoire, ce qu’a toutefois fait l’intimée. Il en ressort certaines précisions sur les raisons pour lesquelles cette dernière a jugé opportun d’adopter le Règlement afin de prohiber le transport de passagers par calèche sur son territoire :

-          les interventions régulières du service de la voirie concernant divers aspects de la « gestion des calèches », incluant les dommages causés au domaine public par cette activité économique;

-          l’usure prématurée et la déformation de la chaussée des rues aux endroits concernés, par rapport aux endroits où cette activité n’a pas cours;

-          la nécessité de procéder à la réfection d’une rue autre que la rue St-Jacques, en l’occurrence la rue de la Commune, en raison des problématiques associées au transport par calèche;

-          les 28 plaintes de citoyens reçues en 2017, en plus de celles précitées pour les années 2018 et 2019;

-          la nécessité qu’une « équipe de propreté » spécifique au sein du service de la voirie assure le nettoyage des aires concernées et le contrôle quotidien des odeurs incommodant les citoyens et les touristes à certains endroits, le tout au moyen notamment d’un camion arrosoir;

-          les coûts de réparation et d’entretien des « bacs » installés dans les aires d’attente des calèches;

-          la nécessité d’octroyer un contrat à une firme privée de collecte de matières organiques;

-          les dépenses globales engagées pour le maintien de la propreté des rues du Vieux-Montréal en lien avec les activités de transport par calèche, lesquelles s’étaient élevées à 60 187,18 $ pour la seule période d’avril à octobre 2019.

[25]           Puisque les appelants recherchent essentiellement la nullité du Règlement au moyen d’un pourvoi en contrôle judiciaire, le juge conclut ensuite que l’article 529 alinéa 3 C.p.c. s’applique et analyse donc si le pourvoi a été signifié dans un délai raisonnable[16]. Constatant que les appelants l’ont introduit 16 mois après les faits lui donnant ouverture[17], il estime que les discussions et réflexions que ces derniers invoquent pour expliquer ce délai ne permettent pas de le justifier[18]. Conséquemment, il conclut que le pourvoi des appelants est tardif et qu’il devrait être rejeté pour cette seule raison[19].

[26]           Malgré cette conclusion, le juge répond tout de même aux trois questions d’ordre davantage substantiel soumises par les appelants.

[27]           D’abord, quant à la compétence de l’intimée d’adopter un règlement prohibant totalement le transport de personnes par calèche sur son territoire, il estime que le paragraphe 6() de la LCM lui permet nommément de le faire puisqu’il habilite une municipalité à prévoir « toute prohibition » dans l’exercice d’un pouvoir réglementaire[20]. Il y a donc en l’espèce exception au principe général selon lequel le pouvoir de réglementer ou de régir une activité commerciale, prévu en l’espèce au paragraphe 10() de la LCM, ne comporte pas le pouvoir de la prohiber[21].

[28]           Ensuite, le juge conclut que le Règlement n’entre pas en conflit avec l’article 68 de l’annexe C de la Charte, lequel, selon les appelants, ne permettrait à l’intimée que de réglementer l’industrie des calèches, mais non de la prohiber[22]. Le juge observe en effet que l’article 283 de cette annexe indique que les dispositions générales des lois s’appliquant à l’intimée ne sont pas restreintes par les termes plus spécifiques d’une disposition de ladite annexe[23], de sorte que la compétence de l’intimée de décréter « toute prohibition » par voie réglementaire, telle que conférée par le paragraphe 6(1°) de la LCM, a préséance et fait partie de ses habilitations législatives[24].

[29]           Enfin, le juge se penche sur le droit acquis qu’invoquent les appelants au renouvellement de leurs permis. Il conclut que l’arrêt Beaurivage c. Québec (Ville)[25], sur lequel ils fondent leur prétention, concerne plutôt le droit à un dédommagement en raison d’un refus injustifié d’une municipalité de renouveler un permis[26]. Précisant aussi qu’« un droit acquis ne peut s’attacher à un droit personnel », surtout lorsque ce dernier affecte le domaine public, le juge rejette cet argument des appelants et, au bout du compte, leur pourvoi[27].

3-     Analyse

3.1  Les dispositions législatives pertinentes

[30]           Les articles 2, 6, 10 et 245 de la LCM et 68 de l’annexe C de la Charte édictent ce qui suit :

-          La Loi sur les compétences municipales

2. Les dispositions de la présente loi accordent aux municipalités des pouvoirs leur permettant de répondre aux besoins municipaux, divers et évolutifs, dans l’intérêt de leur population. Elles ne doivent pas s’interpréter de façon littérale ou restrictive.

 

[…]

2. Under this Act, municipalities are granted powers enabling them to respond to various changing municipal needs in the interest of their citizens. The provisions of the Act are not to be interpreted in a literal or restrictive manner.

 

 

[…]

 

 

 

6. Dans l’exercice d’un pouvoir réglementaire prévu par la présente loi, toute municipalité locale peut notamment prévoir:

 

toute prohibition;

 

[…]

 

10. Toute municipalité locale peut, par règlement, régir:

 

[…]

 

les activités économiques;

 

[…]

 

245. Aucune disposition d’une loi ou d’un décret pris en vertu de la Loi sur l’organisation territoriale municipale (chapitre O-9), régissant les pouvoirs d’une municipalité en particulier, en vigueur le 1er janvier 2006, n’a l’effet de restreindre la portée d’un pouvoir accordé par la présente loi.

 

[Soulignements ajoutés]

6. In exercising a regulatory power under this Act, a local municipality may, in particular,

 

 

(1)      prescribe prohibitions;

 

   […]

 

10. A local municipality may, by by-law, regulate

 

[…]

 

(2) economic activities;

 

[…]

 

245. No provision of an Act or an order made under the Act respecting municipal territorial organization (chapter O-9) and governing the powers of a particular municipality, in force on 1 January 2006, may operate to restrict the scope of a power granted by this Act.

 

[Underlinings added]

 

 

- L’annexe C de la Charte de la Ville de Montréal, métropole du Québec

68. La ville peut, par règlement:

 

1° régir la vitesse et le stationnement des véhicules hippomobiles;

 

distinguer différents types de véhicules hippomobiles;

 

désigner, à l’égard de ces véhicules, des aires à l’intérieur desquelles ils peuvent circuler;

 

prescrire les jours, le nombre d’heures par jour, les heures de la journée et les périodes de l’année durant lesquels ils peuvent opérer;

 

prescrire des circuits, des escales, des lieux de stationnement et, dans certains cas, le retour obligatoire au point de départ, des lieux de remisage ou de garage;

 

établir des normes obligatoires de sécurité et d’hygiène relativement aux véhicules, à leur équipement et aux chevaux;

 

 

accorder des permis aux propriétaires et aux conducteurs de véhicules hippomobiles et en contingenter le nombre;

 

régir leurs services et en fixer le prix;

 

désigner les endroits où ils peuvent stationner et circuler;

 

10° imposer des règles de comportement aux conducteurs de véhicules hippomobiles et fixer les prix de leurs services;

 

11° imposer une amende aux passagers de ces voitures qui refusent de payer les prix exigibles;

 

12°régir l’entretien et l’usage des véhicules hippomobiles.

 

 

[Soulignement ajouté]

68. The city may, by by-law,

 

(1) govern the speed and parking of horse-drawn vehicles;

 

(2) distinguish between various types of horse-drawn vehicles;

 

(3) designate areas within which such vehicles may be driven;

 

 

(4) prescribe the days, number of hours per day, hours of the day and periods of the year during which they may operate;

 

(5) prescribe routes, halts, parking places, the requirement in certain cases to return to the starting point, and the places where they are to be put up or to be garaged;

 

(6) establish mandatory standards of safety and hygiene in regard to such vehicles, their equipment and the horses;

 

 

(7) grant licences to owners and drivers of horse-drawn vehicles and fix quotas for such licences;

 

 

(8) govern their services and fix the price thereof;

 

(9) designate the places where they may park and circulate;

 

(10) impose behaviour rules on drivers of horse-drawn vehicles and fix the price of their services;

 

 

(11) impose a fine on passengers in such vehicles who refuse to pay the fare payable; and

 

(12) govern the maintenance and use of horse-drawn vehicles.

 

 

[Underlining added]

[31]           Le législateur a par ailleurs prévu ce qui suit à l’article 283 de l’annexe C de la Charte, sous la rubrique « DISPOSITIONS FINALES » :

 

283. Aucune disposition de la présente annexe, ni aucune disposition maintenue en vigueur par la présente annexe, n’a pour effet de restreindre la portée d’une disposition, contenue dans toute loi applicable à la ville ou à toute municipalité en général ou à l’un de leurs organismes, pour la seule raison qu’elle est semblable à une telle disposition mais qu’elle est rédigée dans des termes plus spécifiques.

 

[Soulignements ajoutés]

 

283. No provision of this Schedule and no provision maintained into force by this Schedule has the effect of limiting the scope of a provision, contained in any act that applies to the city or any municipality in general or any of their bodies, for the sole reason that it is similar to such a provision but is written in more specific terms.

 

 

 

 

[Underlinings added]

[32]           L’article 369 de la LCV concerne quant à lui le pouvoir de l’intimée de prévoir, par règlement, qu’une infraction à une disposition réglementaire relevant de sa compétence est sanctionnée par une amende[28] et les montants fixe, minimal et maximal qu’elle peut prescrire selon que le contrevenant est une personne physique ou morale[29].

3.2 Les questions en litige

a)     le juge a-t-il erré de façon manifeste et déterminante en concluant au caractère déraisonnable du délai écoulé entre l’adoption du Règlement par l’intimée et la signification du pourvoi?

[33]           Un règlement adopté par un corps municipal est un acte normatif, plutôt qu’un acte administratif[30]. Suivant l’article 529 alinéa 3 C.p.c., le pourvoi en contrôle judiciaire qui en recherche la nullité doit être signifié dans un délai raisonnable à partir de l’acte ou du fait qui lui donne ouverture.

[34]           Toutefois, comme l’a précisé la Cour dans l’arrêt Road to Home Rescue Support c. Ville de Montréal[31], dans les cas, comme celui en l’espèce, où le demandeur invoque l’absence totale de compétence de l’organisme visé, il n’est pas nécessaire qu’il signifie son pourvoi dans un tel délai[32].

