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Société de transport de Montréal c. Joubert |
2018 QCCS 58 |
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COUR SUPÉRIEURE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-36-008238-167 500-36-008239-165 500-36-008240-163 |
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DATE : |
11 JANVIER 2018 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
GUY COURNOYER, J.C.S. |
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Société de transport de Montréal |
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Appelante - poursuivante |
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c. |
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Jean-Philippe Joubert (500-36-008238-167) Nathaniel bell-roy (500-36-008239-165) monique khalil (500-36-008240-163) |
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Intimés - défendeurs |
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et |
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PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC |
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Mis en cause |
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JUGEMENT |
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II - Les dispositions législatives et règlementaires pertinentes................................. 5
III - Le jugement d’instance.................................................................................................. 9
A - L’article 6 crée-t-il une ou deux infractions?.................................................................. 10
B - La présomption d’innocence........................................................................................... 11
C - Détention arbitraire.......................................................................................................... 13
D - La restriction aux droits constitutionnels est-elle justifiée au sens de l’article premier de la Charte?.................................................................................................................................................. 14
1) Objectif suffisamment important............................................................................... 14
2) Le moyen choisi pour atteindre l’objectif est-il proportionné?............................. 15
3) La restriction a-t-elle un lien rationnel avec l’objectif?............................................ 16
4) La restriction porte-elle le moins possible atteinte au droit?............................... 16
5) Le Règlement est-il proportionné dans ses effets?............................................... 18
IV - Analyse........................................................................................................................... 19
A - Les infractions prévues par les articles 6 et 9 du Règlement..................................... 19
1) Les obligations contenues à l’article 6 du Règlement........................................... 20
2) La qualification des infractions................................................................................. 20
3) Le pouvoir discrétionnaire des préposés de la STM............................................. 22
B - Principes d’interprétation des droits constitutionnels................................................... 23
C - La présomption d’innocence......................................................................................... 26
1) Le renversement du fardeau de la preuve............................................................... 26
2) La constitutionnalisation de la responsabilité stricte et la justification sous l’article premier de la Charte.......................................................................................................................... 28
D - La protection contre la détention arbitraire................................................................... 33
1) La détention................................................................................................................ 33
2) La détention autorisée par le Règlement est-elle arbitraire?............................... 36
a) La nature de la relation entre l’usager et la STM.............................................. 37
b) L’absence de relation contradictoire avec l’État............................................... 38
(i) Une exigence réglementaire raisonnable.............................................. 39
(ii) La théorie de l’acceptation des conditions............................................ 39
(iii) Le Règlement est-il arbitraire au sens de l’article 7?.......................... 42
(iv) La protection contre les fouilles, saisies et perquisitions abusives.... 43
1- Interprétation contextuelle de l’article 8............................................ 43
2- Le titre de transport et l’attente raisonnable en matière
de
vie privée............................................................................................. 47
E - L’article premier de la Charte......................................................................................... 49
1) Un objectif suffisamment important.......................................................................... 49
2) La restriction et le lien rationnel avec l’objectif........................................................ 51
3) Le moyen le moins attentatoire................................................................................. 51
4) La Règlement est-il proportionné dans ses effets?............................................... 57
[1] Selon l’article 2030 du Code civil du Québec, le contrat de transport de personnes est celui par lequel le transporteur s’oblige à effectuer le déplacement d’une personne moyennant un prix que le passager s’engage à lui payer au temps convenu.
[2] Il va de soi que dans le cadre de cette relation contractuelle, le transporteur doit pouvoir s’assurer du paiement du prix du déplacement.
[3] Selon les obligations qui lui incombent en vertu du Code civil et de la réglementation applicable, l’usager des services de transport offerts par la Société de transport de Montréal (« STM ») doit payer son droit de passage ou utiliser un titre de transport reconnu.
[4] Il doit conserver la preuve de ce paiement en vue d’une vérification éventuelle par les inspecteurs de la STM.
[5] À cette fin, l’usager doit, sur demande, permettre à un préposé de vérifier, d’une part, s’il a acquitté son droit de passage conformément à la tarification et à la réglementation en vigueur et, d’autre part, la validité du titre et la conformité du support utilisé.
[6] La question au cœur du pourvoi de l’appelante est de savoir si les droits constitutionnels des usagers à la présomption d’innocence et à la protection contre les détentions arbitraires empêchent les inspecteurs de la STM de procéder à une vérification aléatoire de la possession d’un titre de transport valide, sans motifs ni soupçons raisonnables.
[7] Le Tribunal estime que non.
[8] Les droits constitutionnels protégés par la Charte canadienne des droits et libertés doivent faire l’objet d’une interprétation contextuelle. Ainsi, la signification et la portée de ces droits varient en fonction du contexte dans lequel on les revendique.
[9] Dans son jugement[1], le juge d’instance n’applique pas la méthode contextuelle d’interprétation constitutionnelle.
[10] Or, les normes constitutionnelles formulées dans le contexte du droit criminel ne s’appliquent pas aux infractions règlementaires sans adaptation et modulation.
[11] Le jugement d’instance transpose erronément les garanties constitutionnelles applicables aux interventions policières dans le cadre du droit criminel à la vérification règlementaire des inspecteurs de la STM dans le cadre de la mise en œuvre des modalités d’un contrat de transport régi tant par le Code civil que par la législation et la règlementation applicables.
[12] Or, la vérification à laquelle procèdent les inspecteurs de la STM, bien qu’aléatoire, s’avère peu intrusive et de courte durée.
[13] Une société de transport dispose du pouvoir légal de procéder à une vérification, à laquelle toute personne utilisant ses services de transport s’attend logiquement.
[14] La vérification autorisée constitue une conséquence logique et une exigence raisonnablement nécessaire de la relation contractuelle qui unit l’usager des services de transport et une société de transport.
[15] Tous ceux qui assistent à une activité sportive ou culturelle s’attendent à ce que leur droit de le faire puisse faire l’objet d’une vérification ou d’un contrôle avant d’avoir accès au site d’une telle activité ou durant celle-ci.
[16] Une telle vérification ne devient pas soudainement inconstitutionnelle parce qu’une société de transport public souhaite vérifier si les personnes qui se trouvent à l’intérieur de son réseau de transport possèdent un titre de transport valide.
[17] Il n’appartient pas aux tribunaux de concevoir l’architecture physique et technologique d’un système de transport en commun pour le seul motif que la liberté des usagers sera brièvement entravée par une vérification aléatoire peu intrusive du paiement du droit de passage et à laquelle les usagers peuvent raisonnablement s’attendre.
[18] Cette vérification aléatoire ne constitue pas une violation du droit à la présomption d’innocence des usagers, ni une détention arbitraire.
[19] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que le jugement d’instance doit être infirmé et l’appel accueilli. Les dossiers sont renvoyés au juge d’instance pour que l’instruction soit complétée.
II - Les dispositions législatives et règlementaires pertinentes
[20] Au moment des infractions alléguées, les dispositions législatives pertinentes se lisaient comme suit :
Charte canadienne des droits et libertés
11. Tout inculpé a le droit :
[...]
d) d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable;
[...]
[...]
1. Dans le présent règlement, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par :
[...]
b) « CM » : une carte magnétique sur laquelle peut être encodé un ou des titres de transport reconnus valides au sens du présent règlement;
c) « CPCT » : une carte à puce commune transport, nommée « OPUS », sur laquelle est intégrée une puce pouvant contenir un ou des titres de transport reconnus valides au sens du présent règlement;
d) « CPO » : une carte à puce occasionnelle sur laquelle est intégrée une puce pouvant contenir un ou des titres de transport reconnus valides au sens du présent règlement;
[...]
f) « préposé » :
i) un employé ou un représentant de la Société;
ii) une personne autorisée à agir comme inspecteur en vertu des dispositions des chapitres VI et VII de la Loi sur les sociétés de transport en commun (L.R.Q., c. S-30.01);
[...]
k) « support conforme » : moyennant le paiement des frais exigés et pour la période d’usage qui y sera prescrite par résolution du conseil d’administration de la Société, la CM, la CPCT ou la CPO lorsque émise par la Société, de même qu’une CM, CPCT ou une CPO émise conformément aux termes et conditions de la STL, du RTL, du RTC ou de l’AMT ainsi que tout autre support reconnu conforme par résolution du conseil d’administration de la Société;
[...]
o) « zone de contrôle d’une station » : les quais, corridors, escaliers, aires d’attente ou tout autre espace à l’intérieur des limites formées par les tourniquets d’accès ou de sortie d’une station de métro.
[...]
SECTION III - DISPOSITIONS GÉNÉRALES
6. Tout usager des services de transport offerts par ou pour le compte de la Société, doit, selon le tarif applicable et de la manière prévue, acquitter son droit de passage en payant ou en utilisant un titre de transport reconnu valide par la Société. Suite à l’acquittement de son droit de passage, l’usager doit récupérer et conserver avec lui le support conforme faisant preuve de cet acquittement aux fins de l’article 9.
7. À moins d’indications à l’effet contraire, l’acquittement du droit de passage pour un service de transport en surface s’effectue de la manière prévue au moment de monter dans le véhicule ou, pour le métro, au moment de franchir les tourniquets des équipements de perception ou autres systèmes d’accès à une station.
[...]
9. Sous réserve de l’article 11, en tout temps, à bord d’un autobus, d’un wagon de métro ou lorsqu’il se trouve à tout endroit d’une zone de contrôle d’une station, l’usager doit démontrer qu’il a dûment acquitté son droit de passage conformément au présent règlement.
Il doit, sur demande, permettre à un préposé de vérifier s’il a acquitté son droit de passage conformément à la tarification et à la réglementation en vigueur ainsi que la validité du titre et la conformité du support utilisé.
[...]
SECTION IV - TITRES DE TRANSPORT
[...]
32. Le support conforme sur lequel est encodé un droit de correspondre doit être récupéré et conservé par l’usager suite à l’acquittement au comptant de son droit de passage ou suite à la validation de celui-ci par les équipements de perception. Il sert de preuve d’acquittement du droit de passage aux fins de l’article 9.
[...]
SECTION VI - INTERDICTIONS
[...]
57. Il est interdit d’obtenir ou de tenter d’obtenir un voyage sans en avoir acquitté le droit de passage de la façon prévue à l’article 6.
[...]
SECTION VII - DISPOSITIONS PÉNALES
[...]
62. Quiconque contrevient à l’un des articles 6, 56 a), 56 c), 57 ou 58 du présent règlement commet une infraction et est passible d'une amende de 150 $ à 500 $ dans le cas d’une personne physique et de 300 $ à 1 000 $ dans le cas d’une personne morale.
[...]
65. Quiconque contrevient à toute autre disposition du présent règlement commet une infraction et est passible d’une amende de 75 $ à 500 $ dans le cas d’une personne physique et de 300 $ à 1 000 $ dans le cas d’une personne morale.
Loi sur les sociétés de transport en commun (RlRQ, c. S-30.01)
1. Sont instituées les sociétés de transport en commun suivantes, personnes morales de droit public:
1° la « Société de transport de Montréal », dont le territoire correspond à l'agglomération de Montréal prévue à l'article 4 de la Loi sur l'exercice de certaines compétences municipales dans certaines agglomérations (chapitre E-20.001);
[...]
3. Une société a pour mission d’assurer, par des modes de transport collectif, la mobilité des personnes dans son territoire et, dans la mesure où le prévoit une disposition législative, hors de celui-ci.
À cette fin, elle soutient le transport en commun et, le cas échéant, favorise l’intégration de ses différents modes de transport collectif avec ceux de toute autre personne morale de droit public à qui la loi ou un acte constitutif accorde l’autorité d’exploiter une entreprise de transport en commun.
[...]
CHAPITRE VI
140. Une ville, qui adopte le budget d'une société, autorise généralement ou spécialement toute personne désignée par la société à agir comme inspecteur pour l'application des règlements pris en vertu de l'article 144. Un inspecteur peut exiger la communication pour examen de tout titre de transport ou de stationnement émis par une société.
Une société peut désigner l'un de ses employés ou ceux d'une entreprise avec qui elle est liée par contrat pour les fins de l'application des chapitres VI et VII. Un agent de la paix relevant de l'autorité de la ville qui approuve le budget d'une société est d'office un inspecteur de cette société.
