Rosales Bolivar c. Société en commandite Sicard-Hochelaga | 2024 QCTAL 26762 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Montréal | ||||||
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No dossier : | 774540 31 20240315 T | No demande : | 4388758 | |||
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Date : | 14 août 2024 | |||||
Devant la juge administrative : | Manon Talbot | |||||
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Maria Laura Rosales Bolivar |
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Locataire - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Société en commandite Sicard-Hochelaga |
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Locatrice - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] La locataire demande la rétractation d'une décision rendue le 26 juin 2024 à la suite d'une audience tenue le 6 juin précédent à laquelle elle était présente.
[2] La décision contestée condamne la locataire à payer 2 895 $, représentant les loyers de janvier à mars 2024 impayés lors de son départ du logement le 29 mars 2024, plus les intérêts à compter du 15 mars 2024 et les frais de justice de 110 $.
[3] La juge administrative saisie de la demande de la locatrice ne retient pas les arguments de la locataire concernant la réclamation des intérêts et des frais de justice par la locatrice.[1]
[4] La locataire invoque à sa demande de rétractation plusieurs motifs que le Tribunal résume ainsi :
QUESTION EN LITIGE
[5] La demande de rétractation est-elle fondée ?
[6] La demande de la locataire se fonde sur l'article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[2](Loi), lequel permet à une partie qui a été empêchée de se présenter à l'audience ou de fournir une preuve par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, d'obtenir la rétractation de la décision rendue.
[7] Une jurisprudence constante nous enseigne que la rétractation de jugement n'est pas automatique et ne s'obtient pas simplement parce qu'on la demande, c'est une question de stabilité des jugements. Il faut donc que les motifs soient sérieux.
[8] Le principe de l'irrévocabilité des jugements est important. Ce principe a été réitéré par la Cour d'appel du Québec :
« Le principe de l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d'où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l'exception et ne pas devenir la règle. »[3]
[9] L'analyse d'une demande de rétractation ne se limite pas à vérifier si la partie demanderesse a établi un empêchement de se présenter à l'audience ou de fournir une preuve, elle doit aussi démontrer l'existence d'un moyen sommaire de défense à faire valoir à l'encontre de la demande originaire. Si les moyens de défense invoqués sont voués à l'échec, il serait, dès lors, inutile de permettre la rétractation de la décision.
[10] À ce sujet, la juge administrative Jocelyne Gravel mentionne ce qui suit dans la décision Charbonneau c. St-Laurent[4] :
« On constate qu'un défendeur doit également prouver avoir un moyen de défense valable à faire valoir à l'encontre de la demande originaire. Dans l'éventualité où les moyens de défense invoqués sont voués à l'échec, il serait dès lors inutile de permettre la rétractation.
Comme exprimé par la Cour d'appel du Québec, les motifs d'une demande de rétractation doivent être sérieux puisqu'ils ont pour effet de déroger au principe de l'irrévocabilité des jugements. »
[11] La locataire a déclaré qu'elle devait les loyers réclamés et qu'elle ne pouvait les payer pour l’instant.
[12] Force est de conclure que la locataire tente, par le biais de sa demande, de forcer la locatrice à une entente de paiement de sa dette. Ainsi, même si la demande de la locataire était accordée, la preuve qu'elle désire administrer ne permettrait pas de modifier les conclusions de la décision attaquée.
[13] En ce qui concerne les intérêts et les frais, la locataire demande en quelque sorte de réviser la décision de la juge administrative. Le Tribunal comprend que la locataire est insatisfaite de la décision rendue. Cependant, comme mentionné à l'audience, une demande de rétractation n'est pas un recours qui permet et autorise un juge d'une même instance de réviser les décisions qui ont été rendues; qu'il s'agisse de décisions à l'audience ou de la décision finale.
[14] Il est de jurisprudence constante de ce Tribunal que les motifs de rétractation ne doivent pas être confondus avec l'appel de la décision.
[15] Le Tribunal fait siens les propos tenus par la juge administrative Francine Jodoin dans l'affaire Adam O'Callagan c. Salim Fattal, maintes fois cités :
« Tel qu'expliqué lors de l'audience, la demande en rétractation ne doit pas constituer un appel déguisé de la décision rendue. Le tribunal n'a pas à juger de la justesse de celle-ci ni s'interroger sur les erreurs de faits ou de droit commises puisqu'il ne s'agit pas d'un appel de la décision rendue. Il s'agit plutôt de s'interroger sur l'application de l'article 89 précité et chercher à déterminer si la partie qui en fait la demande a pu démontrer un des motifs prévus à cette disposition. »[5]
[16]
Cela étant, le Tribunal est d'avis que la locataire n'a pas établi, par preuve prépondérante, un motif sérieux de rétractation.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[17] REJETTE la demande de rétractation de la locataire;
[18] MAINTIENT la décision rendue le 26 juin 2024.
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Manon Talbot | ||
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Présence(s) : | la locataire | ||
Date de l’audience : | 30 juillet 2024 | ||
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[1] Paragraphe 6 de la décision.
[3] Entreprises Roger Pilon inc. et al. c. Atlantis Real Estate Co.,
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.