Décision

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Comito c. Ilaire

2024 QCTAL 24791

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

732368 31 20230907 G

No demande :

4032571

 

 

Date :

30 juillet 2024

Devant le juge administratif :

Ross Robins

 

Nicola Comito

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Jorie Ilaire

 

Natalie Ilaire

 

Locataires - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Tous les dossiers de recouvrement de loyers ne sont pas simples.

[2]         Dans sa demande du 7 septembre 2023, le locateur demande la résiliation du bail et l'expulsion concomitante des locataires.

[3]         À l'appui de ses conclusions, il allègue que les loyers des mois d'août (795 $) et de septembre (795 $) n'ont pas encore été payés et outre sa demande de résiliation, demande à se voir allouer la somme de 1 590 $ avec intérêts, indemnité (article 1619 C.c.Q.) et frais judiciaires.

[4]         Comme motif additionnel de résiliation, il soutient que les retards chroniques de paiement des locataires sont gravement préjudiciables à ses finances.

[5]         Lors de la convocation des parties pour preuve et audition, les locataires ont admis que les loyers des mois d'août, septembre et octobre 2023 n'avaient pas été payés.

[6]         Ils ont également admis avoir quitté définitivement le logement le ou vers le 27 octobre 2023.

[7]         Par conséquent, la demande de résiliation du locateur n'était plus pertinente.

[8]         Toutefois, il insiste toujours sur le loyer impayé au montant de 2 385 $ (795 x 3 = 2 385).

[9]         De leur côté, les locataires soutiennent que la demande d'arrérages du locateur est injustifiée.

[10]     Voici ce que révèle la preuve pertinente.

[11]     Les parties étaient liées par un bail pour un logement dans l'immeuble du locateur situé sur la rue Matte à Montréal.

[12]     Le bail s'étendait initialement du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017 pour un loyer mensuel de 700 $.


[13]     Le bail a été renouvelé d'année en année et pour le terme qui a débuté le 1er juillet 2023, les locataires ont accepté de payer un loyer de 795 $ par mois.

[14]     Le ou vers le 19 avril 2023, les locataires ont reçu du locateur un avis en vertu des articles 1922 et 1923 du Code civil du Québec.

« 1922. Une amélioration majeure ou une réparation majeure non urgente, ne peut être effectuée dans un logement avant que le locateur n'en ait avisé le locataire et, si l'évacuation temporaire du locataire est prévue, avant que le locateur ne lui ait offert une indemnité égale aux dépenses raisonnables qu'il devra assumer en raison de cette évacuation. »

« 1923. L'avis indique la nature des travaux, la date à laquelle ils débuteront et l'estimation de leur durée, ainsi que, s'il y a lieu, la période d'évacuation nécessaire; il précise aussi, le cas échéant, le montant de l'indemnité offerte, ainsi que toutes autres conditions dans lesquelles s'effectueront les travaux, si elles sont susceptibles de diminuer substantiellement la jouissance des lieux.

L'avis doit être donné au moins 10 jours avant la date prévue pour le début des travaux ou, s'il est prévu une période d'évacuation de plus d'une semaine, au moins trois mois avant celle-ci. »

[15]     L'avis est pour le moins laconique.

[16]     Le propriétaire avise les locataires de son intention d'entreprendre des réparations ou des rénovations majeures à compter du 1er août 2023.

[17]     Il ajoute que les travaux les obligeront à quitter temporairement le logement du 1er août 2023 au 31 décembre 2023 et leur offre une indemnité pour leurs dépenses raisonnables d'un montant de 795 $.

[18]     Toutefois, en contravention avec l'article 1923 C.c.Q., il a omis de préciser la nature des travaux ou rénovations qu'il envisageait. Plus précisément, l'espace de l'avis qui est spécifiquement prévu à cette fin - l'espace qui suit les mots « voici la nature de ces travaux » - est manifestement vide.

[19]     En vertu de l'article 1925 C.c.Q., il était loisible aux locataires d'aviser le locateur, dans les dix (10) jours de la réception de l'avis, qu'ils n'avaient pas l'intention d'acquiescer à sa demande d'inoccupation temporaire. Or, ils ne l'ont pas fait et sont donc réputés avoir refusé de libérer le logement.

« 1925. Lorsque l'avis du locateur prévoit une évacuation temporaire, le locataire doit, dans les 10 jours de la réception de l'avis, aviser le locateur de son intention de s'y conformer ou non; s'il omet de le faire, il est réputé avoir refusé de quitter les lieux.

