Décision

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Ouellette Bousquet c. Ashby

2021 QCTAL 33056

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Saint-Jérôme

 

No dossier :

569284 28 20210423 S

No demande :

3371553

 

 

Date :

23 décembre 2021

Devant la juge administrative :

Marie-Louisa Santirosi

 

Thérèse Ouellette Bousquet

 

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Annie Ashby

 

Sébastien Maillé

 

Locataires - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         La locatrice demande la résiliation du bail pour le défaut des locataires de respecter une ordonnance émise le 13 juillet 2021[1], le recouvrement des loyers impayés en date d’audience, la condamnation solidaire des défendeurs, les intérêts et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q., l’exécution provisoire de la décision malgré appel et les frais judiciaires.

[2]         Il s’agit d’un bail reconduit couvant la période du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022, au loyer mensuel de 700 $. Le bail prévoit que les locataires sont solidairement responsables envers la locatrice, si on se fie à la décision du 13 juillet 2021.

[3]         La locatrice serait âgée de 98 ans. Elle avait mandaté son fils (ci-après le locateur) pour présenter la preuve.

[4]         Ce dernier déclare que la locataire lui doit les loyers de juillet, août, octobre, novembre et décembre 2021 pour 3 500 $.

[5]         Le jugement du 13 juillet 2021 résiliait le bail pour loyer impayé et constatait également les retards fréquents des paiements et le préjudice pour la locatrice. Malgré cette preuve, le Tribunal n’a pas résilié pour ce second motif, mais a substitué un ordre de cour pour que le loyer soit payé le premier jour de chaque mois. Cette conclusion s’appliquait uniquement si les locataires payaient les loyers qu’ils devaient dans les 15 jours de la signature.

[6]         Le Tribunal a également donné une chance supplémentaire aux locataires en faisant débuter l’ordonnance à compter du 1er septembre 2021.


[7]         La soussignée désire reproduire les derniers paragraphes de la décision :

« 

[14] Considérant que les locataires ne pouvaient, au jour de l'audience, connaître la conclusion du Tribunal quant au montant de loyer impayé, le bail n'est pas résilié si le montant de loyer dû et les frais sont payés dans un délai de 15 jours de la présente décision.

[15] Le préjudice causé à la locatrice justifie l'exécution provisoire de la décision.

[16] Quant au deuxième motif de résiliation, la locatrice démontre que le loyer est fréquemment payé en retard, ce qui lui cause un préjudice sérieux dans la gestion de son immeuble.

[17] Toutefois, le Tribunal considère qu'il y a lieu de surseoir à la résiliation du bail et d'y substituer une ordonnance selon l'article 1973 C.c.Q. :

« 1973. Lorsque l'une ou l'autre des parties demande la résiliation du bail, le tribunal peut l'accorder immédiatement ou ordonner au débiteur d'exécuter ses obligations dans le délai qu'il détermine, à moins qu'il ne s'agisse d'un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer.

Si le débiteur ne se conforme pas à la décision du tribunal, celui-ci, à la demande du créancier, résilie le bail. »

[18] Advenant que les locataires évitent la résiliation quant au premier motif (retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer), le Tribunal ordonne à ces derniers de payer le loyer le 1er jour de chaque mois pour une durée de 18 mois, le cas échéant. Cette ordonnance entrera en vigueur à compter du 1er septembre 2021, vu le délai légal d'exécution de la présente décision.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[19] CONDAMNE les locataires solidairement à payer à la locatrice la somme de 2 700 $, plus les frais de justice de 125 $.

À défaut de paiement de la somme visée au précédent paragraphe dans les 15 jours de la présente décision :

[20] RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion des locataires et de tous les occupants du logement;

[21] ORDONNE l'exécution provisoire, malgré l'appel, de l'ordonnance d'expulsion à compter du 16e jour de sa date.

Advenant que la résiliation ait été évitée quant au premier motif de résiliation :

[22] ORDONNE aux locataires de payer le loyer le 1er jour de chaque mois, à compter du 1er septembre 2021, et ce, pour une durée de 18 mois, le cas échéant. »

[8]         La locataire témoigne que selon sa compréhension du jugement, elle n’avait aucun loyer à payer pour les mois de juillet et août. Au mois de septembre, elle a remis au locateur la somme de 2 825 $, soit les arrérages des loyers impayés pour couvrir la condamnation de 2 700 $, plus les frais de justice de 125 $ en même temps que son loyer du mois.

[9]         Pour les mois d’octobre, novembre et décembre 2021, lorsqu’elle a reçu la mise en demeure et par la suite, la notification du recours, elle a voulu payer les loyers de ces trois mois, mais le locateur a refusé toute entente qu’elle a proposée par le biais d’huissier.

[10]     Elle déclare téléphoner également à la résidence de la locatrice à maintes reprises, laissant parfois des messages sur le répondeur et d’autres fois non, sans jamais recevoir de retour d’appel.

[11]     Elle donnera au locateur, en salle, la somme de 3 500 $.

[12]     Ce dernier réplique qu’à la suite de la réception du jugement du 13 juillet 2021 et de la déclaration étonnante de la locataire qu’elle avait, selon le jugement, congé de loyers pour les mois de juillet et août, prendre rendez-vous avec un préposé du greffe, auquel il a invité la locataire à se joindre. L’information obtenue fut qu’elle devait verser ces loyers.

[13]     Forte de ces éclaircissements, la locataire aurait alors promis à la locatrice de lui remettre l’argent le lendemain, sans s’exécuter.

