Décision

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Maison Sami TA Fruits inc. c. Agence du revenu du Québec

2022 QCCQ 754

COUR DU QUÉBEC

« Chambre civile »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

 :

500-80-032722-168

500-80-032721-160

500-80-034759-176

 

DATE :

3 mars 2022

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

LOUIS RIVERIN, J.C.Q.

______________________________________________________________________

500-80-032722-168 et 500-80-032721-160

 

LA MAISON SAMI T.A. FRUITS INC.

Demanderesse

c.

L’AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC

Défenderesse

______________________________________________________________________

500-80-034759-176

 

SAMI AL ASMAR

Demanderesse

c.

L’AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC

Défenderesse

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

 

 

[1]                L’Agence du revenu du Québec (Revenu Québec) a déterminé les revenus imposables de la Maison Sami T.A. Fruits inc. (Sami) pour les années d’imposition 2007 à 2012 (années en litige) en procédant par une méthode alternative lors d’une vérification fiscale en impôt des sociétés. Des cotisations sont émises en conséquence[1] pour une somme d’un peu plus de 8 111 858 $.

[2]                La méthode alternative utilisée est le pourcentage de la marge bénéficiaire brute établi par Statistique Canada pour les entreprises œuvrant dans le même domaine d’affaires que Sami, à savoir la vente de fruits et légumes au détail. Revenu Québec a ainsi établi que Sami n’a pas déclaré des ventes d’environ 55 000 000 $ pour les années en litige.

[3]                De même, en retenues à la source (RAS) Revenu Québec a procédé à une vérification fiscale, utilisant une autre méthode alternative, pour déterminer la masse salariale de Sami et les RAS conséquentes pour les années en litige[2]. Des cotisations sont émises pour une somme d’un peu plus de 8 099 772 $ en RAS.

[4]                Selon la méthode alternative utilisée, à savoir : estimation de la masse salariale par évaluation des heures requises à l’activité économique de l’entreprise, des salaires non déclarés pour les années en litige sont établis par Revenu Québec pour une somme d’environ 31 087 941 $[3].

[5]                Puisque des ventes non déclarées ont généré des revenus qui ne se retrouvent pas dans l’entreprise, Revenu Québec a émis à l’endroit de l’unique actionnaire et président de Sami, M. Sami Al Asmar ( M. Asmar), des cotisations pour les années en litige[4] pour une somme d’un peu plus de 13 819 763 $ en appropriation de fond.

[6]                Ces cotisations sont émises à l’endroit de M. Asmar, par l’application des articles 28 et 111 de la Loi sur les impôts (L.I.)[5]. Leur validité repose en partie sur le sort des ventes non déclarées estimées par Revenu Québec selon la méthode alternative précédemment mentionnée.

[7]                Ce sont donc ces trois dossiers judiciaires distincts qui ont été réunis pour instruction commune dont le présent jugement dispose.

1.       LE CONTEXTE FACTUEL

1.1.           L’entreprise la Maison Sami T.A. Fruits inc.

[8]                Dans les années 1990, M. Asmar exploite un kiosque de fruits et légumes au Marché Jean-Talon à Montréal. Opérant pratiquement seul au début, il s’occupe de tout : achats, ventes, disposition des étalages, fixation des prix, embauche, négociation de loyers et locaux, caisse, etc.

[9]                L’entreprise croît. Il commande directement de fournisseurs partout dans le monde. M. Taleb Al Asmar (M. Taleb), fils de M. Asmar, est impliqué quotidiennement dans l’entreprise de son père.

[10]           En octobre 2007, M. Asmar ouvre un magasin sur la 19e Avenue à Montréal pour la vente au détail de fruits et légumes. En 2008, deux autres succursales sont ouvertes, l’une en février à Lasalle et l’autre en octobre à Laval. De plus, un entrepôt est ouvert où sont situés les bureaux administratifs de même qu’un centre de réception et de distribution des fruits et légumes pour les succursales précédemment mentionnées. C’est de cet endroit que l’on approvisionne les trois succursales de Sami. L’entrepôt est aussi accessible à la clientèle et des ventes en gros y sont effectuées.

[11]           Le mode d’opération des trois succursales est le suivant : le prix des fruits et des légumes est fixé par M. Asmar ou son fils Taleb à quelques reprises dans la semaine, principalement le mercredi.

[12]           Ensuite, ils communiquent par téléphone aux gérants des succursales le nouveau prix modifié des marchandises sélectionnées. Les gérants informent les caissières du nouveau prix en leur exhibant l’item. Tel que mentionné au paragraphe 8 de la demande en appel de cotisation fiscale[6] « les prix varient à chaque jour en fonction de la qualité et de la quantité des fruits et légumes disponibles ainsi que des commandes qui ont été placées auprès des fournisseurs ».

[13]           Selon la preuve, il n’existe aucune liste de prix pour tous les fruits et légumes en vente chez Sami, ce qui représente plus ou moins 200 items différents. M. Asmar connaît l’ensemble des prix par cœur et il soutient que les caissières le connaissent aussi. Le seul endroit où le prix est affiché, c’est à l’intérieur de la succursale, sur un écriteau au-dessus ou devant l’item sur l’étalage. Les caisses enregistreuses n’indiquent aucune description de l’item vendu.

[14]           L’inventaire est fait visuellement et les commandes des gérants sont généralement effectuées par téléphone. C’est aussi M. Asmar qui, lors de ses tournées des magasins, détermine les marchandises qui nécessitent un approvisionnement. Seul M. Khalid Guenin (M. Guenin), gérant de la succursale de Lasalle indique procéder à l’envoi d’un écrit par télécopieur pour l’inventaire de sa succursale en lien avec ses commandes.

[15]           Toutes les ventes sont effectuées en argent comptant. L’ensemble des recettes de la journée sont comptées par les gérants, soit celui de plancher et celui des caissières, dans un bureau attenant aux succursales.

[16]           L’argent est par la suite inséré dans des enveloppes de Garda, lesquelles sont déposées dans le coffre de Garda. L’ouverture de ce coffre et le retrait des enveloppes nécessitent deux clés, l’une détenue par le gérant et l’autre par un préposé de Garda.

[17]           L’argent déposé dans les enveloppes de Garda et inséré dans les coffres de Garda est retiré environ deux fois par semaine lorsque les employés de Garda se présentent aux succursales. L’ouverture du coffre s’effectue par l’insertion de la clé détenue par le gérant et de celle d’un préposé de Garda. Le nombre d’enveloppes et le détail des sommes incluses dans chacune d’elle sont inscrits dans un livre à cet effet.

[18]           Les préposés de Garda comptent ensuite les enveloppes, lesquelles sont transportées au centre de tri. C’est sous la supervision unique de Garda que les enveloppes sont ouvertes et leur contenu compté. Ensuite, Garda effectue le dépôt des sommes aux institutions financières de Sami.

[19]           Aux fins comptables, pour établir ses ventes, Sami se base uniquement sur les dépôts bancaires ainsi effectués. Son grand-livre indique donc comme recette l’équivalent des sommes déposées selon ses relevés bancaires. Aux fins fiscales, Sami déclare comme revenus les dépôts bancaires ainsi effectués.

1.2.           La vérification en impôt

[20]           M. Jamel Sadi (le vérificateur), de Revenu Québec, procède à la vérification en impôts des sociétés de Sami. Il dépose son rapport de même que le dossier complet de vérification[7]. Il explique le déroulement de la vérification qui a débuté en juin 2012. Il rencontre alors M. Charles Tremblay (M. Tremblay), comptable externe de Sami, lequel met à sa disposition un certain nombre de boîtes contenant la documentation comptable de Sami.

[21]           Le vérificateur explique que deux points de vérification sont ciblés, soit les caisses enregistreuses et les provisions de fin d’année. Constatant l’absence des rubans de caisse, nommés « z », il demande ceux-ci et apprend qu’ils sont jetés après usage. Il établit alors une liste de questions et il ajoute un troisième point de vérification soit celui des salaires.

[22]           Puisque M. Tremblay n’est pas en mesure dexpliquer l’absence des rubans de caisse, le vérificateur demande une visite des magasins pour comprendre le fonctionnement. Cette visite a lieu dans deux magasins en compagnie de M. Tremblay. Le vérificateur constate alors qu’aucune documentation n’est conservée, les rubans de caisse et les rapports « z » sont systématiquement détruits. De plus, aucune fiche de suivi des heures travaillées n’est utilisée. Il constate également que l’ensemble des transactions se fait en argent comptant.

[23]           M. Tremblay cesse de représenter Sami très rapidement dans le cadre de cette vérification et il est remplacé par M. Gavin Corea (M. Corea). Le vérificateur passe deux jours au bureau de M. Corea et c’est à lui qu’est soumis le premier projet de cotisation ainsi qu’un projet de cotisation modifié.

[24]           En juillet 2012, le vérificateur adresse à M. Corea une liste de questions qui a été préalablement transmise à M. Tremblay. Il rappelle les exigences de l’article 34 de la Loi sur l’administration fiscale[8] (L.A.f.)en matière de registre à conserver, visant par cette demande plus particulièrement les rubans de caisse et les « z ».

[25]           En août 2012, le vérificateur rencontre M. Corea à ses bureaux et aucune réponse ne lui est fournie quant aux rubans de caisse et aux « z ». M. Corea confirme qu’il n’y a aucun système de prix tenu par écrit. Une seconde rencontre a lieu au mois d’août afin de poursuivre la vérification. En ce qui a trait aux questions relatives aux impôts, il est discuté de la marge bénéficiaire brute, de la liste des prix et d’autres questions qui demeurent sans réponse.

[26]           M. Corea confirme au vérificateur qu’il n’existe aucun système de prix, que la seule personne responsable des prix de vente est M. Asmar, lequel a en mémoire le prix de chacun des produits, qu’il communique ces prix par téléphone aux gérants de chaque succursale qui, à leur tour, informent les caissières des changements de prix verbalement. Il s’agit là de la dernière réponse de Sami quant à ces questions et une nouvelle visite des succursales est refusée.

[27]           Le vérificateur informe M. Corea que suivant ces réponses, il conclut que le contribuable ne souhaite pas collaborer au sujet des prix des ventes. Il demande à nouveau de compléter la vérification puisqu’à défaut d’informations supplémentaires sur le système de prix, sur la marge brute et considérant l’absence des rubans de caisse et « z », il n’aura d’autre choix que de procéder par une méthode alternative pour valider de façon raisonnable les ventes déclarées. M. Corea déclare qu’il n’a pas d’autre réponse à offrir et qu’il attendra un projet de cotisation pour réagir en temps et lieu.

[28]           Conséquemment, le vérificateur informe M. Corea qu’il entrera en contact  à nouveau avec lui afin de lui présenter un projet de cotisation basé sur une méthode alternative.

1.3.           La méthode alternative

[29]           Confronté à cette situation, soit l’absence totale des données de base émanant de sources premières, tels les relevés, les rubans de caisse et les « z » de caisse pour les ventes, une prise d’inventaire documentaire, une liste de prix de vente versus les coûts d’achats, etc., le vérificateur procède donc par une méthode alternative.

[30]           Après consultation d’un fiscaliste au sein de Revenu Québec sur l’utilisation d’une méthode alternative afin de procéder de la meilleure façon pour lui permettre de compléter sa vérification, considérant le contexte de ventes en espèces et l’absence totale de registres de ventes, le vérificateur utilise une méthode alternative de vérification basée sur la marge brute de Statistique Canada.

[31]           À l’aide des données des indicateurs de performance financière des entreprises canadiennes selon le SCIAN 445230 (système de classification des industries de l’Amérique du Nord pour l’industrie du marché de fruits et légumes), le vérificateur fixe l’élément sur un chiffre d’affaires entre 5 et 25 000 000 $ de recettes. Il considère que le choix de ce paramètre dans les données de Statistique Canada est un gage de qualité puisqu’il s’agit d’une institution qui utilise des méthodes statistiques très représentatives.

[32]           Il choisit le secteur d’activité « marché de fruits et légumes » afin de s’assurer de la fiabilité de ses résultats en lien avec l’activité de Sami. Une fois ce marché ciblé, il applique la valeur moyenne des marges brutes qui couvre 50% de la population. Il  majore les achats du contribuable du pourcentage de la marge brute moyenne des contribuables exerçant la même activité.

[33]           Les ratios des entreprises de chaque groupe sont classés du plus élevé au plus faible. Les limites quartiles et médianes sont calculées à partir de cette distribution. Les tableaux statistiques présentent des ratios aux limites quartiles et médianes. Les quartiles sont définis de façon à ce que l’on retrouve le même nombre d’observations avant et après chaque quartile.

[34]           Une fois l’ensemble de ces démarches faites, le vérificateur constate que la marge brute moyenne de Sami entre 2007 et 2012 est de 13%. Or, la marge brute moyenne de la classe 445230 (marché de fruits et légumes) pour la même période est de 29%.

[35]           Pour le vérificateur, c’est la démonstration d’un écart entre la marge brute déclarée et celle qu’aurait dû déclarer Sami. Conséquemment, à partir des écarts constatés entre les ratios de Statistique Canada et les ratios de Sami, un projet de cotisation est préparé et présenté.

1.4.           Présentation du projet de cotisation et représentations de Sami

[36]           Sur ces bases, un premier projet de cotisation est présenté à Sami qui conteste le bien-fondé de recourir à une méthode alternative, soutenant qu’elle n’a aucune obligation de conserver les « z » de caisses.

[37]           Ni Sami ni ses représentants ne communiquent la documentation et l’information demandées dès le départ par le vérificateur.

[38]           Les représentants de Sami soutiennent qu’avant 2008, 75% du chiffre d’affaires provient des ventes en gros sans aucune pièce étayant leurs prétentions. Depuis l’ouverture des trois succursales, 50% des ventes seraient des ventes en gros. Ici aussi, aucune pièce n’appuie cette prétention et la preuve administrée lors de l’instruction ne démontre pas semblable pourcentage pour des succursales ouvertes au grand public. Le vérificateur analyse ces arguments[9] et y répond.

[39]           Quant à l’argument voulant que des ventes en gros de 75% avant 2008 et de 50% après 2008 sont effectuées par Sami, l’analyse de Revenu Québec démontre que des ventes en gros ne dépassent pas un seuil de 8% du chiffre d’affaires déclaré[10] en moyenne.