141. Un inspecteur exhibe sur demande le certificat attestant sa qualité.
[…]
CHAPITRE VII
144. Une société peut, par règlement approuvé par la ville qui adopte son budget, édicter:
1° des normes de sécurité et de comportement des personnes dans le matériel roulant et les immeubles qu'elle exploite;
2° des conditions au regard de la possession et de l'utilisation de tout titre de transport émis sous son autorité;
3° des conditions au regard des immeubles qu'elle exploite et des personnes qui y circulent.
Un règlement d'une société doit être publié dans un journal diffusé dans son territoire et peut déterminer, parmi ses dispositions, celles dont la violation constitue une infraction qui est sanctionnée par une amende dont le montant peut, selon le cas, être fixe ou se situer entre un minimum et un maximum.
Un montant fixe ou maximum ne peut excéder, pour une première infraction, 500 $ si le contrevenant est une personne physique ou 1 000 $ s'il est une personne morale. En cas de récidive, ces montants sont portés au double. Un montant minimum ne peut être inférieur à 25 $.
[...]
146. Quiconque [...] entrave ou tente d'entraver de quelque façon que ce soit l'exercice des fonctions d'un inspecteur, le trompe par réticence ou fausse déclaration, refuse de lui fournir un document ou un renseignement qu'il peut exiger ou examiner ou cache ou détruit un tel document commet une infraction et est passible d'une amende d'au moins 250 $ et d'au plus 500 $.
147. Une société peut intenter une poursuite pénale pour la sanction d'une infraction visée au présent chapitre.
148. Toute cour municipale du territoire d'une société a compétence à l'égard de toute infraction visée au présent chapitre.
149. L'amende appartient à la société qui a intenté la poursuite pénale.
Les frais relatifs à une poursuite intentée devant une cour municipale appartiennent à la ville dont dépend cette cour [...]
[21] Il convient maintenant de résumer la teneur du jugement d’instance.
[22] L’instruction de la contestation constitutionnelle requiert 12 journées[2].
[23] Les trois défendeurs témoignent lors du procès. Essentiellement, pour différentes raisons, ils admettent ne pas avoir conservé la preuve du paiement de leur droit de passage.
[24] Dans le but d’établir que le Règlement constitue une limite qui se justifie dans le cadre d’une société libre et démocratique, la poursuivante fait entendre 4 témoins et produit plusieurs rapports et études de faisabilité ayant précédé la mise en place d’un nouveau système de perception à la STM et l’adoption du Règlement.
[25] Dans un jugement longuement motivé, le juge d’instance déclare que « les articles 6 et 9 du Règlement sont incompatibles avec le droit à la présomption d’innocence ainsi que la protection contre la détention arbitraire, et les restrictions qu’ils imposent à ces droits ne sont pas dans des limites raisonnables dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique »[3].
[26] Avant de répondre aux questions soulevées par les parties, il est utile de reproduire l’analyse très détaillée du juge d’instance à l’égard des principales questions en litige.
[27] La bonne compréhension du jugement d’instance rend indispensable d’en reproduire plusieurs extraits.
A - L’article 6 crée-t-il une ou deux infractions?
[28] Avant d’aborder les questions constitutionnelles qu’il doit résoudre, le juge d’instance procède à l’interprétation du sens à donner aux articles 6 et 9 du Règlement concernant les conditions au regard de la possession et de l’utilisation de tout titre de transport émis par la Société de transport de Montréal (« Règlement »).
[29] Il convient de les reproduire à nouveau afin de faciliter la compréhension de l’analyse du juge d’instance :
6. Tout usager des services de transport offerts par ou pour le compte de la Société, doit, selon le tarif applicable et de la manière prévue, acquitter son droit de passage en payant ou en utilisant un titre de transport reconnu valide par la Société. Suite à l’acquittement de son droit de passage, l’usager doit récupérer et conserver avec lui le support conforme faisant preuve de cet acquittement aux fins de l’article 9.
9. Sous réserve de l’article 11, en tout temps, à bord d’un autobus, d’un wagon de métro ou lorsqu’il se trouve à tout endroit d’une zone de contrôle d’une station, l’usager doit démontrer qu’il a dûment acquitté son droit de passage conformément au présent règlement.
Il doit, sur demande, permettre à un préposé de vérifier s’il a acquitté son droit de passage conformément à la tarification et à la réglementation en vigueur ainsi que la validité du titre et la conformité du support utilisé.
[30] Le juge d’instance se demande si l’article 6 crée une ou deux infractions.
[31] À cet égard, il note d’abord que les parties s’entendent sur le fait que l’article 6 prévoit l’infraction de ne pas acquitter son droit de passage.
[32] Toutefois, la STM soutient que l’article 6 comporte aussi une deuxième infraction soit celle de ne pas avoir conservé la preuve du paiement de son droit de passage.
[33] Cette infraction est celle-là même qui fait l’objet des constats d’infractions déposés contre les appelants.
[34] Le juge d’instance estime que l’article 6 ne prévoit qu’une seule infraction, celle du non-acquittement du droit de passage. Il formule sa conclusion en ces termes :
[61] [L]’adoption des articles 6 et 9 n’a pas d’autre objectif que d’améliorer la perception des droits et la rentabilité du métro et du service de transport par autobus. Il en découle que la nouvelle obligation de conserver le support conforme n’a pas d’autre raison d’être que de faire la preuve de l’acquittement du droit de passage. Par conséquent, le Tribunal conclut que les mots « faisant preuve de cet acquittement » signifient exactement ce qu’ils disent et que la deuxième phrase de l’article 6 crée une règle de preuve relative à la question de savoir si l’usager a acquitté ou non son droit de passage. Si la deuxième phrase de l’article 6 est une règle de preuve, l’article 6 ne crée qu’une seule infraction : le non-acquittement du droit de passage.
[35] Après avoir tiré cette conclusion, le juge poursuit son analyse et aborde les questions constitutionnelles.
B - La présomption d’innocence
[36] Le juge d’instance estime que l’effet de l’article 6 se révèle le même que celui d’une présomption irréfragable de culpabilité, car cet article présume la culpabilité de l’usager qui ne possède pas la preuve du paiement de son droit de passage. Il écrit :
[72] La règle de preuve dans l’article 6, les défendeurs-requérants la qualifient de « présomption irréfragable de culpabilité ». La disposition n’est pas rédigée d’une manière à ressembler à une présomption légale comme nous sommes habitués à les voir, mais son effet est le même, sinon plus fort.
[73] Le choix du mot « doit » au lieu de « peut » (dans la deuxième phrase de l’article 6) doit aussi recevoir considération lors de l’interprétation de l’article 6. Les deux parties considèrent que le mot « doit » rend le support conforme obligatoire et élimine la possibilité de faire la preuve de paiement par tout autre moyen. Le Tribunal est d’accord avec cette interprétation. Mais l’effet pratique est d’enlever aux défendeurs tous les autres moyens de preuve et leur enlève la possibilité d’éviter une condamnation en présentant une autre forme de preuve de paiement.
[74] Ce nouveau régime créé par les articles 6 et 9 du Règlement, on pourrait être tenté de le qualifier de « responsabilité absolue ». Mais ce serait une erreur de le qualifier ainsi, car ce régime va encore plus loin que la responsabilité absolue. La responsabilité absolue existe lorsque la preuve de l’acte prohibé (l’actus reus) entraîne automatiquement une déclaration de culpabilité, sans qu’il ne soit possible de se défendre en prouvant sa bonne foi ou sa diligence raisonnable. Mais les articles 6 et 9 du Règlement vont encore plus loin. Ils dispensent la STM de l’obligation de prouver l’acte prohibé (le non-paiement du prix du passage) et empêchent le défendeur de faire la preuve qu’il a payé. Les défendeurs-requérants ont raison de dire que l’article 6 crée une présomption irréfragable de culpabilité.
[75] Dans un tel contexte, il devient impossible de considérer les défendeurs Joubert, Bell-Roy et Khalil comme autre chose que des dommages collatéraux dans une nouvelle stratégie de perception des droits de passage. Pour donner plus de force à cette stratégie, la STM a coupé court à toute possibilité pour les gens ayant jeté ou perdu leur billet de se disculper. Au lieu de les accuser de ne pas avoir payé, la STM les accuse de ne pas avoir la preuve de leur paiement et leur impose le fardeau de produire cette preuve disculpatoire sans que le moindre soupçon n’existe à leur endroit. En d’autres mots, les gens interpellés par les préposés via l’article 9 sont présumés coupables à moins qu’ils ne prouvent leur innocence, et la preuve de cette innocence ne peut être faite que d’une seule façon : en produisant le « support conforme». Toute autre preuve, quelque soit sa valeur probante, est inadmissible ― par décision de la STM.
[76] C’est comme si, pour lutter contre le vol, on mettait fin à la présomption découlant de la possession paisible d’un bien et on exigeait que chaque personne en possession d’un bien porte sur elle, en tout temps, le reçu du magasin « faisant preuve de l’acquittement » du prix de vente. La personne qui ne serait pas en mesure de produire le reçu « sur demande » serait accusée de ne pas avoir conservé avec elle le reçu et serait assujettie aux mêmes conséquences et à la même peine que si elle avait volé le bien, sans qu’il ne lui soit permis de prouver, par quelque moyen de preuve que ce soit, qu’elle avait véritablement payé pour le bien.
[77] Il faut donc voir plus loin que la surface du nouveau règlement. Le véritable effet des articles 6 et 9 est de mettre sur les épaules des gens interpellés le fardeau de prouver leur innocence — sur le champ. S’ils ne peuvent pas le faire sur le champ et de la manière exigée par la STM, l’affaire est réglée : ils devront payer la même amende et les frais que s’ils avaient sauté les tourniquets. La STM n’aura jamais à prouver qu’ils n’ont pas payé. En termes d’efficacité de poursuite, la STM pourrait difficilement imaginer mieux.
[78] Je conclus donc que les articles 6 et 9 du Règlement R-105 contiennent une disposition qui inverse la charge de la preuve en imposant à l’accusé la charge ultime de prouver qu’il n’est pas entré dans le métro (ou monté dans un autobus) sans payer.
[Le soulignement est ajouté]
[37] Après avoir référé aux principes formulés par la Cour suprême dans les arrêts R. c. Oakes[4] et R. c. St-Onge Lamoureux[5], le juge d’instance résume sa conclusion :
[82] Premièrement, ces dispositions permettent la déclaration de culpabilité alors qu’il y a un doute raisonnable. En fait, même un tribunal convaincu que le défendeur a payé son passage ne pourra l’acquitter à partir du moment où il est établi que le défendeur n’avait pas le « support conforme » en sa possession lorsque sommé de le produire par un agent.
[83] Deuxièmement, ces dispositions déchargent le ministère public de son obligation de présenter une preuve complète contre l’accusé avant que celui-ci n’ait besoin de répondre. Elles obligent le défendeur à présenter sa preuve avant le poursuivant. En fait, le défendeur doit présenter sa preuve avant même d’aller à la cour (en la présentant à l’agent qui l’interpelle).
[84] Troisièmement, ces dispositions font en sorte que les poursuites ne se déroulent pas d'une manière conforme aux procédures légales et à l'équité, parce qu’elles enlèvent aux défendeurs toute possibilité de faire une défense par le biais des moyens de preuve normalement reconnus, comme la preuve testimoniale et la preuve circonstancielle. Même un reçu pour le paiement d’un billet ne pourrait pas satisfaire à l’exigence créée par le Règlement.
[38] Le juge d’instance analyse ensuite la question de la violation de la garantie contre les détentions arbitraires.
C - Détention arbitraire
[39] Le juge d’instance examine d’abord la question de la détention au sens de l’article 9 de la Charte.
[40] Il écrit :
[93] Une obligation prévue expressément par une loi et qui confère à un agent le pouvoir d’exiger d’un citoyen une action positive, telle que lui remettre un document ou une pièce d’identité, fait en sorte que l’interpellation par l’agent cause une détention psychologique.
