Résidences Caldwell c. Ruimy |
2021 QCTAL 21929 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
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Bureau dE Montréal |
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No dossier : |
564809 31 20210401 G |
No demande : |
3217096 |
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Date : |
31 août 2021 |
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Devant le juge administratif : |
Alexandre Henri |
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Les Résidences Caldwell |
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Locatrice - Partie demanderesse |
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c. |
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Abraham Ruimy |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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DEMANDE DE LA LOCATRICE
[1] Suivant une demande introduite le 1er avril 2021 et amendée les 15 avril et 16 juillet 2021, la locatrice requiert la résiliation du bail et l’expulsion du locataire et des occupants du logement, ainsi que l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel et la condamnation du locataire au paiement des frais.
[2] De façon subsidiaire, advenant que la résiliation du bail soit refusée, la locatrice demande alors au Tribunal d’ordonner au locataire de ne pas entreprendre de réparation ou de rénovation dans le logement, à l’exception des menues réparations d’entretien, et d’aviser sans délai la locatrice si des bris surviennent dans le logement.
FAITS, PREUVE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Contexte
[3] Le locataire occupe son logement de type « studio » depuis plus de 18 ans, en vertu d’un bail reconduit en vigueur jusqu’au 30 juin 2022. Le loyer du locataire est en partie subventionné par la Société d’habitation du Québec.
[4] Le logement du locataire est situé au 8e étage d’une résidence pour personnes âgées autonomes de 50 ans et plus, comportant 132 logements répartis sur 11 étages.
[5] L’audition de la présente cause a nécessité la tenue de deux audiences, les 11 mai et 4 août 2021, au cours desquelles le Tribunal a fait face à des positions diamétralement opposées de part et d’autre.
[6] La position de chaque partie se résume, pour l’essentiel, comme suit.
Position de la locatrice
[7] La locatrice demande que le bail soit résilié au motif que le locataire cause un préjudice sérieux à elle-même et aux autres locataires de l’immeuble.
[8] Au soutien de ses prétentions, la locatrice reproche principalement deux choses au locataire :
1) Elle prétend que le locataire a modifié, de façon artisanale et sans autorisation, les éléments de plomberie sous le lavabo de la cuisine de son logement, ce qui a occasionné un important dégât d’eau qui s’est propagé sur plusieurs étages de l’immeuble;
2) Elle prétend que le locataire a changé la forme du logement en procédant à diverses modifications dans le logement, sans son autorisation.
[9] À l’appui de sa demande, la locatrice fait témoigner à l’audience trois témoins :
- Monsieur Danny Cobrin, gérant de l’immeuble depuis 2013;
- Monsieur Harvey Charlap, dirigeant de la locatrice depuis 2013;
- Monsieur Serge Soucy, plombier au service de la locatrice depuis 19 ans.
[10] Messieurs Cobrin et Charlap soutiennent avoir beaucoup de difficultés à traiter avec le locataire depuis leur arrivée. Ce dernier refuse de donner accès à son logement et il fait toutes sortes de choses qu’il n’a pas le droit de faire dans son logement, prétendent-ils.
[11] Monsieur Cobrin affirme avoir reçu plusieurs plaintes de la part des autres locataires de l’immeuble concernant le comportement dérangeant du locataire. À titre d’exemple, il mentionne que le locataire met ses déchets dans le corridor au lieu de la chute à déchets, il claque la porte fréquemment, il fait du bruit et il utilise un espace de stationnement qui n’est pas le sien.
[12] La locatrice dépose en preuve une série de lettres de mise en demeure qu’elle a transmises au locataire au fil des ans[1], soit en date du 31 octobre 2005, 3 avril 2006, 31 octobre 2007, 9 septembre 2014, 28 juin 2016 et 7 mars 2017.
[13] La locatrice a intenté dans le passé un recours en résiliation de bail contre le locataire en lien avec ses troubles de comportement, mais celui-ci a fait l’objet d’une entente à l’amiable qui a été entérinée par le Tribunal en 2015[2]. En réglant ce dossier à l’amiable, la locatrice mentionne avoir voulu accorder une dernière chance au locataire de s’amender.
[14] La locatrice tient le locataire entièrement responsable d’une inondation survenue dans l’immeuble le 26 février 2021.