[35]           La Cour suprême confirmait ce principe dans Lorraine (Ville) c. 2646-8926 Québec inc.[33]. Le juge en chef Wagner précise en effet ce qui suit :

[25] Une demande en nullité présentée à l’encontre d’un règlement municipal pour cause d’abus de pouvoir doit être formée dans un délai raisonnable. En effet, la saisine de la Cour supérieure au moyen d’une demande en nullité repose sur son pouvoir général de contrôle ou de surveillance à l’égard des actes de l’Administration, dont ceux des conseils municipaux […]. L’exercice de ce pouvoir inhérent étant discrétionnaire, la Cour supérieure peut rejeter le recours entrepris par un justiciable qui a omis de se pourvoir dans un délai raisonnable. Toutefois, cette discrétion ne peut être exercée que dans les cas où le demandeur cherche à faire déclarer la nullité d’un règlement qu’il estime abusif, et non dans ceux où la nullité est demandée pour cause d’absence de compétence ou d’excès de compétence.[…]

[Soulignements ajoutés; références omises]

[36]           Le juge ne réfère pas à ces sources, sur lesquelles, il faut toutefois le mentionner, aucune des parties ne semble avoir attiré son attention. Ainsi, les appelants, qui invoquent l’absence totale de compétence de l’intimée pour adopter le Règlement, se sont limités en première instance à répondre à l’argument que leur opposait l’intimée concernant le caractère déraisonnable de leur délai à agir en tentant plutôt de le justifier.

[37]           Le juge a donc erré en concluant que la demande des appelants aurait dû être rejetée pour le seul motif de sa tardivité, mais cette erreur n’est pas déterminante. En effet, « advenant une opinion différente sur cet aspect de la part d’un tribunal saisi de l’appel du présent jugement »[34], il a judicieusement procédé à l’examen de la compétence de l’intimée pour adopter le Règlement.

[38]           Il y a donc lieu de passer à l’analyse des deuxième et troisième questions en litige, lesquelles constituent le cœur de l’appel.

b)     le juge a-t-il erré en droit en concluant que la Loi sur les compétences municipales conférait à l’intimée le pouvoir d’adopter le Règlement prohibant le transport de personnes au moyen d’une calèche sur son territoire à compter du 31 décembre 2019?

[39]           Selon les appelants, puisque le paragraphe 10() de la LCM confère à l’intimée le pouvoir de « gir » les activités économiques sur son territoire, l’interprétation de la compétence qui lui est octroyée par le paragraphe 6() de la LCM de prévoir « toute prohibition » dans l’exercice d’un pouvoir réglementaire prévu par cette loi ne permet de lui reconnaître qu’une compétence de réglementer une activité économique donnée, en imposant à la rigueur certaines prohibitions partielles visant le contrôle ou les modalités de son exercice, mais non une prohibition totale.

[40]           Ils ajoutent que l’article 68 de l’annexe C de la Charte de l’intimée, lequel lui permet de réglementer certains aspects spécifiques des « véhicules hippomobiles », sans toutefois lui octroyer le pouvoir d’interdire cette activité, est rédigé en des termes plus spécifiques que ceux de nature plus générale visant le pouvoir d’imposer « toute prohibition » prévu au paragraphe 6() de la LCM. Le juge aurait donc commis une autre erreur de droit en ne tenant pas compte de la règle d’interprétation voulant que le spécifique l’emporte sur le général. Autrement dit, en légiférant au moyen et selon la teneur de l’article 68 de l’annexe C de la Charte, le législateur provincial aurait clairement exprimé son intention de ne conférer à l’intimée, contrairement au pouvoir d’ordre général prévu au paragraphe 6() de la LCM, qu’un pouvoir de réglementer l’activité économique de transport par calèche sur son territoire, et non celui de la prohiber entièrement.

[41]           La Cour est d’avis que ces moyens sont mal fondés et, au demeurant, que l’argumentaire des appelants omet une question préliminaire essentielle qu’il importe maintenant d’aborder.

La norme de contrôle applicable

[42]           On ne saurait perdre de vue que la Cour est saisie en l’espèce de l’appel d’un jugement rendu sur un pourvoi en contrôle judiciaire. Or, en ces matières, les rôle et pouvoir du juge d’instance et ceux de la Cour sont balisés et limités par la norme de contrôle applicable.

[43]           Les parties n’ont pas élaboré sur cette question lors de l’audience, mais, dans leurs mémoires d’appel respectifs, elles ont reproduit les mémoires qu’elles ont soumis au juge de première instance, conformément aux façons de procéder devant la Cour supérieure en matière de contrôle judiciaire.

[44]           Dans le leur, les appelants ne proposent aucune norme de contrôle particulière et n’en discutent pas autrement.

[45]           Dans le sien, l’intimée propose au juge que « [q]uant au premier élément, à savoir si le pouvoir habilitant invoqué permettait à la Ville d’adopter le règlement en cause, la norme de la décision correcte s’applique »[35]. Au soutien de sa proposition, elle réfère aux arrêts Nanaimo[36] de la Cour suprême et Plessis-Panet inc.[37] de notre Cour. Afin de justifier la non-application de la norme de la décision raisonnable applicable aux questions de compétence selon l’arrêt Vavilov[38], lui-même postérieur aux deux premiers, l’intimée avance que Vavilov traitait d’une décision administrative plutôt que d’un règlement municipal comme en l’espèce[39].

[46]           Dans le mémoire qu’ils ont soumis au juge en réponse à celui de l’intimée, les appelants réfèrent aux arrêts United Taxi[40] et Catalyst Paper[41], rendus par la Cour suprême en 2004 et 2012 respectivement. Si, dans le premier, la Cour, prenant appui sur son arrêt Nanaimo, énonce que la délimitation de la compétence réglementaire d’une municipalité « devra toujours se faire selon la norme de la décision correcte »[42], dans le second, elle laisse la porte ouverte à l’application de la norme de la décision raisonnable[43].

[47]           Le juge, qui, il faut le dire, ne bénéficiait pas de certains arrêts récents sur lesquels nous reviendrons plus loin, ne discute pas des positions des parties et n’identifie pas expressément la norme qui s’imposait à lui aux fins de trancher l’argument des appelants concernant la nullité du Règlement pour absence de compétence. Néanmoins, il s’exprime ainsi au début de son jugement, qualifiant inadéquatement au passage la nature juridique du Règlement en litige, ceci dit avec égards :

[4] Notre rôle se limite à déterminer si la Ville possède le pouvoir législatif requis pour instaurer une telle politique et, le cas échéant, si elle exerce ce pouvoir conformément à la loi. C’est ce que nous comptons faire par le présent jugement.

[Soulignement ajouté]

[48]           La lecture de ce paragraphe introductif, combinée à celle du paragraphe 8[44] et des paragraphes qui se trouvent sous la section B du jugement[45], permet de conclure qu’il a tranché la question de la compétence de l’intimée à l’aune de la norme de la décision correcte, comme cette dernière le lui proposait.

[49]           Or, il s’agit là d’une erreur qui justifie l’intervention de la Cour.

[50]           Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême révise le cadre d’analyse applicable au contrôle des décisions prises par un organisme administratif en énonçant une présomption selon laquelle la norme, dans tous les cas, est celle de la décision raisonnable[46]. La Cour met ainsi « fin à la reconnaissance des questions de compétence comme une catégorie distincte devant faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision correcte »[47]. Elle établit par ailleurs cinq exceptions à cette règle en confirmant que la norme de la décision correcte s’appliquera néanmoins (i) lorsque la loi elle-même fixe la norme de contrôle ou (ii) prévoit un mécanisme d’appel, (iii) dans les cas où la décision administrative soulève une question constitutionnelle ou (iv) une question de droit général d’importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, ou encore (v) lorsque la question est liée aux délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs[48].

[51]           La Cour précise par ailleurs ne pas fermer définitivement la porte à la possibilité de reconnaître une autre catégorie « appelant une dérogation à la présomption de contrôle selon la norme de la décision raisonnable »[49].

[52]           C’est ce qu’elle a fait tout récemment dans l’arrêt Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Entertainment Software Association[50], en reconnaissant une nouvelle catégorie de questions appelant la norme de la décision correcte, soit lorsque dans une loi les cours de justice et les organismes administratifs ont compétence concurrente en première instance sur une question de droit[51].

[53]           La Cour prend par ailleurs soin de préciser que ce ne sera que dans des « circonstances rares et exceptionnelles » que de nouvelles catégories de questions appelant la norme de la décision correcte pourront être reconnues « lorsqu’appliquer la norme de la décision raisonnable dénaturerait l’intention du législateur ou ébranlerait la primauté du droit d’une façon analogue aux cinq catégories de questions analysées dans Vavilov » [52].

[54]           Notre Cour et d’autres cours d’appel au pays ont récemment pris acte des enseignements de l’arrêt Vavilov et appliqué la norme de la décision raisonnable à l’analyse de la validité de règlements ou autres actes normatifs municipaux lorsque l’absence de compétence était invoquée.

[55]           Dans Restaurants Canada c. Ville de Montréal[53], la Cour, saisie d’un appel concernant la validité d’un règlement de zonage municipal, a confirmé sous la plume du juge Bachand que la norme applicable « à l’égard de la question de savoir si l’intimée avait le pouvoir d’adopter les dispositions réglementaires en litige »[54] est celle de la décision raisonnable :

[20] À la lumière de l’arrêt Vavilov, force est de constater que la norme applicable est celle de la décision raisonnable, et ce, tant à l’égard de la question de savoir si l’intimée avait le pouvoir d’adopter les dispositions réglementaires en litige qu’à l’égard de celles, subsidiaires, ayant trait à leur teneur.

[Soulignement ajouté; renvois omis]

[56]           Tout récemment encore, dans Ville de Brossard c. Ville de Longueuil[55], après avoir référé à l’arrêt Catalyst Paper dans lequel la Cour suprême laissait la porte ouverte à l’application de la norme de la décision correcte lors de la révision judiciaire d’un règlement municipal outrepassant l’habilitation législative[56], le juge Sansfaçon observe toutefois le changement de cap opéré par Vavilov :

[47] Dans Vavilov, rendu subséquemment à Catalyst Paper, la Cour suprême énonce la règle dorénavant d’application générale selon laquelle la norme de la décision raisonnable s’appliquera dans tous les cas de contrôle d’une décision prise par un organisme administratif, sauf lorsqu’une des cinq situations qu’elle identifie se présente, soit que la loi elle-même fixe la norme de contrôle, qu’elle prévoit un appel, s’il s’agit de résoudre une question constitutionnelle, une question de droit générale d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, ou une question liée aux délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs. Elle a par la suite ajouté à cette courte liste une sixième situation, « lorsque les cours de justice et les organismes administratifs ont compétence concurrente en première instance sur une question de droit dans une loi » / « when the courts and administrative bodies have concurent first instance juridiction over a legal issue in a statute ».

