Décision

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Décision

Investissements Nomac ltée c. Lagacé

2018 QCRDL 37873

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Laval

 

No dossier :

401088 36 20180525 S

No demande :

2589402

 

 

Date :

15 novembre 2018

Régisseure :

Isabelle Normand, juge administrative

 

Les Investissements Nomac Ltée

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Jean-Stéphane Lagacé

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le locateur demande la résiliation du bail et l'expulsion du locataire, le recouvrement du loyer ainsi que le loyer dû au moment de l'audience, plus l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel.

[2]      Le locateur demande de plus la résiliation du bail au motif que le locataire n’a pas respecté l’ordonnance du 18 juillet 2018 requérant du locataire de payer le loyer le 1er jour de chaque mois.

[3]      Il s'agit d'un bail du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018 au loyer mensuel de 825 $, payable le premier jour de chaque mois, reconduit jusqu'au 30 juin 2019 au même loyer, qui est l’objet d’une demande pendante en fixation de loyer.

[4]      La preuve démontre que le locataire doit 78,98 $, soit le solde du loyer du mois de septembre 2018, par imputation de paiement, plus 6 $ représentant les frais du chèque sans provision du mois de septembre 2018.

[5]      Le locataire admet devoir cette somme.

[6]      Le locataire est en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer, la résiliation du bail est donc justifiée par l'application de l'article 1971 C.c.Q.

[7]      De plus, le locateur démontre que le locataire n’a pas respecté l’ordonnance du 18 juillet 2018 :

·           Le loyer de septembre 2018 a été payé finalement le 5 novembre 2018, date à laquelle les loyers de septembre, octobre et novembre ont été payés;

·           Le locateur a accepté la somme de 2 480 $ comptant et a émis un reçu en contrepartie. Cependant, aucune mention particulière n’est indiquée à ce reçu.

[8]      Le locataire conteste la demande du locateur. Il explique des problèmes financiers pour ne pas avoir respecté l’ordonnance et qu’il a entrepris toutes les mesures pour faire en sorte de respecter l’ordonnance.


[9]      En vertu des dispositions de l'article 1973 du Code civil du Québec précité, la sanction de ces contraventions est la résiliation du bail.

[10]   À cet effet, la jurisprudence et la doctrine sont constantes: la discrétion judiciaire ne peut s'appliquer si le défaut de respecter telle ordonnance est constaté.

[11]   Cependant, tel qu'analysé par la juge administrative Chantale Bouchard dans la décision Coopérative d'habitation Habitatou c. Akande[1]:

« [23] Aussi, cette constatation ne pourra se faire au détriment d'autres concepts de droit, tels que la prescription extinctive, la confirmation, la transaction ou la renonciation, lesquels concepts devront être pris en compte pour s'assurer de la vigueur de l'ordonnance dont on veut assurer la sanction. »

[12]   La preuve est à l'effet que le locateur a encaissé le paiement des loyers de septembre, octobre et novembre 2018 sans réserve et sans protester.

[13]   Le locateur a couvert cette contravention en encaissant le paiement de ces loyers. Il a implicitement renoncé à demander la résiliation du bail pour défaut de respect de l'ordonnance du 18 juillet 2018.

[14]   Le Tribunal appuie son raisonnement sur plusieurs décisions de jurisprudence.

[15]   Ainsi, la Cour du Québec, dans 9249-5571 Québec inc. c. Konyukhovskiy[2], conclut que le locateur a implicitement renoncé à la résiliation du bail en encaissant des chèques pour payer des mois de loyers courants, et ce, sans protester.

[16]   Le juge François Bousquet, j.c.q. précise :

« [25] Dans l'affaire Rozansky c Andrade, la résiliation du bail avait été prononcée en août 2001 et la Cour a conclu que "l'encaissement des chèques du 1er septembre ainsi que du 1er octobre n'a d'autres explication que celle à l'effet que Stan Rozansky acceptait l'occupation du locataire Marc-David Andrade et renonçait de fait à la résiliation du bail". »

[17]   Dans l'affaire Lapointe c. Verdieu[3], la Cour écrivait ce qui suit :

« En acceptant le paiement des mois de décembre 2004 et janvier 2005, sans aucune indication ou prestation, ni réserve, il y a eu transaction en vertu de l'article 2631 C.c.Q. Il acceptait l'occupation du locataire, Jacques Verdieu, renonçait de fait à la résiliation du bail et faisait renaître un lien juridique entre les parties. »

[18]   Dans l'affaire Fehri c. Appartements Le Carillon inc.[4], la Cour écrivait ce qui suit :

« [21] Le 3 mars 2008, Fehri remet son argent comptant et Le Cariilon lui remet un reçu (pièce P-5).

[22] Ce reçu, pour un montant de 865 $, précise Loyer mars apt. 101 et parking P1-01 et il est signé par un représentant de Le Carillon.

[...]

[30] [...] Lorsque Fehri fait son paiement le 3 mars 2008, elle ne paie pas un arrérage de loyer, mais elle paie le loyer du mois courant. Cette différence est importante.

[31] Il est difficile pour un locataire de plaider transaction lorsque le locateur ne fait qu'accepter ce qui lui est dû, soit le paiement du loyer en retard que le locataire doit parce qu'il a occupé le logement durant cette période.

[32] Vraisemblablement, Le Carillon considère tardif le paiement du loyer le 3 au lieu du 1er mars et, malgré ce paiement, elle a toujours l'intention de demander la résiliation du bail. Or, Le Carillon devait à ce moment, soit refuser ce paiement ou indiquer clairement à Feuri qu'elle l'acceptait mais sans renoncer à son droit de demander la résiliation du bail. Fehri a raison de dire que, l'acceptation de ce paiement, équivaut à transaction. »

[19]   Considérant la preuve et ces principes jurisprudentiels, le Tribunal considère que la demande de résiliation de bail basée sur le non-respect de l'ordonnance du 18 juillet 2018 ne peut être accueillie, car le locateur a accepté de recevoir le paiement du loyer mentionné précédemment sans protêt et avis contraire de sa part.


[20]   Considérant que le locataire semble avoir bien compris les conséquences de la contravention et que le Tribunal conclut qu'il respectera sans faille l'ordonnance du 18 juillet 2018, celle-ci est reconduite pour une période additionnelle de 24 mois, selon les circonstances.

[21]   Le préjudice causé au locateur ne justifie pas l'exécution provisoire de la décision, comme il est prévu à l'article 82.1 de la Loi sur la Régie du logement[5].

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[22]   ACCUEILLE en partie la demande du locateur;

[23]   RECONDUIT l'ordonnance ordonnant au locataire de payer le loyer payable le 1er jour de chaque mois pour une durée de 24 mois à compter de cette décision;

[24]   CONDAMNE le locataire à payer au locateur la somme de 84,98 $, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 19 septembre 2018, plus les frais judiciaires de 84 $;

[25]   RÉSERVE ses recours au locateur;

[26]   REJETTE la demande quant aux autres conclusions.

 

 

 

 

 

 

 

 

Isabelle Normand

 

Présence(s) :

la mandataire du locateur

le locataire

Date de l’audience :  

9 novembre 2018

 

 

 


 



[1] 2012 QCRDL 9038.

[2] 2013 QCCCQ 6135.

[3] 2010 QCCCQ 974.

[4] RLRQ, c. R-8.1.

[5]    RLRQ, c. R-8.1.

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Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.