[15] L’eau, qui provenait du logement du locataire, a causé des dommages à sept autres logements situés entre le 4e et le 8e étage, en plus d’endommager la salle de loisirs située au rez-de-chaussée de l’immeuble.
[16] Au total, la locatrice a dû engager plus de 20 000 $ de dépenses afin d’assécher les lieux et réparer les dégâts découlant de cette inondation[3].
[17] La locatrice prétend que l’inondation a été causée par un boyau d’arrosage installé par le locataire, de façon artisanale, sous le lavabo de la cuisine.
[18] Le plombier de la locatrice, Monsieur Soucy, témoigne être allé dans le logement du locataire en janvier 2021 afin de procéder au remplacement de deux valves d’eau. Il a alors constaté que les armoires de cuisine, le comptoir et le lavabo avaient été enlevés. Il ne restait que le tuyau d’égout et les entrées d’eau chaude et froide qui sortaient du mur, et il y avait une chaudière pour récupérer l’eau.
[19] Monsieur Soucy est retourné au logement, le jour de l’inondation, vers 9h30. À son arrivée, l’eau avait déjà été coupée. Une firme de service après-sinistre était en train d’assécher les lieux.
[20] Il constate alors qu’un lavabo avait été installé dans la cuisine avec des raccords non conformes et un boyau d’arrosage. Pourtant, dit-il, lorsqu’il a quitté le logement en janvier 2021, il n’y avait aucun lavabo en place et il avait fermé les deux valves d’eau en plus de placer un linge dans le tuyau d’égout.
[21] Monsieur Soucy n’est toutefois pas en mesure de déterminer d’où provenait exactement la fuite, car l’eau ne coulait plus lorsqu’il est arrivé sur les lieux le jour de l’inondation.
[22] Monsieur Cobrin affirme que le locataire a procédé lui-même à plusieurs rénovations et modifications à son logement, et ce, sans la permission de la locatrice, le tout tel qu’il appert des photographies déposées en preuve[4].
[23] Plus particulièrement, la locatrice reproche au locataire d’avoir modifié lui-même la cuisine, en démolissant un mur, en retirant les armoires, le comptoir, le lavabo et la hotte de ventilation, en plus d’avoir effectué des travaux de plomberie et d’électricité non conformes, et ce, sans faire appel à des professionnels compétents en la matière.
[24] De plus, elle accuse le locataire d’avoir retiré le revêtement de plancher des lieux loués, laissant celui-ci sur le béton. Contrairement à ce qu’affirme le locataire, Monsieur Cobrin est catégorique à l’effet que le revêtement de plancher n’a pas été enlevé par la firme de service après-sinistre, le Groupe Lirecon, qui avait été mandatée par la locatrice pour nettoyer et assécher les lieux.
[25] La locatrice plaide
que le locataire enfreint les dispositions de l’article
[26] Selon la locatrice, les modifications apportées au logement par le locataire mettent en péril la conservation et l’intégrité de l’immeuble, en plus de compromettre la jouissance paisible des autres locataires de l’immeuble.
[27] Elle soumet que le locataire agit comme s’il était le maître des lieux en faisant fi du règlement de l’immeuble et des autres locataires de l’immeuble, et ce, depuis plusieurs années.
[28] Enfin, la locatrice
soutient que le locataire a aussi enfreint son obligation de l’aviser de toute
défectuosité ou détérioration affectant son logement, en vertu de l’article
Position du locataire
[29] En défense, le locataire nie vigoureusement les reproches qui sont formulés contre lui par la locatrice.
[30] Il prétend ne pas être responsable de l’inondation survenu au mois de février 2021 et il prétend également avoir été autorisé par la locatrice pour effectuer les modifications qu’il a faites à son logement.
[31] En ce qui concerne l’inondation, le locataire affirme que la fuite d’eau ne provenait aucunement de la plomberie de la cuisine, mais plutôt de la salle de bain.
[32] Il témoigne que le concierge de l’immeuble est venu cogner à sa porte vers 2h00 a.m. le 26 février 2021 pour l’informer qu’il y avait de l’eau qui coulait. Il a alors constaté que l’eau en question provenait de la toilette de la salle de bain. Il précise que cette toilette avait d’ailleurs été remplacée par la locatrice quelques années auparavant.
