Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Décision

Delbello c. Robergeau

2021 QCTAL 25531

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

582326 31 20210802 G

No demande :

3312452

 

 

Date :

13 octobre 2021

Devant le juge administratif :

Claude Fournier

 

Nino Delbello

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Betty Robergeau

 

Locataire - Partie défenderesse

et

 

Milka Robergeau

 

Caution - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le locateur demande la résiliation du bail pour retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer et l'expulsion de la locataire, le recouvrement du loyer (710 $) ainsi que le loyer dû au moment de l'audience, plus l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel et la condamnation de la locataire au paiement des frais.

[2]      Le locateur demande de plus la résiliation du bail au motif que la locataire paie fréquemment son loyer en retard.

[3]      Il s'agit d'un bail reconduit du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022 au loyer mensuel de 710 $, payable le premier jour de chaque mois, sous réserve de la décision à être rendue à l’égard de la demande de fixation du loyer.

[4]      Le locateur demande la condamnation solidaire de la locataire et de la caution.

[5]      Milka Robergeau allègue que son cautionnement était valide uniquement pour le terme initial du bail qui se terminait le 30 juin 2019 et non pour ses reconductions subséquentes.


[6]      Eu égard au cautionnement, sont pertinents les articles 1881, 2335, 2343 et 2345 C.c.Q., lesquels se lisent comme suit :

« 1881. La sûreté consentie par un tiers pour garantir l'exécution des obligations du locataire ne s'étend pas au bail reconduit. »

« 2335. Le cautionnement ne se présume pas; il doit être exprès. »

« 2343. Le cautionnement ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté. »

« 2345. Le créancier est tenu de fournir à la caution, sur sa demande, tout renseignement utile sur le contenu et les modalités de l'obligation principale et sur l'état de son exécution. »

[7]      Dans Entreprise Agostino inc. (Le Châteauneuf) c. Cisse[1], le juge administratif Alexandre Henri écrit :

« [18] L’article 1881 n’étant pas d’ordre public, il est donc possible d’y déroger en ajoutant une mention spécifique dans le bail à l’effet que le cautionnement s’étend aux renouvellements du bail.

[19] À cet effet, le professeur Pierre-Gabriel Jobin mentionne ce qui suit dans son ouvrage portant sur le louage :

« 215. Sort de la sûreté lors de la reconduction. Quand le bail est renouvelé, la question se pose de savoir si la sûreté, donnée en garantie des obligations du locataire, continuera de s’appliquer au nouveau bail. En ce qui concerne une sûreté fournie par un tiers, l’article 1881 du Code civil répond à cette question par la négative. Cette disposition n’a rien d’étonnant. Elle s’inspire directement d’une règle sur l’étendue du cautionnement, selon laquelle celui-ci ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté. Le tiers qui a donné une caution ou une autre forme de sûreté à l’égard du bail initial ne saurait être tenu pour un deuxième bail sans donner de nouveau son consentement exprès, sauf si une stipulation prévoit clairement que la sûreté s’étendra au renouvellement éventuel du bail. »

[Références omises]

[8]      Et plus loin :

« [25] Le Tribunal fait siens les propos de l’honorable juge Patsy Bouthillette de la Cour du Québec dans l’affaire Létourneau c. Le Richelieu :

« [15] Bien que ces articles ne soient pas d’ordre public, encore faut-il que la preuve démontre que la demanderesse a consenti à renouveler son obligation de caution, tant et aussi longtemps que le bail était renouvelé.

[16] Le cautionnement est un accord de volonté qui se forme par l’échange de consentement entre des personnes capables de contracter.

[17] Tel qu’il appert de l’article 2335 du Code civil du Québec, le cautionnement ne se présume pas, il doit être exprès, ce qui est amplement confirmé par la jurisprudence. Ce consentement doit être manifeste, non équivoque et formulé d’une façon certaine afin d’être exprès.

[18] Est-ce que la demanderesse a donné ce genre de consentement au renouvellement de la caution? Le Tribunal n’y croit pas.

[19] Puisque le cautionnement ne se présume pas, en cas de doute, le cautionnement s’interprète en faveur de la caution.

[20] En l’espèce dans le présent dossier, la stipulation de renouvellement précède la signature des locataires et non celle de la caution, ce qui démontre que cette clause ne lie que les locataires. D’autant plus que l’article 1881 du Code civil cité précédemment énonce que la sûreté consentie par un tiers ne s’étend pas au bail reconduit. En conséquence, le locateur devait mettre une clause non équivoque. »

[Références omises]


[9]      Dans le présent dossier, le bail ne prévoit pas que la caution demeure responsable au-delà du premier terme. De plus, Milka Robergeau a témoigné qu’elle n’avait pas l’intention de s’engager à titre de caution pour les années postérieures au premier terme.

[10]   Comme l’indique l’article 1881 C.c.Q., la sûreté consentie par un tiers pour garantir l'exécution des obligations du locataire ne s'étend pas au bail reconduit.

[11]   Ainsi, en l’absence de preuve que Milka Robergeau ait consenti de manière manifeste et non équivoque à se porter caution au-delà du premier terme du bail, le Tribunal conclut qu’elle n'a plus d'obligation légale envers le locateur depuis le 1er juillet 2019.

[12]   La locataire n'est pas en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer, la résiliation du bail n'est donc pas justifiée pour ce motif par l'application de l'article 1971 C.c.Q.

[13]   Sur le second motif invoqué, le Tribunal estime que la preuve des retards et du préjudice est insuffisante pour justifier la résiliation du bail.

[14]   Le préjudice causé au locateur ne justifie pas l'exécution provisoire de la décision, comme il est prévu à l'article 82.1 LTAL.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[15]   CONDAMNE la locataire à payer au locateur les frais de justice de 102 $;

[16]   REJETTE la demande quant aux autres conclusions.

 

 

 

 

 

 

 

 

Claude Fournier

 

Présence(s) :

le locateur

la locataire

la caution

Date de l’audience :  

29 septembre 2021

 

 

 


 



[1] 2020 QCRDL 715.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.