[…]

[55] []. Ainsi, et sauf les six cas d’exceptions mentionnés plus haut, l’analyse de la légalité de toute décision prise par une municipalité, que ce soit par résolution ou par règlement, devra se faire sous le regard de la décision raisonnable afin de vérifier « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

[Soulignements ajoutés; renvois omis]

[57]           Ailleurs au pays, les cours d’appel de la Nouvelle-Écosse[57] et de la Colombie-Britannique[58] ont elles aussi confirmé l’application de la norme de la décision raisonnable au contrôle judiciaire du pouvoir d’une municipalité d’adopter un règlement.

[58]           Dans l’un de ces arrêts, 1193652 B.C. Ltd. v. New Westminster (City)[59], dont la Cour suprême n’a pas accordé la permission d’appeler, la Cour d’appel de Colombie-Britannique a conclu que l’interprétation des dispositions pertinentes de deux textes législatifs provinciaux[60], afin de déterminer si un règlement adopté par la municipalité intimée était ultra vires de ses pouvoirs habilitants, appelait l’application de la norme de la décision raisonnable. Les motifs de la juge Dickson pour une Cour unanime peuvent trouver écho en l’espèce, alors que la détermination du pouvoir qu’avait, ou non, l’intimée d’adopter le Règlement dépend de l’interprétation de certaines dispositions de la LCM, d’une part, et de sa Charte, d’autre part :

[48] In my view, the question of whether the Community Charter authorizes municipalities to enact bylaws that protect tenants from renovictions even though the Residential Tenancy Act regulates landlord-tenant renovictions may well be a matter of wide public concern, but it is not a general question of law of central importance to the legal system as a whole. Rather, it is a specific question of statutory interpretation concerned solely with the legislative schemes established in the Community Charter and the Residential Tenancy Act.  This question does not engage any larger principle or subject matter that transcends the schemes at issue. […]

[Soulignements ajoutés]

[59]           Vu ces précédents, la Cour conclut que la norme de contrôle de la décision raisonnable s’applique à l’analyse du pouvoir qu’avait, ou non, l’intimée d’adopter le Règlement.

Application de la norme

[60]           L’intimée n’a pas expressément énoncé au début du Règlement les raisons pour lesquelles elle a jugé opportun de l’adopter. Aucun extrait pertinent de délibérations préalables du conseil municipal, le cas échéant, n’est reproduit au dossier d’appel, le jugement entrepris n’en mentionne pas et le préambule du Règlement se limite à référer aux dispositions législatives que l’intimée considérait habilitantes :

Vu l’article 68 de l’annexe C de la Charte de la Ville de Montréal, métropole du Québec (RLRQ, chapitre C-11.4) ;

Vu les articles 6 et 10 de la Loi sur les compétences municipales (RLRQ, chapitre C-47.1) ;

Vu l’article 369 de la Loi sur les cités et villes (RLRQ, chapitre C-19) ;

À l’assemblée du 20 août 2018, le conseil de la Ville de Montréal décrète :

[…]

[61]           Dans l’arrêt précité Ville de Brossard c. Ville de Longueuil[61], le juge Sansfaçon rappelle les enseignements de Vavilov concernant le type d’analyse que doit effectuer le juge saisi du contrôle judiciaire d’un règlement municipal ne comportant pas, ou peu, de motifs permettant d’en comprendre le fondement. Il est opportun de reproduire de larges extraits de son opinion pour la Cour :

[49] Selon Vavilov, lorsque qu’aucuns motifs n’ont été fournis et où ni le dossier ni le contexte général ne permettent de discerner le fondement de la décision en cause, comme il est fréquent lorsque la décision est un règlement municipal à caractère normatif, alors le rôle du juge réviseur appliquant la norme de la décision raisonnable sera ramené à celui-ci :

[138] Il existe néanmoins des situations dans lesquelles aucuns motifs n’ont été fournis et où ni le dossier ni le contexte général ne permettent de discerner le fondement de la décision en cause. En pareil cas, la cour de révision doit tout de même examiner la décision à la lumière des contraintes imposées au décideur afin de déterminer s’il s’agit d’une décision raisonnable. Toutefois, il est peutêtre inévitable que faute de motifs, l’analyse soit alors centrée sur le résultat plutôt que sur le raisonnement du décideur. Il ne s’ensuit pas pour autant que le contrôle selon la norme de la décision raisonnable est moins rigoureux dans ces circonstances; il prend seulement une forme différente.

[50] La Cour suprême, dans le même arrêt, explique également ce que sont ces « contraintes imposées au décideur », l’une d’elles, le contexte législatif, étant alors susceptible de jouer un rôle déterminant :

[68] La norme de la décision raisonnable ne permet pas aux décideurs administratifs d’interpréter leur loi habilitante à leur gré et ne les autorise donc pas à élargir la portée de leurs pouvoirs audelà de ce que souhaitait le législateur. Elle vient plutôt confirmer que le régime législatif applicable servira toujours à circonscrire les actes ainsi que les pouvoirs des décideurs administratifs. Même dans les cas où l’interprétation que le décideur donne de ses pouvoirs fait l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, un texte législatif formulé en termes précis ou étroits aura forcément pour effet de restreindre les interprétations raisonnables que le décideur peut retenir — en les limitant peutêtre à une seule. À l’inverse, lorsque le législateur confère au décideur de vastes pouvoirs au moyen d’un texte législatif rédigé en termes généraux, et ne prévoit aucun droit d’appel devant une cour de justice, il y a lieu de donner effet à son intention d’accorder une plus grande latitude au décideur sur l’interprétation de sa loi habilitante. []

    [Caractères italiques dans l’original; soulignements ajoutés]

[51] Une municipalité ne saurait donc être absoute d’une décision déraisonnable du seul fait que la lecture qu’elle a faite de son pouvoir habilitant lui procurerait un bénéfice ou un droit :

[121] La tâche du décideur administratif est d’interpréter la disposition contestée d’une manière qui cadre avec le texte, le contexte et l’objet, compte tenu de sa compréhension particulière du régime législatif en cause. Toutefois, le décideur administratif ne peut adopter une interprétation qu’il sait de moindre qualité — mais plausible — simplement parce que cette interprétation paraît possible et opportune. Il incombe au décideur de véritablement s’efforcer de discerner le sens de la disposition et l’intention du législateur, et non d’échafauder une interprétation à partir du résultat souhaité.

[Soulignement ajouté]

[52] La Cour précise l’attention particulière que le décideur – tout comme par la suite le juge réviseur – devra accorder au contexte législatif :

[110] La question de savoir si une interprétation est justifiée dépendra du contexte, notamment des mots choisis par le législateur pour décrire les limites et les contours du pouvoir du décideur. Si le législateur souhaite circonscrire avec précision le pouvoir d’un décideur administratif de façon ciblée, il peut se servir de termes précis et restrictifs et définir en détail les pouvoirs conférés, limitant ainsi strictement les interprétations que le décideur peut donner de la disposition habilitante. À l’inverse, dans les cas où le législateur choisit d’utiliser des termes généraux, non limitatifs ou nettement qualitatifs — par exemple, l’expression « dans l’intérêt public » — il envisage manifestement que le décideur jouisse d’une souplesse accrue dans l’interprétation d’un tel libellé. D’autres formulations se retrouveront entre ces deux extrêmes. Bref, selon le libellé des dispositions législatives habilitantes, certaines questions touchant à la portée du pouvoir d’un décideur peuvent se prêter à plusieurs interprétations, alors que d’autres questions ne sauraient commander qu’une seule interprétation.

[Soulignements ajoutés]

[53] Ainsi, « [l]e fait que les décideurs administratifs participent, avec les cours de justice, à l’élaboration du contenu précis des régimes administratifs qu’ils administrent, ne devrait pas être interprété comme une licence accordée aux décideurs administratifs pour ignorer ou réécrire les lois adoptées par le Parlement et les législatures provinciales ». Afin d’interpréter ces lois, le décideur devra [faire] appel au principe moderne d’interprétation des lois :

[117] La cour qui interprète une disposition législative le fait en appliquant le « principe moderne » en matière d’interprétation des lois, selon lequel il faut lire les termes d’une loi « dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’[économie] de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur ». Le Parlement et les législatures provinciales ont également donné certaines indications en adoptant des règles législatives qui encadrent explicitement l’interprétation des lois et des règlements : voir, par ex., la Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, c. I21.

[118] Notre Cour a adopté ce « principe moderne » en tant que méthode appropriée d’interprétation des lois parce que c’est uniquement à partir du texte de loi, de l’objet de la disposition législative et du contexte dans son ensemble qu’il est possible de saisir l’intention du législateur : Sullivan, p. 78. Les personnes qui rédigent et adoptent des textes de loi s’attendent à ce que les questions concernant leur sens soient tranchées à la suite d’une analyse qui tienne compte du libellé, du contexte et de l’objet de la disposition concernée, que l’entité chargée d’interpréter la loi soit une cour de justice ou un décideur administratif. Une méthode de contrôle selon la norme de la décision raisonnable qui respecte l’intention du législateur doit donc tenir pour acquis que les instances chargées d’interpréter la loi — qu’il s’agisse des cours de justice ou des décideurs administratifs — effectueront cet exercice conformément au principe d’interprétation susmentionné.

[Références omises]

[54] Non seulement ce principe d’interprétation a-t-il toujours sa place, il se situe au cœur de l’exercice que le décideur administratif doit accomplir : « […] quelle que soit la forme que prend l’opération d’interprétation d’une disposition législative, le fond de l’interprétation de celleci par le décideur administratif doit être conforme à son texte, à son contexte et à son objet ».