[33] Le locataire indique que le concierge est demeuré sur les lieux à peine cinq minutes afin d’aspirer l’eau avec un appareil. Il s’est ensuite occupé lui-même d’éponger le reste de l’eau avec des serviettes jusqu’à 6h00 du matin et il a appelé un ami pour l’aider à couper l’eau.
[34] Quelques heures plus tard, une firme de service après-sinistre, le Groupe Liracon, s’est présentée chez lui afin de nettoyer et assécher les lieux avec des ventilateurs.
[35] Le locataire soutient que la locatrice n’a fait témoigner personne qui est venu établir que l’eau provenait de la plomberie de la cuisine. Il était présent sur les lieux ce jour-là, dit-il, et il est catégorique à l’effet que l’eau coulait de la toilette et non pas de la cuisine.
[36] En ce qui a trait au revêtement de plancher de son logement, le locataire indique avoir remplacé lui-même le plancher flottant et le tapis suite à un dégât d’eau survenu il y a environ 16 ans. Il prétend que le concierge de l’époque avait refusé de remplacer le plancher endommagé, car celui-ci exigeait d’être rétribué. Il a donc dû acheter des tuiles de vinyle, à ses frais, qu’il a lui-même collées directement sur le béton.
[37] Il affirme, avec beaucoup de vigueur et de conviction, que ce sont les employés du Groupe Lirecon qui ont procédé au retrait des tuiles de vinyle du plancher lorsqu’ils sont venus assécher les lieux lors de l’inondation.
[38] Il ajoute avoir par la suite peinturé une partie du plancher, car la poussière de béton l’incommodait.
[39] En ce qui concerne les armoires de cuisine, il confirme que c’est bien lui qui les a enlevées il y a environ un an, en raison de la présence de moisissures, mais il prétend que Monsieur Cobrin l’avait autorisé. Il le jure, ajoute-t-il.
[40] Il précise avoir seulement retiré les armoires du bas, et il a laissé celles du haut en place. Depuis ce temps, il attend que la locatrice vienne remplacer les armoires.
[41] En ce qui concerne les autres modifications que la locatrice lui reproche d’avoir effectuées dans la cuisine il y a de nombreuses années, il prétend avoir été autorisé par un employé de la locatrice, un dénommé Monsieur Knafo, lequel a depuis été congédié par la locatrice, ce qui a d’ailleurs été confirmé par Monsieur Charpal lors de son témoignage.
[42] Le locataire indique que ces modifications ont été effectuées, à ses frais, il y a environ une quinzaine d’années par l'un de ses amis qui travaille dans le domaine de la construction. Il a notamment retiré une partie du mur de la cuisine afin de pouvoir installer un réfrigérateur de plus grande dimension.
[43] Il prétend que Monsieur Knafo l’a autorisé verbalement à enlever le mur et le comptoir de la cuisine, mais ce dernier a toutefois exigé qu’il les remette en place à son départ.
[44] À cet effet, le locataire confirme avoir l’intention de remettre en place le mur et le comptoir au moment de son départ. Le comptoir qu’il a enlevé est d’ailleurs toujours entreposé dans son espace de rangement, prétend-il.
[45] En ce qui a trait à la hotte de ventilation au-dessus de la cuisinière, le locataire affirme que celle-ci ne fonctionnait plus et qu’il avait demandé à plusieurs reprises à la locatrice de la remplacer, mais sans succès. Il l’a donc fait enlever par son ami, et ce, toujours avec l’accord verbal de Monsieur Knafo.
[46] Le locataire accuse les représentants de la locatrice de vouloir se débarrasser de lui. Il soutient que ces derniers ne l’aiment pas et sont contre lui. Il leur reproche de ne pas être au courant de ce que l’administration précédente lui a permis de faire.
[47] Il ajoute que la locatrice est négligente et n’entretient pas adéquatement l’immeuble depuis de nombreuses années. Monsieur Cobrin et le concierge de l’immeuble, dit-il, ignorent ses appels et n’effectuent pas les réparations requises à son logement.
Analyse et décision
Témoignages contradictoires et fardeau de preuve
[48] À l’évidence, il semble exister une animosité certaine entre le locataire et les représentants de la locatrice.
