Cavaliere Properties Inc. c. Floyd-Jones | 2022 QCTAL 27254 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Montréal | ||||||
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No dossier : | 627562 31 20220422 G | No demande : | 3529765 | |||
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Date : | 26 septembre 2022 | |||||
Devant la juge administrative : | Luce De Palma | |||||
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Cavaliere Properties Inc. |
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Locateur - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Joshua Floyd-Jones |
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Locataire - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] Le 22 avril 2022, le locateur demande la résiliation du bail et l’éviction du locataire, en vertu de l’article
[2] Il appert de la preuve que les parties sont liées par un bail ayant débuté le 1er juillet 2021. Ce bail a été reconduit par l’effet de la loi jusqu’au 30 juin 2023. Le loyer est de 1 235 $ par mois.
[3] Au soutien de sa demande, le locateur allègue que le locataire M. Joshua Floyd-Jones trouble la jouissance paisible d’autres locataires de ce petit immeuble de six logements.
[4] Le locataire adopte un comportement erratique, anormalement bruyant et fume du cannabis dans son logement, enfreignant, à ce dernier égard, une clause spécifique de son bail interdisant la cigarette.
[5] Le locateur invoque ainsi les termes des articles
« 1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d'user du bien avec prudence et diligence.
1860. Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.
Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer le préjudice qui peut résulter de la violation de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci.
Le locateur peut, au cas de violation de cette obligation, demander la résiliation du bail.
1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir. »
[6] De plus, aux termes du bail conclu, l’usage de la cigarette est interdit.
[7] Il appartient donc au locateur de démontrer, par prépondérance de preuve, que le locataire contrevient à ses obligations par sa conduite non diligente, en vertu de l'article
[8] Aussi, en la présente instance, doit-il établir que ce locataire a eu, au cours d'une certaine période, des comportements ou des attitudes qui, par leur répétition ou insistance, excèdent ou importunent gravement d'autres locataires de l'immeuble, troublant ainsi la jouissance normale à laquelle ils ont droit et leur causant, de ce fait, un préjudice sérieux.
[9] Plus amplement, le locateur affirme avoir sérieusement maille à partir avec le locataire ici en cause, devant notamment répondre aux nombreuses plaintes de bruit formulées par le locataire du logement sis au-dessus de chez ce dernier.
[10] Souhaitant assurer la pleine jouissance des lieux à tous ses locataires, il n’y arrive pas en raison du comportement souvent inacceptable de M. Floyd-Jones ou de celui des personnes à qui il permet l’accès aux lieux.
[11] Le principal locataire plaignant, M. Todd Stewart, est venu témoigner de ses doléances devant le Tribunal et a fait part de son exaspération devant cette situation.
[12] Il relate que depuis l’arrivée du locataire, il entend de la musique à trop fort volume et ce, souvent le soir et la nuit. Cette musique se double de partys d’amis, de sorte que le bruit est des plus intense.
[13] Il affirme également qu’à certains moments, il entend également des cris et des cognements, voire des déplacements de meubles.
[14] En mars 2022, il a entendu des pleurs et des gémissements si importants, qu’il les a enregistrés. Il les a fait entendre au Tribunal et une série de cris et pleurs a été clairement perçue.
[15] Une bagarre avait éclaté avec des connaissances ou amis du locataire, ajoute-t-il.
[16] Un des bruits entendus, fort et soudain, lui a fait croire que la porte avant de l’immeuble avait été brisée par la même occasion. Cette porte a été réparée par le locateur, peu après.
[17] Une odeur de cannabis trouble aussi sa jouissance des lieux, alors que cette odeur, provenant de chez le locataire, pénètre chez lui.
[18] Il ajoute avoir appelé les policiers à cinq reprises pour cause de bruit excessif, sans succès. Il ne dispose d’aucun rapport écrit à cet égard, précisant que les choses se calment avant que les policiers n’interviennent.
[19] Il s’en remet au locateur et lui envoie des lettres de plaintes, espérant que la situation rentre dans l’ordre.
[20] Interrogé par le locataire, il admet ne pas l’aviser directement des troubles subis, lorsqu’ils se manifestent, préférant s’en tenir à des échanges avec son locateur, comme tel est son droit.
[21] Il admet par ailleurs que les bruits sont moins perceptibles depuis quelque temps. L’été a été plus tranquille que les mois antérieurs, si ce n’est que le 21 juillet, une dame en visite chez le locataire criait et pleurait de nouveau très fort, a-t-il noté, situation qui l’a troublé, une fois de plus.
[22] De son côté, le locataire explique que l’essentiel du bruit dont se plaint le locateur, et plus particulièrement son témoin, provenait de son ancien colocataire, DJ de son métier, martèle-t-il.
[23] Il l’a pressé de quitter, au printemps 2022, de sorte que pour lui, tout est maintenant rentré dans l’ordre.