[94] Selon le cadre légal prévu aux articles 6 et 9 du Règlement R-105, l’usager est légalement tenu d’obtempérer à la directive du préposé de la STM. L’article 9, s’applique « en tout temps, à bord d’un autobus, d’un wagon de métro » ou « à tout endroit d’une zone de contrôle d’une station » (al. 1). De plus, l’article 9 impose un devoir à l’usager de « permettre à un préposé de vérifier s’il a acquitté son droit de passage conformément à la tarification et à la réglementation en vigueur ainsi que la validité du titre et la conformité du support utilisé » (al. 2). Ce devoir est accompli en présentant « le support conforme faisant preuve de cet acquittement » (art. 6).
[95] L’usager qui se fait interpeller par un préposé de la STM aux fins de l’art. 6 est tenu, à tout moment, d’obtempérer à une demande ou à une sommation. Le préposé exerce alors un contrôle sur l’usager et restreint son droit à la liberté.
[41] Ayant conclu que le Règlement autorise une détention au sens de l’article 9 de la Charte, le juge d’instance détermine s’il s’agit d’une détention arbitraire.
[42] Selon lui, la détention autorisée par le Règlement constitue une interpellation aléatoire arbitraire :
[108] En l’espèce, les interpellations faites par les inspecteurs de la STM étaient complètement aléatoires et constituaient l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire absolu. La STM n’a fait preuve d’aucun critère de sélection utilisé par ses inspecteurs pour interpeller un usager afin de lui demander de faire la preuve du paiement de son titre de transport.
[109] La STM plaide que lorsqu’un usager entre dans le système de transport de la STM, il entre volontairement dans une zone d’activité réglementée. Il sait donc que pendant la période où il est sur les lieux de la STM, il est soumis aux règles qui gouvernent cette zone.
[110] Cet argument suggère implicitement que l’usager accepte les conditions d’utilisation du réseau de la STM parce qu’il entre volontairement sur les lieux appartenant à la STM ou parce qu’il choisit librement de participer à une activité réglementée.
[111] Cette comparaison à une activité réglementée est boiteuse, parce que contrairement à la personne qui choisit de s’engager dans une activité industrielle ou commerciale, l’usager du transport en commun ne tire aucun profit monétaire de son activité. Et contrairement à la chasse ou la pêche, le déplacement en métro ou en autobus de la STM n’est pas une activité de loisir. La réalité du transport en commun est qu’il s’agit d’un service public essentiel qui appartient à tous et dont l’utilisation est un droit. Le paiement du tarif n’est qu’une façon de financer le service et de répartir ce financement équitablement entre les usagers en fonction de leur utilisation. Mais l’utilisation de ce service reste un droit et le quai du métro reste un espace public qui appartient à tous.
[112] Il ne faut pas comparer le quai du métro à une propriété privée que le propriétaire peut gérer à sa guise. Il ne faut pas non plus le comparer à un immeuble à bureaux de la fonction publique où l’accès peut de façon légitime être limité aux fonctionnaires qui y travaillent.
[113] Moyennant le paiement du droit au moment de son entrée, et dans la mesure qu’il respecte les règles de sécurité et ne dérange pas les autres, l’usager du métro a le droit d’être sur le quai et à tout endroit appelé « zone de contrôle » sans craindre d’être « contrôlé » ou appelé à justifier sa présence. L’usager du métro ou d’un autobus a les mêmes droits que toute personne sur un espace public et cela comprend le droit de ne pas être interpellé sans raison par un agent de l’État, en uniforme ou non, qui exige qu’il produise des papiers. Ce genre de contrôle par un agent de l’État est contraire à nos traditions de liberté publique et évoque des mauvais souvenirs d’autres pays au siècle dernier. Il ne doit pas être toléré lorsqu’il existe d’autres moyens, moins répugnants, pour atteindre le même objectif.
[114] Pour ces raisons, le Tribunal conclut que l’interpellation des défendeurs-requérants par les inspecteurs de la STM constituait une détention arbitraire qui portait atteinte à l’article 9 de la Charte. Puisque ces actions étaient autorisées par l’article 9 du Règlement R-105, le Tribunal conclut que l’article 9 du Règlement R-105 porte atteinte à l’article 9 de la Charte.
[Le soulignement est ajouté]
1) Objectif suffisamment important
[43] Le juge d’instance estime que la preuve d’un objectif suffisamment important n’a pas été présentée. Il se livre à une analyse minutieuse de la preuve présentée à cet égard.
[44] Au sujet de l’objectif visant à contrer la fraude, il constate l’absence d’une preuve de la « diminution des fraudes après l’implantation du nouveau système ». De plus, il estime que le contrôle a posteriori des titres de transport ne s’avère pas répandu sauf sur une partie du réseau de transport en commun de la ville de Paris.
[45] Même s’il reconnait que la fraude constitue un problème important, notamment celle commise par les employés, il considère que la pérennité du service de transport ne se trouve pas menacée par celle-ci :
[170] Par conséquent, la « fraude » invoquée par la STM pour justifier les articles 6 et 9 de son Règlement est essentiellement une perte d'argent causée par l'incurie de ses propres employés — quand ce n'est pas carrément des vols commis par ses employés!
[171] Le Tribunal en tire la conclusion que le projet de contrôles a posteriori avait comme principal objectif d'enlever le travail de contrôle des mains des chauffeurs et des changeurs en qui la STM avait perdu confiance, et de le mettre entre les mains d'agents-inspecteurs qui feraient des interpellations aléatoires des usagers.
[172] Le système de transport en commun représente un service essentiel pour le public. Lutter contre la fraude représente, selon le Tribunal, un objectif important. Mais la preuve n’a pas été faite que la pérennité du service de transport en commun était menacée par la fraude. La preuve n’a pas été faite que la fraude est plus importante aujourd’hui qu’autrefois, ni que les gens sont moins honnêtes qu’autrefois.
[46] Après avoir considéré les arrêts R. c. Hufsky[6] et R. c. Ladouceur[7], il résume ses conclusions en ces termes :
[47] Ainsi, même s’il estime la preuve insuffisante à l’égard d’un objectif suffisamment important, le juge d’instance procède néanmoins à la suite de l’analyse requise sous l’article premier de la Charte.
2) Le moyen choisi pour atteindre l’objectif est-il proportionné?
[48] Le juge d’instance reconnaît que la gestion d’un système de transport vaste et complexe justifie d’évaluer le moyen choisi par la STM avec grande retenue :
[177] Si une règle de droit restreint des droits constitutionnels en raison d’un objectif urgent et réel, il incombe alors de vérifier « que les moyens choisis sont raisonnables et que leur justification peut se démontrer » (Oakes, p. 139). Lors de l’analyse de ce deuxième critère, le Tribunal doit faire preuve d’une « grande retenue » envers le législateur dans l’approche qu’il aura choisi : Saskatchewan (Human Rights Commission) c. Whatcott, 2013 CSC 11, par. 78. Une plus grande retenue est d’ailleurs de mise en présence « d’une mesure réglementaire complexe visant à remédier un problème social » (Hutterian, par. 37).
[178] La STM gère un système de transport en commun vaste et complexe. Les mesures qu’elle adopte pour réglementer l’utilisation de ses services méritent une grande déférence de la part du Tribunal.
3) La restriction a-t-elle un lien rationnel avec l’objectif?
[49] Le juge d’instance reconnaît l’existence d’un lien rationnel entre l’objectif de contrer la fraude de la STM et l’article attentatoire aux droits des utilisateurs :
4) La restriction porte-elle le moins possible atteinte au droit?
[50] Le juge d’instance considère que le moyen choisi ne porte pas minimalement atteinte aux droits constitutionnels des usagers :
[51] Il formule les observations additionnelles suivantes :
[52] Finalement, le juge d’instance détermine si le Règlement s’avère proportionné dans ses effets.
5) Le Règlement est-il proportionné dans ses effets?
[53] Selon le juge d’instance, le Règlement ne satisfait pas à l’exigence de proportionnalité. Voici ce qu’il écrit :
[…]
[206] La notion de proportionnalité présuppose que la peine est proportionnelle à la faute commise. Or, le Règlement ne fait aucune nuance et punit avec la même sévérité sans tenir compte du degré de la faute. La peine pour celui qui paie son passage, mais qui a jeté ou perdu son billet, est la même que pour celui qui ne paie pas du tout (art. 62).
[54] En résumé, le juge d’instance conclut que l’article 6 du Règlement porte atteinte à la présomption d’innocence et que l’article 9 porte atteinte à la protection contre la détention arbitraire. De plus, il considère que ces articles ne peuvent être sauvegardés par l’article premier de la Charte.
[55] L’analyse qui suit considère les questions dans l’ordre adopté par le juge d’instance : 1) les infractions établies par le Règlement, leur qualification et le pouvoir discrétionnaire entourant leur application; 2) les principes d’interprétation constitutionnelle applicables; 3) la violation alléguée de la présomption d’innocence; 4) la violation alléguée de la protection contre les détentions arbitraires, 5) l’article premier de la Charte.
A - Les infractions prévues par les articles 6 et 9 du Règlement
[56] Selon le principe de la légalité, Nullum crimen nulla poena sine lege, « [l]a loi doit […] définir de façon suffisamment claire et précise le comportement réprimé, le sujet de droit à qui est imputée la responsabilité pénale, ainsi que la peine applicable »[8].
[57] Or, il convient de mentionner que la rédaction du Règlement ne constitue pas un modèle de clarté ni de langage clair. Il s’avère peu surprenant que le juge d’instance ait peiné à faire la distinction entre une infraction et une règle de preuve.
1) Les obligations contenues à l’article 6 du Règlement
[58] Le jugement d’instance comporte deux erreurs au sujet des infractions établies par l’article 6 du Règlement.
[59] Premièrement, à sa face même, l’article 6 énonce deux obligations distinctes[9] : l’acquittement du droit de passage et la conservation de la preuve de ce paiement pour fins de vérification ultérieure.
[60] L’omission de respecter l’une ou l’autre de ces obligations constitue une infraction distincte punissable selon l’article 62 du Règlement.
[61] Deuxièmement, selon l’article 9, l’usager doit démontrer qu’il a acquitté son droit de passage en permettant à un préposé de la STM d’effectuer une vérification.
[62] L’omission de permettre la vérification de la possession d’un titre de transport valide constitue une forme d’entrave, selon l’article 65 du Règlement ou selon l’article 146 de la Loi sur les sociétés de transport en commun[10].
2) La qualification des infractions
[63] Le juge d’instance erre lorsqu’il assimile l’infraction prévue à l’article 6 du Règlement à une forme musclée de responsabilité absolue :
[74] Ce nouveau régime créé par les articles 6 et 9 du Règlement, on pourrait être tenté de le qualifier de « responsabilité absolue ». Mais ce serait une erreur de le qualifier ainsi, car ce régime va encore plus loin que la responsabilité absolue. La responsabilité absolue existe lorsque la preuve de l’acte prohibé (l’actus reus) entraîne automatiquement une déclaration de culpabilité, sans qu’il ne soit possible de se défendre en prouvant sa bonne foi ou sa diligence raisonnable. Mais les articles 6 et 9 du Règlement vont encore plus loin. Ils dispensent la STM de l’obligation de prouver l’acte prohibé (le non-paiement du prix du passage) et empêchent le défendeur de faire la preuve qu’il a payé. Les défendeurs-requérants ont raison de dire que l’article 6 crée une présomption irréfragable de culpabilité.
[64] D’une part, le juge d’instance affirme, à tort, que le régime établi par le Règlement va plus loin que la responsabilité absolue.
[65] En faisant cette affirmation, il néglige la présomption d’interprétation en faveur de la responsabilité stricte. Or, la création d'une infraction de responsabilité absolue exige que l'intention du législateur soit clairement exprimée par l'utilisation de termes précis[11].
[66] Il est vrai que les circonstances ou explications pouvant être considérées comme établissant la diligence raisonnable seront peu nombreuses à l’égard des infractions prévues au Règlement. Toutefois, cela ne change en rien la qualification de ces infractions.
[67] D’autre part, l’interprétation retenue par le juge quant à l’existence d’une seule infraction l’amène à affirmer que le défendeur ne peut invoquer le paiement de son droit de passage pour se défendre.
