Crevier c. Gestion Novaplex | 2024 QCTAL 16759 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Montréal | ||||||
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No dossier : | 766580 31 20240222 T | No demande : | 4287337 | |||
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Date : | 21 mai 2024 | |||||
Devant le juge administratif : | Richard Barbe | |||||
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Denise Crevier |
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Locataire - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Gestion Novaplex |
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Locateur - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] La locataire demande la rétractation d’une décision rendue le 27 mars 2024, par le juge administratif Michel Rocheleau. Elle demande aussi l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel et les frais.
[2] La locataire a pris connaissance de la décision le 19 avril 2024 et a déposé sa demande le 22 avril 2024.
LES FAITS PERTINENTS
[3] La locataire affirme ne pas avoir reçu par la poste son avis d’audition pour justifier son absence à l’audience du 22 mars 2024.
[4] La locataire admet avoir signé une entente de résiliation de bail le 10 février 2024 qui stipulait notamment que le bail était résilié en date du 15 février 2024 et qu’elle devait quitter le logement le 15 février 2024 à 8 heures. Cette entente qui a été déposée en preuve lors de l’audience du 22 mars 2024 et est à nouveau exhibée au Tribunal par le mandataire du locateur.
[5] La locataire affirme que le mandataire du locateur lui a semé un doute lors de leur rencontre du 10 février 2024, car il a déchiré une première version de l’entente qui prévoyait une résiliation de bail le 29 février 2024. Elle exhibe au Tribunal une copie difficilement lisible de cette entente.
[6] Le mandataire du locateur affirme que la locataire lui a dit qu’elle voulait quitter le logement rapidement, car elle avait peur pour sa sécurité en raison de la présence d’une autre locataire qui serait membre d’un gang de rue.
[7] Le mandataire du locateur affirme que la locataire a déjà quitté le logement depuis un certain temps et qu’elle sous-loue le logement au « chum » de sa fille. Il fait écouter un message vocal laissé par la fille de la locataire à ce sujet.
[8] La locataire ni la véracité de ce message téléphonique et nie sous-louer le logement. Elle admet cependant que le logement est occupé par le « chum » de sa fille pour lui rendre service.
[9] La locataire affirme avoir signé l’entente du 10 février sous pression et avoir renouvelé son bail jusqu’au 30 juin 2024.
ANALYSE ET DÉCISION
[10] La présente demande se fonde sur l’article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1] qui prévoit :
« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.
Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.
La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.
La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.
Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »
(le Tribunal souligne)
[11] À maintes reprises, les tribunaux ont déterminé que la rétractation est un moyen procédural exceptionnel, car le principe de l'irrévocabilité des jugements est important. Ce principe a été réitéré par la Cour d'appel du Québec :
« […] Le principe de l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d'où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l'exception et ne pas devenir la règle. […] »[2]
[12] L'absence d'une partie ne donne pas ouverture systématiquement à la rétractation de jugement tel que le mentionnent les auteurs Rousseau-Houle et De Billy :
« Le seul fait qu'une partie soit absente à l'audience ne lui donnera pas automatiquement droit à une demande en rétractation. En vertu de l'article 89, la partie doit motiver son absence par une cause jugée suffisante. » [3]
[13] Après vérification du dossier, l’avis d’audition n’a pas été retourné au dossier du Tribunal par Postes Canada comme c’est le cas quand il n’a pas été livré.
[14] Le Tribunal conclut que la locataire n’a pas établi, par prépondérance de preuve, ne pas avoir reçu l’avis d’audition.
[15] De plus, l’article 16 du Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement[4] établit une présomption de réception de l’avis d’audition par son destinataire.
[16] La locataire n’a pas renversé cette présomption.
[17] Au surplus, le moyen de défense de la locataire est voué à l’échec, car la preuve prépondérante démontre qu’elle a signé avec le locateur une entente de résiliation de bail à compter du 15 février 2024 sur la base de laquelle le juge administratif Michel Rocheleau a rendu sa décision.
[18] De plus, la preuve prépondérante démontre qu’elle n’habite plus le logement qui est plutôt occupé par le « chum » de sa fille.
[19] Le Tribunal est d'avis que la locataire n'a pas établi, par preuve prépondérante, un motif sérieux de rétractation.
[20] Le Tribunal doit donc rejeter la demande de rétractation de la locataire.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[21] REJETTE la demande de rétractation;
[22] MAINTIENT la décision rendue 27 mars 2024.
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Richard Barbe | ||
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Présence(s) : | la locataire le mandataire du locateur | ||
Date de l’audience : | 9 mai 2024 | ||
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[1] RLRQ, c.T-15.01.
[2] Entreprises Roger Pilon Inc. c. Atlantis Real Estate Co.,
[3] Thérèse ROUSSEAU-HOULE et Martine DE BILLY, Le bail de logement : analyse de la jurisprudence, Wilson & Lafleur, Montréal, 1989, p. 307.
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