[49] En l’espèce, le Tribunal fait face à des témoignages complètement contradictoires de part et d’autre. Chaque partie est convaincue de sa position et accuse l’autre de mentir.
[50] Le soussigné a relevé quatre éléments importants à l’égard desquels il y a divergence :
- Le locataire prétend que l’inondation du mois de février 2021 a été causée par une fuite d’eau provenant de la toilette de la salle de bain, alors que la locatrice prétend que cette inondation a plutôt été causée par une fuite d’eau provenant de raccords de plomberie installés de façon artisanale par le locataire sous le lavabo de la cuisine.
- Le locataire prétend avoir été autorisé verbalement par la locatrice, il y a environ un an, afin de lui permettre d’enlever lui-même les armoires de cuisine, ce qui est nié catégoriquement par Monsieur Cobrin.
- Le locataire prétend avoir été autorisé verbalement par un représentant de la locatrice (Monsieur Knafo), il y a environ une quinzaine d’années, afin de lui permettre d’apporter des modifications à son logement, dont notamment pour retirer une partie du mur de la cuisine, le comptoir et la hotte de ventilation. Ces prétentions sont contestées par la locatrice.
- La locatrice accuse le locataire d’avoir retiré lui-même le revêtement de plancher de son logement suite à l’inondation du mois de février 2021, alors que le locataire jure que ce n’est pas lui. Ce dernier affirme que le plancher a plutôt été enlevé par les employés du Groupe Lirecon.
[51] Mais qui dit vrai?
[52] En présence d'une telle preuve contradictoire, il revient au Tribunal de déterminer la version des faits la plus plausible ou probable, en tenant compte du contexte et de la crédibilité qu'il accorde à chacun des témoins.
[53] À ce sujet, le
Tribunal juge opportun de rappeler les règles de preuve applicables en matière
civile. En vertu des articles
[54] Comme le souligne l'auteur Léo Ducharme dans son Précis de la preuve[5], si la preuve est contradictoire et que le Tribunal est dans l'impossibilité de déterminer où se situe la vérité, celui sur qui reposait l'obligation de convaincre perdra :
« 146. S'il est nécessaire de savoir sur qui repose l'obligation de convaincre, c'est afin de pouvoir déterminer qui doit assumer le risque de l'absence de preuve. En effet, si, par rapport à un fait essentiel, la preuve offerte n'est pas suffisamment convaincante, ou encore si la preuve est contradictoire et que le juge est dans l'impossibilité de déterminer où se situe la vérité, le sort du procès va se décider en fonction de la charge de la preuve: celui sur qui reposait l'obligation de convaincre perdre. »
[55] Le recours de la
locatrice s’appuie sur le premier alinéa de l’article
1863. L’inexécution d’une obligation par l’une des parties confère à l’autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l’exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l’inexécution lui cause à elle-même ou, s’agissant d’un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail. […]
[56] En l’instance, la
locatrice reproche au locataire d’avoir enfreint les dispositions prévus aux
articles
1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d’user du bien avec prudence et diligence.
1856. Ni le locateur ni le locataire ne peuvent, au cours du bail, changer la forme ou la destination du bien loué.
[57] Elle reproche
également au locataire d’avoir enfreint l’article
[58] De plus, en vertu du
premier alinéa de l’article
1862. Le locataire est tenu de réparer le préjudice subi par le locateur en raison des pertes survenues au bien loué, à moins qu’il ne prouve que ces pertes ne sont pas dues à sa faute ou à celle des personnes à qui il permet l’usage du bien ou l’accès à celui-ci.
[…]
[59] Dans son ouvrage portant sur le louage[6], le professeur Pierre-Gabriel Jobin mentionne que cet article impose une présomption de faute à l’encontre du locataire:
[60] Enfin, il convient de
souligner que le locataire est tenu de ne pas troubler la jouissance normale
des autres locataires, en vertu de l’article
1860. Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.
Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer le préjudice qui peut résulter de la violation de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l’usage du bien ou l’accès à celui-ci.
Le locateur peut, au cas de violation de cette obligation, demander la résiliation du bail.
Inondation du 26 février 2021
[61] Après analyse de l’ensemble de la preuve documentaire et des témoignages entendus à l’audience, le Tribunal n’arrive pas à conclure que l’inondation a été causée par une fuite provenant des raccords de plomberie de la cuisine.