[68] Cependant, s’il ne possède pas, sous une forme ou une autre, la preuve du paiement de son droit de passage, le défendeur peut invoquer sa diligence raisonnable, et, le cas échéant, expliquer pourquoi il ne se trouve plus en possession de celle-ci.
[69] Bien qu’il soit vrai qu’il ne peut invoquer le paiement à l’égard d’une infraction distincte résultant d’une obligation distincte, cela ne fait pas en sorte qu’il est sans défense.
[70] Dans l'évaluation de la diligence raisonnable, la conduite du défendeur s'apprécie à l'égard de l'infraction commise, la non-possession d’un titre de transport valide, et des gestes posés afin d’éviter la commission de cette infraction et non une infraction distincte[12].
[71] Contrairement à la conclusion du juge d’instance[13], l’usager qui démontre sa diligence raisonnable afin de conserver son titre de transport ne sera pas automatiquement condamné.
[72] Toutefois, l’ignorance de la règle qui impose la conservation de la preuve du paiement du droit de passage ne constitue pas un moyen de défense selon une règle fermement établie dans notre système de justice criminelle et pénale[14].
[73] Avec respect, le juge d’instance confond la nature des infractions et les défenses admissibles. Il établit des liens ou une correspondance entre des infractions qui s’avèrent fondamentalement distinctes. Le Règlement ne prévoit pas la preuve d’un fait substitué afin d’établir l’existence d’un élément essentiel distinct ou différent[15].
3) Le pouvoir discrétionnaire des préposés de la STM
[74] Le pouvoir discrétionnaire quant à la nature de l’infraction pouvant être portée par les préposés ou inspecteurs de la STM ne peut faire l’objet de critique.
[75] Dans l’arrêt Goodwin c. Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles)[16], la juge Karakatsanis réfère au pouvoir discrétionnaire des policiers dans la détermination du caractère véritable du régime d’interdiction automatique de conduire (RIAC) de la Colombie-Britannique dans le cadre d’une analyse du partage des compétences.
[76] Elle écrit ceci :
[28] Comme l'a signalé le juge en chambre, le fait que la police tend à appliquer le RIAC provincial plutôt que le droit criminel est certainement un facteur à prendre en compte dans l'analyse du caractère véritable. Or, ce facteur n'est pas déterminant. Comme l'a relevé la Cour dans l'arrêt Dedman c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 2, les devoirs qu'a la police selon la common law comprennent la protection de la vie des personnes et des biens et "l'obligation de surveiller la circulation sur les routes" (p. 12). Les policiers sont chargés d'appliquer le droit criminel et de maintenir la sécurité sur les routes en appliquant les lois provinciales en matière de sécurité routière. Le fait qu'ils exercent leur pouvoir discrétionnaire d'appliquer une de ces lois plutôt qu'une autre est conforme au pouvoir discrétionnaire de la police en général. Ce pouvoir discrétionnaire est essentiel puisqu'il permet aux policiers d'appliquer le droit aux situations concrètes de manière équitable : R. c. Beaudry, 2007 CSC 5, [2007] 1 R.C.S. 190, par. 3. Un texte de loi provincial qui permet aux policiers de prendre la décision discrétionnaire d'appliquer soit le Code criminel, soit la MVA dans une situation particulière n'en est pas un qui "port[e] [...] atteinte à l'application du Code criminel" : voir Chatterjee, par. 40.
[Le soulignement est ajouté]
[77] L’arrêt Goodwin reconnait que les policiers peuvent exercer leur pouvoir discrétionnaire de procéder selon la législation provinciale en matière de sécurité routière ou selon le Code criminel[17]. Les préposés de la STM peuvent donc certainement choisir l’infraction règlementaire appropriée dans l’application du Règlement.
[78] Ainsi, ils peuvent choisir l’infraction qui sera portée contre le défendeur, soit le non-paiement du droit de passage, soit l’omission de conserver la preuve de paiement.
[79] Précisons toutefois, comme le rappelle la juge Charron dans l’arrêt R. c. Beaudry, qu’une « décision fondée sur le favoritisme ou sur des stéréotypes culturels, sociaux ou raciaux ne peut constituer un exercice légitime de la discrétion policière »[18].
[80] Comme le suggèrent les auteurs d’un article de doctrine à l’égard du pouvoir de détention pour fins d’enquête[19], il existe « un risque que la détention pour enquête serve de prétexte à une forme de contrôle social par les agents de l'État, particulièrement envers certains individus plus marginaux ou certains segments de la population »[20].
[81] Un danger similaire guette la vérification aléatoire autorisée par le Règlement.
[82] Toutefois, le péril constitutionnel d’une intervention fondée sur des préoccupations illégitimes[21] ne justifie pas de remettre en question le pouvoir discrétionnaire des inspecteurs de la STM de choisir l’infraction qui fera l’objet d’un constat d’infraction.
B - Principes d’interprétation des droits constitutionnels
[83] Les questions qui doivent être résolues dans ce pourvoi méritent un bref rappel des principes applicables à l’interprétation des droits constitutionnels garantis par la Charte, comme la présomption d’innocence et la protection contre les détentions arbitraires.
[84] Voici le résumé proposé par la juge en chef McLachlin dans l’arrêt R. c. Grant[22] :
[15] Comme chaque fois qu’il s’agit d’analyser une disposition constitutionnelle, il faut tout d’abord se pencher sur son libellé, dont l’interprétation, si elle n’est pas manifeste, doit être tirée par suite de l’application d’une méthode téléologique, libérale et contextuelle.
[16] L’interprétation de garanties constitutionnelles comme celles énoncées aux art. 9 et 10 « doit être libérale plutôt que formaliste » et doit « viser à réaliser l’objet de la garantie et à assurer que les citoyens bénéficient pleinement de la protection accordée par la Charte » (R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295, p. 344). Il faut éviter les méthodes d’interprétation de la Charte trop étroites ou formalistes, car elles sont « susceptible[s] de contrecarrer l’objectif qui est d’assurer aux titulaires de droits l’entier bénéfice et la pleine protection de la Charte » (Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), 2003 CSC 62, [2003] 3 R.C.S. 3, par. 23).
[17] Bien que les principes d’interprétation téléologique et d’interprétation libérale soient apparentés et même parfois confondus, ils ne sont pas identiques. L’objet du droit doit demeurer la principale préoccupation; la libéralité de l’interprétation est restreinte par cet objet et elle y est subordonnée (P. W. Hogg, Constitutional Law of Canada (5e éd. suppl.), vol. 2, p. 36-30 et 36-31). Si une interprétation étroite risque d’appauvrir un droit garanti par la Charte, une interprétation trop libérale risque d’étendre la garantie au-delà de l’objet visé. Bref, il faut interpréter le texte des art. 9 et 10 d’une façon libérale qui permette la réalisation de son objet sans en excéder la portée : Big M Drug Mart, p. 344.
[18] Pour interpréter le mot « détention » qui figure aux art. 9 et 10 de façon non seulement libérale, mais également téléologique, il faut en examiner le contexte, c’est-à-dire le rôle par rapport aux protections connexes garanties par la Charte.
[Le soulignement est ajouté]
[85] Ces principes d’interprétation doivent être complétés et enrichis par la méthode d’interprétation contextuelle adoptée par la Cour suprême.
[86] Voici la description qu’en donne le juge Cory dans l’arrêt R. c. Wholesale Travel Group[23] :
Il est désormais clair que la Charte doit être interprétée en fonction du contexte dans lequel une revendication prend naissance. Le contexte est important à la fois pour délimiter la signification et la portée des droits garantis par la Charte et pour déterminer l'équilibre qu'il faut établir entre les droits individuels et les intérêts de la société.
Il est particulièrement approprié en l'espèce d'utiliser la méthode contextuelle afin de tenir compte de la nature réglementaire de l'infraction et de sa présence dans un régime plus global de dispositions législatives visant à assurer le bien-être public. Cette méthode exige qu'on examine les droits revendiqués par l'appelante en tenant compte du cadre réglementaire dans lequel se situe la demande, tout en reconnaissant qu'un droit garanti par la Charte peut avoir dans un cadre réglementaire une portée et une incidence différentes de celles qu'ils auraient dans un contexte criminel à proprement dit.
Suivant la méthode contextuelle, les normes constitutionnelles élaborées dans le contexte criminel ne peuvent être automatiquement appliquées aux infractions réglementaires. La portée du droit garanti par la Charte doit plutôt être déterminée seulement au moyen d'un examen de tous les éléments pertinents, et en fonction des différences essentielles entre les deux catégories d'activités prohibées. Telle a été la méthode adoptée dans l'arrêt Thomson Newspapers Ltd., précité, où le juge La Forest a insisté sur l'importance de la nature réglementaire de la loi pour déterminer la portée de l'art. 8 de la Charte au regard de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, S.R.C. 1970, ch. C-23[24].
[Le soulignement est ajouté]
[87] La Cour suprême applique la méthode d’interprétation contextuelle dans plusieurs décisions interprétant la Charte[25].
[88] Dans l’arrêt Wilson c. Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles), le juge Moldaver confirme cette approche de même que la nécessaire distinction entre les exigences applicables en droit criminel et en droit règlementaire:
[33] En outre, il est reconnu depuis longtemps qu’une loi de nature réglementaire comme la MVA se distingue d’une loi de nature criminelle dans la manière dont elle met en balance les libertés individuelles et la protection du public. Dans une loi de nature réglementaire, on accorde souvent plus de poids à l’intérêt public. Dans R. c. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154, p. 219, la Cour a conclu :
La législation réglementaire implique que la protection des intérêts publics et sociaux passe avant celle des intérêts individuels et avant la dissuasion et la sanction d’actes comportant une faute morale. Alors que les infractions criminelles sont habituellement conçues afin de condamner et de punir une conduite antérieure répréhensible en soi, les mesures réglementaires visent généralement à prévenir un préjudice futur par l’application de normes minimales de conduite et de prudence[26].
[89] Comme l’explique le juge LaForest dans l’arrêt Comité paritaire de l'industrie de la chemise c. Potash[27], les inspections et les vérifications administratives de routine existent dans le but principal d’assurer le respect des lois de nature règlementaire même si elles peuvent donner lieu à des poursuites pénales :
On ne saurait donc appliquer, sans autre qualification, les garanties strictes énoncées dans l'arrêt Hunter c. Southam Inc., précité, qui ont été élaborées dans un contexte fort différent. L'inspection a pour objectif fondamental la vérification du respect d'une loi réglementaire; elle s'accompagne souvent d'une dimension informative destinée à promouvoir les intérêts des personnes en faveur desquelles la loi a été édictée. L'exercice des pouvoirs d'inspection n'entraîne pas les stigmates qui sont normalement associés aux enquêtes de nature criminelle et leurs conséquences sont moins draconiennes. Si les lois réglementaires sont accessoirement assorties d'infractions, elles sont principalement édictées dans le but d'en inciter le respect. Il se peut que dans le cadre de leur inspection, les personnes chargées de l'application d'une loi découvrent des indices qui en laissent soupçonner la violation. Mais cette éventualité n'altère pas l'intention fondamentale qui anime l'exercice des pouvoirs d'inspection. Il en est ainsi lorsque leur mise en œuvre est motivée par une plainte. Une telle hypothèse détonne certes avec l'aspect routinier qui caractérise l'inspection. Toutefois, un système de plaintes est souvent envisagé par le législateur lui-même, car il constitue un moyen pragmatique non seulement de vérifier les manquements à la loi, mais également d'en dissuader la survenance[28].
[Le soulignement est ajouté]
[90] L’objet des infractions règlementaires est « fondamentalement pragmatique ou instrumental : la raison d’être de ces infractions « n’est pas de sanctionner une conduite criminelle, mais d’imposer le respect de la Loi » »[29].
[91] Ayant défini la nature des infractions établies par les articles 6 et 9 du Règlement de même que les principes d’interprétation constitutionnels applicables, il convient maintenant de considérer si le Règlement viole la protection accordée à la présomption d’innocence et contre les détentions arbitraires.
C - La présomption d’innocence
[92] Le juge d’instance voit une violation du droit à la présomption d’innocence dans l’obligation qui incombe à l’usager de produire son titre de transport pour fins de vérification.
