Ahamed c. Cadet |
2018 QCRDL 10146 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Montréal |
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No dossier : |
376945 31 20180124 G |
No demande : |
2419791 |
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Date : |
28 mars 2018 |
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Régisseure : |
Amélie Dion, juge administrative |
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Md Saleh Ahamed |
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Locateur - Partie demanderesse |
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c. |
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Marie Carmelite Cadet |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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Les faits
[1] Le locateur demande l’autorisation de reprendre le logement visé pour s’y loger, à compter du 1er juillet 2018 conformément à l’article 1963 du Code civil du Québec[1].
[2] Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018, pour un loyer mensuel de 755 $. La preuve révèle que la locataire habite le logement depuis quelques mois.
[3] Il s’agit d’un logement de cinq pièces et demie situé au troisième étage d’un quadruplex.
[4] Le 18 décembre 2017, un avis de reprise de logement est transmis à la locataire, laquelle répond le 25 janvier 2018 qu’elle refuse de quitter le logement, d’où la demande déposée dans le délai imparti par la loi.
[5] La preuve révèle que le locateur a acheté l’immeuble le 1er décembre 2017 pour éventuellement y habiter. Il habite présentement un logement avec sa famille sur la même rue et explique qu’il désire quitter leur logement en raison de conflit avec le propriétaire actuel.
[6] Avec son épouse, ils ont choisi le logement de la locataire puisque les autres logements sont habités par des familles de quatre personnes. La locataire est seule dans un logement de 5 pièces et demie, lequel conviendrait à leur famille.
[7] La locataire conteste le droit à la reprise puisqu’il lui sera difficile de déménager. Elle réclame plus de temps pour lui permettre de trouver un autre logement.
[8] Subsidiairement, elle réclame une indemnité de 2 500 $ pour l’aider à payer les frais de son déménagement. Elle concède que son déménagement en 2017 lui a coûté 1 500 $, mais elle a acheté d’autres meubles depuis, c’est pourquoi, elle demande maintenant 2 500 $.
[9] Le locateur offre à la locataire 720 $, soit 60 $ par heure pour 12 heures.
Questions en litige
2- La locataire a-t-elle droit à une indemnité?
Analyse et décision
[10] Le droit à la reprise est, entre autres, régi par l’article 1957 du Code civil du Québec, lequel prévoit :
« 1957. Le locateur d'un logement, s'il en est le propriétaire, peut le reprendre pour l'habiter lui-même ou y loger ses ascendants ou descendants au premier degré, ou tout autre parent ou allié dont il est le principal soutien.
Il peut aussi le reprendre pour y loger un conjoint dont il demeure le principal soutien après la séparation de corps, le divorce ou la dissolution de l'union civile ».
[11] Dans l'affaire Dagostino c. Sabourin, le juge administratif Jean Bisson a indiqué :
« Lors de la reprise de logement, deux droits importants se rencontrent et s'opposent : d'une part le droit du propriétaire d'un bien d'en jouir comme bon lui semble et, d'autre part, le droit du locataire au maintien dans les lieux loués. C'est pour protéger ce droit que le législateur impose des conditions au locateur »[2].
[12] L'auteur Pierre-Gabriel Jobin, dans son traité sur Le Louage, écrit quant à l'exigence de la bonne foi du locateur :
« Le Code civil du Québec exige du locateur qu'il démontre qu'il entend réellement reprendre le logement pour la fin indiquée dans le préavis et que la reprise ne constitue pas un prétexte pour atteindre d'autres fins. Sur le fond, d'après nous, ce nouveau texte n'emporte pas de changement par rapport à celui du Code civil du Bas-Canada; le locateur doit donc encore, essentiellement, prouver sa bonne foi, comme il a été dit.
La bonne foi est fréquemment la pierre d'achoppement des tentatives des locateurs de tourner la loi, notamment, pour augmenter le loyer à la faveur d'un changement de locataire. Aussi le contentieux est-il particulièrement abondant sur cette question. Naturellement, la bonne foi s'établit souvent par le témoignage du locateur lui-même. Cependant, les tribunaux n'hésitent pas à prendre en considération d'autres témoignages ainsi que les circonstances et le comportement du locateur; ils ont bien raison d'agir ainsi puisqu'en cette matière comme dans d'autres, c'est souvent la seule façon d'établir la mauvaise foi ....
Enfin, selon l'heureuse formule de la défunte Commission des loyers, la bonne foi exigée par la loi doit être prouvée non seulement « relativement à l'intention (du locateur) d'habiter (les lieux), mais aussi relativement aux intentions qui l'ont poussé et motivé à faire la demande de repossession ». C'est ainsi qu'on refusera la reprise du logement à ce locateur astucieux qui veut effectivement habiter les lieux, mais seulement pour quelque temps et dans le but de se défaire du locataire ou de faciliter la vente de l'immeuble, l'éventuel acheteur n'étant pas « embarrassé » par la présence d'un locataire. Voilà bien ce qu'on appelle aujourd'hui un abus de droit. ».[3]
[13] En l'instance, le Tribunal est convaincu de la bonne foi du locateur et qu'il n'utilise pas le mécanisme de la reprise de logement pour d'autres fins que pour s’y loger avec sa famille.
[14] Le Tribunal juge que les prescriptions et exigences de la loi sont respectées et également sur son intention véritable de reprendre le logement.
[15] Malheureusement, le Tribunal ne peut tenir compte des conséquences négatives de la reprise sur la locataire pour nier un droit que la loi lui accorde.
[17] L'article
[18] Il ne s'agit pas d'une demande en dommages-intérêts fondée sur une faute. La reprise du logement étant une exception au droit au maintien dans les lieux du locataire, le législateur a voulu que le locateur indemnise le locataire pour les inconvénients que lui occasionne l'exercice de ce droit, en gardant à l'esprit que le locateur ne commet aucune faute et se prévaut d'un droit que lui accorde la loi.
[19] La locataire réclame une indemnité de 2 500 $ pour les frais de son déménagement alors qu’elle en aurait payé 1 500 $ l’été dernier.
[20]
Dans les circonstances, le Tribunal estime qu’une indemnité de 1 500 $
est juste et raisonnable dans les circonstances. À titre d'information aux
parties, il convient d'ajouter que l'article
[21]
De plus, l'article
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[22] AUTORISE le locateur à reprendre le logement visé à compter du 1er juillet 2018 pour s’y loger;
[23] ORDONNE à la locataire et à tous les autres occupants du logement de quitter le logement au plus tard le 30 juin 2018;
[24] CONDAMNE le locateur à payer à la locataire 1 500 $ au plus tard à la date du départ;
[25] AUTORISE la locataire à effectuer compensation sur les derniers mois de loyer.
[26] Le locateur assumant les frais de sa demande.
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Amélie Dion |
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Présence(s) : |
Me Katherine Tsetsos, avocate du locateur la locataire |
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Date de l’audience : |
15 mars 2018 |
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[1] 1963. Lorsque le locataire refuse de quitter le logement, le locateur peut, néanmoins, le reprendre, avec l'autorisation du tribunal. Cette demande doit être présentée dans le mois du refus et le locateur doit alors démontrer qu'il entend réellement reprendre le logement pour la fin mentionnée dans l'avis et qu'il ne s'agit pas d'un prétexte pour atteindre d'autres fins.
[2] 31-991119-037G, 26 janvier 2000, au même effet : Tremblay c. Galipeau, 31-021211-132G, Francine Jodoin, 28 février 2003.
[3] Commentaires du ministre de la Justice, Tome II, Les publications du Québec 1993, p. 1234.
[4]
Boulay c. Tremblay,