[24] Il nie toute responsabilité de sa part ou de la part de connaissances dans le bris de la porte avant, avançant qu’il a lui-même requis que cette porte soit réparée.
[25] Il ajoute n’avoir jamais reçu la visite de policiers, signe que la situation n’est pas dramatique.
[26] Quant aux bruits entendus sur l’enregistrement soumis par le témoin M. Stewart, il les associe au départ de son ancien colocataire. Il le mettait brusquement à la porte, ainsi que la copine de celui-ci, avec leurs valises, d’où le vacarme.
[27] Il a maintenant un colocataire plus calme, lequel est rarement au logis.
[28] Il n’a plus même de copine, de sorte que sa vie dans ce logement est paisible, déclare-t-il en réponse à l’affirmation du témoin qui affirme avoir encore entendu d’importants cris et gémissements, fin juillet, au retour d’un voyage, après deux mois d’absence.
[29] Il admet fumer parfois du cannabis, mais uniquement sur son balcon, non dans son logement. De plus, il ne fait pas usage de tabac, précise-t-il.
[30] Bref, il estime que les plaintes n’ont plus leur raison d’être et insiste sur le fait qu’un seul locataire s’est déplacé devant le Tribunal pour en faire part, affirmant avoir des relations harmonieuses avec la locataire logeant sous son logement.
[31] Sur ce, le locateur maintient sa demande de résiliation de bail, soutenant que la situation est sérieusement préjudiciable. Elle continuera certes d’être récurrente, ayant perduré pendant nombre de mois et même à la suite de sa mise en demeure du 7 mars dernier.
[32] Cela étant, devant le témoignage clair et précis du locataire M. Stewart, lequel a pris soin de noter tous les événements perturbateurs pendant plus de 12 mois, le Tribunal estime que le locataire, ou des personnes à qui il a permis l’accès au logement, n’ont pas adopté un comportement en tout temps respectueux des droits d’autrui dans cet immeuble.
[33] Sa façon inadmissible d’agir, ou celle de ses visiteurs, voire d’un colocataire, a certes pu affecter de manière sérieuse la qualité de vie du locataire M. Stewart. Il est hautement anormal d’entendre de la musique forte, des fêtes de façon régulière et des cris à des heures indues.
[34] Peut-être la situation a-t-elle été exacerbée par un colocataire particulièrement bruyant, mais il reste que le locataire a mis beaucoup de temps à rectifier quelque peu celle-ci. De plus, malgré le départ de ce dernier, des événements ont encore été notés par le témoin M. Stewart, à son retour au logement, en juillet 2022. Il est donc faux de prétendre que les plaintes ne pouvaient qu’être reliées à un ancien colocataire.
[35] Cela dit, le Tribunal retient tout de même que le locataire M. Floyd-Jones démontre faire des efforts pour corriger la situation, souhaitant conserver son logement.
[36] Partant, malgré que la résiliation du bail pourrait être accordée, le Tribunal usera de sa discrétion et y substituera une ordonnance l’enjoignant d’adopter un comportement en tout temps paisible dans ce logement, ceci afin de faire en sorte que tous les autres locataires, et particulièrement le locataire Stewart, puissent jouir complètement de leur logis.
[37] Cette ordonnance sera rendue en vertu de l’article
[38] Ainsi se lit cet article :
1973. Lorsque l'une ou l'autre des parties demande la résiliation du bail, le tribunal peut l'accorder immédiatement ou ordonner au débiteur d'exécuter ses obligations dans le délai qu'il détermine, à moins qu'il ne s'agisse d'un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer.
Si le débiteur ne se conforme pas à la décision du tribunal, celui-ci, à la demande du créancier, résilie le bail.
[notre soulignement]
[39] En ce qui a trait à l’usage du cannabis, le Tribunal estime qu’il y a lieu de souligner au locataire que son bail prohibe l’usage de la cigarette, ce qui inclut certes celui du cannabis, pas uniquement celui du tabac. De plus, le balcon fait partie de son logement, de sorte qu’il ne peut y fumer non plus.
[40] Par ailleurs, l’odeur incommodante rapportée par le témoin M. Stewart est apparue plutôt sporadique. Cela étant, le Tribunal estime qu’à cet égard particulier, un simple rappel de respecter le bail est suffisant. Le locataire devra toutefois garder cette interdiction de fumer à l’esprit, s’il ne souhaite pas que, tôt ou tard, le locateur n’obtienne la résiliation de son bail pour le préjudice sérieux qui pourrait découler de son non-respect.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[41] ORDONNE au locataire d’adopter un comportement en tout temps paisible dans ce logement et dans les espaces communs reliés à celui-ci, ceci, pour toute la durée du bail en cours et pour sa période de reconduction subséquente, le cas échéant;
[42] CONDAMNE le locataire à payer au locateur la somme de 103 $ à titre de frais judiciaires.
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Luce De Palma | ||
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Présence(s) : | le mandataire du locateur le locataire | ||
Date de l’audience : | 8 septembre 2022 | ||
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