Décision

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Campanella c. Chiali

2025 QCTAL 8563

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

793769 31 20240517 G

No demande :

4324269

 

 

Date :

14 mars 2025

Devant le juge administratif :

Charles Rochon-Hébert

 

Giovanni Campanella

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Yasmine Chiali

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

  1.          Par une demande introduite le 17 mai 2024, le locateur demande la résiliation du bail.
  2.          Il reproche à la locataire un encombrement excessif du logement.
  3.          Il est pertinent de préciser qu’il s’agit de la deuxième demande du locateur à ce sujet, le Tribunal ayant rejeté une première demande par décision datée du 16 novembre 2023[1] dont les passages suivants de l’analyse méritent d’être reproduits pour expliquer le contexte dans lequel s’inscrit le présent litige : 

« [17] Dans le présent dossier, la preuve photographique montre un certain encombrement. Le Tribunal note que les photographies remontent cependant à plusieurs mois, soit plus de cinq mois.

[18] La preuve soumise est toutefois nettement insuffisante pour permettre au Tribunal de conclure que le logement est impropre à l'habitation au sens de l'article 1913 C.c.Q., à savoir qu'il constitue une menace sérieuse pour la santé et la sécurité des occupants ou du public.

[19] Le Tribunal souligne que le caractère impropre d'un logement doit être établi de façon objective, ce qui impose un fardeau de preuve beaucoup plus lourd pour la partie qui demande qu'un logement soit déclaré impropre à l'habitation.

[20] Par ailleurs, comme précédemment mentionné, un locateur peut obtenir la résiliation du bail en vertu de l'article 1863 C.c.Q. dans un cas de violation des obligations du locataire lorsqu'il démontre que cette violation lui cause un préjudice sérieux.

[21] La preuve, telle que présentée, ne permet pas au Tribunal de conclure que le logement est insalubre, qu'il est en mauvais état de propreté et qu'il présente un danger. Tout au plus, l'on peut constater que l'une des pièces serait encombrée, du moins en partie, les photographies ne permettant pas d'avoir une perspective globale des lieux.

[22] De l'avis du Tribunal, la preuve du locateur est déficiente et insuffisante pour justifier la résiliation du bail de la locataire.


[23] Cependant, le présent dossier doit servir de sérieux avertissement pour la locataire et celle-ci devra prendre tous les moyens nécessaires pour désencombrer rapidement la ou les pièces qui le seraient.

[24] Le Tribunal prend acte de l'engagement de la locataire à cet effet.

[25] La locataire doit comprendre qu'à défaut de désencombrer rapidement son logement, elle serait susceptible d'être visée par un nouveau recours qui, si une preuve suffisante devait être présentée, pourrait se solder par la résiliation de son bail et son expulsion des lieux.

[26] La locataire bénéficie aujourd'hui d'une chance de remédier à la situation et d'éviter de perdre son logement actuel, logement qu'elle désire conserver.

[27] Par conséquent, le Tribunal rejettera la demande. »

Les faits

  1.          L’essentiel des faits se résume comme suit :
  2.          Il s’agit d’un bail reconduit du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025 pour un loyer mensuel de 985 $.
  3.          Le logement concerné comprend trois pièces et demie, dont une chambre.
  4.          Des photos prises en février 2024, le 18 novembre 2024 et le 20 février 2025 ont été produites en preuve.
  5.          Le logement est toujours encombré de façon significative malgré les efforts réguliers et constants de la locataire pour se débarrasser des objets.
  6.          Un inspecteur municipal a visité le logement le 14 février 2024 et a noté dans ses notes de suivi l’encombrement et a mis la locataire en lien avec de l’aide.
  7.      La locataire a eu recours aux services d’un organisme qui lui a procuré du soutien moral et de l’encadrement afin de s’organiser aux fins de désencombrer le logement.
  8.      La locataire est consciente de son problème et des risques de perdre son logement.
  9.      Le locateur craint que l’encombrement aggrave les risques d’incendie.

Analyse et conclusion

  1.      Les articles 1855, 1860 et 1863 du Code civil du Québec se lisent comme suit :

« 1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d'user du bien avec prudence et diligence. »

« 1860. Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.

Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer le préjudice qui peut résulter de la violation de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l’usage du bien ou l’accès à celui-ci.

Le locateur peut, au cas de violation de cette obligation, demander la résiliation du bail. »

« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.

L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir. »

  1.      Par ailleurs, l’article 25 du Règlement sur la salubrité l'entretien et la sécurité des logements #03-096, lequel est chapeauté du titre salubrité, édictent ce qui suit :

« 25. Un bâtiment ou un logement ne doit pas porter atteinte à la sécurité des résidents ou du public en raison de l'utilisation qui en est faite ou de l'état dans lequel il se trouve.


Sont notamment prohibés et doivent être supprimés :

  1. la malpropreté, la détérioration ou l’encombrement d’un bâtiment principal, d’un logement, d’un balcon ou d’un bâtiment accessoire;

[…] »

  1.      De plus, l’article 1912 C.c.Q. prévoit que donne lieu aux mêmes recours qu’un manquement à une obligation du bail, un manquement à une obligation imposée par la loi relativement à la sécurité ou à la salubrité d’un logement.
  2.      Le Tribunal rappelle aussi que celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
  3.      En l'espèce, le Tribunal ne croit pas que la résiliation du bail est justifiée puisque le locateur ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve.
  4.      Il est clair que la locataire manque à ses obligations découlant du bail en raison de l’encombrement de son logement.
  5.      Il demeure que le locateur n’a apporté aucune preuve permettant de croire que le logement soit insalubre ou dangereux. Il n’a pas non plus apporté de preuve qu’il en subit un préjudice sérieux. 
  6.      En fait depuis la décision précitée du juge administratif Claude Fournier en novembre 2023, du propre aveu du locateur, la situation s’est améliorée d’environ 10 à 15%.
  7.      La situation ne justifiait alors pas la résiliation du bail et rien de nouveau survenu, depuis, ne la justifie davantage.
  8.      Les efforts de la locataire sont insuffisants et elle est consciente qu’elle a encore du travail à faire. Le Tribunal lui donne donc un autre avertissement à l’effet que son droit au maintien dans les lieux est en péril.
  9.      Enfin, bien que le Tribunal n’accueille pas la demande en résiliation du bail, considérant que le locateur a su démontrer que la locataire était en faute, le Tribunal use de sa discrétion pour la condamner aux frais de justice. 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      REJETTE la demande en résiliation de bail;
  2.      CONDAMNE la locataire à payer au locateur les frais de justice de 97,50 $.

 

 

 

 

 

 

 

 

Charles Rochon-Hébert

 

Présence(s) :

le locateur

la locataire

Dates des audiences : 

21 février 2025

20 novembre 2024

13 septembre 2024

 

 

 


 


[1] Campanella c. Chiali 2023 QCTAL 35508.

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