[93] D’une part, il considère que le Règlement « inverse la charge de la preuve en imposant à l’accusé la charge ultime de prouver qu’il n’est pas entré dans le métro (ou monté dans un autobus) sans payer »[30].
[94] D’autre part, selon lui, les décisions de la Cour suprême dans les arrêts R. c. Wholesale Travel Group Inc.[31], R. c. Martin[32] et R. c. Ellis-Don Ltd.[33] posent l’exigence d’une justification sous l’article premier de la Charte de chaque disposition règlementaire qui impose un renversement du fardeau de la preuve[34].
1) Le renversement du fardeau de la preuve
[95] La protection constitutionnelle accordée à la présomption d’innocence est vaste[35]. Elle « anime toutes les composantes du processus de justice pénale »[36]. Elle s’applique aussi à une étape préalable au procès, notamment à l’égard de la mise en liberté[37].
[96] Cela dit, l’obligation de produire la preuve du paiement du droit de passage ne constitue pas une violation du droit à la présomption d’innocence.
[97] L’arrêt R. c. Schwartz[38] fournit une réponse complète à cet aspect de la contestation des défendeurs.
[98] Dans cette affaire, la Cour suprême devait déterminer si l’obligation alors contenue au paragraphe 106.7(1) du Code criminel [maintenant l’article 117.11 C.cr.], qui exige la preuve qu’une personne est titulaire du permis ou du certificat relatif à une arme à feu, constitue une violation de la présomption d’innocence.
[99] Le juge McIntyre écrit :
J'estime cependant que ces principes ne sont d'aucun secours à l'appelant en l'espèce. Malgré les termes qu'il emploie, le par. 106.7(1) n'impose pas la charge de la preuve à l'accusé. Le titulaire d'un certificat d'enregistrement ne peut être déclaré coupable aux termes du par. 89(1). Il n'a pas à prouver l'existence ou l'inexistence d'un élément de l'infraction ni même quoi que ce soit qui a trait à cette infraction. Tout au plus, il peut être tenu de démontrer par la production du certificat que le par. 89(1) ne s'applique pas à elle et qu'elle est exemptée à l'application de ses dispositions. L'article 106.7, loin de renverser la charge de la preuve, prévoit à son par. (2) qu'un document donné comme étant un certificat d'enregistrement valide est une preuve et, donc, constitue une preuve prima facie des déclarations qui y sont contenues et, en l'espèce, une preuve concluante au sens du par. 24(1) de la Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. I-23, dont voici le texte:
24. (1) Quand un texte législatif déclare qu'un document constitue la preuve d'un fait sans qu'il y ait, dans le contexte, une indication que le document est une preuve concluante, ce dernier est recevable comme preuve dans toutes procédures judiciaires et le fait est alors réputé établi en l'absence de toute preuve contraire.
Comme l'affirme le juge Hart dans l'arrêt R. v. Conrad (1983), 8 C.C.C. (3d) 482 (C.A.N.-É.), à la p. 487, à propos d'une accusation portée en vertu de l'art. 87 du Code criminel :
[TRADUCTION] Le crime consiste à porter une arme dissimulée et quiconque le fait se rend coupable de l'infraction. Cette interdiction ne s'applique toutefois pas à certaines personnes si elles établissent devant le tribunal leur droit à l'exemption. À mon avis, l'exigence qui leur est imposée de démontrer qu'elles jouissent du privilège de posséder et de porter une arme à autorisation restreinte ne porte nullement atteinte à leur droit d'être présumées innocentes. L'existence de leur privilège n'est pas un fait dont le ministère public doit prouver la fausseté hors de tout doute raisonnable en établissant la perpétration de l'infraction reprochée. L'article 87 et le par. 106.7(1) du Code criminel, pris ensemble, ne font naître aucune présomption de culpabilité. Il ne s'agit pas d'une situation où une personne est réputée coupable d'une infraction, à moins qu'elle ne prouve son innocence. De fait, elle est réputée non coupable d'une infraction à l'art. 87 si elle détient un permis qui lui fait bénéficier d'une exemption. Il lui incombe toutefois d'établir qu'elle relève de l'exemption qui lui a été accordée. [Je souligne.]
Bien que l'accusé doive établir qu'il relève de l'exemption, il n'y a aucun danger qu'il soit déclaré coupable aux termes du par. 89(1), malgré l'existence d'un doute raisonnable quant à sa culpabilité, parce que la production du certificat dissipe tous les doutes d'une manière qui est favorable à l'accusé et qu'à défaut du certificat il n'existe pas de moyen de défense dès que la possession a été démontrée. Dans ce cas, comme le seul élément de preuve pertinent est le certificat lui-même, on ne peut dire que l'accusé pourrait apporter une preuve suffisante pour soulever des doutes sans en même temps établir de façon concluante que le certificat a été délivré. La théorie sous-jacente à tout système de permis est que, lorsque la possession d'un permis est en question, c'est l'accusé qui est le mieux placé pour résoudre cette question. Autrement, la délivrance du certificat ou du permis ne servirait à rien. Non seulement l'accusé est raisonnablement en mesure de prouver qu'il détient un permis (voir R. c. Shelley, [1981] 2 R.C.S. 196, à la p. 200, motifs du juge en chef Laskin), mais c'est ce qu'on attend qu'il fasse[39].
[Le soulignement est ajouté sauf dans l’extrait de l’arrêt Conrad]
[100] Bien que le Règlement ne mette pas en œuvre un système de permis dans le sens usuel du terme, son effet s’y apparente.
[101] En effet, tout comme un permis, le titre de transport valide que l’usager doit produire à la demande d’un préposé de la STM résout définitivement toute question quant au paiement du droit de passage par l’usager.
[102] La preuve de la possession d’un titre de transport valide constitue une exception, exemption, excuse, ou justification prévue par la loi au sens de l’article 64 du Code de procédure pénale, dont la preuve incombe au défendeur[40].
[103] Le Règlement ne viole pas la présomption d’innocence.
[104] Le juge d’instance considère que l’infraction établie par l’article 6 du Règlement constitue une infraction de responsabilité absolue.
[105] Selon lui, tout renversement de fardeau exigeant la preuve de la diligence raisonnable d’un accusé inculpé d’une infraction de responsabilité stricte, doit faire l’objet d’une justification autonome et indépendante sous l’article premier de la Charte[41].
[106] Bien que le juge commette une erreur lorsqu’il qualifie de responsabilité absolue la seule infraction qu’il identifie à l’art. 6, il faut néanmoins considérer, en fonction l’interprétation appropriée (voir les paragraphes 58-62 du présent jugement) si les infractions de responsabilité stricte établies par l’art. 6 du Règlement doivent faire l’objet d’une justification indépendante sous l’article premier de la Charte.
[107] L’approche adoptée par le juge soulève la question de savoir si toutes les infractions de responsabilité stricte doivent satisfaire les exigences de l’article premier de la Charte.
[108] Une réponse négative s’impose, car le régime de responsabilité stricte s’est vu graduellement constitutionnalisé par la Cour suprême.
[109] Dans l’arrêt Wholesale Travel Group, le juge Cory affirme « qu'en ce qui concerne les infractions réglementaires, la preuve de la négligence satisfait à l'exigence en matière de faute posée par l'art. 7 »[42]. Il ajoute que « les exigences de l'art. 7 seront remplies dans le contexte réglementaire lorsque la responsabilité est imputée relativement à une conduite qui viole la norme de diligence raisonnable requise des personnes qui exercent des activités dans le domaine réglementé »[43].
[110] Selon l’approche du juge Cory, la responsabilité stricte ne porte pas atteinte aux exigences des articles 7 et 11 d) de la Charte. À cet égard, seule la juge L’Heureux-Dubé souscrit à ces motifs, l’ensemble des autres juges étant d’avis qu’un tel renversement de fardeau contrevient à l’article 11 d).
[111] Toutefois, le juge Iacobucci (au nom des juges Gonthier et Stevenson) adopte les justifications formulées par le juge Cory, mais, dans le cadre de l’analyse à laquelle il se livre sous l’article 1. Il écrit d’abord ce qui suit :
[…] Je partage également l'opinion du juge en chef Lamer selon laquelle l'inversion de la charge obligeant l'accusé à prouver sa diligence selon la prépondérance des probabilités (au moyen des mots "elle prouve que" figurant au par. 37.3(2) de la Loi sur la concurrence) porte atteinte à l'al. 11d) de la Charte. Toutefois, pour bon nombre des motifs exposés par le juge Cory dans le cadre de son analyse fondée sur l'al. 11d), j'arrive à une conclusion différente de celle du juge en chef Lamer sur la question de savoir si une telle restriction constitue une limite qui est raisonnable et dont la justification peut se démontrer en vertu de l'article premier de la Charte[44].
[Le soulignement est ajouté]
[112] Il explique par la suite pourquoi il adopte les motifs du juge Cory sous l’article 1 :
Quant à la dernière exigence de l'analyse faite dans l'arrêt Oakes, en toute déférence, je ne puis souscrire aux conclusions du juge en chef Lamer. Ainsi que le fait remarquer le juge Cory dans ses motifs, l'activité réglementée et les infractions contre le bien-être public sont des éléments fondamentaux dans la société canadienne. Ceux qui choisissent de participer à des activités réglementées doivent être considérés comme ayant accepté les responsabilités qui en découlent et leur application en droit pénal. L'une de ces conséquences est qu'ils devraient être tenus responsables du tort qui peut résulter de leur manque de diligence. À moins qu'ils ne puissent prouver la diligence selon la prépondérance des probabilités, ils seront reconnus coupables et, dans certains cas, ils risquent l'emprisonnement. Ce sont eux qui sont le plus en mesure de prouver la diligence étant donné que, dans la plupart des cas, ils sont en possession des renseignements requis. Vus dans ce contexte, et compte tenu de l'importance fondamentale de l'objectif du législateur et du fait que le moyen choisi porte le moins possible atteinte au droit garanti par l'al. 11d), les effets de l'inversion de la charge sur la présomption d'innocence sont proportionnels à l'objectif.
Ayant déterminé que l'inversion de la charge obligeant l'accusé à prouver sa diligence selon la prépondérance des probabilités (au moyen des mots "elle prouve que" figurant au par. 37.3(2)[45]. de la Loi sur la concurrence) satisfait aux quatre exigences de l'analyse faite dans l'arrêt Oakes, je conclus que cette inversion est sauvegardée en vertu de l'article premier de la Charte parce qu'elle constitue une limite raisonnable dans le cadre d'une société libre et démocratique. Je suis donc d'avis de trancher les pourvois de la façon proposée par le juge Cory
[Le soulignement est ajouté]
[113] Ainsi, la position majoritaire de cinq juges dans l’arrêt Wholesale Travel Group consacre le régime de responsabilité stricte et la constitutionnalisation de l’imposition du fardeau de l’accusé de prouver sa diligence raisonnable.
[114] Quelques mois plus tard, dans de courts jugements, R. c. Ellis-Don Ltd.[46] et R. c. Martin[47], la Cour suprême confirme cette position.
[115] Peu de temps après ces décisions, la Cour suprême dissipe tout doute au sujet de la portée de l’arrêt Wholesale Travel Group dans l’arrêt R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society[48].
[116] Dans cette décision, le juge Gonthier écrit qu’il « ressort des motifs de notre Cour dans l'arrêt R. c. Wholesale Travel Group Inc., […], qu'une exigence minimale en matière de faute relativement à toute infraction pénale ou réglementaire satisfait aux exigences de l'art. 7 »[49]. Il réfère alors à l’opinion du juge Cory qui accepte la suffisance de la négligence en matière règlementaire.
[117] Dans l’arrêt Ontario c. Canadien Pacifique Ltée[50], le juge Gonthier, appelé à trancher la contestation constitutionnelle d’une réglementation environnementale pour cause d’imprécision, conclut, en s’appuyant sur la méthode contextuelle décrite par le juge Cory dans l’arrêt Wholesale Travel Group, « que les infractions réglementaires sont assujetties à une norme moins sévère d'examen fondé sur la Charte »[51].
