Fleuridor c. Développement Lupa inc. | 2023 QCTAL 15161 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Montréal | ||||||
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No dossier : | 31-130531-001 31 20130531 T | No demande : | 3850431 | |||
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Date : | 17 mai 2023 | |||||
Devant la juge administrative : | Isabelle Gauthier | |||||
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Fabiola Fleuridor |
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Locataire - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Développement Lupa Inc. |
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Locatrice - Partie défenderesse | ||||||
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Gestion Jugements Québec Inc. cessionnaire de développement Lupa Inc. |
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Partie intervenante - cessionnaire
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D É C I S I O N
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[1] Par une demande déposée le 30 mars 2023, la locataire requiert la rétractation de la décision du 8 mars 2023, par laquelle le juge administratif Charles Rochon-Hébert rejette sa demande de rétractation d’une décision rendue le 16 août 2013. Par cette décision rendue en 2013 par le Tribunal, le bail est résilié, l’expulsion de la locataire est ordonnée et cette dernière est condamnée à verser à la locatrice 4 500 $ en loyers impayés, plus intérêts et frais.
[2] Sont présents à l’audience la locataire, le mandataire de la locatrice, ainsi que le mandataire de la partie intervenante-cessionnaire.
[3] Dans sa demande, la locataire écrit qu’elle a été empêchée de se présenter à l’audience tenue le 17 février 2023, puisqu’elle, de même que son enfant, ont été déclarés positifs à la COVID-19.
[4] Lors de l’audience, la locataire explique qu’elle a été atteinte de la COVID-19 du 7 au 12 février 2023, alors que son fils âgé de 11 ans a été malade à partir du 13 février. Elle n’a donc pu se présenter à l’audience du Tribunal, car elle était en mode isolement, n’avait personne pour garder son fils et devait en prendre soin. Elle témoigne avoir alors consulté un médecin pour son fils et dépose à l’appui de son témoignage un billet médical daté du 19 février 2023.
[5] La locataire affirme avoir pris connaissance de la décision, rendue par le Tribunal le 8 mars 2023, à son retour de voyage le 24 mars 2023.
[6] La locataire témoigne également avoir pris connaissance en novembre 2022 de la décision rendue par le Tribunal en 2013, quand un huissier s’est présenté chez elle.
[7] Les mandataires de la locatrice et de la partie intervenante-cessionnaire demandent au Tribunal de rejeter la demande de rétractation. Ils allèguent que la locataire aurait dû demander une remise au Tribunal et les avertir avant l’audience, ce qu’elle n’a pas fait.
[8] Ils soutiennent également que la locataire n’a aucune défense à présenter concernant la demande originaire. Ils expliquent d’ailleurs que la locataire leur a fait parvenir, quelques jours avant la présente audience, une lettre de proposition d’arrangement à l’amiable dans laquelle elle reconnaît sa culpabilité et souhaite négocier concernant le paiement des intérêts.
[9] La présente demande se fonde sur l’article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1], lequel énonce :
« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.
Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.
La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.
La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.
Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »
[10] À maintes reprises, les tribunaux ont déterminé que la rétractation est un moyen procédural exceptionnel, car le principe de l'irrévocabilité des jugements est important. Ce principe a été réitéré par la Cour d'appel du Québec :
« Le principe de l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d'où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l'exception et ne pas devenir la règle. »[2]
[11] L'absence d'une partie ne donne pas ouverture systématiquement à la rétractation de jugement, tel que le mentionnent les auteurs Rousseau-Houle et De Billy :
« Le seul fait qu'une partie soit absente à l'audience ne lui donnera pas automatiquement droit à une demande en rétractation. En vertu de l'article 89, la partie doit motiver son absence par une cause jugée suffisante. »[3]
[12] Le Tribunal doit d’abord déterminer si la demande de rétractation de la locataire est présentée dans le délai requis de 10 jours de la connaissance de la décision. Ensuite, le Tribunal doit décider si la locataire a démontré l’existence d’un motif de rétractation.
[13] Quant au délai pour déposer sa demande de rétractation, la preuve convainc que la locataire n’a eu connaissance de la décision du Tribunal que le 24 mars 2023. Le recours a donc été intenté dans les délais requis par la Loi.
[14] Concernant le motif de rétractation invoqué, la locataire témoigne que la condition de santé de son fils ne lui permettait pas de se présenter à l’audience.
[15] Or, le billet médical présenté est laconique et n’est pas contemporain avec la date d’audience, ayant plutôt été signé deux jours après l’audience. Il y est indiqué que le fils de la locataire a été vu le 19 février pour « des raisons médicales », que la locataire a dû rester avec lui à la maison depuis le 13 février et qu’elle a encore besoin de rester à la maison avec lui jusqu’au 23 février, « car il est malade ».
[16] De plus, même si la locataire ne pouvait se présenter à l’audience pour cette raison, elle aurait dû faire preuve de prudence et de diligence et prendre les moyens nécessaires, soit en demandant une remise de l’audience, en demandant d’être entendue par visioconférence, ou en se faisant représenter par une autre personne à l’audience, ce qu’elle n’a pas fait.
[17] La locataire ayant témoigné que son fils était atteint de la COVID-19 depuis le 13 février, elle aurait eu tout le temps nécessaire pour ce faire.
[18] En effet, pour obtenir une rétractation, il faut de plus que le demandeur n’ait pas été négligent dans l’exercice de ses droits. Le Tribunal fait siens les propos de l'honorable Juge Louis Rochette de la Cour supérieure, dans l'affaire Mondex Import Inc. c. Victorian Bottle inc. :
« Par ailleurs, en ce qui a trait à la partie elle-même, il n'y a pas d'ambiguïté, elle ne doit pas adopter un comportement négligent dans la défense de ses droits, sans quoi le principe de l'irrévocabilité des jugements pourra lui être opposé. Cela n'est que logique et en conséquence, une partie ne peut laisser cheminer une affaire judiciaire qui la concerne directement sans s'en préoccuper. Elle doit être empressée de faire valoir sa prétention et de préserver ses droits. Les règles de procédure ne peuvent être modulées pour tenir compte du laxisme d'une partie. »[4]
[19] À la lumière de ces principes et de la preuve offerte, le Tribunal est d’avis que la locataire n’a pas établi, par preuve prépondérante, un motif sérieux de rétractation.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[20] REJETTE la demande de rétractation de la locataire qui en assume les frais;
[21] MAINTIENT la décision rendue le 8 mars 2023.
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Isabelle Gauthier | ||
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Présence(s) : | la locataire le mandataire de la locatrice le mandataire de la partie intervenante - cessionnaire | ||
Date de l’audience : | 20 avril 2023 | ||
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[1] RLRQ, c. C-15.01.
[2] Entreprises Roger Pilon Inc et al. c. Atlantis Real Estate Co.,
[3] Le bail de logement : analyse de la jurisprudence, Wilson & Lafleur, Montréal, 1989, p. 307.
[4] Cour supérieure 200-17-001038-983,
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