[62] Le témoignage du locataire apparait sincère et probant lorsqu’il affirme que l’eau provenait de la toilette et non pas de la plomberie de la cuisine. Sa version des faits n’a été pas été contredite par la locatrice avec une preuve probante à l’effet contraire.
[63] Les trois témoins de la locatrice entendus à l’audience n’étaient pas présents sur les lieux lorsque l’inondation est survenue, si ce n’est du plombier qui est arrivé alors que l’eau ne coulait plus.
[64] Il aurait certes été intéressant d’entendre le témoignage du concierge de la locatrice qui était présent sur les lieux lorsque l’eau coulait. Ce dernier aurait peut-être pu contredire la version du locataire, mais on ne le saura jamais puisque la locatrice a choisi de ne pas le faire témoigner.
[65] Bref, la locatrice n’a
pas réussi à établir que l’inondation du mois de février 2021 avait été causée
par une faute du locataire. Ce dernier a réussi, par son témoignage, à
convaincre le Tribunal que la fuite d’eau provenait de la salle de bain et non
pas de la cuisine. De plus, il n’y a aucune preuve probante démontrant que
cette inondation résulte d’une faute du locataire. Ce dernier a su renverser la
présomption de faute qui pesait contre lui en vertu de l’article
[66] Le Tribunal est toutefois convaincu que les raccords de plomberie sous le lavabo de la cuisine ont bel et bien été installés par le locataire lui-même.
[67] Le témoignage du plombier à cet égard est probant. Ce dernier a témoigné, avec aplomb, en affirmant qu’il n’y avait aucun lavabo ni aucun boyau d’arrosage lorsqu’il a effectué des réparations dans le logement en janvier 2021.
[68] Le Tribunal ne croit pas que de tels raccords artisanaux aient pu être installés par le plombier ou un autre employé de la locatrice. Il est donc plus que probable que ce soit l’œuvre du locataire.
[69] Quoi qu’il en soit, malgré le fait que le Tribunal demeure convaincu que le locataire a modifié lui-même les raccords de plomberie de la cuisine, il n’en demeure pas moins que la preuve ne permet pas d’établir que l’inondation provenait des raccords de plomberie de la cuisine.
[70] Vu ce qui précède, le Tribunal est d’avis que la demande de résiliation de bail de la locatrice est non fondée en ce qui concerne le motif relié à l’inondation survenue le 26 février 2021.
[71] Passons maintenant à l’analyse des autres reproches formulés par la locatrice à l’encontre du locataire pour justifier la résiliation du bail, soit plus particulièrement en ce qui concerne les modifications apportées au logement.
Modifications apportées au logement par le locataire
[72] Tout d’abord, en ce qui a trait au retrait du revêtement de plancher, le Tribunal préfère le témoignage du locataire à celui de Monsieur Cobrin. Ce dernier n’était pas présent lors de l’inondation et aucun témoin du Groupe Lirecon n’a témoigné à l’audience.
[73] Il y a certes la facture P-6 qui ne mentionne pas le retrait du plancher, mais cette seule preuve est insuffisante pour convaincre le Tribunal.
[74] Il est tout à fait plausible que le revêtement de plancher ait été retiré lors de l’assèchement des lieux par la firme de service après-sinistre. Le témoignage du locataire était convaincant à cet égard.
[75] En ce qui a trait au retrait des armoires de cuisine, le Tribunal n’arrive pas à déterminer si la locatrice a autorisé ou non le locataire à procéder à un tel retrait.
[76] Le locataire est tout aussi catégorique que Monsieur Cobrin quant à sa version des faits. Les deux affirment dire la vérité et leur témoignage respectif apparait crédible.
[77] Devant une telle
preuve contradictoire, le soussigné est dans l'impossibilité de déterminer où
se situe la vérité. Conséquemment, puisque le fardeau incombait au locataire de
prouver qu’il avait été autorisé à changer la forme du bien loué, le Tribunal
n’a d’autre choix que de conclure que le locataire a enfreint les dispositions
de l’article
[78] En l’absence d’autorisation de la locatrice, le locataire ne pouvait procéder lui-même au retrait des armoires de cuisine ni modifier les raccords de plomberie de la cuisine.