[40]           L’autre argument soulevé par les représentants de Sami est à l’effet que l’entreprise se situe dans la catégorie des grandes entreprises par rapport au SCIAN alors que Revenu Québec a utilisé des informations relatives à la catégorie des moyennes entreprises. Cet argument a trait au chiffre d’affaires annuel de Sami de 50 millions de dollars.

[41]           Dans le processus de discussion suivant la transmission d’un projet de cotisation, force est de constater que Sami n’a fait aucun effort pour démontrer que la marge brute révisée n’est pas appropriée en présentant de quelque façon que ce soit des documents, registres et inventaires permettant d’établir la véritable marge brute ou, à tout le moins, de s’en approcher. Seule la contestation de la fiabilité des composants de la méthode retenue par Revenu Québec et les arguments de pourcentage non appuyés et impossible à corroborer furent présentés au stade du projet de cotisation.

1.5.           Les pénalités

[42]           Revenu Québec a appliqué la pénalité prévue à l’article 59.4 L.A.F. pour l’ensemble des revenus non déclarés tel qu’établi par la méthode alternative.

[43]           La pénalité pour négligence flagrante prévue à l’article 1049 L.I. est aussi appliquée sur d’autres éléments révélés par la vérification.

2.       LES RETENUES À LA SOURCE (RAS)

2.1.           La preuve de Sami relative aux RAS

[44]           La question soulevée par les cotisations émises par Revenu Québec en RAS découle de la détermination de la masse salariale de Sami. Revenu Québec considère que la masse salariale est plus élevée que celle déclarée.

[45]           Sur la masse salariale, Sami administre une preuve pour établir son mode de fonctionnement quant aux horaires et au nombre d’employés et aux salaires versés. Il en sera traité plus amplement dans la section Analyse.

2.2.           La vérification en RAS

[46]           L’objectif poursuivi par la vérification en RAS est de s’assurer que l’intégrité des salaires est déclarée et que les remises fixées par les différentes lois pertinentes sont effectuées. Le rapport de vérification est produit en preuve par le vérificateur M. Abdoul Kadre Bamba[11].

[47]           Mme Corinne Laverdure, chef de service témoigne pour Revenu Québec.

[48]           Tout d’abord, Mme Laverdure a été très impliquée au dossier avec le vérificateur puisque ce dossier était problématique et difficile, particulièrement quant au manque de collaboration et d’information. La vérification a débuté le 5 février 2013[12] par une lettre accompagnée d’une annexe demandant les livres et documents requis dont notamment le journal des avantages sociaux et des frais de déplacement et le journal des salaires sommaires au 31 décembre de chaque année visée[13].

[49]           Le 14 mars 2013, Revenu Québec envoie à nouveau par télécopieur la même demande[14]. Le 24 avril 2013, une nouvelle correspondance de Revenu Québec est adressée à Sami réitérant les deux demandes des 5 février et 14 mars 2013[15].

[50]           Finalement, une rencontre de vérification a lieu le 13 mai 2013[16].

[51]           Revenu Québec rencontre M. Corea chez M. Auger. Le grand livre du journal des paies est mis à la disposition de la vérification. N’étant pas en mesure de répondre aux questions, M. Auger demande que celles-ci soient mises par écrit pour qu’elles soient soumises à Sami.

[52]           Le 7 juin 2013, Revenu Québec transmet par écrit un ensemble de questions[17] par lesquelles elle demande, notamment, en plus des postes de préposé, de caissier et de chef d’équipe, quelles sont les autres catégories d’emploi existant au sein de la société et de fournir, sur format électronique, une copie du journal des salaires pour les années 2009 à 2012.

[53]           Plusieurs questions sont posées quant au processus lié aux ressources humaines. Il est aussi demandé le nombre d’heures effectuées par quart de travail selon les catégories d’emploi concernées, la durée hebdomadaire de travail dans chaque établissement, de même que les personnes responsables de la comptabilisation de la paie.

[54]           Revenu Québec transmet un questionnaire accompagné de tableaux Excel à être remplis par Sami[18]. La démarche consiste à établir le nombre d’employés, leur identité, le poste qu’ils occupent, leurs horaires de travail et leurs revenus.

[55]           La réponse à ces demandes reçue par Revenu Québec est une lettre des avocats de Sami[19] du 28 juin 2013 requérant un délai pour répondre. Un délai supplémentaire d’un mois est accordé[20].

[56]           Le 31 juillet 2013, une réponse partielle est transmise à Revenu Québec. Huit sujets sur seize sont manquants. Le 30 octobre 2013, soit trois mois plus tard, Revenu Québec transmet une demande péremptoire[21].

[57]           Le 29 novembre 2013, les avocats de Sami transmettent une réponse[22], laquelle découle, il faut le souligner, d’une première lettre transmise par Revenu Québec le 5 février 2013.

[58]           C’est donc neuf mois plus tard que des réponses incomplètes sont transmises à Revenu Québec par Sami par l’intermédiaire de ses avocats. La liste des employés avec leur horaire, demandée sur support électronique, n’est toujours pas transmise. C’est une version papier qui est transmise[23].

[59]           Suite à ces documents et la lettre du 29 novembre 2013[24], Revenu Québec n’a plus reçu aucune information. Elle a donc procédé avec les informations obtenues et, dès les premières analyses, constaté d’importantes problématiques avec la documentation et les informations fournies.

[60]           M. Abdoul Kadre Bamba (Bamba), vérificateur en RAS explique au Tribunal lors de son témoignage qu’il procède par méthode alternative considérant sa propre expérience avec Sami et réponses incomplètes aux demandes reçues telles que précédemment relatées.

[61]           M. Bamba dépose, lors de son témoignage, le rapport de vérification de même qu’un ensemble de pièces en lien avec celui-ci[25].

2.3.           La méthode alternative

[62]           Revenu Québec a donc recours à une méthode alternative pour évaluer la main-d’œuvre et elle procède à l’évaluation des heures travaillées de main-d’œuvre directe au sein de la société, le tout, tel que plus amplement détaillé à la pièce D-29.

[63]           Sommairement, Revenu Québec procède au dénombrement des heures de maind’œuvre directe selon les heures d’ouverture des magasins, soit les trois succursales et l’entrepôt. Elle effectue une répartition des heures travaillées (temps plein et temps partiel) selon les heures d’ouverture des magasins fournies par le représentant de Sami suivant la demande péremptoire.[26] Ensuite, elle procède à l’observation et au dénombrement des employés dans les magasins en se rendant sur place.

[64]           Suite à l’observation en succursale, Revenu Québec ajuste le nombre d’employés pour obtenir le besoin en main-d’œuvre directe par jour en moyenne pour chaque magasin. Elle procède au calcul des horaires hebdomadaires compilés, fixant ainsi un total des heures travaillées. Ensuite, la détermination des heures travaillées à des fins de préparation et d’entretien des magasins avant l’heure d’ouverture et après l’heure de fermeture est aussi effectuée. Finalement, elle procède à la détermination des horaires hebdomadaires des chauffeurs. Ces évaluations ne touchent pas les cadres ni les membres de la famille de Sami.

[65]           En résumé, la méthode utilisée pour estimer la masse salariale repose sur deux paramètres : le volet temporel, soit les heures travaillées, et le volet monétaire, soit le taux horaire. La démarche de Revenu Québec consiste à déterminer le nombre d’heures d’opération nécessaire à la réalisation des activités de Sami par le dénombrement selon les quarts de travail de jour et de nuit.

[66]           Elle consiste aussi à identifier les trois catégories d’emploi, travailleurs de jour, travailleurs de nuit et chauffeurs des camions pour finalement déterminer le besoin en main-d’œuvre en valeur monétaire à savoir le produit des heures travaillées et des taux horaires appliqués à chacune des catégories d’emploi précédemment décrites[27].

[67]           L’ensemble de ces démarches porte à 220 employés estimés le nombre total d’employés de Sami versus les 178 déclarés, ce qui donne 42 employés supplémentaires pour une entreprise avec un chiffre d’affaires annuel déclaré de plus de 50 millions de dollars.

[68]           Le calcul de la masse salariale est effectué[28] pour chaque année en litige et des cotisations en RAS sont conséquemment émises[29].

[69]           Revenu Québec, en appliquant l’article 32 de la Loi sur l’impôt, considère que les écarts constatés sont des revenus de charges et d’emploi assujettis aux RAS conformément aux lois fiscales en vigueur[30].

2.4.           Les pénalités

[70]           Revenu Québec applique les pénalités prévues aux articles 59.2 et 59.4 L.A.F. sur les cotisations en RAS.

2.5.           La contestation de la méthode alternative

[71]           Puisque Revenu Québec procède à une journée d’observation pour évaluer le nombre d’employés requis aux fins d’établissement de sa méthode alternative. Sami choisit de présenter une preuve visant à contrer la raisonnabilité de l’évaluation effectuée par Revenu Québec. C’est M. Tony Lamb, C.P.A. auditeur, qui effectue le 18 septembre 2019 le dénombrement des employés à la succursale de la rue Jarry. Il effectue quatre visites dans la même journée et il y dénombre 36 employés. Il admet, lors de son témoignage, ignorer s’ils sont tous en fonction ou non ce jour-là et ne pas s’être rendu au quai de chargement[31].

3.       LES COTISATIONS À L’ENDROIT DE M. SAMI AL-ASMAR

[72]           Puisque la vérification effectuée par Revenu Québec à l’endroit de Sami conclut à des écarts importants et que ces sommes « ne se retrouvent pas » dans les coffres de la société, Revenu Québec considère qu’il y a appropriation de fonds par M. Asmar.

[73]           Cette conclusion repose sur les prémisses suivantes : l’avantage imposable ajouté au revenu net du contribuable représente les revenus non déclarés par la société, établis par la méthode alternative et l’application de l’article 111 L.I., lequel traite des avantages accordés à un actionnaire par une société. Cet article spécifie que le montant ou la valeur de tels avantages doit être inclus dans le calcul du revenu de l’actionnaire.

[74]           Le tout doit s’apprécier dans un contexte de manquement aux obligations fiscales en matière de registre des ventes et de salaires pour des transactions réalisées en espèce par la société Sami.

[75]           M. Asmar est l’unique actionnaire de la société Sami. Il en est le président et il est directement impliqué dans la gestion quotidienne de son entreprise.

[76]           Le rapport de vérification[32] relatif à M. Asmar fait principalement référence aux sommes et aux vérifications effectuées pour la société Sami. Aucune vérification particulière des revenus de M. Asmar, de son coût de vie ou de son avoir net n’a été effectuée par Revenu Québec.

[77]           Par ailleurs, des pénalités pour fraude en vertu de l’article 59.4 L.A.F. sont appliquées au motif de présentation erronée des faits ou d’omission de remplir une obligation[33].

[78]           Également la pénalité pour négligence flagrante en vertu de l’article 1049 L.I. est appliquée[34].

[79]           Finalement, Revenu Québec s’autorise de l’article 1010 (2) b) i) L.I. pour cotiser des années prescrites, soient les années 2007 à 2010 inclusivement. Selon Revenu Québec, M. Asmar a fait une fausse représentation des faits par incurie, négligence et omission volontaire en omettant de déclarer ses revenus.

[80]           En conséquence, des cotisations pour les années 2007 à 2012[35] sont émises à l’endroit de M. Asmar pour une somme cumulative de plus de 13 819 763$.

4.     ANALYSE

4.1        Les questions préliminaires en litige

4.1.1      Les « z » des caisses enregistreuses constituent-ils des documents dont la conservation est requise au sens de l’article 34 L.A.F. ?

[81]           Le Tribunal doit trancher cette question en premier lieu puisque dès le stade de la vérification, et tout au long du processus qui s’en suit, incluant l’instruction, Sami prend comme position qu’il n’a pas l’obligation de conserver ces documents.

[82]           Pour Sami, les relevés de dépôt bancaire et la preuve testimoniale sont suffisants pour remplir ses obligations fiscales quant à la conservation des documents.

[83]           Cette position a une incidence sur la décision de Revenu Québec de procéder par une méthode alternative en impôts des sociétés, décision conséquente à l’absence des « z » de caisses et, il faut le souligner, de plusieurs autres documents[36].

[84]           L’article 34 L.A.F. se lit ainsi :

34. 1. Quiconque exploite une entreprise ou est tenu de déduire, retenir ou percevoir un montant en vertu d’une loi fiscale doit tenir des registres, y compris un inventaire annuel en la manière prescrite, à son établissement, à sa résidence ou à tout autre lieu que le ministre désigne.

Ces registres, de même que les pièces à l’appui des renseignements qu’ils contiennent, doivent être tenus dans la forme appropriée et renfermer les renseignements permettant d’établir tout montant qui doit être déduit, retenu, perçu ou payé en vertu d’une loi fiscale.

Le ministre peut déterminer la forme des registres et des pièces, les renseignements qu’ils doivent contenir ainsi que toutes autres modalités et, le cas échéant, en avise la personne en lui enjoignant, au moyen d’un écrit qu’il lui notifie par poste recommandée ou par signification en mains propres, de s’y conformer. […]

(Notre soulignement)

[85]           Ces registres doivent « renfermer les renseignements permettant d’établir tout document qui doit être déduit, retenu, perçu ou payé en vertu d’une loi fiscale ». Il va s’en dire que la Loi sur l’impôt et celles relatives aux RAS sont des lois fiscales au sens de l’article 34 L.A.F[37].

[86]           Outre l’obligation de tenir des registres, comme un grand livre, l’article 34 mentionne spécifiquement « les pièces à l’appui des renseignements » que ces registres contiennent. C’est donc dire que le document source doit être conservé puisqu’il est la pièce qui appuie les renseignements contenus aux registres.

[87]           L’importance de l’intégrité des informations sources est illustrée aux articles 34.1, 34.2 et 34.3 L.A.F. L’obligation de tenir des registres et « toute pièce à l’appui des renseignements qu’ils contiennent » est d’une période de six (6) ans[38].