[118] Finalement, comme l’explique le juge LeBel dans l’arrêt Lévis (Ville) c. Tétreault[52], la classification établie sous l’arrêt Sault-Ste-Marie « reposait alors sous une présomption d’interprétation »[53], mais « [l]’évolution constitutionnelle, depuis l’entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits et libertés, a consolidé ses fondements juridiques »[54].
[119] Ce panorama confirme la conclusion que l’analyse de la Cour suprême sous la Charte consacre et constitutionnalise le régime de responsabilité stricte.
[120] La doctrine adopte cette interprétation.
[121] Dans un article intitulé La constitutionnalisation de la mens rea et l’émergence d’une nouvelle théorie de la responsabilité pénale[55], la professeure Anne-Marie Boisvert souligne la difficulté de déterminer la portée de l’arrêt Wholesale Travel Group en raison du fait qu’aucun motif majoritaire ne le soutient.
[122] Cela dit, elle constate que cette décision consacre « la validité constitutionnelle du régime de responsabilité stricte mis en place dans l’arrêt Sault-Ste-Marie »[56] et confirme « la suffisance de la négligence comme fondement de la culpabilité en matière réglementaire »[57]. À son avis, l’arrêt postérieur rendu dans R. c. Ellis-Don Inc. « traduit la portée générale de l’arrêt Wholesale Travel Group en matière réglementaire »[58].
[123] Les auteurs de l’ouvrage Criminal Law, Fifth Edition[59], partagent l’analyse de la professeure Boisvert.
[124] À leur avis, il aurait été préférable pour la Cour suprême d’adopter une approche différente. Ils réfèrent à celle suggérée par le juge Iacobucci dans l’arrêt Wholesale Travel Group selon laquelle « la nature particulière de la loi et de l'infraction en question [doit être considérée] au moment d'appliquer l'article premier de la Charte »[60].
[125] Une telle méthode d’analyse s’avère similaire au point de vue adopté par le juge d’instance dans la présente affaire[61].
[126] Toutefois, voici ce qu’écrivent les auteurs :
One would have hoped that the courts would at least consider approaching each offence on its own merits, and determining whether imposing the burden of proof. Nonetheless, this is not the path that has been taken and strict liability offences are now automatically treated as reversing the normal burden of proof[62].
[Le soulignement est ajouté]
[127] Une telle approche aurait exigé une analyse indépendante de chaque infraction réglementaire de responsabilité stricte au moment de l’analyse justificative requise par l’article premier de la Charte.
[128] Or, reconnaissent les auteurs, les décisions rendues dans les arrêts Ellis-Don et Martin s’opposent à une telle démarche analytique :
[T]he rulings can only be explained on the basis that the Court is not likely to pay any attention to the contextual differences, purposes and effects of different types of regulatory laws. Rather, these judgments effectively find that reversal of the burden of proof for any strict liability offence is constitutionally valid. Until the Court signals otherwise, this is the only conclusion one can draw given the very different nature of the offences and their legislative histories[63].
[Le soulignement est ajouté]
[129] Le professeur Roach est le seul auteur qui semble adopter le point de vue du juge d’instance. Dans la sixième édition de son ouvrage Criminal Law, il écrit :
The majority’s judgment in Wholesale Travel Group endorses the functional justifications given in Sault Ste. Marie for requiring the accused to prove the defence of due diligence or lack of negligence. Although it is technically necessary to justify each reverse burden under section 1, the Court has applied the section 1 analysis used in Wholesale Travel Group to other regulatory offences in different contexts[64].
[Le soulignement est ajouté]
[130] L’analyse qui précède confirme que les infractions de responsabilité stricte ne doivent pas faire l’objet d’une justification autonome et indépendante sous l’article premier de la Charte lors de chaque contestation constitutionnelle.
[131] Elles font l’objet d’une reconnaissance et d’une consécration constitutionnelle, et ce, même si, comme dans l’affaire Wholesale Travel Group, elles peuvent entraîner l’emprisonnement.
[132] Puisque les infractions prévues au Règlement constituent des infractions de responsabilité stricte[65], l’exigence imposée à l’usager des services de la STM de présenter un titre de transport valide à un inspecteur qui en fait la demande ne doit pas faire l’objet d’une justification indépendante et autonome sous l’article premier de la Charte.
[133] Les articles 6 et 9 du Règlement ne portent pas atteinte à la présomption d’innocence.
D - La protection contre la détention arbitraire
[134] Le juge d’instance conclut que l’usager à qui on demande la communication ou la production de la preuve du paiement de son droit de passage ou d’un titre de transport valide[66] fait l’objet d’une détention en raison de la contrainte légale qui l’oblige à démontrer qu’il a payé son droit de passage et à permettre à un préposé de la STM de procéder à cette vérification.
[135] La poursuivante fait plutôt valoir, en se fondant sur la décision rendue par la Cour municipale de Montréal dans l’affaire Société de transport de Montréal c Gauthier[67], que la restriction à la liberté de l’usager s’avère mineure et éphémère et qu’elle ne constitue pas une détention au sens de l’article 9 de la Charte.
[136] Dans cette affaire, le juge d’instance écrit :
[162] Après analyse de la preuve et du droit applicable, le Tribunal arrive à la conclusion que l’intervention survenue dans le présent dossier ne constitue pas une détention au sens de l’article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés.
[163] Tout d’abord, l’intervention de l’inspecteur Masse auprès de la défenderesse le 15 juin 2012, n’est en fait qu’une vérification administrative visant à s’assurer du paiement par la défenderesse de son droit de passage et de la validité de son titre de transport. Bien que l’inspecteur soit un représentant d’une entité publique, il n’est pas agent de la paix et n’en possède pas les pouvoirs particulièrement au niveau des pouvoirs d’arrestation. L’inspecteur Masse possède certains pouvoirs dont celui de pouvoir émettre un constat d’infraction s’il constate une contravention à la règlementation de la STM, mais ceux-ci sont limités.
[164] Lorsque l’inspecteur Masse s’est présenté à la fenêtre de la défenderesse le 15 juin 2012, il n’effectuait qu’une vérification administrative. À ce moment, aucune relation de nature contradictoire ne s’était cristallisée. Cette vérification administrative ne comportait aucune contrainte physique ou psychologique considérable. En soi, elle n’entraînait aucune conséquence juridique appréciable pour la défenderesse. Elle était de par sa nature éphémère.
[165] Il est clair, dans l’esprit du Tribunal, qu’avant la constatation d’une contravention à la réglementation de la STM il n’y avait pas de détention au sens de l’article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés.
[166] De plus, dans l’esprit du Tribunal, il n’y avait toujours pas de détention de la défenderesse au sens de l’article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés après que l’inspecteur Masse ait constaté, après avoir vérifié le titre de transport de la défenderesse, que celle-ci était en contravention à la réglementation de la STM pour ne pas avoir payé son droit de passage.
[167] Il faut comprendre que la conséquence de la constatation de la commission d’une infraction par un inspecteur est l’émission d’un constat d’infraction pour manquement au règlement 105 de la STM. L’émission de ce constat d’infraction n’entraîne aucune mesure privative de liberté pour la défenderesse. Les conséquences ne sont que de nature monétaire à savoir : l’imposition d’une amende et de frais. On peut dire que les conséquences juridiques ne sont pas considérables.
[168] Il est vrai que le contrevenant devra en général fournir son nom et son adresse et il devra patienter quelques minutes qu’un constat d’infraction lui soit remis. Le tout se déroulera généralement sur le lieu même de l’infraction. Naturellement, le contrevenant ne pourra quitter les lieux avant d’avoir fourni son identité et que la personne chargée de l’application de la loi ou du règlement ne soit satisfaite qu’il s’agisse bien de l’identité du contrevenant. Dans ce sens, la personne est « détenue » en ce sens qu’elle est retenue ou retardée, mais elle n’est pas détenue au sens de l’article 9, moment où ses droits garantis par l’article 9 et 10 b) de la Charte prennent naissance (tel à titre d’exemple son droit à l’avocat).
[137] L’argument de la poursuivante mérite d’être considéré.
[138] Comme l’explique la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Grant, « [l]a détention constitue une limite au vaste droit à la liberté dont chacun jouit au Canada, droit reconnu par la common law et par l’art. 7 de la Charte, lequel garantit qu’il n’y sera porté atteinte qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale »[68].
[139] Évidemment, on ne peut assimiler à une détention au sens de l’article 9 de la Charte toute entrave anodine ou négligeable, aussi mineure soit-elle[69].
[140] On pourrait aussi considérer que l’interaction entre l’usager et le préposé de la STM ne donne pas lieu à une détention pour des raisons similaires à celles formulées à l’égard des fouilles aux frontières ou dans un contexte d’immigration[70].
[141] Or, le contexte douanier s’avère très particulier en raison de l’intérêt impérieux à préserver la souveraineté nationale et à protéger les frontières. Dans l’arrêt R. c. Kang-Brown[71], le juge Binnie rejette l’analogie boiteuse entre les considérations applicables aux frontières et une gare d’autobus ou une école publique[72].
[142] La décision rendue dans le dossier Gauthier ne constitue pas une réponse satisfaisante à la question posée, car le juge d’instance n’y examine pas l’incidence des obligations légales imposées par le Règlement et l’article 146 de la Loi sur les sociétés de transport en commun.
[143] Cependant, bien que la durée de la vérification envisagée par le Règlement et la détention qui en résulte soient brèves et de courte durée, il est acquis depuis les arrêts R. c. Therens[73] et R. c. Thomsen[74], que l’on considère qu’il « y a détention au sens de l'art. 10 de la Charte lorsqu'un policier ou un autre agent de l'État restreint la liberté d'action d'une personne au moyen d'une sommation ou d'un ordre qui peut entraîner des conséquences sérieuses sur le plan juridique »[75].
[144] Cette approche est confirmée dans l’arrêt R. c. Grant[76] :
[34] À une extrémité de l’éventail des possibilités, la détention coïncide avec l’arrestation ou l’emprisonnement, et il est évident que la Charte s’applique. De la même façon, lorsqu’il existe une obligation légale d’obtempérer à une sommation ou à un ordre de la police, par exemple pour fournir un échantillon d’haleine, il y a manifestement détention au sens où il faut l’entendre pour l’application de l’art. 9. Comme le juge Le Dain l’a signalé dans Therens, « [i]l est irréaliste de dire d’une personne qui est passible d’arrestation et de poursuites pour refus d’obtempérer à une sommation faite par un agent de la paix dans l’exercice du pouvoir que lui confère la loi, qu’elle est libre de refuser d’obtempérer à cette sommation » (p. 643)[77].
[Le soulignement est ajouté]
[145] La vérification du paiement du droit de passage ou de la possession d’un titre de transport valide et la contrainte à produire un document qui en résulte restreint la liberté[78] de l’usager en raison d’une sommation ou d’un ordre qui peut donner lieu, en cas de refus, à une accusation pénale selon l’article 65 du Règlement ou selon l’article 146 de la Loi sur les sociétés de transport en commun[79].
[146] La conclusion du juge d’instance que les obligations contenues au Règlement donnent lieu à une détention au sens de l’article 9 de la Charte doit être confirmée.
[147] Une précision s’avère nécessaire au sujet de l’exercice du droit à l’avocat en raison de la conclusion que l’usager doit être considéré comme détenu. Bien que cela ne soit pas indispensable aux fins du présent pourvoi, il apparait essentiel d’éviter toute ambiguïté à cet égard.
[148] En effet, il s’avère prudent de préciser, pour les fins de l’application future du Règlement par les préposés de la STM, que, tout comme dans l’arrêt R. c. Orbanski[80], la vérification brève autorisée par le Règlement s’avère incompatible avec l’exercice du droit à l’avocat par l’usager[81]. Cette restriction découle implicitement du Règlement et des conditions d’application de celui-ci[82].
[149] La restriction implicite à l’exercice du droit à l’avocat cesse dès que la vérification envisagée par le Règlement se termine[83].
2) La détention autorisée par le Règlement est-elle arbitraire?
[150] Puisque la contrainte à produire la preuve du paiement du droit de passage ou la possession d’un titre de transport valide entraîne une détention autorisée par une règle de droit[84], il convient de déterminer, selon l’arrêt Grant, si le Règlement s’avère arbitraire[85].