[55] Le fait que l’étude de l’ensemble des circonstances et l’emploi de la règle d’interprétation moderne amène le juge réviseur à la conclusion qu’il n’existe qu’une seule interprétation raisonnable possible de sa loi habilitante n’équivaut pas pour autant à l’emploi de la norme de la décision correcte. Ainsi, et sauf les six cas d’exceptions mentionnés plus haut, l’analyse de la légalité de toute décision prise par une municipalité, que ce soit par résolution ou par règlement, devra se faire sous le regard de la décision raisonnable afin de vérifier « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

[Certains soulignements ajoutés[62]; renvois omis]

[62]           Dans Restaurants Canada, la Cour observait par ailleurs que, si la Cour suprême a expliqué dans Vavilov que la marge de manœuvre du décideur sera susceptible d’être limitée par les principes dégagés antérieurement par la jurisprudence[63] :

[24] [] il y a lieu de garder à l’esprit que cette jurisprudence antérieure a aussi établi qu’en raison de « [l]’évolution de la municipalité moderne » et de « l’importance sociale et politique des administrations publiques locales », il fallait désormais privilégier une « interprétation téléologique large des pouvoirs municipaux ». Il a également été souligné que les pouvoirs des autorités municipales « devaient être interprétés généreusement parce que leurs relations de proximité avec les citoyens qui habitent ou travaillent sur leur territoire les rendent plus sensibles aux problèmes qu’ils connaissent ». Notre Cour a d’ailleurs affirmé, en 2012, que « [l]es municipalités bénéficient d’un large pouvoir discrétionnaire dans l’exercice de leur pouvoir de réglementation, singulièrement en matière de zonage ».

[Soulignements ajoutés; renvois omis]

[63]           Qu’en est-il en l’espèce ? L’interprétation qu’a ou qu’aurait pu faire l’intimée des dispositions législatives qu’elle mentionne au début du Règlement, selon laquelle ces dernières lui conféraient la compétence de prohiber le commerce de transport de personnes par calèche sur le domaine public, pour les motifs d’ordre budgétaire et d’intérêt public mis en preuve en première instance, est-elle raisonnable ?

[64]           Rappelons d’abord que la partie qui attaque la validité d’un règlement municipal supporte le fardeau de démontrer qu’il est ultra vires de la compétence dévolue par la législation provinciale habilitante[64].

[65]           En effet, les règlements municipaux sont présumés valides[65] et le législateur municipal est de même présumé avoir agi de bonne foi et dans l’intérêt public, sans détours et avec les moyens qui relèvent de sa compétence[66]. Comme l’observe à juste titre le professeur Garant, la présomption de validité « favorise une méthode d’interprétation qui concilie le règlement avec sa loi habitante de sorte que, dans la mesure du possible, le règlement puisse être interprété d’une manière qui le rend intra vires »[67].

[66]           Cela dit, comme l’ont souligné la Cour suprême[68], notre Cour[69] et les auteurs[70] depuis plusieurs années déjà, une municipalité est une créature de la législature et elle ne peut donc exercer que les compétences et les pouvoirs que cette dernière lui a octroyés.

[67]           Ces compétences et pouvoirs seront par ailleurs interprétés de façon large et libérale, tenant compte de l’objet de la loi. La Cour suprême, sous la plume du juge Bastarache, le confirmait dans Nanaimo (Ville) c. Rascal Trucking Ltd.[71] et le réitère de la façon suivante dans l’arrêt United Taxi Drivers Fellowship of Southern Alberta c. Calgary (Ville)[72], mentionnant au passage les raisons qui sous-tendent une telle interprétation large des pouvoirs municipaux :

B. L’interprétation correcte des pouvoirs municipaux

6. L’évolution de la municipalité moderne a entraîné un virage dans la démarche à adopter pour interpréter les lois habilitant les municipalités. Dans Produits Shell Canada Ltée c. Vancouver (Ville), […], la juge McLachlin (plus tard Juge en chef) reconnaît ce virage notable dans la nature des municipalités. La dichotomie entre interprétation « bienveillante » et interprétation « stricte » fait place à une interprétation téléologique large des pouvoirs municipaux : (…). Cette méthode d’interprétation s’est développée en même temps que la méthode moderne de rédaction des lois sur les municipalités. Plusieurs provinces, au lieu de conférer aux municipalités des pouvoirs précis dans des domaines particuliers, préfèrent leur accorder un pouvoir général dans des domaines définis en termes généraux : […]. Ce virage en matière de rédaction législative reflète la véritable nature des municipalités modernes, qui ont besoin de plus de souplesse pour réaliser les objets de leur loi habilitante : (…).

[Soulignements ajoutés; références omises]

[68]           Dans la foulée de ces propos notamment, la Cour suprême a réitéré et souligné au cours des dernières années le rôle accru que les municipalités sont appelées à jouer dans l’ordre juridique, compte tenu notamment de leur relation de proximité avec leurs administrés. La juge L’Heureux-Dubé le soulignait dans l’arrêt Spraytech[73], prenant appui sur la jurisprudence de la Cour :

23. […]

Dans Nanaimo (Ville) c. Rascal Trucking Ltd., […], notre Cour cite avec approbation l’énoncé suivant du juge McLachlin (maintenant Juge en chef) dans Produits Shell Canada Ltée c. Vancouver (Ville), […]:

Il ressort d’un commentaire récent que l’on commence à s’accorder pour dire que les tribunaux doivent respecter la responsabilité qu’ont les conseils municipaux élus de servir leurs électeurs et de prendre garde de substituer à l’opinion de ces conseils leur propre avis quant à ce qui est dans le meilleur intérêt des citoyens. À moins qu’il ne soit clairement démontré qu’une municipalité a excédé ses pouvoirs en prenant une décision donnée, les tribunaux ne devraient pas conclure qu’il en est ainsi. Dans les cas où il n’y a pas d’attribution expresse de pouvoirs, mais où ceuxci peuvent être implicites, les tribunaux doivent se montrer prêts à adopter l’interprétation «bienveillante» évoquée par notre Cour dans l’arrêt Greenbaum et à conférer les pouvoirs par déduction raisonnable. Quelles que soient les règles d’interprétation appliquées, elles ne doivent pas servir à usurper le rôle légitime de représentants de la collectivité que jouent les conseils municipaux.

[Le soulignement est dans le texte]

[69]           Plus près de nous, la juge en chef McLachlin abondait dans le même sens dans l’arrêt Catalyst Paper[74] :

[19] Il ressort de la jurisprudence que la révision des règlements municipaux doit refléter le large pouvoir discrétionnaire que les législateurs provinciaux ont traditionnellement conféré aux municipalités en matière de législation déléguée. Les conseillers municipaux qui adoptent des règlements accomplissent une tâche qui a des répercussions sur l’ensemble de leur collectivité et qui est de nature législative plutôt qu’adjudicative. Les règlements municipaux ne sont pas des décisions quasi judiciaires. Ils font plutôt intervenir toute une gamme de considérations non juridiques, notamment sur les plans social, économique et politique. Comme l’a dit le juge LeBel au nom de la majorité dans Pacific National Investments Ltd. c. Victoria (Ville), […], « [l]es administrations municipales forment des institutions démocratiques. » []. 

[Soulignements ajoutés; références omises]

[70]           Enfin, de façon toute pertinente à notre propos, dans Wallot c. Québec (Ville de)[75], notre Cour analysait plus spécifiquement la façon d’interpréter les pouvoirs conférés aux municipalités par la LCM :

[30] La jurisprudence enseigne que les municipalités n'ont que les pouvoirs qui leur ont été expressément délégués. Depuis l'adoption de la Loi sur les compétences municipales le 1er janvier 2006, cette affirmation nécessite d'être nuancée. En effet, la lecture de la loi montre que le législateur québécois a voulu conférer aux municipalités des pouvoirs en termes généraux leur permettant d'exercer efficacement la plénitude de leurs compétences. Les auteurs Hétu et Duplessis s'expriment ainsi sur ce sujet :

[8.101.1] La nouvelle Loi sur les compétences municipales (L.Q. 2005, c. 6), entrée en vigueur le 1er janvier 2006, n'a pas changé la règle générale selon laquelle les municipalités, en tant que créatures du gouvernement provincial, ne possèdent que les pouvoirs que ce dernier veut bien leur déléguer. Mais ce qui est nouveau, c'est la technique de rédaction législative utilisée pour procéder à cette délégation de compétences. Alors que traditionnellement cette délégation se faisait en termes très explicites, la Loi sur les compétences municipales octroie aux municipalités locales et régionales de comté des pouvoirs en termes larges et généraux afin d'accroître leur marge de manœuvre dans l'exercice des compétences regroupées dans cette loi. Cette méthode moderne de rédaction des lois municipales au Canada doit permettre aux municipalités de répondre plus facilement, et sans devoir faire appel constamment à l'intervention législative du gouvernement provincial, « aux besoins municipaux, divers et évolutifs, dans l'intérêt de leur population » (art. 2 L.C.M.). Bref, si les municipalités n'ont que les pouvoirs délégués, ceux qui ont été octroyés par la Loi sur les compétences municipales en termes généraux ne doivent pas être limités dans leur portée.

[31] L'article 2 de la Loi sur les compétences municipales est par ailleurs l'illustration législative de la règle voulant qu'une loi habilitante bénéficie d'une interprétation large et libérale :

[…]

[Soulignements ajoutés; renvois omis]

[71]           Cela étant, la pierre d’angle de l’argumentation des appelants repose sur le principe suivant, repris par le professeur Garant dans son ouvrage Droit administratif et qu’ils invoquent tant dans leur mémoire que lors de l’audience : « Le pouvoir de réglementer ne comprend pas le pouvoir de prohiber de façon absolue »[76].

[72]           Or, l’argument occulte une nuance importante.

[73]           Il convient d’abord de préciser que, dans un ouvrage postérieur rédigé en collaboration, le professeur Garant précise explicitement la possibilité qu’un pouvoir de prohibition pure et simple soit conféré par la loi habilitante :

Le pouvoir réglementaire doit s’exercer de façon positive, en ce sens que réglementer implique en principe de prévoir des normes de conduite et non des interdictions pures et simples, à moins que la loi habilitante ne le prévoie expressément.[77]

[Soulignements ajoutés]

[74]           Dans l’arrêt Spraytech, la Cour suprême reconnaît la pérennité de ce principe en droit canadien :

Selon deux principes fondamentaux établis depuis longtemps en matière de législation déléguée, un règlement ne peut pas être prohibitif et discriminatoire à moins que la loi habilitante ne l’autorise.[78]

[Soulignement ajouté]

[75]           À la lumière de ces principes, en l’espèce, la compétence de l’intimée d’adopter la prohibition en litige, prévue à l’article 2 du Règlement, découle du pouvoir que le législateur lui a expressément octroyé, au paragraphe 6.1° de la LCM, de prévoir, « toute prohibition » « dans l’exercice [du] pouvoir réglementaire prévu [au paragraphe 10()] de « régir les activités économiques » sur son territoire.