[88]           Pourquoi pareille obligation ? D’un point de vue comptable, l’expert-comptable, Mme Lavoie l’a bien expliqué. Il s’agit d’éléments probants, d’éléments de contrôle de l’information contenue au registre. Par analogie, en droit, le grand livre pourrait être qualifié de preuve par ouï-dire puisqu’il rapporte ce qui provient, normalement, d’un autre document, soit la source première, la pièce à l’appui.

[89]           Le système fiscal québécois est basé sur un régime d’autocotisation. C’est donc la charge du contribuable de conserver, fournir et rapporter toute pièce au soutien de sa déclaration de revenu et de les conserver pour pouvoir les fournir sur demande[39]. C’est le contribuable qui a la connaissance et le contrôle de ses pièces puisqu’il les utilise dans le cadre de l’exploitation de son entreprise. Ces pièces, documents et renseignements sont à sa portée et sous son contrôle[40].

[90]           Il faut donc que les registres soient appuyés par des pièces justificatives fiables, adéquates et vérifiables permettant d’établir un portrait réaliste de la situation financière de l’entreprise en effectuant la conciliation des revenus et dépenses[41]. En d’autres termes, il doit exister une base concrète et solide sur laquelle la révision par l’autorité fiscale puisse se tenir[42].

[91]           L’absence des « z » de caisse a déjà été jugée comme un manquement par le contribuable à ses obligations quant à la documentation comptable requise[43]. Une telle façon de faire ne permet pas au contribuable de rencontrer ses obligations quant à sa documentation comptable parce que les écritures et la conservation des pièces justificatives est déficiente et qu’elle ne permet pas la vérification des revenus de l’entreprise ni par Revenu Québec ni même par un comptable.

[92]           Dans cette même décision[44], la Cour conclut que le contribuable qui jette systématiquement ses « z » de caisse commet une négligence volontaire et donc flagrante plutôt qu’une simple négligence[45].

[93]           La Cour d’appel confirme cette position sur cette question :

[9] Le juge conclut de cette preuve que M. Blais n’a pas «démolit» les cotisations. Les trois autres personnes ayant témoigné pour établir les revenus de l’entreprise n’ont été d’aucune utilité, puisqu’elles se fiaient aux chiffres fournis par M. Blais. Pour le juge cette façon de faire du contribuable ne satisfait pas à ses obligations quant à sa documentation comptable. Celle-ci est déficiente et ne permet pas la vérification des revenus, tant par l’ARQ que par un comptable.

[10] Le juge n’a commis aucune erreur révisable en déterminant que M. Blais n’était pas crédible sur la question des « z de caisse » et, qu’en l’absence d’une documentation comptable permettant la vérification, la vérificatrice était justifiée d’utiliser une méthode de vérification indirecte, soit la reconstitution des revenus à partir des achats[46].

[94]           La Cour d’appel a déjà établi que dans le cas du paiement de dépenses en argent comptant, le contribuable doit tenir une comptabilité serrée qui en permette la vérification et la conciliation, ce qui n’est pas le cas lorsque des registres et la comptabilité sont des plus approximatifs[47].

[95]           En conséquence, Sami a l’obligation de conserver les relevés de caisse de même que les « z » de caisse. Ces documents font partie des « pièces à l’appui des renseignements qu’ils contiennent » requis par l’article 34 L.A.F.

4.1.2      Revenu Québec est-elle justifiée de recourir à une méthode alternative ?

4.1.2.1            En impôt des sociétés

[96]           Comme l’écrit la Cour d’appel dans l’affaire 2844-9676 Québec inc., préalablement citée[48], en l’absence d’une documentation comptable permettant la vérification, Revenu Québec est justifiée d’utiliser une méthode de vérification indirecte.

[97]           La justification de semblables méthodes tire sa source législative de l’article 95.1 L.A.F., lequel se lit ainsi :

95.1. Le ministre n’est pas lié par une déclaration, un rapport, une demande de remboursement ou les renseignements fournis par une personne ou en son nom et il peut, malgré la déclaration, le rapport, la demande ou les renseignements ou en l’absence d’une déclaration, d’un rapport, d’une demande ou de renseignements, faire une cotisation ou déterminer un remboursement..

[98]           L’utilisation d’une méthode indirecte dans des circonstances semblables au présent dossier est largement acceptée par la jurisprudence[49]. La preuve démontre que le vérificateur tente d’abord d’adopter une approche traditionnelle pour effectuer la vérification. Ce n’est que lorsqu’il constate l’impossibilité de procéder à cette démarche qu’il opte pour une méthode alternative. Il se heurte à un ensemble d’éléments qui le conduisent à une impasse pour effectuer une méthode de vérification traditionnelle.

[99]           Soulignons : labsence de la source première et indépendante pour vérifier les revenus, soit les « z » de caisse détruits systématiquement; l’absence de liste de prix; l’absence d’identification du produit vendu sur les exemples de ruban obtenus lesquels ne comprennent même pas une séparation entre les fruits et les légumes; l’absence de prise d’inventaire documentée sur papier ou autre support.

[100]      Le vérificateur ne peut pas relever les prix affichés puisqu’il y a des changements quotidiens de prix selon la preuve. À tout évènement, sans inventaire de départ et d’arrivée, un tel exercice aurait été aussi futile que fastidieux.

[101]      Par ailleurs, M. Corea, comptable représentant l’entreprise, déclare bien que Sami n’a pas de documentation à présenter en référence à des listes de prix ou inventaire. M. Corea confirme aussi que Sami vérifie le livre de dépôt de compte et le dépôt versus ses dépôts bancaires tout simplement et que l’inventaire de début et de fin d’exercice est une estimation fournie par le client[50].

[102]      Finalement, la lettre du 31 mai 2013[51] qui refuse de donner accès au « z » place le vérificateur dans une situation où il n’a d’autre choix que de procéder par une méthode alternative.

[103]      Sami s’est placée en position de ne pas fournir toute la documentation et les pièces à l’appui des renseignements et les registres fournis. La preuve révèle que Sami ne tient pas une comptabilité adéquate. De plus, elle est incomplète. Or, faut-il le rappeler, notre système fiscal est fondé sur l’autocotisation et, dans un tel système, c’est le contribuable qui connaît et possède des renseignements dont Revenu Québec ne dispose pas. Ces renseignements sont à la portée du contribuable et il en exerce le contrôle[52].

[104]      Les déclarations de Sami sont inexactes et incomplètes et ne présentent pas d’explications raisonnables de telle sorte que Revenu Québec est autorisée à déduire le revenu correspondant à la réalité de Sami à partir d’informations extrinsèques[53].

[105]      Face à une semblable situation, Revenu Québec est bien fondée de recourir à une méthode alternative, ici basée sur des données de Statistique Canada pour établir la marge bénéficiaire brute.

4.1.2.2            En retenues à la source (RAS)

[106]      Les mêmes principes juridiques s’appliquent ici, tant en RAS qu’à l’égard de l’impôt des sociétés, quant au droit de Revenu Québec d’avoir recours à une méthode alternative.

[107]      Selon la preuve, plusieurs pièces et documentations nécessaires pour appuyer les renseignements et registres fournis sont manquantes, inexistantes ou truffées d’erreurs et d’invraisemblances.

[108]      Il y a absence de feuilles de temps, d’horodateur ou d’horaire pour les employés. Le registre des salaires n’est pas fiable, ne serait-ce que parce qu’à tous les mois, une douzaine de travailleurs différents dont les noms y apparaissent n’ont aucune heure indiquée, bien que la preuve révèle qu’ils travaillaient ces mois[54].

[109]      En aucun temps, Sami ne communique l’identité des chauffeurs de camion[55].

[110]      Les salaires sont versés en argent comptant sans qu’une preuve de paiement ne soit disponible. Les feuilles de temps ou tout autre moyen de vérifier le nombre d’heures travaillées par les salariés n’existent pas ou ne sont pas transmis. L’absence d’un relevé de paie fourni aux salariés qui constitue une contravention à la Loi sur les normes du travail[56] est également soulignée. L’examen du volume horaire déclaré démontre des incohérences avec les heures travaillées, déterminées selon les heures d’ouverture des succursales[57]. Aussi, la confusion est entretenue entre la notion d’employés à temps plein et employés à temps partiel[58].

[111]      Face à cet ensemble d’éléments perturbants, les registres de Sami ne permettent pas d’identifier les salaires versés ni d’établir une conciliation avec le registre des salaires, lequel est d’une fiabilité plus que douteuse et déficiente. C’est ce qui explique et justifie le recours à une vérification par une méthode alternative[59].

[112]      Bien que rien n’interdise le paiement des salaires en argent comptant, encore fautil tenir une comptabilité serrée et documentée qui en permette la vérification et la conciliation. L’absence de tenue de livres, de reçus ou de toute autre documentation est particulièrement problématique dans une entreprise où toute transaction s’effectue en argent comptant.

[113]      En pareille situation, Revenu Québec est bien fondée de recourir à une méthode alternative aux fins d’estimer le nombre réel de salariés de Sami, le nombre d’heures de travail requis et d’établir les RAS qui en découlent.

4.1.2.3            La renonciation à la prescription pour l’année 2008

[114]      Un formulaire de renonciation à la prescription pour l’année 2008[60] apparemment signé par M. Corea est contesté. En l’absence d’un tel formulaire valablement signé, l’année 2008 est prescrite, ce qui a une incidence sur le fardeau de la preuve.

[115]      La réponse à cette question découle de l’interprétation et de l’appréciation de la preuve quant aux échanges intervenus entre M. Corea et la vérification de Revenu Québec[61]. Lors de son témoignage, M. Corea nie qu’il s’agit de sa signature sur le document qui lui est transmis pour signature[62].

[116]      La correspondance entre M. Corea et Revenu Québec démontre que le courriel de M. Corea réfère à une demande d’extension et qu’il demande une date d’expiration pour la renonciation à la prescription.

[117]      M. Corea explique qu’il était en vacances à la date de la signature de la renonciation à la prescription, soit le 20 juillet 2012. Conséquemment, il est fort probable, vu l’envoi qui émane du bureau de M. Corea par télécopieur, reçu par le vérificateur, qu’une personne de son bureau a signé et transmis ladite renonciation.

[118]      Le document émane donc du bureau de M. Corea et il a été transmis à Revenu Québec avec une signature. Dans ces circonstances, il est plus probant que la renonciation soit valable. De l’avis du Tribunal, la renonciation est valide puisqu’elle émane d’un mandataire apparent de Sami. Cette conclusion s’impose et elle s’appuie sur les faits et les articles 2846 et 2849 C.c.Q.

[119]      À tout évènement, considérant l’ensemble des conclusions auxquelles en vient le Tribunal sur les questions de pénalité, notamment, Revenu Québec est en droit de cotiser en dehors de la période normale de prescription, ce qui est le cas pour l’année 2008.

4.2        Le fardeau de preuve

[120]      Ces prémisses étant établies, il y a lieu d’examiner la preuve présentée par Sami pour « démolir » la présomption de validité rattachée aux cotisations émises par Revenu Québec, tel qu’établi par les deux méthodes alternatives différentes utilisées, l’une en impôt des sociétés et l’autre en RAS.

[121]      À cet égard, tel que le souligne la Cour d’appel dans Alertpay Incorporated c. Agence du revenu du Québec, « la présomption de validité des cotisations s’étend aussi à celles qui sont établies par l’utilisation d’une méthode alternative ou indirecte »[63].

[122]      Le fardeau de preuve en matière fiscale est établi clairement depuis 1997 par la Cour suprême dans l’arrêt Hickman Motors Ltd[64].

[123]      La première assise formulée par la Cour suprême sur la question du fardeau de preuve est la suivante :

Il est bien établi en droit que, dans le domaine de la fiscalité, la norme de preuve est la prépondérance des probabilités et que, à l’intérieur de cette norme, différents degrés de preuve peuvent être exigés, selon le sujet en cause pour que soit acquittée la charge de la preuve[65].

[124]      La seconde assise est ainsi formulée :

En établissant des cotisations, le ministre se fonde sur des présomptions et la charge initiale de « démolir » les présomptions formulées par le ministre dans sa cotisation est imposée aux contribuables[66].

[125]      Il s’agit là de la première étape à franchir, laquelle doit être accomplie par le contribuable. C’est donc dire que si le contribuable ne franchit pas cette première étape, il échouera dans son appel.

[126]      Comment s’en acquitte-t-il ? Il « s’acquitte de cette charge initiale de « démolir » l’exactitude des présomptions du ministre lorsqu’il présente, au moins une preuve prima facie »[67].

[127]      Cette preuve prima facie doit à elle seule présenter un degré de probabilité tel que le juge y donne ou y prête foi.

[128]      S’il est exact d’affirmer qu’en droit civil québécois il n’existe qu’un seul fardeau, soit celui de la prépondérance des probabilités[68], cette affirmation doit être tempérée lorsque la loi en dispose autrement[69]. Or, l’article 1014 L.I. en dispose autrement en créant une présomption. C’est pourquoi le contribuable doit franchir cette première étape selon le degré de preuve décrit par la Cour suprême dans l’arrêt Hickman. C’est ainsi que cette notion est appliquée et expliquée par la Cour d’appel dans l’arrêt St-Georges[70] et plus récemment dans l’arrêt Alertpay[71].

[129]      Une fois la première étape franchie, il y a lieu de passer à la seconde étape. La Cour suprême l’a défini ainsi : « lorsque l’appelant a « démoli » les présomptions du ministre, le fardeau de la preuve (…) passe (…) au ministre qui doit réfuter la preuve prima facie faite par l’appelant et prouver les présomptions ».

[130]      Soulignons que dans Hickman, la Cour suprême a estimé que l’appelant s’était déchargé de son fardeau puisque le Ministre n’avait administré aucune preuve. Il convient aussi de souligner que dans Hickman le « témoignage non contredit et crédible » n’est pas la seule preuve soumise par le contribuable. La Cour souligne l’existence « au dossier d’une preuve positive » notamment par des documents[72], « une liasse de factures de location » et une « preuve documentaire claire de l’existence d’un revenu d’un bien »[73] de même « plusieurs factures relatives à la location de machinerie ont été mises en preuves » tel qu’on la retrouve indiquée au paragraphe 75 de l’arrêt Hickman en ces termes : 

Plusieurs factures relatives à la location de machinerie au cours de la période ont été mises en preuve. De plus, ces factures ne constituaient qu’un échantillon de l’activité de location de machinerie ayant eu lieu au cours de la période. La preuve ci-dessus mentionnée tant testimoniale que documentaire parle par elle-même et n’a pas été contredite par l’intimé[74].