[151] La jurisprudence offre peu d’exemples où le caractère arbitraire d’une loi fait l’objet d’un examen par les tribunaux[86]. De fait, l’une des principales questions non résolues par la jurisprudence est celle de savoir ce qui constitue une loi arbitraire sous l’article 9 de la Charte[87].
[152] Outre les pouvoirs d’arrestation[88], la détention pour fins d’enquête[89] ou le pouvoir général de détention issu de la common law[90], la Cour suprême a considéré le caractère arbitraire de la législation en matière de délinquants dangereux[91], la détention des personnes déclarées non coupables pour cause d'aliénation mentale[92] et la détention des personnes qui constituent une menace pour la sécurité nationale[93] et en matière de cautionnement[94].
[153] Le juge d’instance conclut que le Règlement ne comporte aucun critère encadrant la vérification aléatoire qu’il autorise. À son avis, il autorise une intervention aléatoire et l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire absolu.
[154] Il est vrai que la Cour suprême conclut dans les arrêts R. c. Hufsky[95] et R. c. Ladouceur[96] que l’interpellation au hasard pour une vérification de routine en matière de sécurité routière constitue une détention arbitraire contraire à l'article 9 de la Charte, car la sélection des automobilistes assujettis au contrôle au hasard se voit laissée à l’entière discrétion du policier dont l’exercice du pouvoir discrétionnaire n’est encadré par aucun critère, exprès ou tacite.
[155] Cependant, l’adoption de l’exigence posée dans ces arrêts quant à l’existence d’un critère exprès ou tacite pose problème à la situation à l’étude.
[156] En effet, il semble étonnant et contre-intuitif de qualifier d’arbitraire la vérification autorisée par le Règlement compte tenu de la relation contractuelle entre un usager et la STM.
[157] L’adoption d’une telle interprétation s’avère susceptible de banaliser la protection constitutionnelle contre la détention arbitraire et de lui conférer une portée qui excède son objet[97].
[158] Il convient donc d’examiner dans un premier temps la nature de la relation entre l’usager et la STM.
a) La nature de la relation entre l’usager et la STM
[159] L’examen des obligations prévues au contrat de transport dans le Code civil et celles énoncées aux articles 6, 7 et 9 du Règlement révèle indubitablement que l’activité en cause, le contrat de transport entre un passager et une société de transport en commun, s’avère clairement règlementée.
[160] Voici ce que prévoient les articles 2030 et 2033 du Code civil du Québec :
2030. Le contrat de transport est celui par lequel une personne, le transporteur, s’oblige principalement à effectuer le déplacement d’une personne ou d’un bien, moyennant un prix qu’une autre personne, le passager, l’expéditeur ou le destinataire du bien, s’engage à lui payer, au temps convenu.
2033. Le transporteur qui offre ses services au public doit transporter toute personne qui le demande et tout bien qu’on lui demande de transporter, à moins qu’il n’ait un motif sérieux de refus; mais le passager, l’expéditeur ou le destinataire est tenu de suivre les instructions données par le transporteur, conformément à la loi.
[Le soulignement est ajouté]
[161] À cet égard, rappelons que le Code civil constitue un élément fondamental de la structure juridique du Québec et qu’il établit le droit commun[98].
[162] Dans le contexte de la mise en œuvre du contrat de transport, l’usager doit acquitter le prix du transport et présenter la preuve du paiement de son droit de passage conformément aux instructions de la STM[99].
[163] L’obligation contractuelle qui incombe à l’usager selon l’article 2030 C.c.Q. exige qu’il permette une vérification dont la durée se réduit au temps nécessaire à la production d’un titre de transport valide.
[164] Afin de dénouer le nœud gordien que constitue l’interprétation du mot « arbitraire » à l’article 9, il faut aborder cette question comme le suggère l’arrêt Grant « de façon non seulement libérale, mais également téléologique, il faut en examiner le contexte, c’est-à-dire le rôle par rapport aux protections connexes garanties par la Charte »[100].
[165] Pour ces raisons, l’analyse qui suit aborde la question de l’interprétation du mot « arbitraire » en considérant la nature de la relation entre l’usager et la STM dans le contexte des articles 7 et 8 de la Charte.
b) L’absence de relation contradictoire avec l’État
[166] L’existence d’une relation contradictoire entre un citoyen et l’État occupe une place prépondérante dans l’analyse du principe interdisant l’auto-incrimination sous l’article 7 de la Charte[101].
[167] Dans l’arrêt R. c. Fitzpatrick[102], le juge La Forest trace les paramètres principaux du principe général interdisant l'auto-incrimination :
33 Les paramètres du principe général interdisant l'auto-incrimination ont été décrits succinctement par le Juge en chef dans l'arrêt Jones, précité. Même si le Juge en chef exposait alors des motifs de dissidence, son analyse du principe interdisant l'auto-incrimination a été adoptée par le juge Iacobucci, au nom de la Cour à la majorité, dans l'arrêt S. (R.J.), et elle doit donc être considérée comme faisant autorité. Dans l'arrêt Jones, le Juge en chef écrit (à la p. 249):
Toute action de l'État qui contraint une personne à produire une preuve contre elle-même dans des procédures l'opposant à l'État viole le principe interdisant l'auto-incrimination. La contrainte, devrait-on le souligner, signifie refuser la possibilité de donner un consentement libre et éclairé.
34 En appliquant cette définition à la présente affaire, deux choses devraient ressortir immédiatement. Premièrement, les renseignements fournis en l'espèce par l'appelant n'ont pas été fournis dans des « procédures l'opposant à l'État ». Ils ont plutôt été fournis conformément à une exigence réglementaire raisonnable se rapportant à la gestion des ressources halieutiques. Deuxièmement, la « contrainte » exercée sur l'appelant est tout au plus indirecte, puisqu'elle n'est survenue qu'après qu'il eut choisi délibérément de participer à un domaine d'activité réglementé et d'assumer les obligations qui s'y rattachent. Je vais examiner ci-après chacune de ces questions à tour de rôle.
[Le soulignement est ajouté]
[168] Deux éléments ressortent du cadre d’analyse adopté par le juge La Forest : 1) la communication de renseignements dans une procédure qui n’oppose pas le citoyen à l’État et 2) l’application de la théorie de l’acceptation des conditions.
(i) Une exigence réglementaire raisonnable
[169] La relation contractuelle entre l’usager et la STM peut difficilement être assimilée à la relation contradictoire entre un citoyen et l’État au sens où l’entend la jurisprudence sous l’article 7 de la Charte. Ainsi, au moment où l’usager doit présenter un titre de transport valide, il n’entretient pas avec la STM « une relation de nature contradictoire »[103].
[170] Il s’agit plutôt « d’une exigence réglementaire raisonnable » qui se rapporte au contrat de transport qui lie l’usager à la STM.
(ii) La théorie de l’acceptation des conditions
[171] Les défendeurs font valoir que la théorie de l’acceptation des conditions, décrite dans l’opinion du juge Cory dans l’arrêt Wholesale Travel Group, et qu’évoque le juge La Forest dans le passage précédemment cité de l’arrêt Fitzpatrick, ne peut s’appliquer, car la conduite en cause s’avère si banale et inoffensive qu’ils ne pouvaient envisager que celle-ci pouvait être règlementée.
[172] À cet égard, les défendeurs s’appuient sur le passage suivant de l’opinion du juge Cory dans l’arrêt Wholesale Travel Group :
La théorie de l'acceptation des conditions peut ne pas s'appliquer dans toutes les circonstances et à tous les contrevenants. C'est-à-dire qu'il y a des cas où l'argument fondé sur l'acceptation des conditions ne s'appliquera peut-être pas de manière à ce que puissent être imputés à l'accusé un choix, des connaissances et l'acceptation implicite des modalités réglementaires. Cela peut se produire notamment lorsque la conduite réglementée est de nature tellement anodine qu'aucune personne raisonnable n'envisagerait qu'elle puisse être réglementée.
La nature de la conduite réglementée sera elle-même d'un grand secours pour déterminer l'applicabilité de l'argument fondé sur l'acceptation des conditions. Il est utile de distinguer entre la conduite qui, en raison du danger qu'elle comporte en soi ou du risque qu'elle présente pour autrui, ferait généralement naître chez une personne raisonnable l'idée qu'il s'agit vraisemblablement d'une conduite réglementée, et la conduite qui est à ce point banale et, en apparence, inoffensive qu'on ne penserait pas normalement qu'elle pourrait être réglementée. Dans ce dernier cas, l'argument reposant sur l'acceptation des conditions ne s'appliquerait pas.
Cette façon de voir est reflétée dans la jurisprudence américaine. Dans l'affaire Lambert v. California, 355 U.S. 225 (1957), l'accusé avait été reconnu coupable en vertu d'une ordonnance municipale exigeant que tout criminel qui passait plus de cinq jours à Los Angeles se fasse inscrire auprès du chef de police. La Cour suprême des États-Unis a annulé la déclaration de culpabilité au motif que l'accusé n'avait aucune raison d'être au courant de l'obligation de s'inscrire. Selon la cour, vu la nature de l'ordonnance en question, l'argument fondé sur l'acceptation des conditions ne pouvait être appliqué de manière à imputer à l'accusé un choix et la connaissance du caractère réglementé de la conduite proscrite; comme il n'y avait dans la nature de l'activité réglementée rien qui permette à l'accusé de penser qu'il s'agissait d'une conduite réglementée, ce serait une injustice fondamentale que de permettre qu'un verdict de culpabilité soit rendu en l'absence d'éléments de preuve établissant la connaissance effective de l'obligation d'inscription.[104]
[173] Bien entendu, dans la détermination de la portée de la protection des droits constitutionnels des usagers de la STM, il faut aborder avec prudence les conclusions qui peuvent être tirées d’un contrat d’adhésion[105], comme le contrat de transport qui lie l’usager et la STM[106].
[174] Bien que l’on puisse être tenté de conclure que l’usage du transport en commun ne peut être assimilé à une activité règlementée au sens où l’entend l’arrêt Wholesale Travel Group, l’argument des défendeurs ne résiste pas à l’analyse.
[175] Certes, il ne s’agit pas ici de l’application d’une loi de nature réglementaire qui vise la protection du « public ou divers groupes importants le composant (les employés, les consommateurs et les automobilistes pour n'en nommer que quelques-uns) contre les effets potentiellement préjudiciables d'activités par ailleurs légales »[107].
[176] Cependant, les défendeurs peuvent difficilement prétendre avec succès qu’ils ne pouvaient envisager que leur relation contractuelle avec la STM faisait l’objet d’une règlementation alors que, d’une part, le Code civil, source du droit commun, reconnait le contrat de transport et encadre les obligations du passager et du transporteur, et que d’autre part, la mise en œuvre de ce contrat de transport se trouve balisée tant par le Code civil que par le Règlement.
[177] Rappelons aussi que l’ignorance par les défendeurs de l’obligation légale de conserver la preuve du paiement de leur droit de passage n’excuse pas la commission de l’infraction dont ils ont été inculpés[108].
[178] Dans son jugement, le juge d’instance considère que la comparaison à une activité règlementée est boiteuse[109].
[179] Selon lui, le transport en commun est « un service public essentiel qui appartient à tous et dont l’utilisation est un droit »[110] et il ne convient pas de « comparer le quai du métro à une propriété privée que le propriétaire peut gérer à sa guise »[111], car « le quai du métro reste un espace public qui appartient à tous »[112].
[180] De l’avis du juge d’instance, le paiement du droit de passage protège l’usager contre une ingérence injustifiée de l’État comme celle qu’entraîne une interpellation sans raison et aléatoire afin de produire un titre de transport valide :
[113] Moyennant le paiement du droit au moment de son entrée, et dans la mesure qu’il respecte les règles de sécurité et ne dérange pas les autres, l’usager du métro a le droit d’être sur le quai et à tout endroit appelé « zone de contrôle » sans craindre d’être « contrôlé » ou appelé à justifier sa présence. L’usager du métro ou d’un autobus a les mêmes droits que toute personne sur un espace public et cela comprend le droit de ne pas être interpellé sans raison par un agent de l’État, en uniforme ou non, qui exige qu’il produise des papiers. Ce genre de contrôle par un agent de l’État est contraire à nos traditions de liberté publique et évoque des mauvais souvenirs d’autres pays au siècle dernier. Il ne doit pas être toléré lorsqu’il existe d’autres moyens, moins répugnants, pour atteindre le même objectif.