En cas de refus du locataire, le locateur peut, dans les 10 jours du refus, demander au tribunal de statuer sur l'opportunité de l'évacuation. »

[20]     Néanmoins, le ou vers le 18 août 2023, les locataires quittent le logement pour résider - quoique temporairement - chez leur frère à Terrebonne.

[21]     Lorsque le locateur leur demande l'adresse de leur frère, ils l'assurent qu'ils ont déjà demandé à Postes Canada de faire suivre leur courrier à l'adresse de leur frère à Terrebonne.

[22]     Les locataires sont partis avec quelques effets personnels, mais ont laissé derrière eux des boîtes et des objets divers qu'ils avaient empilés, relativement proprement, contre les murs du logement.

[23]     Le locateur a omis de remettre l'indemnité proposée de 795 $ aux locataires lors de leur départ. À la question du Tribunal de savoir pourquoi l'indemnité n'avait pas été versée, il a répondu que les locataires « ne l'avaient pas demandée ».

[24]     S'il existe une explication plus faible pour justifier le non-respect d'une disposition d'ordre public, le Tribunal préfère ne pas l'entendre.

[25]     Le locateur a ensuite reproché aux locataires de ne pas avoir évacué le contenu de leur logement. Il a déclaré que le logement nécessitait d'importants travaux : les planchers devaient être réparés, de même que la plomberie et l'électricité. D'importants travaux de peinture et de plâtrage sont également nécessaires.

[26]     Il a insisté, avec raison, sur le fait que les travaux susmentionnés ne pouvaient pas être entrepris tant que les biens des locataires demeuraient dans le logement et son entrepreneur a témoigné que les travaux requis ne pouvaient pas commencer avant que les locataires ne déménagent, de leur propre gré, à la fin du mois d'octobre 2023.


[27]     Le locateur estime que le loyer des mois d'août, septembre et octobre est dû car, à toutes fins utiles, les locataires - en raison de la présence de leurs biens - ont continué à occuper le logement au cours des mois précédents.

[28]     Les locataires soutiennent qu'ils n'ont pas été informés que le logement devait être libéré, dans son intégralité, jusqu'à ce que le locateur leur envoie un SMS à cet effet le 19 août 2023. Ils ont insisté sur le fait qu'ils n'avaient pas les fonds nécessaires pour le déménagement et l'entreposage et, ce qui n'est pas surprenant, ont fait référence au défaut du locateur de verser l'indemnité de 795 $ qu'il avait proposée dans son avis.

[29]     Comme nous l'avons appris, l'avis du 19 avril 2023 ne fait aucunement mention de la nature et de l'ampleur des travaux envisagés par le locateur. Pas plus d'ailleurs que le texto tardif du locateur du 19 août 2023 qui demandait de manière déraisonnable et irréaliste aux locataires d'enlever le contenu de leur logement dans les plus brefs délais.

[30]     (Il se trouve que ces détails n'ont pas vu le jour avant le 16 août 2023, lorsque, dans le dossier du Tribunal portant le numéro 706228, le propriétaire a modifié sa demande du 11 mai 2023 dans laquelle il demandait au Tribunal d'ordonner aux locataires d'évacuer le logement entre le 1er août et le 31 décembre 2023. Le dossier révèle que le propriétaire s'est finalement désisté de sa demande le 26 juin 2024).

[31]     Les locataires ont quitté le logement, conformément à la demande du locateur, le 18 août 2023 et ne sont revenus pour déménager définitivement qu'à la fin du mois d'octobre 2023.

[32]     Compte tenu du manque de clarté engendré par le préavis manifestement insuffisant du locateur et à la lumière de son défaut inexplicable de remettre une indemnité raisonnable aux locataires, le Tribunal conclura qu'il a été, en grande partie, l'auteur de son propre malheur.

[33]     En conséquence, il ne lui sera accordé que la somme de 461 $ représentant 18 jours d'occupation du 1er au 18 août 2023.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[34]     ACCUEILLE partiellement la requête;

[35]     CONDAMNE les locataires à payer au locateur la somme de 461 $ avec les intérêts au taux légal et l'indemnité en vertu de l'article 1619 C.c.Q. calculée à compter du 1er août 2023, plus les frais judiciaires au montant de 107 $;

[36]     REJETTE les autres conclusions.

 

 

 

 

 

 

 

 

Ross Robins

 

Présence(s) :

le locateur

Me Simon Pelletier, avocat du locateur

les locataires

Date de l’audience : 

1er mai 2024

 

 

 


 

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