[76]           Cela étant, les cinq points suivants renforcent la conclusion du juge que l’intimée était investie du pouvoir de prohiber le transport de passagers par calèche sur son territoire.

[77]           Premièrement, selon la règle d’interprétation législative moderne, il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur[79]. Or, le sens ordinaire et grammatical des termes « toute prohibition » utilisés au paragraphe 6() de la LCM ne peut être plus clair. « Toute » est un pronom nominal neutre ou collectif qui, utilisé avant un mot et sans article précédant ce dernier (comme en l’occurrence « toute prohibition »), réfère à l’ensemble, à l’entièreté, de la chose ou des choses que désigne ce mot[80], à « l’ensemble des choses dont il est question »[81]. « Toute » prohibition n’est donc pas synonyme de « certaines » prohibitions. Si l’on devait interpréter les termes « toute prohibition » au paragraphe 6() de la LCM comme restreignant la compétence des municipalités à ne prévoir que des prohibitions partielles, comme le soutiennent les appelants, le législateur aurait en quelque sorte parlé pour ne rien dire, d’une part, et aurait, d’autre part, de façon incohérente, contredit le principe d’interprétation large et libérale, et non restrictive, qu’il a jugé opportun de prévoir à l’article 2 de sa même loi, et qu’il est opportun de citer à nouveau :

2. Les dispositions de la présente loi accordent aux municipalités des pouvoirs leur permettant de répondre aux besoins municipaux, divers et évolutifs, dans l’intérêt de leur population. Elles ne doivent pas s’interpréter de façon littérale ou restrictive.

[Soulignement ajouté] 

2. Under this Act, municipalities are granted powers enabling them to respond to various changing municipal needs in the interest of their citizens. The provisions of the Act are not to be interpreted in a literal or restrictive manner.

 

[Underlining added]

[78]           Les auteurs qui se sont penchés sur la question confirment que les pouvoirs généraux conférés par la LCM doivent être interprétés de manière large, en accord avec la façon dont les lois sur les municipalités sont maintenant rédigées[82].

[79]           Enfin, l’intention du législateur de conférer dorénavant de plus larges pouvoirs aux municipalités est confirmée par les propos tenus par la ministre responsable de l’époque lors de l’étude détaillée du projet de loi n° 62 qui allait devenir la LCM. Comme l’a souligné la Cour dans Association des chirurgiens dentistes du Québec c. Ministre de la Santé et des Services sociaux[83], les informations qu’on peut tirer des travaux parlementaires sont particulièrement utiles lorsqu’elles confirment ce qui ressort du texte législatif, ce qui est le cas ici :

Mme Normandeau :

[…]

[…] [L]a façon dont les lois municipales ont été rédigé jusqu’à maintenant, elles sont rédigées de façon très, très pointue, hein, la recette est détaillée, là, et c’est ce que je trouve assez fascinant depuis que je suis aux Affaires municipales. Et là le projet de loi dans le fond vient … on procède à une réécriture des dispositions sur les compétences municipales mais avec des dispositions plus générales, d’ordre plus général, et, dans ces conditions-là, là, la recette toute faite, là, ne sera plus écrite, là, de façon telle que ça ne laisse pratiquement aucune marge de manœuvre au législateur, au monde municipal lorsque vient le temps d’exercer les compétences en question.[84]

[Soulignement ajouté]

[80]           Il ressort aussi des échanges suivants entre le porte-parole de l’opposition officielle de l’époque en matière d’affaires municipales, la ministre responsable et le légiste du ministère des Affaires municipales et des Régions, que le législateur entendait mettre fin aux compétences de prohibition spécifique accordées aux municipalités dans diverses lois pour leur conférer plutôt, par l’article 6, un pouvoir général de prohibition :

M. Legendre: M. le Président, non, la seule chose, c'est... Est-ce qu'on retrouvait cet article-là... Dans le passé, est-ce que cet article-là existait, ou ça se retrouvait un petit peu partout, ça, je pense?

Mme Normandeau: M. Lapointe...

Le Président (M. Ouimet): M. Lapointe, avec le consentement.

M. Lapointe (Simon): L'avantage de cette disposition-là: ça évite une grande quantité de répétitions. Les prohibitions, les interdictions étaient disséminées, les choses, en faisant référence à des normes édictées par les tiers, il y en avait. Là, on s'est dit: Pourquoi dans une compétence, pas dans l'autre? C'est parce qu'à chaque fois c'était relié au processus traditionnel d'adoption des lois municipales. C'est qu'on commence par donner un pouvoir à une ville, après ça on le donne à deux, à trois, après ça on le généralise puis après ça on donnait le pouvoir d'interdiction à une, puis... C'est toujours ça, ce qui fait qu'on se retrouvait... Des fois, on avait l'interdiction dans une compétence, mais on ne l'avait pas dans l'autre; des fois, c'était un autre pouvoir, un autre paragraphe puis...

Ça fait qu'à un moment donné on a fait un «scan», si vous me permettez l'expression, de tout ce qu'il y avait là-dedans, mais on s'est dit: Il n'y a rien qui justifie que ce soit à une place, pas à l'autre. Bon. À un moment donné, là, on s'est retrouvé que c'était un ensemble de types de mesures réglementaires qu'on pensait généraliser, d'autant plus que les municipalités la souhaitaient, cette généralisation-là, de sorte qu'on s'est dit: Bon, bien, là, on fait le ménage, on va en profiter. On va observer les phénomènes particuliers qui doivent être habilités dans la loi, parce que c'est des trucs qui doivent s'y retrouver en principe, parce qu'un pouvoir général ne suffirait pas, pour toutes sortes de raisons techniques, là, mais, je veux dire, c'est des genres de choses qu'il faut camper dans la loi. Et on l'a fait puis on l'a étendu à l'ensemble des compétences. Alors, ça correspondait à un besoin.

M. Legendre: C'est un bon exemple de simplification.

M. Lapointe (Simon): Oui, parce que sinon, là... Oui, ça nous a permis... D'ailleurs, quand vous regardez en dessous des articles, là, bien on en a éliminé.

M. Legendre: Oui. C'est un article qui a eu un bon score.

M. Lapointe (Simon): Oui, effectivement. Et utile, fort utile[85].

[Soulignements ajoutés]

[81]           Une brève revue permet en effet de constater que des pouvoirs de prohibition partielle ou totale de certaines activités économiques contenus dans des dispositions antérieures du Code municipal, de la LCV et de la Charte de la Ville de Québec, par exemple, ont été abrogés par la LCM, vraisemblablement en raison du pouvoir de prohibition générale désormais prévu à son paragraphe 6(1o)[86].

[82]           Deuxièmement, dans l’ordonnancement de la LCM, le législateur a prévu à l’article 6 la compétence d’une municipalité de prévoir toute prohibition « dans l’exercice d’un pouvoir réglementaire prévu par la présente loi », et ce, avant de lui octroyer le pouvoir, à l’article 10, de « régir » les activités économiques sur son territoire. Or, selon un principe de rédaction législative, les articles d’une loi sont placés en principe de telle sorte qu’on puisse suivre une progression logique et que le lecteur n’ait pas besoin de faire appel à des articles qui sont à venir pour comprendre ceux placés au début[87]. Par conséquent, bien que l’on puisse soutenir que le pouvoir de prohiber devrait être interprété et appliqué de façon restrictive et sans limiter le pouvoir de « régir » de la municipalité, l’ordre dans lequel le législateur a énoncé ces pouvoirs dans la LCM écarte une telle interprétation.

[83]           Dans la même veine, et troisièmement, le pouvoir de « régir » n’exclut pas celui de prohiber entièrement.

[84]           L’utilisation du terme « régir [] par règlement [] les activités économiques » sur son territoire au paragraphe 10() de la LCM précède les thèmes de réglementation visés par cette disposition. L’identification des limites de ce pouvoir, le cas échéant, résulte d’un examen du tissu législatif pris dans son ensemble et des principes juridiques généraux prohibant par exemple l’adoption d’un règlement de mauvaise foi ou les mesures réglementaires purement discriminatoires, et non de l’utilisation par le législateur des termes « régir » ou « réglementer », lesquels indiqueraient en soi, selon les appelants, l’intention législative de ne pas conférer aux municipalités un pouvoir de prohibition totale. Comme le notent en effet les professeurs Issalys et Lemieux :

Un autre type d'habilitation spéciale confère le pouvoir de prendre des règlements à propos d'une matière donnée. Par des expressions comme « faire des règlements sur... », « faire des règlements concernant... », « déterminer par règlement des normes de... », « réglementer... », « régir par règlement... », la formule habilitante indique le thème de la réglementation envisagée. Elle délimite ainsi le pouvoir réglementaire de façon assez peu contraignante, surtout lorsque la description de la matière comporte des termes abstraits (« la qualité de... », « la sécurité de... ») ou renvoie globalement à ce qui fait l'objet de la loi mère dans son ensemble. Le champ laissé à l'initiative discrétionnaire de l'autorité administrative sera donc circonscrit moins par la disposition habilitante elle-même que par les règles générales déterminant la légalité des actes réglementaires (voir 7.26 et s.).[88]

[Soulignements ajoutés]

[85]           Comme on l’a vu, l’une de ces règles générales est celle énoncée par le juge LeBel dans son opinion concordante dans l’arrêt Spraytech :

Selon deux principes fondamentaux établis depuis longtemps en matière de législation déléguée, un règlement ne peut pas être prohibitif et discriminatoire à moins que la loi habilitante ne l’autorise.[89]

[Soulignements ajoutés]

[86]           Quatrièmement, certes la compétence de prohibition générale que le législateur a estimé opportun de reconnaître aux élus municipaux leur confère de larges pouvoirs, lesquels auraient pu paraître exceptionnels il n’y a pas si longtemps. Or, une telle volonté législative s’inscrit dans une mouvance moderne axée sur le rôle accru des municipalités. En témoigne au Québec, outre la jurisprudence de la Cour suprême et de notre Cour qui l’ont reconnue[90], ainsi que la LCM même, la pièce de législation omnibus au nom évocateur intitulée : Loi visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs[91].