(Notre soulignement)

[131]      C’est fort probablement pour ces motifs que la Cour d’appel dans l’arrêt StGeorges mentionne :

[11] La preuve du contribuable doit toutefois comporter un certain degré de précision et de probabilité en sa faveur, par opposition à des allégations vagues et ambiguës. Règle générale, la simple affirmation du contribuable ne suffit pas; elle aura avantage à être soutenue par une preuve documentaire ou circonstancielle.

[12] La thèse voulant qu’une simple négation de la part du contribuable puisse contrer la présomption de validité de l’article 1014 L.I. reviendrait à priver cet article de tout son sens[75].

(Nos soulignements)

[132]      Plus récemment, la Cour d’appel dans Alertpay[76]exprime la règle du fardeau de preuve en ces termes :

[25] Une cotisation fiscale bénéficie d’une présomption de validité. Elle pourra être repoussée par le contribuable s’il présente une preuve prima facie démontrant l’inexactitude de la cotisation.

[26] Le fardeau du contribuable consiste à démontrer « en quoi les faits sur lesquels s’appuient la cotisation sont incorrects. Cette preuve doit être suffisante pour convaincre le Tribunal, à première vue ». Elle doit aussi « comporter un certain degré de précision et de probabilité en sa faveur » pour être retenue […].

[28] Si le contribuable satisfait à ces exigences, alors s’opère un renversement du fardeau de preuve, et c’est à l’autorité fiscale qu’incombe la tâche de « réfuter la preuve prima facie et de prouver la cotisation établie par présomption », par une preuve prépondérante.

[133]      Puisque le présent dossier met en cause des cotisations établies par deux méthodes alternatives différentes, les passages suivants sont applicables en l’instance :

[30] En présence de déclarations fausses, inexactes ou incomplètes et devant l’absence d’explications raisonnables de la part du contribuable, le ministre est autorisé à « deviner » ou à déduire le revenu qui correspond à la réalité du contribuable à partir d’informations extrinsèques, ce qui comprend inévitablement une part d’arbitraire.

[31] La présomption de validité des cotisations s’étend aussi à celles qui sont établies par l’utilisation d’une méthode alternative ou indirecte. Le contribuable pourra donc se décharger de son fardeau en démontrant, prima facie, que la méthode « n’était pas fiable ou que les conditions requises pour y recourir n’ont pas été observées[77].

(notre soulignement)

[134]      D’emblée, le Tribunal a déjà déterminé que « les conditions requises pour recourir » à une méthode alternative ont été observées et respectées par Revenu Québec.

[135]      Demeure donc la question de la fiabilité des méthodes, en impôt des sociétés, puis en RAS pour lesquels le Tribunal doit déterminer si Sami a franchi la première étape, à savoir, présenter une preuve qui, à première vue, convainc le Tribunal.

4.3        Sami a-t-elle repoussé la présomption de validité pour les cotisations en impôt des sociétés ?

[136]      Revenu Québec a élaboré son analyse sur la base de présomptions établies par une méthode alternative découlant d’éléments extrinsèques provenant de Statistique Canada.

[137]      Le vérificateur utilise les données des indicateurs de performance financière des entreprises canadiennes selon le SCIAN 445230, système de classification des industries de l’Amérique du Nord pour l’industrie des fruits et légumes dans laquelle évolue Sami.

[138]      Revenu Québec fixe le chiffre d’affaires entre 5 et 25 millions, conscient que le chiffre d’affaires déclaré par Sami se situe entre 45 et 50 millions par année. Puisqu’il n’y a pas d’industries spécialisées dans le marché fruits et légumes pour un tel chiffre d’affaires dans le SCIAN, Revenu Québec considère que le marché est plus représentatif que le chiffre d’affaires.

[139]      Une fois ciblé ce marché, Revenu Québec a appliqué la valeur moyenne des marges brutes sur le ratio de 50% aux limites quantiles et médianes. Ce faisant, Sami se trouve donc en pleine médiane.

[140]      Pour contrer la présomption de validité et les conclusions de Revenu Québec, Sami a fait entendre M. Christian Léger à titre d’expert en Statistique. Son mandat est d’évaluer la méthodologie statistique utilisée par Revenu Québec en impôt. En plus de la production de son rapport[78], M. Léger a témoigné devant le Tribunal pour expliquer celuici.

[141]      L’expert reconnaît d’emblée que « Statistique Canada est une organisation reconnue mondialement et que la qualité du calcul des premiers, deuxièmes et troisièmes quartiles ainsi que de la médiane de la distribution de la marge bénéficiaire brute ne fait aucun doute »[79].

[142]      Malgré cela, M. Léger conclut que l’utilisation d’une médiane pour représenter une entreprise quelconque n’est pas fiable d’un point de vue statistique s’il y a une grande variabilité dans la distribution, ce qui est le cas en l’espèce.

[143]      Pour l’expert, on ne peut appliquer la marge bénéficiaire brute médiane de l’industrie des marchés de fruits et légumes à n’importe quelle entreprise de cette industrie puisque, ce faisant, c’est comme si l’on admettait que chacune de ces entreprises de cette industrie avait essentiellement la même marge bénéficiaire brute. Or, il y a beaucoup de variabilité dans la marge bénéficiaire brute des entreprises formant l’industrie des marchés de fruits et légumes.

[144]      Pour les sociétés les plus près de la médiane, la marge varie entre 18,9% et 34,5%, de telle sorte que fonctionner de cette manière peut mener à des erreurs importantes pour plusieurs entreprises.

[145]      De façon plus imagée, si l’on veut prendre une photographie d’un individu, il faut analyser les données de cet individu propre et non pas celle de l’ensemble du groupe. Analyser l’ensemble du groupe pour ensuite dire : « voici mon individu », n’est pas une méthode qui peut être qualifiée de fiable d’un point de vue statistique, considérant la dispersion dans la population.

[146]      En résumé, lorsque Revenu Québec situe Sami sur la médiane, la résultante est qu’il y a 50% de la population ayant un chiffre d’affaires inférieur et 50% ayant un chiffre d’affaires supérieur, de telle sorte qu’il y a autant de chances de surestimer que de sousestimer la marge bénéficiaire brute de Sami.

[147]      De plus, pour l’expert, Sami est dans une population à laquelle elle n’appartient pas puisqu’elle se place dans une catégorie dont le chiffre d’affaires varie de 5 à 25 millions alors que son chiffre d’affaires est supérieur.

[148]      Le Tribunal considère que le témoignage de l’expert M. Léger de même que le rapport produit[80] constituent une preuve prima facie suffisante pour renverser la présomption de validité des cotisations émises par Revenu Québec en impôt des sociétés.

[149]      Conséquemment, sur cette question, le Tribunal passe à la seconde étape, soit celle d’évaluer la preuve présentée par Revenu Québec « qui doit réfuter la preuve prima facie (…) et prouver les présomptions »[81].

4.4       Analyse de la preuve présentée par Revenu Québec selon la prépondérance des probabilités et de l’ensemble de la preuve sur les cotisations en impôt des sociétés

4.4.1      Position de Sami sur les statistiques

[150]      Les statistiques de Statistique Canada sont un recensement, c’est-à-dire qu’elles sont constituées de l’ensemble des informations de chaque individu dans la population choisie. Selon la preuve présentée par Sami, il est plus précis de se baser sur un échantillonnage, c’est-à-dire prendre un ensemble propre à l’individu selon une méthode fiable qui mène à une conclusion.

[151]      En somme, pour évaluer un individu, il faut mesurer cet individu. Puisque Revenu Québec n’a pas mesuré Sami, la méthode et les résultats ne sont pas fiables[82]. Ce n’est donc pas avec les statistiques que Revenu Québec peut déterminer la marge bénéficiaire de Sami.

4.4.1.1            Le critère à rencontrer selon la jurisprudence

[152]      Si la fiabilité est un objectif idéal, le test retenu par la jurisprudence pour les méthodes alternatives ou indirectes est celui de la raisonnabilité[83]. Dans les cas où le recours en méthode alternative est reconnu comme en l’instance, Revenu Québec jouit d’une certaine liberté, laquelle s’étend même jusqu’à une certaine forme d’arbitraire pour tenter d’établir, voire même deviner la véritable ampleur des revenus non déclarés[84].

[153]      La marge de manœuvre est large. Cependant, comme l’écrit la Cour d’appel :

Bien entendu, il devra éviter la pure fantaisie. Des pratiques de comptabilités préjudiciables seraient une forme intolérable d’abus administratifs.[85]

[154]      Plus récemment, la Cour d’appel indique ceci :

[30] En présence de déclarations fausses, inexactes ou incomplètes et devant l’absence d’explications raisonnables de la part du contribuable, le ministre est autorisé à « deviner » ou à déduire le revenu qui correspond à la réalité du contribuable à partir d’informations extrinsèques, ce qui comprend inévitablement une part d’arbitraire[86].

4.4.1.2            La preuve de Revenu Québec sur les statistiques

[155]      Revenu Québec soutient pour sa part avoir utilisé des données statistiques du secteur d’activité de Sami dans le SCIAN comme étant : « marché de fruits et légumes » et ce, afin de s’assurer de la fiabilité de ses résultats.

[156]      Le SCIAN est une unité de production qui utilise des processus de production similaires regroupés. Les unités économiques qui utilisent des processus de production similaires sont donc rangées dans la même classe, les classes étant délimitées dans la plus large mesure possible en fonction des différences dans le processus de production.

[157]      Le SCIAN Canada 2012 comporte 20 secteurs, 102 sous-secteurs, 323 groupes, 711 classes et 922 classes canadiennes. Dans le domaine d’activité de Sami, nous trouvons la classification suivante :

445 Magasins d’alimentation

44551 Épiceries

44511 Supermarchés et autres épiceries (sauf les dépanneurs) ÉU

44512 Dépanneurs ÉU

4452 Magasins d’alimentation spécialisés

44521 Boucheries ÉU

445210 Boucheries ÉU

44522 Poissonneries ÉU

445220 Poissonneries ÉU

44523 Marchés de fruits et de légumes ÉU

445230 Marchés de fruits et de légumes ÉU

44529 Autres magasins d’alimentation spécialisés ÉU

445291 Boulangeries-pâtisseries ÉU

445292 Confiseries et magasins de noix ÉU

445299 Tous les autres magasins d’alimentation spécialisés ÉU[87]

(Notre soulignement)

[158]      Le vérificateur choisit la marge brute des entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires de 5 à 25 000 000$ et un ratio au deuxième quartile qui indique que : 50% des ratios lui sont inférieurs et 50% lui sont supérieurs. La marge bénéficiaire brute retenue par Revenu Québec est le Q2 moyen[88].Pour le vérificateur, il s’agit là d’une mesure raisonnable, puisque située en plein milieu de l’ensemble des ratios.

[159]      Selon Revenu Québec, l’analyse du chiffre d’affaires réalisé par succursale pour Sami lui permet de constater que le SCIAN par succursale est inférieur à 25 000 000$. De plus, au registraire des entreprises du Québec, les trois succursales sont identifiées comme magasins de fruits et légumes, magasins de détail.

[160]      Poussant l’analyse plus loin, Revenu Québec examine des données extrinsèques provenant de Statistique Canada sur l’industrie du commerce de détail. Il constate que la marge brute moyenne dans le groupe 4452 magasins d’alimentation spécialisée est de 44,30 % en 2008, 43,50 % en 2009, 43,40 % en 2010 et 45,10 % en 2011[89].

[161]      Or, les mêmes données dans le sous-secteur des magasins 445, soit les magasins d’alimentation, s’établissent à 29,5 % en 2008, 30% en 2009, 30,8% en 2010 et 31,1% en 2011.

[162]      Le vérificateur souligne que la moyenne des marges brutes utilisée dans le cadre de la méthode alternative retenue entre 2003 et 2010 est de 29%. Le chiffre auquel il en vient est plus près des sous-secteurs magasins d’alimentation que celui des magasins d’alimentation spécialisée.

[163]      Ainsi le pourcentage de marge brute retenue par le vérificateur est à l’avantage de Sami. Une analyse de la moyenne des années 2003 à 2011 des marges brutes pour chaque strate du chiffre d’affaires a été effectuée et obtient une moyenne de 25,2% pour les magasins de moins de 5 000 000$ et 28,7% pour les 5 000 000$ à 25 000 000$ de chiffre d’affaires[90]. Revenu Québec conclut donc que le choix de la marge brute de la classe 445230 marché fruits et légumes avec un chiffre d’affaires de 5 et 25 000 000$ est la strate la plus appropriée dans les circonstances.

[164]      Pour Revenu Québec, le modèle offert par Sami est basé sur trois magasins de détail qui réalisent un chiffre d’affaires comparable à cette strate. De plus, le fait qu’il effectue des achats pour trois succursales et qu’il possède un entrepôt de distribution où s’effectuent certaines ventes en gros lui procurent un avantage au niveau du coût de ses achats par une économie d’échelle.

[165]      Par ailleurs, les statistiques pour la classe 445230 marché de fruits et légumes de plus de 25 000 000$ de chiffre d’affaires n’existe pas.

[166]      Dans leur lettre du 2 septembre 2014[91], les représentants de Sami soutiennent qu’une analyse des fruits et légumes vendus par des concurrents démontre des écarts entre 26 et 108 % comme étant supérieurs. Cette prétention est accompagnée d’un tableau de prix comparables[92], lequel contient certains items vendus chez IGA avec le prix et le prix de Sami. Or, aucun des chiffres mentionnés à ce tableau n’a d’appui sur une liste quelconque, circulaire ou autre de telle sorte qu’ils ne sont aucunement vérifiables tant pour IGA que pour Sami. Rappelons que Sami prétend depuis le début de la vérification qu’il n’a aucun système ou liste de prix, ce qui rend invérifiable sa prétention.

