Décision

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Chaves c. Pires

2025 QCTAL 8619

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

804192 31 20240627 T

No demande :

4545342

 

 

Date :

13 mars 2025

Devant la juge administrative :

Leyka Borno

 

Manuel Chaves

 

José Arruda

 

Locateurs - Partie demanderesse

c.

Osvalda Pires

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

  1.          Le 29 novembre 2024, le locateur, José Arruda requiert la rétractation d’une décision rendue le 18 septembre 2024 à la suite d’une audience tenue le 7 août 2024 à laquelle il était présent.
  2.          Il demande également d’être relevé des conséquences de son défaut d’avoir respecté le délai pour introduire sa demande, la condamnation au paiement des frais et l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel.
  3.          La décision contestée condamne la locataire à payer aux locateurs la somme de 4 976 $ à titre de loyers impayés et aux frais de justice.
  4.          Au soutien de sa demande, le locateur allègue que le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande, soit la résiliation du bail et l’expulsion de la locataire ainsi que tous les occupants.
  5.          À l’audience, le locateur explique qu’il a pris connaissance de la décision entre le 25 et 30 septembre 2024.
  6.          Il explique qu’au départ, il a compris que la décision lui était favorable, puisqu’au paragraphe 4 de cette décision, la juge administrative statue que la résiliation du bail est justifiée par l’application de l’article 1971 C.c.Q.

  1.          Vers la fin du mois d’octobre 2024, une fois la décision devenue exécutoire, il réalise que le Tribunal n’a pas, dans les faits, conclu à la résiliation du bail.
  2.          Il tente d’obtenir un rendez-vous avec le Tribunal, mais en vain. Ce n’est que le 21 novembre 2024 qu’il obtient un rendez-vous.
  3.          Lorsqu’il se présente à son rendez-vous, le préposé aux renseignements du Tribunal l’informe qu’une demande de rectification d’office sera demandée[1].
  4.      N’ayant aucune nouvelle de la rectification, il se présente au Tribunal le 29 novembre 2024 et il est informé à ce moment de déposer une demande de rétractation[2]. Il introduit donc son recours à cette date.
  5.      Bien que dûment notifiée et convoquée, la locataire est absente à l’audience.

ANALYSE ET DÉCISION

  1.      Les demandes du locateur sont fondées sur l’article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[3] qui prévoit ce qui suit :

« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.

La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.

Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »

  1.      À maintes reprises, les tribunaux ont déterminé que la rétractation est un moyen procédural exceptionnel, car le principe de l'irrévocabilité des jugements est important. Ce principe a été réitéré par la Cour d'appel du Québec :

« Le principe de l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d'où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l'exception et ne pas devenir la règle[4]. »

  1.      La demande de rétractation n’a pas été introduite à l’intérieur du délai prévu à la loi.
  2.      L’article 59 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement, stipule :

« 59.  Le Tribunal peut, pour un motif raisonnable et aux conditions appropriées, prolonger un délai ou relever une partie des conséquences de son défaut de le respecter, si l’autre partie n’en subit aucun préjudice grave. »

  1.      Afin d’obtenir la rétractation de la décision rendue, le locateur doit établir qu’il a déposé sa demande dans les dix jours de la connaissance de la décision. À défaut de respecter ce délai, l’article 59 de la Loi permet au Tribunal de le relever de son omission, à la condition qu’il invoque un motif raisonnable et que l’autre partie n’en subisse un préjudice grave.
  2.      Le Tribunal rappelle que celui qui veut faire valoir un droit, doit en faire la preuve au Tribunal de façon prépondérante, la force probante des témoignages étant laissée à l'appréciation du Tribunal[5].
  3.      Le Tribunal est d'avis qu’il y a lieu dans la présente affaire de relever le locateur des conséquences de son défaut de respecter le délai de 10 jours pour produire sa demande de rétractation.

  1.      Le Tribunal retient le témoignage sincère et crédible du locateur quant au motif pour justifier son délai.
  2.      Bien que le Tribunal constate que la gestion du délai pour produire la demande de rétractation n’est pas des plus exemplaires, il doit aussi constater que ce délai relève en partie des informations obtenues auprès du service de renseignements du Tribunal.
  3.      Le locateur a établi un motif raisonnable d’être relevé des conséquences de son défaut et aucune preuve de préjudice grave n’a été soulevée par la partie défenderesse.
  4.      Quant au motif de rétractation, le Tribunal est d’avis que le locateur a établi, par preuve prépondérante, un motif de sérieux de rétractation.
  5.      Le locateur a démontré que le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande.
  6.      En effet, dans sa demande originaire, le locateur demandait la résiliation du bail au motif que la locataire était en retard de plus de trois semaines dans le paiement de son loyer.
  7.      Bien que le Tribunal, dans ses motifs, conclut que la résiliation du bail est justifiée pour retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer, le dispositif de la décision ne contient pas de conclusion à cet égard.
  8.      Par conséquent, il y a lieu de permettre la rétraction de la décision.
  9.      Par ailleurs, le Tribunal est d’avis que le locateur n’a pas à être pénalisé par cette situation et recommande le remboursement des frais de la présente demande.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      ACCUEILLE la demande de rétractation du locateur;
  2.      RÉTRACTE la décision rendue le 18 septembre 2024;
  3.      DEMANDE au maître des rôles à convoquer de nouveau les parties pour enquête et audition au mérite de la demande originaire du locateur.
  4.      RECOMMANDE le remboursement des frais de la demande de rétractation au locateur au montant de 87 $.

 

 

 

 

 

 

 

 

Leyka Borno

 

Présence(s) :

le locateur José Arruda

Date de l’audience : 

17 décembre 2024

 

 

 


 


[1] Pièce P-1.

[2] Pièce P-2.

[3] RLRQ, c. T-15.01.

[4] Entreprises Roger Pilon Inc et al. c. Atlantis Real Estate Co., (1980) C.A. 218.

[5] Articles 2803, 2804 et 2845 du Code civil du Québec.

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