[87]           Enfin, il pourrait être légitime à première vue de voir dans la version anglaise du paragraphe 6() de la LCM une indication que le législateur n’entendait conférer aux municipalités qu’un pouvoir d’imposer certaines prohibitions spécifiques et non une prohibition totale, comme le démontre au contraire le « toute prohibition » de la version française. Rappelons le libellé des deux versions de la disposition :

6. Dans l’exercice d’un pouvoir réglementaire prévu par la présente loi, toute municipalité locale peut notamment prévoir:

 

toute prohibition;

 

[…]

[Soulignements ajoutés]

6. In exercising a regulatory power under this Act, a local municipality may, in particular,

 

 

(1)   prescribe prohibitions;

 

[…]

[Underlinings added]

[88]           Avec égards, l’argument ne résiste pas à la clarté de la version française, d’une part, et aux règles d’interprétation des lois bilingues, d’autre part.

[89]           À ce dernier sujet, la Cour suprême, dans l’arrêt R. c. Daoust[92], a avalisé la méthode en deux étapes proposée par le professeur Pierre-André Côté :

26  […] Je souligne de nouveau la démarche en deux étapes proposée par le professeur Côté dans son ouvrage Interprétation des lois (3e éd. 1999), p. 410, servant à résoudre les antinomies découlant de divergences entre les deux versions d’un texte législatif :

. . . sauf disposition légale contraire, toute divergence entre les deux versions officielles d’un texte législatif est résolue en dégageant, si c’est possible, le sens qui est commun aux deux versions.  Si cela n’est pas possible, ou si le sens commun ainsi dégagé paraît contraire à l’intention du législateur révélée par recours aux règles ordinaires d’interprétation, on doit entendre le texte dans le sens qu’indiquent ces règles.

27  Il y a donc une démarche précise à suivre pour l’interprétation des lois bilingues.  La première étape consiste à déterminer s’il y a antinomie.  Si les deux versions sont absolument et irréductiblement inconciliables, il faut alors s’en remettre aux autres principes d’interprétation : []  Rappelons qu’il faut alors favoriser une interprétation téléologique et contextuelle : [].

28 Il faut vérifier s’il y a ambiguïté, c’est-à-dire si une ou les deux versions de la loi sont « raisonnablement susceptible[s] de donner lieu à plus d’une interprétation » : [].  S’il y a ambiguïté dans une version de la disposition et pas dans l’autre, il faut tenter de concilier les deux versions, c’est-à-dire chercher le sens qui est commun aux deux versions : [].  Le sens commun favorisera la version qui n’est pas ambiguë, la version qui est claire : [].

29 Si aucune des deux versions n’est ambiguë, ou si elles le sont toutes deux, le sens commun favorisera normalement la version la plus restrictive : [].  Le professeur Côté illustre ce point comme suit, à la p. 414 :

Dans un troisième type de situation, l’une des deux versions a un sens plus large que l’autre, elle renvoie à un concept d’une plus grande extension.  Le sens commun aux deux versions est alors celui du texte ayant le sens le plus restreint.

30 La deuxième étape consiste à vérifier si le sens commun ou dominant est conforme à l’intention législative suivant les règles ordinaires d’interprétation °: [].  Sont pertinents à cette étape les propos du juge Lamer dans Slaight Communications Inc. c. Davidson, [(…)] °:

Il faut donc, dans un premier temps, tenter de concilier ces deux versions.  Pour ce faire il faut tenter de dégager des textes le sens qui est commun aux deux versions et vérifier si celuici semble conciliable avec l’objet et l’économie générale du Code.[93]

[Soulignements ajoutés; références omises]

[90]           Ainsi, à la première étape identifiée par le professeur Côté, trois situations peuvent se présenter à l’interprète de la loi bilingue : (i) les deux versions sont claires, mais elles sont irréconciliables; (ii) l’une des versions est claire, mais l’autre est ambiguë; (iii) les deux versions sont claires, mais l’une a un sens large alors que l’autre a un sens restreint[94].

[91]           La situation qui nous occupe en l’espèce appartient à la seconde catégorie. En effet, alors que la version française du paragraphe 6(1°) de la LCM confère à une municipalité le pouvoir, par règlement, de prévoir « toute prohibition », la version anglaise énonce plutôt qu’elle peut « prescribe prohibitions ». L’expression « toute prohibition » est claire, tandis que « prescribe prohibitions » pourrait faire référence soit uniquement aux prohibitions partielles, soit aux prohibitions tant totales que partielles.  Ainsi, en l’espèce, le sens commun serait celui établi par la version la plus claire, soit la version française.

[92]           Cela dit, à supposer même que « prescribe prohibitions » refléterait le sens commun à la première étape de l’analyse proposée par le professeur Côté, parce que plus restreint, une telle interprétation n’apparaît pas conforme à l’intention législative telle qu’elle ressort des travaux parlementaires précités. Ces derniers, en effet, permettent de confirmer qu’en conférant aux municipalités le pouvoir de prévoir « toute prohibition » par règlement, le législateur avait l’intention de leur conférer un large et général pouvoir, et ce, en accord non seulement avec les observations de la Cour suprême sur le rôle accru des municipalités dans l’ordonnancement juridique moderne, mais aussi avec l’intention législative qui ressort des articles 2 et 245 de la LCM même :

2. Les dispositions de la présente loi accordent aux municipalités des pouvoirs leur permettant de répondre aux besoins municipaux, divers et évolutifs, dans l’intérêt de leur population. Elles ne doivent pas s’interpréter de façon littérale ou restrictive.

 

[…]

 

2. Under this Act, municipalities are granted powers enabling them to respond to various changing municipal needs in the interest of their citizens. The provisions of the Act are not to be interpreted in a literal or restrictive manner.

 

 

[…]

245. Aucune disposition d’une loi ou d’un décret pris en vertu de la Loi sur l’organisation territoriale municipale (chapitre O-9), régissant les pouvoirs d’une municipalité en particulier, en vigueur le 1er janvier 2006, n’a l’effet de restreindre la portée d’un pouvoir accordé par la présente loi.

 

[Soulignements ajoutés]

245. No provision of an Act or an order made under the Act respecting municipal territorial organization (chapter O-9) and governing the powers of a particular municipality, in force on 1 January 2006, may operate to restrict the scope of a power granted by this Act.

 

[Underlinings added]

 

[93]           En somme, et pour toutes ces raisons, la Cour conclut, à l’aune de la norme de contrôle que le juge aurait dû retenir, que la décision de l’intimée d’adopter le Règlement, plus particulièrement son article 2 qui interdit le commerce de transport de personnes au moyen d’une calèche, d’un traîneau ou d’une carriole sur son territoire, est raisonnable.

c)     le juge a-t-il erré en droit en ne concluant pas que l’interprétation du paragraphe 6.1° de la LCM selon laquelle l’intimée possède le pouvoir de prohiber totalement une activité licite sur son territoire entre en conflit avec l’article 68 de l’annexe C de la Charte de la Ville de Montréal, métropole du Québec?

[94]           Rappelons que, selon les appelants, les sujets de réglementation spécifiques du transport par « véhicule hippomobile » conférés à l’intimée par le législateur provincial par l’article 68 de l’annexe C de sa Charte, sujets qui ne comportent pas le pouvoir de prohiber totalement cette activité économique, doivent l’emporter sur la compétence générale de prohibition prévue au paragraphe 6(1°) de la LCM.

[95]           Cette proposition n’est pas fondée.

[96]           En effet, le législateur, ajoutant en cela à la plénitude des pouvoirs reconnus aux municipalités, a au contraire expressément prévu à l’article 245 de la LCM que les dispositions d’une loi octroyant des pouvoirs à une municipalité en particulier, comme c’est le cas de la Charte de l’intimée, ne sauraient restreindre la portée d’un pouvoir accordé par la LCM :

245. Aucune disposition d’une loi ou d’un décret pris en vertu de la Loi sur l’organisation territoriale municipale (chapitre O-9), régissant les pouvoirs d’une municipalité en particulier, en vigueur le 1er janvier 2006, n’a l’effet de restreindre la portée d’un pouvoir accordé par la présente loi.

 

[Soulignements ajoutés]

245. No provision of an Act or an order made under the Act respecting municipal territorial organization (chapter O-9) and governing the powers of a particular municipality, in force on 1 January 2006, may operate to restrict the scope of a power granted by this Act.

 

[Underlinings added]

[97]           De plus, et dans le même sens, le juge a eu raison d’observer qu’à supposer même que le conflit invoqué par les appelants entre le paragraphe 6() de la LCM et l’article 68 de l‘annexe C de la Charte de l’intimée aurait existé, l’article 283 de cette même annexe permettait de le régler en faveur de l’intimée :

 

283. Aucune disposition de la présente annexe, ni aucune disposition maintenue en vigueur par la présente annexe, n’a pour effet de restreindre la portée d’une disposition, contenue dans toute loi applicable à la ville ou à toute municipalité en général ou à l’un de leurs organismes, pour la seule raison qu’elle est semblable à une telle disposition mais qu’elle est rédigée dans des termes plus spécifiques.

 

[Soulignements ajoutés]

 

283. No provision of this Schedule and no provision maintained into force by this Schedule has the effect of limiting the scope of a provision, contained in any act that applies to the city or any municipality in general or any of their bodies, for the sole reason that it is similar to such a provision but is written in more specific terms.

 

 

 

 

[Underlinings added]

[98]           La Cour ayant ainsi répondu de façon négative aux questions en litige b) et c), il convient maintenant d’aborder celle relative aux droits acquis.

d)     En cas de réponse négative aux questions b) et c), le juge a-t-il erré de façon manifeste et déterminante sur une question mixte de fait et de droit en concluant que les appelants ne détiennent pas de droits acquis au renouvellement de leurs permis de transport de personnes au moyen d’une calèche sur le territoire de l’intimée?

[99]           Le juge n’a pas erré en rejetant la demande subsidiaire des appelants afin que leur soit reconnu un droit acquis au renouvellement de leurs permis.

[100]      La partie qui invoque l’existence de droits acquis a le fardeau de prouver les faits qui supportent sa prétention et qu’elle satisfait les critères applicables[95].

[101]      Or, les appelants ne relèvent pas ce fardeau. Ils invoquent essentiellement la perte de leurs investissements et de l’équité dans leur entreprise qui résulte de l’entrée en vigueur du Règlement, ainsi que le précédent que constituerait l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Beaurivage c. Québec (Ville)[96], sur lequel nous reviendrons plus loin.