[167]      Malgré cela, Revenu Québec tente une comparaison entre les prix de vente avec les prix en gros quotidiens des fruits et légumes sur le marché montréalais[93]. L’objectif est d’obtenir une marge brute basée sur ce que Sami prétend être son prix de vente et le prix de vente des mêmes produits sur le marché en gros. Les résultats obtenus par cette analyse démontrent que Sami réalise une marge brute positive de 44% en moyenne pour 87 produits identifiés et une marge brute négative de 49% en moyenne pour 20 produits, à savoir les prix de Sami inférieurs au prix du gros sur le marché montréalais. La résultante est une moyenne globale de 23% de marge brute[94], tout près du 29% retenu par la méthode alternative.

[168]      Revenu Québec a prouvé ses cotisations selon la balance des probabilités. Considérant les analyses effectuées par la méthode alternative.

[169]      À cet égard, en réponse à la preuve imprécise et incomplète présentée par Sami, Revenu Québec présente une analyse détaillée pour en venir aux conclusions et à l’émission des cotisations en litige. Outre le rapport de vérification détaillé[95], le vérificateur procède à l’analyse de plusieurs documents dont les indicateurs de performance financière[96], les grilles d’analyse de calcul[97] où il prend la peine de déterminer le chiffre d’affaires par magasin, en procédant à l’analyse des comptes et de répartir le chiffre d’affaires par magasin, ce qui lui permet de déterminer un écart qui représente les dépôts non identifiés s’élevant à la somme de 5 733 209$[98].

[170]      Il analyse aussi la marge brute révisée suivant les représentations en cours de vérification de Sami[99], ainsi que l’ensemble des ventes selon les documents obtenus[100] et procède de nouveau à des calculs de marge brute révisée suivant les représentations faites par Sami dans le cadre de la vérification[101] dont la moyenne est alors très près de celle utilisée à partir de la médiane de Statistique Canada.

[171]      À la suite des représentations de Sami consécutives à la présentation du projet de cotisation, Revenu Québec effectue une contre-analyse amplement documentée au rapport de vérification. Le constat est : la méthode et la médiane utilisées demeurent raisonnables[102].

[172]      Les efforts faits par Sami pour miner la méthodologie utilisée dans les circonstances par Revenu Québec afin de dresser un portrait juste et raisonnable de sa situation financière sont demeurés vains. À l’exception de la preuve de l’expert, laquelle rencontre le critère prima facie, tel que précédemment mentionné, l’ensemble de la preuve convainc le Tribunal que Revenu Québec a démontré par une preuve prépondérante le bien-fondé des cotisations en litige.

[173]      Revenu Québec s’est appuyée et a utilisé des normes objectives minimales tirées des statistiques officielles publiées par Statistique Canada pour lesquelles l’expert de Sami reconnaît lui-même la qualité des calculs[103].

[174]      Contrairement à l’affaire Brasserie Futuriste de Laval inc.[104], les chiffres sur lesquels se base Revenu Québec ne sont pas des chiffres « qui sont le produit des impressions du vérificateur ».

[175]      En plaçant Sami sur la médiane, Revenu Québec s’assure d’une certaine raisonnabilité. En procédant ainsi, 50% des entreprises ont une marge brute inférieure et 50% une marge brute supérieure. Déplacer la médiane dans un sens ou dans l’autre, vers un quartile plus élevé ou plus bas n’a comme seul effet que d’accroître un écart dans un sens ou dans l’autre.

[176]      L’arbitraire serait de déterminer unilatéralement et sans référence tierce, externe, fiable et impartiale des données de pourcentage de marge bénéficiaire brute, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

[177]      L’exercice d’une certaine forme d’arbitraire raisonnable consiste dans l’utilisation de statistiques reconnues, soient celles de Statistique Canada. Placer Sami au centre du groupe tel que le fait Revenu Québec permet de retenir des données qui sont raisonnables en sa faveur.

[178]      Quant à Statistique Canada et au SCIAN, il appert que Sami a elle-même participé à l’enquête[105].

4.4.2      Les autres éléments de preuve

[179]      La preuve démontre que tout au long du processus de vérification, Revenu Québec a cherché à obtenir des informations et documents permettant d’établir les ventes réelles de Sami et sa marge bénéficiaire. À cette fin, il faut obtenir le coût des achats, les coûts de fonctionnement incluant les salaires, le prix des ventes, la totalité des ventes réelles effectuées moins l’inventaire en fin d’exercice pour obtenir un résultat.

[180]      Or, Revenu Québec se bute à un ensemble de problématiques lesquelles se poursuivent lors de l’instruction. Le coût des achats n’est pas bien documenté, les coûts de fonctionnement également; les prix de vente des marchandises sont non documentés et font l’objet d’une variation hebdomadaire, voire quotidienne selon l’ensemble des éléments mis en preuve; la source première de documentation pour prouver des ventes totales réelles est détruite sciemment et l’inventaire est une estimation non documentée[106].

[181]      Tous les documents et informations au soutien de ces éléments ne sont jamais fournis malgré plusieurs demandes. Les témoignages entendus pour Sami ne cherchent qu’à confirmer ses prétentions sans jamais fournir la documentation qui permettrait d’invalider les prémisses factuelles retenues par Revenu Québec.

[182]      M. Ziad Amar, gérant de la succursale à Laval explique qu’à la fin de la journée, il procède à la fermeture des caisses. Il imprime le « z »[107] de chaque caisse, effectue le décompte de l’argent que le tiroir-caisse contient et il vérifie que le tout balance avec le « z ». Ensuite, il prend l’argent, l’insère dans une enveloppe de Garda, y indique le montant et le nombre d’espèces, puis glisse l’enveloppe dans le coffre de Garda à cet effet.

[183]      Ce coffre est situé dans un bureau fermé attenant aux succursales et il ne peut s’ouvrir qu’avec deux clés, l’une en la possession du gérant et l’autre en la possession d’un membre du personnel de Garda. Le coffre n’est donc ouvert que lorsque le personnel de Garda vient sur place pour quérir l’argent.

[184]      Une fois l’argent déposé dans le coffre, M. Amar contacte M. Asmar ou M. Taleb pour les informer de la recette du jour. Il répète cette opération chaque soir que la succursale est ouverte.

[185]      Ce n’est que lors du contre-interrogatoire que le témoin indique qu’il y a deux fermetures de caisse dans la journée. Une première est effectuée à 17 h 00 et la seconde à 19 h 00 lorsque la succursale ferme ses portes. Pour les soirs où la succursale ferme ses portes à 21 h 00, il y a une fermeture de caisse et un décompte à 19 h 00, puis un autre à 21 h 00.

[186]      Le contre-interrogatoire révèle que ce témoin a été trouvé coupable de fausses déclarations en vertu des dispositions de la Loi sur la taxe d’accise en octobre 2007 et qu’il a été trouvé coupable de fraude selon l’article 380 du Code criminel en mars 2010.

[187]      M. Omar Gab El Rad (El Rad), gérant de la succursale de la rue Jarry explique le même modus operandi pour la fermeture des caisses, le décompte et la balance avec les « z » de caisses et le dépôt dans une enveloppe laquelle est glissée dans le coffre de Garda. De même pour l’ouverture du coffre qui nécessite deux clés. Le Tribunal note que c’est ce témoin qui indique pour la première fois l’existence d’un second coffre dans le bureau attenant à la succursale, en plus de celui de Garda.

[188]      En outre, des deux fermetures de caisses ci-haut relatées, il y a un troisième cas de fermeture de caisse, soit lorsqu’une caissière termine son quart de travail.

[189]      M. Guenin, gérant de la succursale de Lasalle témoigne dans le même sens que les deux autres gérants. Il précise cependant que dans le second coffre, celui qui n’est pas de Garda, il y place l’argent pour les paies des employés et la monnaie.

[190]      Finalement, M. Mohamad, gérant de caisse sur la rue Jarry témoigne en corroborant le fonctionnement des fermetures de caisses, le décompte effectué de l’argent pour qu’il balance avec les « z ». Il précise que seuls les billets de 5 $, 10 $ et 20 $ sont placés dans l’enveloppe de Garda et glissés dans le coffre de Garda. La monnaie est placée dans une boîte à cette fin, ce qu’il nomme la réserve.

[191]      Tous ces témoins affirment qu’une fois qu’ils ont balancé l’argent des tiroirscaisses avec les « z » ils jettent ceux-ci. Ainsi le document utilisé par les préposés de Sami pour s’assurer que les  recettes contenues dans les tiroirs-caisses « balancent » avec les ventes enregistrées des caisses n’est pas conservé.

[192]      La preuve révèle que tout au long du processus de vérification, il y a absence de collaboration, non remise des « z » subséquents, bien que demandés lors de la vérification et de la destruction des « z » systématique antérieurement. Il se dégage de l’ensemble de la preuve que Sami n’a pas avantage à tout dévoiler à Revenu Québec.

[193]      Un des « z » de caisse produits est à zéro à 9 h 30 le matin[108] alors que les témoins entendus affirment que ceux-ci sont générés en fin d’après-midi, puis à la fermeture des succursales le soir. Toujours quant aux « z » de caisse, suite à la demande de Revenu Québec de les fournir[109], M. Sami affirme que les gérants ont transmis des « z » de caisse à lui et à son fils Taleb par le camion de livraison et qu’ils les auraient transmis à leur représentant. Or, ceux-ci ne sont jamais transmis à Revenu Québec.

[194]      Sami connaît l’importance des « z » de caisse puisque c’est avec ceux-ci qu’elle balance ses caisses à la fermeture. C’est aussi après avoir ainsi procédé que les gérants communiquent les ventes du jour à M. Sami ou à M. Taleb. Ce document source, essentiel non présenté et systématiquement détruit mène le Tribunal à conclure que Sami n’a pas intérêt à présenter ses « z » de caisse.

[195]      Par ailleurs, la preuve révèle plusieurs incongruités. À titre d’exemple, dans ses trois succursales et son entrepôt où elle effectue des ventes en gros, plus de 200 produits sont mis en vente. Or, aucune liste de prix n’existe. Le témoin Taleb affirme qu’il y’en a une pour la succursale de la rue Legendre, mais elle n’est jamais produite.

[196]      Les compétiteurs mentionnés de Sami par le témoin Taleb sont le Marché 440 et Adonis. Or, au cours de la vérification Sami fournit une liste de prix comparatifs pour argumenter sur le ratio de ses marges de profit. Ce ne sont pas ses compétiteurs qu’il prend, mais des gros joueurs dans le marché de l’alimentation[110].

[197]      Aux états financiers de 2009 et 2018, l’inventaire est le même au dollar près. Aucun témoin ne peut expliquer pourquoi, alors que cet inventaire est fait sans aucun document à l’appui et n’est qu’une estimation.

[198]      M. Taleb n’explique rien quant aux états financiers ni la comptabilité de la société. M. Asmar n’est pas plus en mesure de le faire ni d’expliquer les ajustements et écritures de régularisation comptable en fin d’année. Pourtant, ceux-ci comportent une écriture de plus de 8 millions de dollars[111]. C’est le comptable interne qui s’occupe de tout cet aspect, mais il ne sera jamais entendu. Il s’agit d’une estimation selon M. Corea. Aucune facture de cet ordre n’est soumise par le client.

[199]      Également, M. Corea déclare au Tribunal qu’il reçoit instruction de Sami de ne pas laisser Revenu Québec procéder à d’autres visites des magasins ni à des rencontres d’employés. Le Tribunal tire une inférence négative de cette absence de collaboration et de transparence.

[200]      Par ailleurs, l’ensemble des dépôts bancaires sont constitués de chiffres entiers, sans fraction. Il est étrange que ces dépôts qui, selon la prémisse présentée par Sami, correspondent à ses recettes de caisse enregistreuse soient constitués de dépôt sans fraction[112].

[201]      Même l’horaire d’ouverture des succursales donne lieu à une preuve contradictoire. Cet horaire est transmis par écrit à Revenu Québec[113], mais au cours de son témoignage, le témoin Taleb corrige l’horaire alors que le témoin El Rad, gérant de la rue  Jarry n’est même pas en mesure d’identifier quand cet horaire a été modifié.

[202]      Aussi, la preuve présentée par Sami contient plusieurs contradictions vu la tentative de présenter un chiffre d’affaires qui se partage entre 50% de ventes en gros et 50% de ventes au détail alors que la documentation démontre qu’il faut plutôt retenir un pourcentage de 75 % des ventes au détail.

[203]      Le témoin Taleb mentionne que Sami n’a comme compte bancaire que ceux à l’institution TD. Ce n’est que lors du contre-interrogatoire qu’il admettra que Sami a également un compte à la HSBC.

[204]      De même, ce sont les contre-interrogatoires qui révèlent l’existence d’un second coffre, dans lequel est placé l’argent servant aux paies des employés et même des enveloppes pour la monnaie. Cet argent provient des recettes et il n’est évidemment pas comptabilisé dans les dépôts de Garda.

[205]      Sami tente de faire porter le débat sur la fiabilité des dépôts effectués par Garda aux différents comptes bancaires afin de convaincre le Tribunal que l’ensemble de ses revenus sont ainsi déclarés puisque les relevés de dépôt correspondent aux revenus déclarés. Or, le débat porte sur la possibilité que des ventes ou recettes n’y soient pas déposées. Présenter la preuve des revenus aussi simplement que de dire : « vous avez le point d’entrée, à savoir les achats et le point de sortie, à savoir les dépôts bancaires et donc toutes les ventes et revenus » n’est pas réaliste.

[206]      Accepter une telle affirmation oblitère tout le labyrinthe entre ces deux points et tout autre point de sortie. C’est le chemin entre ces deux points, ponctués d’indicateurs, qui permet de tenir une comptabilité adéquate et d’établir les ventes réelles.

[207]      En somme, l’ensemble de la preuve présentée par Sami n’a, aux yeux du Tribunal, aucune force probante permettant de retenir ses prétentions.

[208]      L’omission de Sami de présenter des éléments de preuve qu’elle est normalement en mesure de présenter ou l’omission de fournir des éléments de preuve permettant d’élucider les faits justifie la Cour d’inférer que ces éléments de preuve sont défavorables à Sami[114].