[14]     Quant aux appels, le locateur s’occupe des affaires de sa mère et déclare n’avoir jamais reçu ni appel ni constaté de message au répondeur.

[15]     Lorsque le procureur de la locataire lui demande s’il est disposé à renoncer à la résiliation, ayant obtenu le montant des loyers, ce dernier répond par la négative.


Analyse

[16]     Le Tribunal constate le paiement du 3 500 $ au locateur.

[17]     Ceci étant, la locataire allègue qu’elle n’avait pas l’obligation de payer son loyer pour les mois de juillet et août 2021 en vertu du jugement.

[18]     Non seulement cette lecture de la décision étonne, mais si la locataire avait réellement fait cette méprise sur la compréhension du jugement, la rencontre avec un préposé qui lui a expliqué la décision, aurait dissipé le quiproquo. La locataire n’arrive pas à convaincre. Il apparaît probable qu’elle a simplement voulu acheter du temps.

[19]     La locataire ayant satisfait au montant de la condamnation en septembre, elle n’a pas respecté le jugement qui lui donnait 15 jours à partir de la signature soit jusqu’au 28 juillet 2021 pour éviter la résiliation du bail.

[20]     Le bail était donc résilié lorsqu’elle a remis au locateur le montant de 2 825 $ et le locateur était en droit de ne pas accepter d’autre entente avec elle. 

[21]     La locataire a continué d’habiter l’unité. La locataire prétend tenter de rejoindre le locateur sans convaincre de ses efforts.

[22]     Elle aurait offert au locateur lorsque l’huissier s’est présenté à sa porte de lui verser les arrérages pour qu’il abandonne la nouvelle poursuite. 

[23]     Le locateur n’avait pas cette obligation et était dans son droit de vouloir procéder.

[24]     Le 3 500 $ représente l’équivalent des 5 mois de loyers en dommages pour l’occupation de la locataire.

[25]     D’autre part, même si le Tribunal en serait arrivé que la locataire avait satisfait le jugement du 13 juillet 2021, le paiement du loyer de septembre par application de l’imputation aurait servi à acquitter juillet. L’acceptation par le locateur du loyer de septembre n’est pas une renonciation à l’exécution du jugement.

[26]     En outre, la locataire par la suite a fait défaut de payer ses loyers. La locataire n’arrive pas à convaincre qu’elle a tenté de rejoindre le locateur ou la locatrice pour payer son loyer. Or, son obligation était de verser le loyer le 1er jour du mois.

[27]     Une ordonnance, comme celle concernée par la demande, sera émise en vertu de l'article 1973 C.c.Q pour tempérer la rigueur de la résiliation. Elle donne ainsi une chance à la locataire de s'amender malgré la démonstration d'un préjudice sérieux subi par le locateur.

[28]     Expliquant comment l'article 1973 C.c.Q doit être compris et appliqué, le juge Pierre Labbé de la Cour du Québec[2] écrivait ceci : 

« La résiliation prévue à l'article 1973, al. 2 C.c.Q. n'est pas automatique dans la mesure où le texte de loi exige du créancier qu'il fasse la preuve que le débiteur ne s'est pas conformé à l'ordonnance de la Régie.Si cette preuve est faite, la Régie n'a pas de discrétion et doit prononcer la résiliation. La Régie ne peut aller au-delà du texte de loi et permettre au débiteur de fournir des explications sur le non-respect de l'ordonnance, les apprécier et exercer une certaine discrétion pour déterminer si ces explications constituent une défense. Si le législateur avait voulu permettre au débiteur de faire valoir des moyens de défense, il l'aurait dit clairement comme il l'a fait, par analogie, à l'article 53 C.p.c. en matière d'outrage au tribunal : (...) »[3]

[29]     Ainsi, dès que le Tribunal constate qu'un ordre de cour en vertu de l'article 1973 C.c.Q. n'est pas respecté, il doit prononcer la résiliation, sauf si des circonstances entravent son application. Par exemple, si le locateur a renoncé au bénéfice de l'ordonnance, ce qui ne correspond pas à la présente situation.

[30]     Le bail serait donc résilié par le défaut de la locataire de respecter l’ordonnance.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[31]     RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion des locataires et des occupants;

[32]     CONDAMNE la locataire à payer au locateur les frais judiciaires de 79 $ et 23 $ en frais de signification.

 

 

 

 

 

 

 

 

Marie-Louisa Santirosi

 

Présence(s) :

le mandataire de la locatrice

une des locataires

Me Mathieu Rollet, avocat des locataires

Date de l’audience : 

10 décembre 2021

 

 

 


 


[1] j.a. Lucie Sabourin.

[2] Plessisville (Office municipal d'habitation de) c. Drapeau, C.Q. 415-80-000211-088, le 17 octobre 2008, l'honorable Pierre Labbé, j.c.q. (2008) QCCQ 9477. Ce principe fut réitéré de manière constante par la suite, Voir entre autres Audet c. Courville, 500-80-000192-022, Cour du Québec, 14 avril 2003 (REJB 2003-40179); Office municipal d'habitation de Montréal c. Cour du Québec, EYB 1995-72999, J.E. 95-1623 (C.S.); St-Jacques c. Office municipal d'habitation de Montréal, C.A. Montréal, 500-09-001265-958, 17 novembre 1998.

[3] La Régie du logement est l’ancienne dénomination du Tribunal administratif du logement.

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