[102]      Dans l’arrêt Huot c. L’Ange-Gardien (Municipalité de)[97], parmi les critères applicables aux droits acquis, la Cour a souligné celui selon lequel les droits acquis avantagent un immeuble qui en tire profit, ajoutant que « [d] e tels droit ne sont pas personnels mais cessibles »[98].

[103]      Dans leurs opinions dans les affaires Burton c. Verdun[99] et Montréal (Ville de) c. Auberge des Glycines inc.[100], les juges Baudouin et Giroux ont confirmé qu’il ne saurait y avoir de droits acquis en matière de droits personnels.

[104]      La Cour a par ailleurs observé dans Correira c. Québec (Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation)[101] qu’un permis confère un droit strictement personnel lorsqu’il est délivré à une personne pour l’exercice d’une activité et sans rattachement à un immeuble, à plus forte raison lorsqu’il est incessible.

[105]      Quant à eux, les auteurs Dussault et Borgeat définissent ainsi la notion de permis :

La doctrine et la jurisprudence sont sur le sujet avares de commentaires, ce qui prouve que le permis est avant tout une création du droit administratif et ne peut être ramené à une notion de droit civil. Le permis est un mode de concession, pour un temps limité, d’un droit personnel de jouissance sur un bien du domaine public, moyennant le paiement d’une somme forfaitaire et suivant des conditions fixées unilatéralement par la partie concédante.[102]

        [Soulignement ajouté]

[106]      C’est le cas des permis qui avaient été délivrés aux appelants en l’espèce.

[107]      Non seulement ces permis visaient-ils une activité sans rattachement à un immeuble autre que le domaine public mais, au surplus, ils n’étaient pas délivrés pour une période illimitée. Si l’ancien Règlement 17-079 en vertu duquel les permis des appelants avaient été délivrés prévoyait la possibilité de leur renouvellement à certaines conditions, il prévoyait aussi qu’un permis d’exploitant « n’est valide que pour la personne au nom de laquelle il est délivré, pour l’objet et pour la période de temps qui y sont mentionnés », toute cession à un tiers étant sujette à l’autorisation préalable de l’intimée et au respect de certaines conditions[103].

[108]      Enfin, à supposer que les appelants en auraient détenu, une municipalité peut porter atteinte à des droits acquis si la loi habitante le permet explicitement ou implicitement.

[109]      Dans l’arrêt Magog (Ville de) c. Restaurants McDonald's du Canada ltée[104], le juge LeBel, alors de notre Cour, rappelait, sources à l’appui, qu’un « règlement ne saurait porter atteinte à des droits acquis, sauf disposition habitante de la loi »[105] et ajoutait que la volonté de permettre l’atteinte aux droits acquis peut résulter de façon tacite « de la constatation ou du dégagement du sens nécessaire du texte »[106] habilitant[107].

[110]      Les auteurs Côté et Devinat, férant aux sources jurisprudentielles, prenaient encore récemment acte de ce principe d’interprétation :

654. [L’Administration] [] ne peut donner à ses règlements l’effet d’affecter des droits acquis, à moins que la loi habitante ne lui confère ce pouvoir explicitement ou implicitement.[108]

[Soulignement ajouté]

[111]      Or, en l’espèce, la Cour est d’avis qu’une telle intention législative de permettre à l’intimée de porter atteinte par règlement aux droits acquis auxquels prétendent les appelants, si tant est qu’ils en auraient détenus, se dégage au moins implicitement du paragraphe 6(1°) de la LCM. Comment en effet concevoir que le législateur aurait conféré à l’intimée la compétence d’imposer « toute prohibition » dans l’exercice d’un pouvoir réglementaire, qu’elle avait ainsi la compétence de prohiber totalement le transport de personnes par calèche sur son territoire, mais que cette activité économique pourrait néanmoins continuer à être exercée puisque les appelants auraient le droit au renouvellement de leurs permis annuels, et ce, pour une durée indéterminée?

[112]      Une telle conception des choses escamoterait au surplus la teneur, la portée et l’intention législative qui se dégagent des articles 2 et 245 de la LCM et 283 de l’annexe C de la Charte.

[113]      Pour toutes ces raisons, compte tenu des circonstances et de leurs caractéristiques, les permis des appelants n’étaient pas de nature à leur permettre de revendiquer un droit acquis à leur renouvellement après l’entrée en vigueur du Règlement.

[114]      Un mot enfin sur l’argument que les appelants tirent de l’arrêt Beaurivage c. Québec (Ville)[109].

[115]      Selon les appelants, le juge a erré en écartant les enseignements de cet arrêt, plus particulièrement ceux, concluants selon eux, qui ressortent des motifs du juge Rothman aux paragraphes 42 et 47 :

[42] It is clear, in my view, that appellant had acquired rights or vested rights entitling him to a renewal of these permits, or appropriate compensation in the event of non-renewal.

[…]

[47] There are, of course, situations of another kind where the municipality or the government is entitled to exercise a purely discretionary power to grant or refuse the renewal of permits in the interest of protecting public resources or the environment.  Fishing permits or logging permits are examples that come to mind.  But that is not the case here.  The refusal to renew calèche permits would clearly have as its effect the reduction in value of existing business assets of the permit holders, and this without any significant conservation of public resources.  This is a far cry from refusing a fishing permit to protect the endangered cod or salmon fishery or the forestry resources.

[116]      Il n’est pas sans pertinence d’observer d’abord que cet extrait des motifs du juge Rothman constitue un obiter. En effet, la question spécifique des droits acquis auxquels les appelants pouvaient prétendre dans cette affaire ne se posait finalement pas puisque la Cour a considéré qu’à la base, le règlement de Ville conférant à son comité exécutif le pouvoir de modifier le nombre de permis d’opération de calèches sur son territoire était ultra vires.

[117]      De plus, cet arrêt et le règlement dont il y est question sont antérieurs, d’une part, à l’entrée en vigueur de la LCM et du pouvoir qu’elle confère aux municipalités, par règlement, de prévoir « toute prohibition » et, d’autre part, à l’arrêt Wallot de notre Cour concernant le virage important opéré par cette loi, notamment parce qu’elle démontre « que le législateur québécois a voulu conférer aux municipalités des pouvoirs en termes généraux leur permettant d'exercer efficacement la plénitude de leurs compétences »[110].

[118]      Ces distinctions suffisent à rejeter l’argument des appelants selon lequel l’arrêt Beaurivage imposait au juge de leur reconnaître des droits acquis en l’espèce.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[119]      REJETTE l’appel, avec les frais de justice.

 

 

 

 

GENEVIÈVE COTNAM, J.C.A.

 

 

 

 

 

MICHEL BEAUPRÉ, J.C.A.

 

 

 

 

 

PETER KALICHMAN, J.C.A.

 

Me Audi Gozlan

Pour les appelants

 

Me Mélissandre Asselin-Blain

Me Daniel Aubé

GAGNIER GUAY BIRON

Pour l’intimée

 

Date d’audience :

23 mars 2022

 


[1]  Cohen et al. c. Ville de Montréal, C.S. Montréal, no 500-17-094003-160, 30 septembre 2020, Riordan, j.c.s. (le « jugement entrepris »).

[2]  Règlement interdisant les calèches, Conseil de ville de Montréal, no 18-401, adopté le 20 août 2018.

[3]  Id., art. 8.

[4]  Loi sur les compétences municipales, RLRQ, c. C-47.1.

[5]  Charte de la Ville de Montréal, métropole du Québec, RLRQ, c. C-11.4.

[6]  Règlement sur les véhicules hippomobiles, Conseil de ville de Montréal, R.R.V.M. c. V-1.

[7]  Règlement sur les calèches, Conseil de ville de Montréal, no 17-079, adopté le 21 août 2017.

[8]  Id., chapitre 1, section II.

[9]  Id., chapitre IV.1.

[10]  Id., art. 6, 8 et chapitre V.

[11]  Charte de la Ville de Montréal, métropole du Québec, supra, note 5.

[12]  Loi sur les compétences municipales, supra, note 4.

[13]  Loi sur les cités et villes, RLRQ, c. C-19.

[14]  Jugement entrepris, paragr. 2

[15]  Id., note de bas de page 1.

[16]  Id., paragr. 17.

[17]  Id., paragr. 19-27.

[18]  Id., paragr. 25.

[19]  Id., paragr. 27.

[20]  Id., paragr. 31-37.

[21]  Id., paragr. 38.

[22]  Id., paragr. 46-47.

[23]  Id., paragr. 48-50.

[24]  Id., paragr. 51 et 53-58.

[25]  Beaurivage c. Québec (Ville), 2004 CanLII 26320 (C.A.); demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 13 janvier 2005, no 30351.

[26]  Jugement entrepris, paragr. 59-64.

[27]  Id., paragr. 64-67.

[28]  Loi sur les cités et villes, supra, note 13, art. 369, paragr. 1°.

[29]  Loi sur les cités et villes, supra, note 13, art. 369, paragr. 2°.

[30]  Excavation Anjou inc. c. Inspectrice générale de la Ville de Montréal, 2021 QCCA 1029, paragr. 21, citant Municipalité de Saint-Colomban c. Boutique de golf Gilles Gareau inc., 2019 QCCA 1402, paragr. 51, demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême rejetée, 9 avril 2020, n°38868.

[31]  Road to Home Rescue Support c. Ville de Montréal, 2019 QCCA 2187.

[32]  Id., paragr. 32.

[33]  Lorraine (Ville) c. 2646-8926 Québec inc., 2018 CSC 35.

[34]  Jugement entrepris, paragr. 28.

[35]  Mémoire de l’intimée en première instance (17 février 2020) M.I. »), paragr. 14.

[36]  Nanaimo (Ville) c. Rascal Trucking Ltd., 2000 CSC 13.

[37]  Plessis-Panet inc. c. Ville de Montréal, 2019 QCCA 1264.

[38]  Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, paragr. 65.

[39]  M.I., note de bas de page 1.

[40]  United Taxi Drivers Fellowship of Southern Alberta c. Calgary (Ville), 2004 CSC 19.

[41]  Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2.

[42]  United Taxi DriversFellowship of Southern Alberta c. Calgary (Ville), supra, note 42, paragr. 5.

[43]  Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), supra, note 43,  paragr. 13.

[44]  le juge semble identifier comme première question à trancher celle de savoir si le Règlement est « ultra vires des pouvoirs de la Municipalité ».

[45]  I.e. « LE RÈGLEMENT 2018 EST-IL ULTRA VIRES DES POUVOIRS DE LA VILLE ? ».