[209]      Rappelons par ailleurs que l’article 34 L.A.F. exige du contribuable qu’il conserve et présente la documentation requise au soutien de ses déclarations de revenus, ce que Sami a omis de faire allant même jusqu’à les détruire systématiquement.

[210]      L’ombre dans laquelle se drape Sami depuis le début de la vérification et son absence de transparence forcent le Tribunal à tirer des inférences négatives à l’égard de la position qu’elle maintient.

[211]      Après analyse de l’ensemble de la preuve, le Tribunal conclut, selon la balance des probabilités, que Sami n’a pas déclaré l’ensemble de ses revenus.

[212]      Revenu Québec a prouvé, de façon prépondérante, le bien-fondé des cotisations en impôt des sociétés.

5.       SAMI A-T-ELLE « DÉMOLI » LA PRÉSOMPTION DE VALIDITÉ DES COTISATIONS EN RAS?

[213]      La preuve prima facie qui doit être présentée par Sami doit être assez précise et probable et elle doit reposer sur une preuve documentaire ou circonstancielle. C’est ce que souligne la Cour d’appel dans l’arrêt 3096-4035 Québec inc. c. Agence du revenu du Québec[115].

[214]      Il convient donc d’analyser la preuve présentée par Sami afin de déterminer si elle est étayée par des éléments créant un tel degré de probabilité en sa faveur que le Tribunal doit l’accepter, s’il y ajoute foi.

[215]      Sur cette question, la preuve présentée par Sami est loin de satisfaire aux critères de la jurisprudence pour lui permettre de renverser la présomption établie par l’article 1014 L.I. À la lumière de la preuve présentée, les faits sur lesquels tentent de s’appuyer Sami sont incorrects, considérant particulièrement l’absence d’éléments suffisamment précis et fiables.

[216]      La preuve administrée par Sami est sibylline sur la question des RAS, incomplète et contradictoire sur plusieurs aspects de telle sorte que le Tribunal n’y prête pas foi.

[217]      Selon les gérants entendus, les horaires des employés leur sont communiqués verbalement. Il n’y a aucun horaire écrit dans aucune des trois succursales. Seul le gérant de la succursale de la rue Jarry, M. El Rad affirme qu’il note l’horaire sur un papier qu’il jette par la suite.

[218]      Les employés sont informés verbalement de leur horaire le samedi ou le dimanche pour la semaine qui suit.

[219]      Lorsque la semaine est complétée, les gérants communiquent verbalement au bureau chef et informent une dénommée Jumana du nombre total d’heures effectuées par chaque employé. Celle-ci communique par la suite, le même jour, avec les gérants pour les informer des sommes pour la paie de chaque employé. Les gérants préparent une enveloppe dans laquelle ils insèrent les paies en argent comptant pour chaque employé. Cet argent proviendrait de la recette du vendredi[116].

[220]      L’argent comptant versé aux employés provient des tiroirs-caisses, préalablement placé dans un second coffre pour verser les paies. La preuve révèle donc que ce ne sont pas toutes les sommes retirées des caisses enregistreuses qui sont déposées chez Garda et ensuite dans les comptes bancaires de Sami.

[221]      La preuve de Sami demeure imprécise quant aux horaires de ses employés. L’on parle de temps partiel, entre 22 à 26 heures[117], alors que le journal des salaires[118] indique entre 25 à 30 heures, sauf certaines exceptions.

[222]      Le nombre d’employés requis par jour, par succursale, est lui aussi demeuré imprécis. Une à deux personnes pour la réception des marchandises, une à deux personnes pour le travail de nuit, un nombre variant et indéterminé pour les jours de semaine et autres jours d’ouvertures des succursales, que ce soit comme commis à l’étalage ou comme caissier. Voilà qui laisse le Tribunal perplexe.

[223]      Pour un employeur minimalement organisé et opérant une entreprise de cette envergure, il devrait être facile de produire les horaires de ses employés. Or, hormis le journal des salaires[119], aucun écrit n’existe ou n’est conservé. Il n’y a pas d’horodateur, ni carte de temps, aucun horaire manuscrit ou sous tout autre support tenu par les gérants des succursales, aucun relevé de paie remis aux employés. Il n’y a rien.

[224]      Aucun employé, que ce soit un commis, caissier ou chauffeur ne sera entendu à l’exception des gérants de succursales et du dirigeant de la société de même que son fils. Tous les employés, peu importe le nombre d’années de service, recevraient le salaire minimum. Les gérants qui ont témoigné affirment eux aussi recevoir le salaire minimum, bien qu’ils soient à l’emploi de Sami depuis plusieurs années et qu’ils occupent des fonctions avec plus de responsabilités.

[225]      Par ailleurs, la preuve révèle que Sami emploie aussi des chauffeurs de camion, en plus des commis de fruits et légumes et des caissières. La preuve est muette quant à leur nombre, leur horaire et leur revenu. Le Tribunal ignore pourquoi Sami, l’employeur, n’a pas administré une preuve à cet égard.

[226]      Il s’avère aussi que certaines informations transmises par les procureurs de Sami à la lettre du 29 novembre 2013[120] sont erronées. La majorité des employés n’occupent pas un poste à temps plein, mais plutôt à temps partiel, considérant le nombre d’heures travaillées par semaine.

[227]      Par ailleurs, l’affirmation « que certains employés sont appelés à changer de lieu de travail et/ou de poste selon les besoins ponctuels de succursales » se révèle fausse, comme la preuve le démontre lors de l’instruction[121].

[228]      Aussi, l’affirmation que Sami «  ne peut dresser un portrait de la situation pour une période donnée puisque la situation relative à ses employés évolue de jour en jour »[122] s’avère peu crédible, considérant la preuve administrée à l’audition. Les gérants témoignent d’une grande stabilité dans le nombre d’employés, leur identité et le nombre d’heures qu’ils effectuent pour tenter de justifier l’absence de tout document pour les horaires de travail.

[229]      La lettre du 29 novembre 2013[123] mentionne que « le service de la paie est effectué par une personne externe », alors que la preuve administrée à l’audience démontre que les gérants se rapportent à une ressource interne, Mme Jumana, laquelle indique ensuite aux gérants le montant en argent comptant à verser pour chaque employé[124].

[230]      Il faut souligner aussi que Revenu Québec n’a jamais reçu les noms des chauffeurs de camion. Or, il existe une preuve documentaire tierce probante à l’effet que le taux horaire des chauffeurs est différent de celui des commis de fruits et légumes et des caissières. Ce corps de travail existe chez Sami tel qu’il appert d’une décision de la Commission des transports du Québec[125], laquelle rapporte que Sami possède neuf camions de type cube effectuant presque toutes ses livraisons dans la région de Montréal et que les chauffeurs effectuent différentes tâches dans l’entrepôt lorsqu’ils ne conduisent pas leur véhicule[126]. Également une décision de la Commission des lésions professionnelles[127] et une décision relative à une requête en révision ou en révocation par la Commission des lésions professionnelles[128] sont en preuve.

[231]      La démarche de Sami, de procéder par une observation d’un tiers en 2019, pour démontrer son nombre d’employés dans l’une de ses succursales laisse perplexe. Sami est l’employeur, il détermine ses besoins de main-d’œuvre et il fixe le nombre et l’horaire de ses employés. En semblables circonstances, le Tribunal conçoit mal comment et pourquoi Sami ne peut pas, ou choisit de ne pas présenter l’horaire réel de cette semainelà plutôt qu’un dénombrement par observation du personnel sur place.

[232]      Pourquoi Sami ne présente pas une preuve plus complète, tel un horaire hebdomadaire alors qu’elle sait pertinemment ce que Revenu Québec tente d’évaluer. Dès le départ, Revenu Québec transmet un formulaire à remplir pour établir le nombre des employés et leur horaire[129] et prend la peine de mentionner « merci de compléter le besoin en main-d’œuvre (nombre d’employés) pour chaque tranche horaire par catégorie d’emploi dans chaque magasin ».

[233]      Aux yeux du Tribunal, le fait que Sami ne soit pas en mesure d’établir autrement que par la présentation d’un tiers qui effectue un dénombrement pour une seule journée à une seule de ses succursales son nombre d’employés demeure une énigme. Ce n’est certes pas là une preuve suffisante pour renverser la présomption de l’article 1014 L.I.

[234]      De plus, les témoignages entendus demeurent vagues et imprécis sur le nombre d’employés dans les succursales, que ce soit pour les commis d’épicerie ou les caissières. Aucune preuve pour établir l’identité et le nombre des chauffeurs n’a été administrée. Or, ce cadre d’emploi existe selon une preuve extrinsèque crédible[130].

[235]      La gestion des ressources humaines quant aux paiements des salaires pour les heures effectuées par les salariés demeure aussi floue. Les représentants confirment par écrit que c’est M. Joseph Abdulsamad qui s’en occupe[131], alors que tous les témoins entendus se réfèrent à Mme Jumana. Aucun témoin du bureau chef ne viendra expliquer comment est tenu et confectionné le journal des salaires alors que les gérants ont tous témoigné de l’absence de tous documents, horaires, fiches ou feuilles de temps tenus par eux.

[236]      Aussi M. Ziad Amar témoigne à l’effet qu’il reçoit toujours sa paie et qu’il ne prend aucune vacance. Or, le journal des salaires démontre qu’il n’a pas reçu de salaire en mars et novembre 2009 de même qu’en septembre 2010[132].

[237]      Différentes problématiques se révèlent dans les inscriptions au grand livre pour les salaires et le journal des salaires qui ne balancent pas. À titre d’exemple, la conciliation de la masse salariale totale versée selon le journal des salaires est de 1 915 894,50 $ alors qu’au grand livre, elle s’établit à 1 860 958,50 $.

[238]      Des écarts sont aussi constatés pour l’année 2011[133]. En 2012, Sami déclare plus que ce qu’il a inscrit dans son grand livre et son journal des salaires. On ne peut pas se fier à la documentation comptable de Sami, pour les salaires.

[239]      De plus, selon la liste des employés[134], Sami aurait 106 employés effectuant 27 heures et demie chacun par semaine de travail. Or, au registre des salaires[135], il n’y a pas d’employés qui effectuent le nombre d’heures mentionnées[136]. Comme autre anomalie, on remarque l’inscription d’un taux horaire à 36 $ l’heure[137]. Des incohérences au niveau des heures travaillées pour une semaine et le montant brut égal à deux semaines de travail se retrouvent pour la période de janvier 2011[138].

[240]      Selon le registre des salaires, à la colonne revenu brut, tous les employés ont les mêmes RAS. Or, les RAS sont différentes d’un employé à un autre selon leur situation personnelle, familiale ou matrimoniale. À titre d’exemple, pour les pensions alimentaires, il n’y a aucune déduction au journal des salaires pour un tel item, ce qui devrait être le cas[139].

[241]      Que les employés travaillent 14 ou 12 jours, les heures sont identiques au journal des salaires en février 2011[140]. Les paies sont toujours inscrites du 1er au 15 et du 16 au 30 et ce, peu importe la période de paie.

[242]      Par ailleurs, pour les années 2009 à 2012, l’analyse du journal des salaires démontre qu’il y a toujours un groupe de 12 employés qui est absent par séquence comme s’il ne travaillait pas, alors que tel n’est pas le cas[141].

[243]      Bien que cette anomalie soit détectée par l’avocate de Revenu Québec dans le cadre de sa préparation pour l’audition et qu’elle soit seulement soulevée lors du procès, le Tribunal doit  évaluer cette preuve afin de répondre aux questions en litige et ainsi remplir son rôle dans l’appréciation de la preuve présentée devant lui.

[244]      Le seul document fourni, le registre des salaires, est incomplet et truffé d’erreurs de telle sorte qu’on ne peut lui prêter foi. À cet effet, la « disparition » systématique et inexpliquée d’une douzaine de travailleurs en séquence continue tous les mois, dont les noms demeurent, alors qu’aucune entrée de temps n’est inscrite, suffit pour conclure qu’on ne peut se fier à ce document. Ce trou noir séquentiel reste inexpliqué.

[245]      En somme, si la comptabilité de Sami reflète la réalité, ce dont on peut douter fortement, celle-ci est truffée d’erreurs et d’inexactitudes à un point tel que l’on ne peut s’y fier.

[246]      Sur la masse salariale, M. Taleb ne rapporte rien dans son témoignage permettant au Tribunal de prêter foi à la position soutenue par Sami. En effet, il mentionne faire confiance au comptable qui prépare les relevés 1 pour les années 2008 à 2010, sans plus.

[247]      Le refus de M. Asmar de permettre au vérificateur de rencontrer les employés et de faire une nouvelle visite de succursales démontre une absence de collaboration. Le refus de remplir l’annexe demandée avec les noms des employés et leur horaire également.

[248]      Sami crée une situation qui ne laisse d’autre choix à Revenu Québec que de procéder par une méthode alternative. Par la suite, de la présentation du projet de cotisation jusqu’à l’instruction, Sami s’attelle à contester la méthode alternative choisie plutôt que de collaborer et de faire preuve de transparence. Sami doit assumer les conséquences de ses choix.

[249]      Sami ne présentant pas une preuve prima facie démontrant l’inexactitude des cotisations en RAS, ceux-ci sont maintenus.

6.       LES PÉNALITÉS IMPOSÉES PAR REVENU QUÉBEC AUX COTISATIONS EN IMPÔT DES SOCIÉTÉS ET EN RAS

[250]      Revenu Québec impose en RAS les pénalités prévues aux articles 59.2 et 59.4 L.A.F., lesquels se lisent ainsi :

59.2. Quiconque omet de déduire, de retenir ou de percevoir un montant qu’il devait déduire, retenir ou percevoir en vertu d’une loi fiscale, encourt une pénalité de 15% de ce montant.

Quiconque omet, dans le délai prévu par la loi ou par une ordonnance du ministre, de payer ou de remettre un montant qu’il devait payer ou remettre en vertu d’une loi fiscale, encourt une pénalité égale à:

a)  7% de ce montant, dans le cas où le retard n’excède pas sept jours;

b)  11% de ce montant, dans le cas où le retard n’excède pas 14 jours;

c)  15% de ce montant, dans les autres cas.