[79] Malgré ce qui précède, le Tribunal estime que la faute du locataire ne justifie pas pour autant la résiliation du bail puisque la locatrice n’a pas réussi à convaincre le Tribunal qu’elle en avait subi un préjudice suffisamment sérieux pour justifier la résiliation du bail.
[80] En ce qui a trait aux autres modifications apportées au logement par le locataire il y a environ une quinzaine d’années, le locataire ne nie pas être l’auteur de ces modifications. Toutefois, il affirme que l’ancienne administration de la locatrice l’avait autorisé verbalement.
[81] Après analyse, le Tribunal estime qu’il apparait plutôt invraisemblable que la locatrice ait pu autoriser le locataire à entreprendre des modifications importantes visant à enlever un mur, un comptoir et une hotte de ventilation.
[82] Quoi qu’il en soit, le Tribunal juge pour le moins surprenant que la locatrice ait attendu aussi longtemps pour invoquer un tel défaut de la part du locataire pour demander la résiliation du bail. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps?
[83] Le long délai qui
s’est écoulé depuis les modifications effectuées par le locataire amène le
Tribunal à conclure que la locatrice n’a pas subi de préjudice sérieux justifiant
la résiliation du bail en vertu de l’article
[84] Toutefois, dans les circonstances, le Tribunal juge bien fondée la demande subsidiaire de la locatrice visant à émettre une ordonnance d’exécution en nature à l’encontre du locataire, afin de lui ordonner de ne plus faire aucune autre modification au logement sans obtenir au préalable l’accord de la locatrice.
[85] Le Tribunal prononcera
donc une telle ordonnance en vertu de l’article
[86] Pour ce qui est de l’ordonnance subsidiaire visant à ordonner au locataire d’aviser la locatrice de toute défectuosité, celle-ci ne semble pas justifiée en l’espèce puisque le locataire a convaincu le Tribunal qu’il s’était plaint à maintes reprises du mauvais état de son logement auprès de la locatrice.
[87] Dans les circonstances, il n’y a pas lieu d’émettre une ordonnance en ce sens, mais le Tribunal tient tout de même à rappeler au locataire qu’il doit aviser la locatrice dans un délai raisonnable advenant qu’il constate la présence d’une défectuosité substantielle dans son logement.
Troubles de comportement du locataire
[88] Le Tribunal rejette les allégations de la locatrice concernant les troubles de comportement du locataire, notamment quant au non-respect du règlement de l’immeuble.
[89] D’une part, le Tribunal constate que les reproches formulés à l’encontre du locataire remontent à plusieurs années. Le recours intenté précédemment par la locatrice contre le locataire pour troubles de comportement a été réglé à l’amiable en 2015, et la dernière lettre de mise en demeure transmise au locataire remonte à plus de quatre ans (mars 2017).
[90] En outre, aucune preuve probante n’a été faite afin de démontrer que la conduite du locataire troublait réellement la jouissance paisible des autres locataires.
[91] Le Tribunal est d’avis que la preuve soumise ne justifie pas l’exécution provisoire de la décision, nonobstant l'appel, en vertu de l'article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[7].
[92] Les frais applicables sont adjugés contre le locataire selon le Tarif des frais exigibles par le Tribunal administratif du logement[8].
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[93] ORDONNE au locataire de ne pas entreprendre de réparation ou de rénovation dans son logement sans l’accord de la locatrice, à l’exception des menues réparations d’entretien;
[94] CONDAMNE le locataire à payer à la locatrice les frais de 102 $;
[95] REJETTE la demande quant au surplus.
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Alexandre Henri |
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Présence(s) : |
le mandataire de la locatrice Me Christine Champagne, avocate de la locatrice le locataire |
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Dates des audiences: |
11 mai 2021 4 août 2021 |
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[1] Pièce P-3.
[2] Dossier #175006.
[3] Tel qu’il appert des factures, pièces P-6 et P-12.
[4] Pièce P-8.
[5] Léo Ducharme, Précis de la preuve, 6e éd., Montréal, Wilson et Lafleur Ltée, 2005, p. 62.
[6]
P.-G. Jobin,
[7] RLRQ, c. T-15.01.
[8] RLRQ, c. T-15.01, r. 6.
AVIS :
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