[46]  Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, supra, note 43, paragr. 10.

[47]  Id., paragr. 65.

[48]  Id., paragr. 17 et 69.

[49]  Id., paragr. 70.

[50]  Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Entertainment Software Association, 2022 CSC 30.

[51]  Id., paragr. 28.

[52]  Id., paragr. 27.

[53]  Restaurants Canada c. Ville de Montréal, 2021 QCCA 1639, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée,  24 mars 2022, no 39984.

[54]  Id., paragr. 20.

[55]  Ville de Brossard c. Ville de Longueuil, 2022 QCCA 1139.

[56]  Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), supra, note 43, paragr. 12

[57]  Colchester County (Municipality) v. Colchester Containers Limited, 2021 NSCA 53, paragr. 32 et 37.

[58]  1193652 B.C. Ltd. v. New Westminster (City), 2021 BCCA 176, paragr. 56 et 59, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 9 décembre 2021, no 39773; 1120732 B.C. Ltd. v. Whistler (Resort Municipality), 2020 BCCA 101, paragr. 39, 44 et 46.

[59]  1193652 B.C. Ltd. v. New Westminster (City), supra, note 61.

[60]  Residential Tenancy Act, S.B.C. 2002, c. 78 et Community Charter, S.B.C. 2003, c. 26.

[61]  Ville de Brossard c. Ville de Longueuil, supra, note 57.

[62]  Pour les fins du présent arrêt, les soulignements ajoutés à ces extraits par le juge Sansfaçon dans le contexte de l’appel dont la Cour était alors saisie n’ont pas tous été repris, et d’autres ont été ajoutés, vu la situation de fait et de droit dans la présente affaire.

[63]  Restaurants Canada c. Ville de Montréal, supra, note 55, paragr. 24.

[64]  114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d’arrosage) c. Hudson (Ville), 2001 CSC 40, paragr. 21; Patrice Garant, Philippe Garant et Jérôme Garant, Droit administratif, 7e éd., Montréal, Yvon Blais, 2017, p. 300.

[65]  Ville de Montréal c. Astral Media Affichage, 2019 QCCA 1609, paragr. 81, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 7 mai 2020, no 38911; Camp Jardin (Gan) d'Israël c. La Minerve (Municipalité de), 2013 QCCA 1699, paragr. 32, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 13 mars 2014, no 35637; Jean Hétu, Yvon Duplessis et Lise Vézina, Droit municipal : Principes généraux et contentieux, 2e éd., vol. 1, Brossard, Publications CCH Ltée, 2002 (feuilles mobiles, mise à jour no 52, juin 2022), no 8.10.

[66]  Montréal c. Arcade Amusements inc., [1985] 1 R.C.S. 368, p. 383; 114957 Canada ltée c. Hudson (Ville), 1998 CanLII 13051 (C.A.), p. 14 de l’opinion du juge Delisle pour la Cour, confirmée par 114957 Canada Ltée (Sparytech, Société d’arrosage) c. Hudson (Ville), supra, note 69, plus particulièrement le paragr. 13 de l’opinion de la juge L’Heureux-Dubé pour la majorité.

[67]  P. Garant, P. Garant et J. Garant, supra, note 69, p. 300.

[68]  Voir, entre autres, Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), supra, note 43, paragr. 11 et 15; London (Cité) c. RSJ Holdings, 2007 CSC 29, paragr. 37; Nanaimo (Ville) c. Rascal Trucking Ltd., supra, note 38, paragr. 31-32; Produits Shell Canada Ltée c. Vancouver (Ville), [1994] 1 R.C.S. 231, p. 273.;

[69]  Entre autres MRC de Vaudreuil-Soulanges c. Location Rivoca inc., 2021 QCCA 1535, paragr. 18.

[70]  Voir, entre autres, P. Garant, P. Garant et J. Garant, supra, note 69, p. 105; J. Hétu, Y. Duplessis et L. Vézina, supra, note 70, n° 8.101.1

[71]  Nanaimo (Ville) c. Rascal Trucking Ltd., supra, note 38, paragr. 18.

[72]  United Taxi Drivers Fellowship of Southern Alberta c. Calgary (Ville), supra, note 42.

[73]  114957 Canada Ltée (Sparaytech, Société d’arrosage) c. Hudson (Ville), supra, note 69.

[74]  Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), supra, note 43.

[75]  Wallot c. Québec (Ville de), 2011 QCCA 1165, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 2 février 2012, no 34440.

[76]  P. Garant, P. Garant et J. Garant, supra, note 69, p. 312.

[77]  Patrice Garant, Philippe Garant et Jérôme Garant, Précis de droit des administrations publiques, 6e éd., Montréal, Yvon Blais, 2018, p. 137.

[78]  114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d'arrosage) c. Hudson (Ville), supra, note 69, paragr. 55. Au même effet : Montréal c. Arcade Amusements inc., supra, note 71, p. 394 (où la Cour suprême reconnaît l’habilitation législative conférant à l’appelante le pouvoir de prohiber les salles d’amusement sur son territoire) et 415 (où elle observe que sa Charte habilitait l’appelante à prohiber de façon « absolue ou pure et simple » des places d’amusement ou l’usage de distributeurs automatiques).

[79]  Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, p. 41.

[80]  Paul Robert et al., Le Petit Robert, éd. 2014, Paris, Le Robert, 2013, «  tout, toute ».

[81]  Paul Robert et al., Le Petit Robert de la langue française, éd. 2021, Paris, Le Robert, 2020, «  tout, toute ».

[82]  J. Hétu, Y. Duplessis et L. Vézina, supra, note 70, no 8.101.1.

[83]  Association des chirurgiens dentistes du Québec c. Ministre de la Santé et des Services sociaux, 2021 QCCA 170, paragr. 60.

[84]  Assemblée nationale, Journal des débats, 37e lég., 1ère sess., vol. 38, n° 53, 14 avril 2005, p. 946.

[85]  Id., p. 976-977.

[86]  Code municipal, RLRQ, c. C-27.1, art. 543 et 544 paragr. 7° et 8° prévoyant le pouvoir de prohiber par règlement la vente de liqueurs alcooliques ou l’usage de certaines bâtiments ou parties de bâtiments comme auberge, restaurant, magasin de liqueurs, jeux de quilles ou endroit où le public est admis à des danses ou autres jeux ou amusements bruyants, abrogés par l’article 214 de la Loi sur les compétences municipales, L.Q. 2005, c. 6 Projet de loi 62 »); Loi sur les cités et villes, supra, note 13, art. 413 paragr. 17, 414 paragr. 3 et 12, 459 paragr. 2 et 460 paragr. 3 et 13 prévoyant le pouvoir de prohiber par règlement « l'exercice d’industries nuisibles ou insalubres » (autres que les industries établies sur le territoire de la municipalité depuis plus de cinq ans), les spectacles ou amusements brutaux ou dépravés, l'emploi des enfants dans les rues et places publiques, l'établissement d'abattoirs privés, les jeux de machines à boules (pin ball), billard, pool, trou-madame, quilles, bagatelles, salles de tir, jeux électroniques ou salles de jeux électroniques ou vente « d'objets quelconques », abrogés par l’article 194 du Projet de loi 62; Charte de la Ville de Québec, capitale nationale du Québec, RLRQ, c. C-11.5,art. 75 de l’annexe C. prévoyant le pouvoir de prohiber par règlement la vente de services dans les rues et sur les places publiques, abrogé par l’article 186 du Projet de loi 62.

[87]  Louis-Philippe Pigeon, Rédaction et interprétation des lois, 3e éd., Québec, Les Publications du Québec, 1986, p. 57-58.

[88]  Pierre Issalys et Denis Lemieux, L’action gouvernementale, 4e éd., Montréal, Yvon Blais, 2020, section 7.11.

[89]  114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d'arrosage) c. Hudson (Ville), supra, note 69, paragr. 55.

[90]  Nanaimo (Ville) c. Rascal Trucking Ltd, supra, note 38, paragr. 36; Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), supra, note 43, paragr. 19; Wallot c. Québec (Ville de), supra, note 80, paragr. 30.

[91]  Loi visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs , L.Q. 2017, c. 13.

[92]  R. c. Daoust, 2004 CSC 6.

[93]  Id., paragr. 26-30. Voir aussi : Pierre-André Côté et Mathieu Devinat, Interprétation des lois, 5e éd., Montréal, Thémis, 2021, nos 1127-1134.

[94]  P.-A. Côté et M. Devinat, supra, note 99, nos 1129-1131; Michel Doucet, « Le bilinguisme de la législation et des décisions judiciaires », dans Michel Bastarache et Michel Doucet (dir.), Les droits linguistiques au Canada, 3e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2013, 266, p. 282-286.

[95]  Art. 2803 C.c.Q.

[96]  Beaurivage c. Québec (Ville), supra, note 25.

[97]  Huot c. L’Ange-Gardien (Municipalité de), 1992 CanLII 3267 (C.A.), demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 4 mars 1993, n°23213.

[98]  Id., p. 12 de l’opinion du juge Chouinard pour la Cour.

[99]  Burton c. Verdun, 1998 CanLII 13090 (C.A.), p. 2 de l’opinion du juge Baudouin pour la majorité.

[100]  Montréal (Ville de) c. Auberge des Glycines inc. (Auberge Le Pomerol inc.), 2012 QCCA 556, paragr. 40 de l’opinion du juge Giroux pour la Cour, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 1er novembre 2012, no 34837.

[101]  Correira c. Québec (Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation), 2006 QCCA 1656, paragr. 20-22, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 31 mai 2007, no 31876.

[102]  René Dussault et Louis Borgeat, Traité de droit administratif, 2e éd., t. 2, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1986, p. 156.

[103]  Règlement sur les calèches, supra, note 7, art. 4 et 13.

[104]  Magog (Ville de) c. Restaurants McDonald's du Canada ltée, 1996 CanLII 6284 (C.A.).

[105]  Id., p. 12 de l’opinion du juge LeBel [soulignement ajouté].

[106]  Ibid.

[107]  Au même effet, voir Procureur général de la Colombie-Britannique et al. c. Parklane Private Hospital Ltd, [1975] 2 R.C.S. 47, p. 60.

[108]  P.-A. Côté et M. Devinat, supra, note 99, no 654.

[109]  Beaurivage c. Québec (Ville), supra, note 25.

[110]  Wallot c. Québec (Ville de), supra, note 80, paragr. 30.

 

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