[…]

59.4. Quiconque, volontairement, élude ou tente d’éluder le paiement, la perception ou la remise d’un montant prévu par une loi fiscale, encourt une pénalité de 50% du montant dont il a ainsi éludé ou tenté d’éluder le paiement, la perception ou la remise.

[251]      La pénalité de l’article 59.2 L.A.F. est appliquée puisque que Sami omet de déduire, retenir, percevoir, payer ou remettre les montants retenus relatifs au salaire non déclaré.

[252]      La pénalité en vertu de l’article 59.4 L.A.F. est aussi appliquée. Sami présente dans ses déclarations fiscales des faits erronés et elle omet de remplir ses obligations en matière de production de bulletin de paie pour chaque salarié. Cette omission est contraire à l’article 46 de la Loi sur les normes du travail[142]. Sami est une contribuable ayant une expérience en affaires depuis plusieurs années. L’importance des obligations fiscales détournées soit sur la somme de 3 892 383,67 $ est également considérée.

[253]      La preuve révèle la présence erronée de faits et l’omission de remplir une obligation[143], notamment en ce que Sami ne fournit pas de bulletin de paie aux employés à chaque période de paie contrairement à l’article 46 de la Loi sur les normes du travail[144].

[254]      Aussi, les montants totaux de salaire inscrits aux journaux des salaires diffèrent pour les années 2010 à 2012 de ceux présentés au sommaire des employeurs. Les écarts sont notés quant aux déclarations d’un nombre d’employés devant travailler à temps plein de même que l’absence totale de documentation, l’expérience en affaires de Sami et l’absence de collaboration.

[255]      Pour ce qui est des cotisations émises pour les impôts de sociétés, des pénalités sont aussi imposées en vertu de l’article 59.4 L.A.F.

[256]      La preuve révèle des écarts importants constatés entre la marge brute déclarée et la marge brute du secteur d’activité de Sami, le fait qu’elle ne conserve aucun ruban de caisse ni rapport « z » pour justifier ses ventes, réalisés à 100% en espèces ni feuilles de temps pour appuyer des salaires, également payés en espèces.

[257]      La connaissance des faits erronés est aussi à souligner puisque Sami détruit intentionnellement les rubans de caisse et les rapports « z », un geste qui lui permet de contrôler l’absence de représentation ou les fausses représentations de faits constatés.

[258]      Il y a présence de préjudice réel puisque la perte des recettes fiscales est très élevée, soit plus de 4 millions en impôt des sociétés.

[259]      La jurisprudence reconnaît que le fardeau de preuve, lorsqu’il s’agit d’imposer des pénalités, repose sur Revenu Québec, et qu’il nécessite la preuve d’une négligence flagrante[145].

[260]      Le Tribunal se trouve face à une situation où Sami a une comptabilité déficiente et incomplète, où des montants importants de vente non déclarés sont révélés, et ce, pour une période de plusieurs années par un contribuable avisé et expérimenté dans le domaine de la vente de fruits et légumes, lequel est incapable d’expliquer ce qui est advenu de l’argent provenant des ventes non déclarées.

[261]      Tous ces éléments qui ressortent de la preuve établissent la négligence flagrante justifiant l’imposition des pénalités[146]. Dans les circonstances révélées par la présente affaire, le Tribunal conclut que Revenu Québec est bien-fondé d’imposer, tant en impôt des sociétés qu’en RAS, les pénalités à l’endroit de Sami.

[262]      En conséquence, l’ensemble des cotisations émises par Revenu Québec, tant en impôt des sociétés qu’en RAS, est maintenu.

7.       LES COTISATIONS ÉMISES À L’ENDROIT DE M. ASMAR

[263]      La position de Revenu Québec repose sur les faits suivants : 1) pour les années en litige, Sami génère des revenus non déclarés; 2) ces revenus ne figurent pas aux états financiers de Sami; 3) aucune explication raisonnable n’est fournie au soutien de l’absence des revenus aux états financiers; 4) M. Asmar est l’actionnaire unique de Sami[147] et 5) il a le plein contrôle de sa société.

[264]      Ces éléments, selon Revenu Québec, sont suffisants pour conclure que M. Sami s’approprie les fonds de sa société et lui permet de cotiser M. Asmar par l’application de l’article 111 L.I. Cet article se lit ainsi :

111. Lorsque, à un moment quelconque, un avantage est accordé par une société à un actionnaire de la société, à un membre d’une société de personnes qui est actionnaire de la société ou à un actionnaire pressenti de la société, le montant ou la valeur de cet avantage doit être inclus dans le calcul du revenu de l’actionnaire, du membre ou de l’actionnaire pressenti, selon le cas, pour son année d’imposition qui comprend ce moment.

[265]      La Cour d’appel dans Alertpay[148], confirme que lorsque la preuve révèle que l’ensemble des déterminations factuelles telles que précédemment mentionnées sont rencontrées, Revenu Québec peut valablement cotiser en conséquence.

[266]      Dans Alertpay, la Cour d’appel se réfère à un précédent jugement de 2016 rendu dans Pankagis c. Agence du revenu du Québec[149]. Dans cet arrêt, la société est une pizzeria et Mme Pangakis en est l’unique actionnaire et aussi la seule administratrice[150]. Le fait le plus marquant retenu dans Pangakis est que Madame « voit seule à sa gestion quotidienne » […] « ayant le plein contrôle du restaurant exploité »[151].

[267]      Dans Alertpay, M. Patel est « l’administrateur unique [] et a le plein contrôle de cette société »[152].

[268]      De ces deux précédents, l’on retient que le principal critère permettant de conclure à l’appropriation de fonds par un administrateur d’une société est : « le plein contrôle » de la gestion de la société.

[269]      En l’instance, la preuve révèle que M. Asmar est l’unique administrateur de Sami. L’état des informations d’une personne morale[153] indique cinq autres administrateurs au sein de la société. La preuve à l’instruction démontre que sur ces cinq autres personnes, seul le fils de M. Asmar, M. Taleb a un certain rôle actif dans la société comme administrateur. Cependant, il n’en a pas le contrôle.

[270]      Les gérants des trois succursales entendus exercent un rôle somme toute relatif sur l’entreprise. Ils effectuent des commandes, s’occupent du personnel, de l’encaissement et du dépôt des sommes d’argent dans les différents coffres.

[271]      La preuve révèle que le rôle exercé par les gérants est supervisé et contrôlé par M. Asmar. Les gérants doivent se rapporter à lui quotidiennement, lui téléphoner chaque jour pour indiquer les recettes du jour, les sommes déposées au coffre, etc. Un système de caméra est installé qui permet à M. Asmar de surveiller tout ce qui se passe dans ses magasins et s’assurer qu’on ne détourne pas quelque somme que ce soit.

[272]      C’est M. Asmar qui engage les employés.

[273]      L’ensemble de la preuve contient suffisamment d’éléments pour qu’il s’en dégage une présomption de faits (2847 et 2849 du Code civil du Québec) permettant au Tribunal de conclure que les critères de déterminations factuelles requis pour appliquer l’article 111 L.I. sont ici rencontrés. M. Asmar a le plein contrôle de Sami. Il en supervise tous les aspects de très près.

[274]      Rappelons que lorsqu’un contribuable n’est pas en mesure d’expliquer les écarts relevés par Revenu Québec et le sort de l’argent provenant des ventes non déclarées, il ne peut se décharger de son fardeau lui permettant de « démolir » la présomption de l’appropriation de fonds[154]. Revenu Québec n’a pas à prouver quand et comment un contribuable s’est illégalement approprié des fonds d’une société pour conclure à l’appropriation de fonds[155].

[275]      Ici, la destruction systématique des documents comptables et la négligence de tenir des registres précis comportant des pièces justificatives permettant une vérification fiscale pose maintenant par ricochet un obstacle. Incapable de fournir des preuves documentaires, le témoignage de M. Asmar est, eu égard à l’ensemble de la preuve, nettement insuffisant pour « démolir » les présomptions de faits établis par Revenu Québec[156].

[276]      À l’audience, la preuve sur cette question est brève, M. Asmar se contentant de nier s’être approprié quelques sommes d’argent que ce soit.

[277]      M. Asmar a affirmé qu’il n’avait pas d’autres revenus que ceux déclarés par Sami à son endroit. Il soutient ne pas avoir de compte bancaire à l’extérieur du Canada ni voyager à l’extérieur du Canada. Il réside depuis plus de quarante ans dans le même bungalow à ville Saint-Laurent. Il affirme avoir déclaré tous ses revenus pour les années 2007 à 2012.

[278]      Ce seul témoignage, en réponse à plusieurs questions suggestives de son avocat, alors que la preuve révèle ce que l’on sait sur la société menant à la conclusion qu’elle n’a pas révélé des revenus très importants pendant plusieurs années, est insuffisant pour « démolir » les faits à l’origine des cotisations émises à l’endroit de M. Asmar pour les années 2011 et 2012[157].

[279]      Pour les années 2007 à 2010, celles-ci sont prescrites au moment où Revenu Québec émet de nouvelles cotisations[158].

[280]      Revenu Québec peut émettre une nouvelle cotisation en tout temps lorsque les critères de l’article 1010 2) b) i) L.I. sont rencontrés. Cet article se lit ainsi :

1010. 2.  Le ministre peut aussi déterminer de nouveau l’impôt, les intérêts et les pénalités en vertu de la présente partie et faire une nouvelle cotisation ou établir une cotisation supplémentaire, selon le cas: […]

b)  en tout temps, si le contribuable ou la personne qui a produit la déclaration:

i.  a fait une fausse représentation des faits par incurie ou par omission volontaire ou a commis une fraude en produisant la déclaration ou en fournissant un renseignement prévu en vertu de la présente partie; ou […].

[281]      Revenu Québec doit donc démontrer que M. Asmar a, pour les années 2007 à 2010, fait une fausse représentation des faits par incurie ou omission volontaire ou qu’il a commis une fraude en produisant sa déclaration de revenus.

[282]      Le Tribunal est d’opinion que Revenu Québec s’est déchargée de son fardeau sur cette question considérant le contexte particulier où, tout au long des années en litige, M. Asmar exerce, selon ce que la preuve révèle, le contrôle sur son entreprise, qu’il ne conserve pas de documentation minimale requise procédant même à la destruction systématique des « z » de caisse, tout en opérant avec de l’argent comptant.

[283]      Cet argent, faut-il le rappeler, est placé non pas dans le seul coffre de Garda, mais dans deux coffres, ce que le Tribunal n’aura appris que par les contre-interrogatoires des gérants.

[284]      Conséquemment, les cotisations émises pour les années 2007 à 2010 sont maintenus.

7.1.           Les pénalités imposées à M. Asmar

[285]      Revenu Québec a imposé des pénalités découlant de l’article 59.4 L.A.F. et de l’article 1049 L.I. pour les années 2007 à 2012 à l’endroit de M. Asmar.

[286]      Les motifs retenus aux fins d’imposer la pénalité de l’article 59.4 L.A.F. sont les suivants :

-          Les faits relevés lors de la vérification de la société et le caractère frauduleux des omissions constatées sont étroitement liés à l’omission de M. Asmar;

-          Il a omis de déclarer des revenus de sa société et un écart important a été constaté;

-          De par son statut d’actionnaire unique et dirigeant ayant le contrôle de l’entreprise, il est au courant des revenus non déclarés au niveau de sa société;

-          Il a connaissance de la présentation erronée quant à rencontrer ses obligations et il y a préjudice réel en ce que les pertes de recettes fiscales s’élèvent à plus de 7 millions en impôt des particuliers[159].

[287]      Quant à la pénalité pour négligence flagrante mentionnée à 1049 L.I., il y a lieu de retenir la piètre qualité des livres et registres tenus par Sami, le degré de connaissance et de sophistication de son entreprise, l’importance des montants de revenus non déclarés par rapport aux revenus déclarés et le peu de crédibilité à accorder considérant l’ensemble de l’œuvre[160].

[288]      Lorsque Revenu Québec impose des pénalités pour négligence flagrante à un contribuable, celle-ci doit être démontrée de façon claire et ce fardeau incombe à Revenu Québec[161].

[289]      Revenu Québec doit donc démontrer que M. Asmar a eu « un comportement » grave, presque volontaire » ou qu’il a commis « une faute lourde ».

[290]      La Cour d’appel indique ceci dans Delorme c. Agence du revenu du Québec[162] :

[47] L’analyse de la négligence flagrante d’un contribuable doit plutôt se faire au regard d’une série de critères dégagés par la jurisprudence:

  •  l'importance des sommes omises, la valeur des justifications fournies par le contribuable et les circonstances dans lesquelles l'omission est survenue;
  • la qualité des registres comptables tenus par le contribuable;
  • l'éducation, les connaissances et l'expérience en affaires du contribuable;
  • le fait que le contribuable a reconnu ou déclaré volontairement les omissions, ou les faussetés, affectant les déclarations litigieuses;
  • la nature des relations antérieures entre le contribuable et le fisc;
  • la crédibilité du contribuable.

[291]      La preuve révèle que les sommes omises sont importantes et qu’elles constituent une très grande part des revenus de M. Asmar comparativement à ceux déclarés. Ces omissions sont répétitives sur plusieurs années et il n’a jamais été en mesure de justifier convenablement pareilles omissions, ni de fournir une preuve convenable à cet effet. Le manque de collaboration de sa part notamment par le refus de permettre au vérificateur de rencontrer les employés et de faire une seconde visite est à souligner.

[292]      En aucun temps M. Asmar n’a pris la peine de rencontrer les vérificateurs de Revenu Québec. Il a placé entre lui et le personnel administratif de Sami des comptables externes et représentants qui ne pouvaient répondre aux questions des vérificateurs et qui n’avaient pas toute l’information.

[293]      Par ailleurs, les registres comptables sont lacunaires, imprécis et non fiables, les pièces justificatives n’étant même pas conservées.

[294]      L’absence de registres ou une tenue inadéquate de ceux-ci est selon la jurisprudence une indication importante de la négligence flagrante au sens de l’article 1049 al. 1 L.I.[163].

[295]      Conséquemment, il y a lieu de maintenir les pénalités imposées par Revenu Québec sur les cotisations émises à l’endroit de M. Asmar.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

REJETTE les demandes en appel de cotisation fiscale de la Maison Sami T.A. Fruits inc. dans les dossiers 500-80-032722-168 et  500-80-032721-160;

LE TOUT avec frais de justice dans les deux dossiers.

