Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Bédard c. Rémillard

2025 QCTAL 7341

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Saint-Jean

 

No dossier :

761692 25 20240202 S

No demande :

4269802

 

 

Date :

26 février 2025

Devant la juge administrative :

Marilyne Trudeau

 

Andréa Bédard

 

Sylvain Bellemare

 

Locateurs - Partie demanderesse

c.

Stephane Rémillard

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

  1.          Le Tribunal est saisi d'une demande introduite par les locateurs le 9 avril 2024, conformément à l'article 86 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement, par laquelle ils demandent la levée de la péremption de l'instance. Ils demandent également d'être relevés du défaut des conséquences de ne pas avoir déposé au dossier du Tribunal, dans le délai de 45 jours imparti, la preuve de notification de leur demande en indemnité de relocation et dommages introduite le 2 février 2024.

APERÇU

  1.          Le 2 février 2024, les locateurs introduisent leur demande en indemnité de relocation et dommages.
  2.          Celle-ci est notifiée par huissier au locataire le 15 mars 2024, tel qu’il appert du procès-verbal de l’huissier.
  3.          Le 18 mars 2024, le Tribunal ferme le dossier faute de preuve de notification de la demande versée au dossier.
  4.          Le 8 avril 2024, les locateurs produisent au dossier du Tribunal le procès-verbal de notification de leur demande.
  5.          Le 9 avril 2024, les locateurs ont introduit la présente demande de levée de la péremption.
  6.          Celle-ci a été notifiée au locataire par huissier le 12 avril 2024 et produite au dossier du Tribunal le 17 avril 2024.

  1.          À l’audience, les locateurs expliquent qu’aucun rendez-vous afin de déposer la preuve de notification n’était disponible avant l’expiration du délai de 45 jours. Interrogés, ils affirment qu’ils ignoraient qu’il était possible de se présenter aux bureaux du Tribunal administratif du logement sans rendez-vous afin de déposer des documents.
  2.          Questionné, le locataire admet avoir bien reçu la demande d’indemnité de relocation et dommages introduite par les locateurs par huissier le 15 mars 2024. Il ne peut énumérer de préjudice subi découlant de la production tardive du procès-verbal de l’huissier au dossier du Tribunal.

QUESTIONS EN LITIGE

  1.      Le locateur devrait-il être relevé de son défaut d’avoir produit au dossier du Tribunal la preuve de notification de sa demande dans le délai légal de 45 jours?

ANALYSE ET DÉCISION

  1.      L’article 56.2 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement énonce:

« 56.2. La preuve de la notification ainsi qu'une liste des pièces au soutien de la demande doivent être déposées au dossier du Tribunal. Ce dernier peut refuser de convoquer les parties en audience tant que ces documents n'ont pas été déposés.

Si la preuve de notification n'est pas déposée dans les 45 jours suivant l'introduction de la demande, cette dernière est alors périmée et le Tribunal ferme le dossier.

Le présent article n'a pas pour effet d'empêcher le Tribunal de convoquer les parties sans délai lorsqu'il le juge approprié, auquel cas la preuve de notification de la demande doit être produite à l'audience sous peine du rejet de la demande. »

[Notre soulignement]

  1.      L'article 86 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1] stipule quant à lui:

« 86. En l'absence de dispositions applicables à un cas particulier, un membre peut y suppléer par toute procédure non incompatible avec la présente loi ou les règlements de procédure. »

  1.      Les locateurs demandent au Tribunal, en vertu de l'article 59 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[2], une prolongation de délai ou de les relever de leur défaut de ne pas avoir déposé au dossier du Tribunal la preuve de notification de la demande originaire.
  2.      L'article 59 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[3] est libellé comme suit :

« 59. Le Tribunal peut, pour un motif raisonnable et aux conditions appropriées, prolonger un délai ou relever une partie des conséquences de son défaut de le respecter, si l'autre partie n'en subit aucun préjudice grave. »

[Notre soulignement]

  1.      Dans l'affaire Immeubles Bermont c. Ladouceur[4], la juge administrative Anne Mailfait a analysé les conséquences juridiques de l'absence de dépôt de la preuve de notification conformément à l'article 56.2 de la Loi. Elle explique ce qui suit :

« [17] Le défaut de déposer la preuve de notification lors de l'audience fixée peut entrainer le rejet de la demande. Ce rejet demeure toutefois à l'entière discrétion du juge saisi, ce qui n'est pas du droit nouveau. Il faut donc distinguer le dépôt du document de sa mise en preuve.

[18] L'article 56.2 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement sanctionne donc le défaut du dépôt de la preuve de notification. Il se peut que ce dépôt, pour des raisons exceptionnelles, n'ait pu être effectué dans le délai imparti, alors même que la notification a déjà été effectuée.

[19] Ceci est important, car c'est l'acte même de notification, et non l'acte de déposer, qui est porteur de droit substantif. La notification visant à porter un acte juridique à la connaissance de la personne concernée par cet acte, c'est son seul défaut qui peut emporter le rejet de la demande.

[20] Certes, la preuve implique nécessairement le dépôt, mais il demeure essentiel de distinguer l'effet juridique propre à chacun puisque, rappelons qu'une notification a pu être faite malgré l'absence de son dépôt au dossier judiciaire. »


  1.      Un peu plus loin dans cette même décision la juge administrative Mailfait examine la différence entre ce que prévoit le législateur à l'article 107 du Code de procédure civile et ce qu'il a prévu à l'article 56.2 LTAL :

« [28] Cet article se distingue de l'article 56.2 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement en ce qu'il impose un délai de notification et non de dépôt de notification. Or, nous avons souligné l'importance de cette distinction qui relativise la portée de cet article 59.2 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.

[29] Il serait donc déraisonnable que le demandeur qui a notifié à l'intérieur du délai de 45 jours et qui, par oubli ou par perte de sa preuve, perde définitivement son droit. »

  1.      Le Tribunal est d'accord avec ce principe. Ce qui doit être sanctionné est l'absence de notification dans le délai imparti.
  2.      Ici, les locateurs se sont conformés à cette obligation, ils ne devraient pas perdre leurs droits.
  3.      De surcroit, ayant été notifié en temps opportun de la demande, le locataire n'en subit aucun préjudice et il est dans l'intérêt de la justice que l'audience sur la demande originaire soit tenue.
  4.      Ainsi, le Tribunal lève la péremption d'instance et relève les locateurs de leur défaut d'avoir produit la preuve de notification.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      ACCUEILLE la demande des locateurs pour être relevés de leur défaut et de lever la péremption;
  2.      DÉCLARE non périmée la demande des locateurs en indemnité de relocation et dommages;
  3.      DÉCLARE valable le dépôt au dossier du Tribunal de la preuve de notification (signification) de la demande originaire déjà produite;
  4.      DEMANDE au maître des rôles de convoquer les parties pour enquête et audition sur la demande originaire des locateurs.
  5.      LE TOUT, sans frais.

 

 

 

 

 

 

 

 

Marilyne Trudeau

 

Présence(s) :

le locateur Sylvain Bellemare

le locataire

Date de l’audience : 

24 janvier 2025

 

 

 


 


[1] RLRQ, c. T-15-01.

[2] Op. cit.

[3] Op. cit.

[4] 2021 QCTAL 20312.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.