 

REJETTE la demande en appel de cotisation fiscale de M. Sami Al-Asmar dans le dossier 500-80-034759-176;

LE TOUT, sans frais dans ce dossier.

 

 

_________________________

LOUIS RIVERIN, J.C.Q.

 

Me Jean Groleau

Me Jacques Plante

Me Alain Paquet

Groleau Gauthier Plante s.e.n.c.r.l.

Avocats des Demandeurs

 

Me Josée Fournier

Me Kamal Saoud

Larivière Meunier

Avocats de la Défenderesse

 

Dates d’audience :

20, 21, 22, 23, 24, 27, 28, 29, 30 septembre et 1er, 4 octobre 2021

 


[1]  Pièce P-1, avis de cotisation numéro 1041, 1061, 1081, 1101, 1121 et 1114 émis le 27 novembre 2014.

[2]  Pièce P-3.

[3]  Description détaillée de la méthode aux paragraphes 56 à 70 de la défense de Revenu Québec au dossier 500-80-032721-160; voir aussi rapport de vérification du 24 novembre 2016, pièce D-18, p. 16.

[4]  Pièce P-5.

[5]  RLRQ, c. I-3.

[6]  Dossier numéro 500-22-032722-168

[7]  Pièce D-6, rapport du 24 novembre 2014.

[8] RLRQ, c. A-6.002.

[9]  Rapport de vérification, pièce D-1, p. 22.

[10]  Rapport de vérification, pièce D-1, p. 22 et 23.

[11]  Pièce P-18.

[12]  Lettre, pièce D-37, p. 126 et 127.

[13]  Pièce D-37, p. 127.

[14]  Pièce D-37, p. 129 à 131.

[15]  Pièce D-37, p. 133.

[16]  Pièce D-37, p. 134.

[17]  Pièce D-37, p. 135 et 136.

[18]  Pièce D-37, p.143 et 144.

[19]  Pièce D-37, p. 147.

[20]  Pièce D-37, p. 148.

[21]  Pièce D-37, p. 151.

[22]  Pièce D-37, p. 165.

[23]  Pièce D-37, p. 207.

[24]  Précité, note 33.

[25]  D-29, D-31 à D-33, D-37, p. 33 à 37, 51 à 59, 103, 107 à 122, 217, 259 à 261, 268 à 277.

[26]  Réponse des procureurs du 29 novembre 2013.

[27]  Pièce P-18, p. 3, rapport de vérification et p-12 à p.17.

[28]  Pièce D-31.

[29]  Pièce D-19 à D-24.

[30]  Cotisation régime des rentes du Québec, cotisation régime québécois d’assurance parentale, cotisation des services de santé, cotisation à la Commission des normes du travail, cotisation au fond de développement de reconnaissance de la compétence de la main-d’œuvre.

[31]  Pièce P-9, A-3, onglet 14 et 15.

[32]  Pièce D-38.

[33]  Pièce D-38, p. 7.

[34]  Pièce D-38, p. 8.

[35]  Pièce D-34.

[36]  À titre d’exemple : liste de prix, inventaire…

[37]   À titre d’exemple : Loi sur le régime de rentes du Québec, RLRQ, c. R-9; Loi sur l'assurance parentale, RLRQ, c. A-29.011.

[38]  Article 35.1 L.A.F.

[39]  R. c. Mckinlay Transport td, [1990] 1 RCS 627.

[40]  Voitures Orly inc. c. Canada, 2005 CAF 425.

[41]  Paquette c. Québec (sous-ministre du revenu), 2010 QCCQ 4810, par. 113 à 118.

[42]  9122-4238 Québec inc. et al. c. Agence du revenu du Québec, 2016 QCCQ 7, par. 44-50; Nor-Pat c. Agence du revenu du Québec, 2021 QCCQ 13454.

[43]  2844-9676 Québec inc. C. ARQ, 2019 QCCQ 9773.

[44]  Opus cité, note 42.

[45]  Opus cité, note 42, par. 95; voir aussi au même effet Portokallis c. Agence du Revenu du Québec, 2017 QCCQ 14292, par. 37, 38, 105 et 106.

[46]  2844-9676 Québec inc. c. Agence du revenu du Québec, 2021 QCCA 446.

[47]  9122-428 Québec Inc. c. Agence du revenu du Québec, 2017 QCCA 1722.

[48]  2021 QCCA 446.

[49]  Voir à titre d’exemples : 9122-4238 Québec inc. c. Agence du revenu du Québec, 2017 QCCA 1722; Compagnie de tabac Dynasty inc. c. Agence du revenu du Québec, 2013 QCCQ 12995; Portokallis c. Agence du revenu du Québec, 2017 QCCQ 14292, maintenue en Cour d’appel 2018 QCCA 183; Pizzeria Socrate c. Agence du revenu du Québec, 2018 QCCA 987; Restaurant Jerry Pizzeria inc. c. Agence du revenu du Québec, 2015 QCCQ 5821; Alertpay Incorporated c. Agence du revenu du Québec, 2017 QCCQ 14818 maintenue par la Cour d’appel à 2020 QCCA 46.

[50]  Pièce P-12, p. 6.

[51]  Pièce D-36, p. 215.

[52]  Voitures Orly, Opus cité note 39

[53]  Voir à cet effet Dussault c. Agence du revenu du Québec, 2014 QCCQ 5276, confirmée par la Cour d’appel à 2014 QCCA 1968; 9122-4238 Québec inc. c. Agence du revenu du Québec, 2017 QCCA 1722;  Compagnie de tabac Dynasty inc. c. Agence du revenu du Québec, 2013 QCCQ 12995 (par. 42 et 46); Portokallis c. Agence du revenu du Québec, 2017 QCCQ 14292 (par. 88) maintenue par la Cour d’appel à 2018 QCCA 183; Alertpay Incorporated c. Agence du revenu du Québec, 2020 QCCA 46 (par. 30).

[54]  Selon le témoignage des gérants lors de l’instruction.

[55]  Pièce D-18, p. 10.

[56]  Article 46 L.N.T.

[57]  Pièce D-18, rapport de vérification en RAS, p. 9.

[58]  Pièce D-18, p.10 et 11.

[59]  Voir à titre d’exemple : Nguyen c. Agence du revenu du Québec, 2018 QCCQ 2810; 9122-4238 Québec inc. c. Agence du revenu du Québec, 2017 QCCA 1722.

[60]  Pièce D-36, p. 309.

[61]  Pièce D-36, p. 230 et 307 à 309, échanges de courriels et renonciation à la prescription.

[62]  Opus cité, note 16.

[63]  Alertpay Incorporated c. Agence du revenu du Québec, 2020 QCCA 46 (par. 31).

[64]  Hickman Motors Ltd c. Canada [1997] 2 RCS 336 (1997 CanLII 357 CSC)

[65]  Hickman Motors Ltd, par. 92.

[66]  Idem.

[67]  Idem, par. 93.

[68]  Voir la décision Moufarrege c. Agence du revenu du Québec, 2021 QCCQ 5873, par. 122.

[69]  À titre d’exemple, les présomptions prévues aux articles 2847 et 2848 C.c.Q.

[70]  St-Georges c. Québec (Sous-ministre du revenu), 2007 QCCA 1442.

[71]  Alertpay Incorporated c. Agence du revenu du Québec, 2020 QCCA 46.

[72]  Hickman Motors Ltd, par. 43.

[73]  Idem, par. 74.

[74]  Hickman Motors Ltd, par. 75.

[75]  St-Georges c. Québec (Sous-ministre du revenu), 2007 QCCA 1442. Voir aussi : 9027-5967 Québec inc. c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2007 QCCA 47.

[76]  2020 QCCA 46

[77]  Alertpay incorporated inc. c. Agence du revenu du Québec, 2020 QCCA, 46.

[78]  Pièce P-8.

[79]  Pièce P-8, p. 6, par. 2.

[80]  Pièce P-8, rapport d’expert.

[81]  Hickman Motors Ltd, par. 94.

[82]  Rapport de l’expert, pièce P-8, p. 6, par. 1.

[83]  Québec (Sous-ministre du revenu) c. Chenel, 2005 QCCA 794; Alertpay incorporated inc. c. Agence du revenu du Québec, 2020 QCCA, 46. Brasserie Futuriste de Laval inc. c. La reine, 2006, CCI 503, confirmée par la Cour d’appel fédéral à 2007 CAF 393; Atelier de pneus Garo Ltée c. Québec (Sous-ministre du revenu), 2012 QCCQ 9736, (par. 162).

[84]  Québec (Sous-ministre du revenu) c. Chenel, 2005 QCCA 794, par. 30.

[85]  Opus cité Chenel, 2005 QCCA 794, par. 30.

[86]  Alertpay incorporated inc. c. Agence du revenu du Québec, 2020 QCCA, 46, par. 30.

[87]  Pièce D-1, p.18, extrait du rapport de vérification.

[88]  Pièce D-36, p. 655.

[89]  Rapport de vérification, pièce D-1, p. 21.

[90]  Précité, note 9 et pièce D-36, p. 425.

[91]  Pièce D-36, p. 153 à 161.

[92]  Précité, note 13, p. 163.

[93]  Précité, note 12, p. 29.

[94]  Analyse, pièce D-36, p. 674.

[95]  Pièce D-1; D-36.

[96]  Pièce D-12.

[97]  Pièce D-13.

[98]  Idem.

[99]  Pièce D-14.

[100]  Pièces D-15 et D-16.

[101]  Pièce D-36, p. 208.

[102]  Voir à titre d’exemple D-36, p. 426 et 427.

[103]  Pièce P-8, p. 6.

[104]  Brasserie Futuriste de Laval inc. c. La reine, 2006, CCI 503, par. 158.

[105]  Pièce D-44, p. 9.

[106]  Bilan de Sami 2009 et 2010 : l’inventaire est exactement au même montant de 125 039 $, voir pièce D46, p. 38.

[107]  Un « z » de caisse est le relevé de toutes les transactions effectuées par une caisse enregistreuse, de son ouverture à sa fermeture.

[108]  Pièce P-50, p. 1.

[109]  Pièce D-36, p. 36.

[110]  Pièce D-36, p. 163 à 168.

[111]  Pièce P-12, p. 9-4-2.

[112]  Voir P-9, p. 3713, 3725, 3726 et 3750.

[113]  Pièce D-37, p. 196.

[114]  Stewart c. MRN, 2000 CanLII 426 (CCI).

[115]  2020 QCCA 1039, par. 31 et 32, repris dans lissier c. Agence du revenu du Québec, 2021 QCCA 1330, par. 36.

[116]  Contre-interrogatoire du témoin El Rad, gérant de la succursale Jarry.

[117]  M. Amar, gérant de Laval.

[118]  Pièce D-37.

[119]  Pièce D-37, p. 358 à 373.

[120]  Pièce D-37, p. 165.

[121]  Les gérants entendus lors de l’instruction ont nié cette affirmation.

[122]  Pièce D-37, p. 165.

[123]  Pièce D-37, p. 165.

[124]  Pièce D-37, p. 167.

[125]  Pièce D-37, p. 220.

[126]  Pièce D-37, p. 223 et 224.

[127]  Pièce D-37, p. 229.

[128]  Pièce D-37, p. 235.

[129]  Pièce D-37, p. 143 et 144.

[130]  Pièce D-37, p. 220; p. 229 et p. 235.

[131]  Pièce D-37, p. 167 (lettre de Dunton)

[132]  Pièce D-37, p. 323 et suivantes.

[133]  Pièce D-37, p. 110.

[134]  Pièce D-37, p. 190 et suivantes.

[135]  Pièce D-37, p. 455.

[136]  27,5 heures par semaine égalent 110 heures par mois.

[137]  Pièce D-37, p. 364 à 367, certainement une erreur de saisie.

[138]  Pièce D-37, p. 462 à 465.

[139]  Employé M. Luc Hébert, D-37, p. 455 versus P-13.

[140]  Pièce D-37, p. 474 et p. 481.

[141]  Pièce D-37, p. 361 pour septembre 2009, p. 367 pour octobre 2009 et p. 370 pour novembre 2009; D-37, p. 464 pour janvier 2011, p. 470, p. 476 et p. 483 pour février 2011 s’agissant des 12 employés subséquent qui sont alors absents; voir aussi, Pièce D-37, p. 424.

[142]  RLRQ, c. N-1.1.

[143]  Pièce D-37, p. 4.

[144]  RLRQ, c. N-1.1.

[145]  9088-0964 Québec inc. c. Agence du revenu du Québec, 2020 QCCQ 7727, par. 717 à 719 et 728; Meilleur c. Agence du revenu du Québec, 2018 QCCQ 254.

[146]  Voir Coulombe c. Agence du revenu du Québec, 2017 QCCA 950, par. 15; St- Georges c. Québec (Sous-ministre du revenu), 2007 QCCA 1442.

[147]  Pièce D-38, Pp. 94 à 98, REQ, état des informations d’une personne morale.

[148]  Alertpay incorporated inc. c. Agence du revenu du Québec, 2020 QCCA, 46, par. 48 et 49.

[149]  Pangakis c. Agence du revenu du Québec, 2016 QCCA 1325.

[150]  Opus cité, note 132, par. 8.

[151]  Opus cité, note 132, par. 34.

[152]  Opus cité, note 131, par. 48.

[153]  Pièce D-38, P. 94 à 98.

[154]  Sotiropoulos c. Agence du revenu du Québec, 2018, QCCQ 2849, par. 140 à 143.

[155]  Opus cité, note 137, par. 143.

[156]  Voir en ce sens, Karakus c. Agence du revenu du Québec, 2020 QCCQ 3081.

[157]  St-Georges, opus cité note 70

[158]  Pièce D-34.

[159]  Pièce D-38, P. 7.

[160]  Pièce D-38, p. 8.

[161]  Capobianco c. Québec (Sous-ministre du revenu), 2007 QCCA 1235, par. 26 et article 1050 L.I.

[162]  2020 QCCA 1295.

[163]  Agence du revenu du Québec c. Technostructur inc., (175094 Canada inc.) 2014 QCCA 533, par.62.

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