[181] Soulignons d’abord qu’il ne convient pas d’assimiler la vérification aléatoire du titre de transport d’un usager aux pires excès des sociétés totalitaires. Une telle caractérisation semble disproportionnée et excessive.
[182] De plus, contrairement à la conclusion du juge d’instance, les zones de contrôle du métro ne constituent pas un espace public traditionnel.
[183] Dans l’arrêt S.T.C.U.M. c. Robichaud[113], le juge Fish rejette l’analogie entre les zones contrôlées du métro et la notion de « forum public » dans le cadre d’un débat concernant la portée de la liberté d’expression dans le métro. Il précise aussi que l’utilisation du métro se voit réservée aux personnes qui ont acquitté leur droit de passage :
I am hardly convinced, however, that what was said there about the Charter's protection of freedom of expression in the unrestricted area of an airport was meant to apply to the corridors, transit areas and platforms that lead, in a subway station, from the turnstile to the train.
These subway facilities can in my view not be assimilated, either by analogy or extension, to the "arenas" or "forums" traditionally open to private petition or public debate. […] They are built and maintained for the exclusive benefit of those who have paid a fare to secure a service. Their purpose is to provide a pedestrian passageway for travelers only. These defining characteristics are in my view sufficient to exclude them from the ambit of public property upon which freedom of expression is constitutionally protected.
Again, the by-law that concerns us here permits the distribution of written materials in areas of the Métro system that are comparable to the public lounges, lobbies, concourses or waiting areas of an airport, train station or bus terminal, which are open to travelers and visitors alike. By prohibiting that activity beyond the point of payment, s. 5.01 of the by-law does not seem to me to infringe s. 2(b) of the Charter: "Freedom of expression does not, historically, imply freedom to express oneself wherever one pleases” […].
[Le soulignement est ajouté]
[184] Dans l’affaire R. c. S.A.[114], la Cour d’appel de l’Alberta tire une conclusion similaire :
[98] Edmonton’s subway premises (including tracks) are not old roads or public paths which now happen to have a train running on them, in the vast majority of cases. This is in no sense a streetcar system. The subway lines and stations are specially-created single-purpose public works on their own dedicated land. They exist only to carry a high volume of fare-paying passengers between dedicated stations, at high speed.
[Le soulignement et les caractères gras sont ajoutés]
[185] D’ailleurs, l’intérêt de la poursuivante de procéder à la vérification de la possession par un usager d’un titre de transport valide se justifie par le droit d’une autorité gouvernementale de retirer à un invité la permission de se trouver sur sa propriété, sous réserve, cela va de soi, de la Charte[115].
[186] Bref, contrairement à la position des défendeurs, la théorie de l’acceptation des conditions s’avère pertinente et applicable dans le présent contexte.
(iii) Le Règlement est-il arbitraire au sens de l’article 7?
[187] Puisque « [l]a garantie contre la détention arbitraire énoncée à l’art. 9 est une manifestation du principe général énoncé à l’art. 7, selon lequel il ne peut être porté atteinte à la liberté qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale »[116], il convient d’examiner le critère d’analyse formulé à l’égard du caractère arbitraire d’une disposition sous l’article 7.
[188] Selon la juge en chef McLachlin dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Bedford[117]: « [d]éterminer qu’une disposition est arbitraire ou non exige qu’on se demande s’il existe un lien direct entre son objet et l’effet allégué sur l’intéressé, s’il y a un certain rapport entre les deux ».
[189] En effet « [i]l doit exister un lien rationnel entre l’objet de la mesure qui cause l’atteinte au droit garanti à l’art. 7 et la limite apportée au droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne », car une « disposition qui limite ce droit selon des modalités qui n’ont aucun lien avec son objet empiète arbitrairement sur ce droit »[118].
[190] Dans l’arrêt R. c. Whipple[119], la Cour d’appel de l’Alberta adopte ce critère dans le cadre de son analyse sous l’article 9 de la Charte.
[191] Par ailleurs, dans le cadre de son analyse sous l’article premier de la Charte, le juge d’instance conclut à l’existence d’un lien rationnel entre la lutte à la fraude et la vérification autorisée par le Règlement[120].
[192] Bien que dans l’arrêt R. c. Smith[121], la Cour suprême souligne les différences qui existent entre l’analyse du lien rationnel sous l’article premier et l’article 7 de la Charte, rien ne s’oppose à ce qu’une conclusion similaire ou identique soit tirée.
[193] Le lien rationnel qui existe entre la lutte à la fraude et la vérification aléatoire prévue au Règlement s’oppose au fait de considérer que la vérification qu’il autorise est arbitraire.
(iv) La protection contre les fouilles, saisies et perquisitions abusives
1- Interprétation contextuelle de l’article 8
[194] Dans l’arrêt Grant, la Cour suprême adopte pour les fins de l’interprétation de l’article 9 de la Charte le cadre d’analyse élaboré sous l’article 8 de la Charte.
[195] La juge en chef McLachlin écrit que la décision dans l’arrêt R. c. Mann[122] statue implicitement qu’une détention illégale doit être considérée comme arbitraire au sens de l’article 9 et elle ajoute l’observation suivante :
[56] Ce raisonnement reprend le cadre d’analyse élaboré pour l’évaluation du caractère abusif des fouilles, perquisitions et saisies pour l’application de l’art. 8 de la Charte. Suivant R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265, et les arrêts subséquents portant sur l’art. 8, pour ne pas être jugées abusives, les fouilles ou perquisitions doivent être autorisées par une règle de droit elle-même exempte de caractère abusif et elles doivent être effectuées de façon non abusive. De la même façon, il faut maintenant comprendre que, pour ne pas être jugée arbitraire, la détention doit être autorisée par une loi elle-même non arbitraire. Nous ajoutons que le droit à la protection contre la détention arbitraire énoncé à l’art. 9 peut, à l’instar des autres droits, être restreint selon l’article premier « par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique » : voir R. c. Hufsky, [1988] 1 R.C.S. 621, et R. c. Ladouceur, [1990] 1 R.C.S. 1257[123].
[Le soulignement est ajouté]
[196] Pour cette raison, la portée de la protection contre les détentions arbitraires doit tenir compte de la protection accordée par l’article 8 de la Charte.
[197] L’article 8 de la Charte prévoit que chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.
[198] Ce droit entre en jeu lorsque l’État procède à une fouille, une perquisition ou une saisie qui porte atteinte à l’attente raisonnable d’une personne en matière de vie privée. L’attente en matière de vie privée constitue un concept normatif qui reflète le niveau de protection de la vie privée auquel nous devrions, en tant que société, raisonnablement nous attendre dans une situation donnée[124].
[199] Comme le fait observer le juge Cromwell dans l’arrêt R. c. Spencer[125] « même si l’analyse du droit au respect de la vie privée tient compte du contexte factuel, elle « abonde [inévitablement] en jugements de valeur énoncés du point de vue indépendant de la personne raisonnable et bien informée, qui se soucie des conséquences à long terme des actions gouvernementales sur la protection du droit au respect de la vie privée privée » »[126].
[200] On peut certainement considérer qu’un jugement de valeur de même nature concerne aussi « l’art. 9 [qui] vise à protéger la liberté individuelle contre l’ingérence injustifiée de l’État »[127].
[201] Dans l’arrêt Goodwin, la Cour suprême rappelle l’approche souple selon laquelle elle a généralement refusé d’énoncer un critère « absolu » du caractère raisonnable sous l’article 8[128]. Certaines considérations peuvent être utiles dans l’analyse du caractère raisonnable, dont : 1) la nature et l’objet du régime législatif; 2) le mécanisme employé et le degré d’empiétement possible de ce mécanisme; 3) l’existence d’une supervision judiciaire[129].
[202] Il faut donc se demander si la protection contre la détention arbitraire ne devrait pas recevoir, tout comme l’article 8 de la Charte, une interprétation modulée en raison du contexte de droit réglementaire en cause.
[203] Si les défendeurs avaient contesté le Règlement en vertu de l’article 8 de la Charte, leur contestation aurait été vouée à l’échec, car la jurisprudence considère que la saisie ou la demande de production de documents ne s’avère pas abusive au sens de l’article 8 en contexte règlementaire.
[204] En effet, puisque l’application de la méthode d’interprétation contextuelle encadre et module la protection accordée par l’article 8 de la Charte en contexte règlementaire, la Cour suprême reconnaît que les agents de l’État peuvent obtenir la communication de documents ou en prendre copie sans autorisation judiciaire préalable[130].
[205] Lorsque l’objet de la loi contestée est de nature réglementaire et non criminelle, des normes moins sévères peuvent s’appliquer[131].
[206] Ainsi, la norme du caractère raisonnable applicable dans le cas des fouilles, perquisitions et saisies effectuées dans le cadre de la mise en application du droit criminel ne sera généralement pas appropriée pour déterminer le caractère raisonnable dans un contexte administratif ou réglementaire[132].
[207] Plus l'on s'éloigne du domaine du droit criminel, plus la façon d'aborder la norme du caractère raisonnable sera souple. Le recours à une façon moins rigide d'aborder les fouilles, perquisitions et saisies dans le contexte administratif ou réglementaire est conforme à une interprétation fondée sur l'objet de l’article 8[133].
[208] Pour cette raison, les critères de l'arrêt Hunter c. Southam[134], exigeant un système d'autorisations préalables basées sur l'existence de motifs raisonnables et probables, ne s'appliquent pas aux inspections administratives dans un secteur réglementé d’une industrie[135].
[209] En matière d’application des lois fiscales, l’article 8 de la Charte n’interdit pas la production de documents au moyen de demandes péremptoires, car le droit du contribuable au respect de sa vie privée à l’égard de documents dont la production peut être exigée est relativement faible[136].
[210] Les journaux de bord et les rapports radio requis par la Loi sur les pêches[137], indiquant la quantité et l'emplacement des prises, peuvent être utilisés comme éléments de preuve dans des poursuites pour surpêche intentées contre des pêcheurs[138].
[211] Par ailleurs, l’exemple de l’assignation à comparaître pour produire des documents illustre le degré d’intrusion dans la liberté d’une personne qui a été reconnu comme étant acceptable sous l’article 8 de la Charte.
[212] Dans l’arrêt British Columbia Securities Commission c. Branch, la Cour suprême reconnait que « la possibilité de contraindre à produire des documents, […] comporte un danger dans la mesure où elle met en cause le droit à la liberté »[139] des personnes qui font l’objet d’une enquête d’une commission des valeurs mobilières.
[213] Elle considère néanmoins qu’une telle contrainte ne porte pas atteinte à l’article 8 de la Charte :
63 En conséquence, nous concluons que les personnes qui se voient ordonner, en vertu du par. 128(1) de la Securities Act, de [TRADUCTION] «produire des dossiers et des objets» ne peuvent faire valoir que des attentes restreintes en matière de vie privée relativement à ceux-ci. La question utile est alors de savoir si le par. 128(1) empiète de façon abusive sur ces attentes limitées en matière de vie privée.
64 Nous sommes d'avis que non. Nous avons déjà mentionné que, dans un secteur fortement réglementé comme le marché des valeurs mobilières, le particulier est conscient qu'une certaine ingérence de l'État est justifiable et accepte cet état de choses. Toutes les personnes qui gagnent ce marché connaissent ou sont réputées connaître les règles du jeu. Alors, une personne qui se livre à une telle activité a peu d'attentes en matière de vie privée pour ce qui est de ses dossiers d'entreprise. En fait, «[i]l arrive sans aucun doute qu'un particulier n'a aucun intérêt ni aucune attente à ce que soit protégé un document ou un article particulier dont l'État réclame la production»: McKinlay Transport, précité, à la p. 642. Dans ces circonstances, l'inspection de documents, autorisée par l'État en vertu du par. 128(1) de la Securities Act, ne porte pas atteinte à l'art. 8de la Charte.
[214] Si l’inspection de documents pour la règlementation du marché des valeurs mobilières et la restriction au droit à la liberté d’un citoyen que comporte une assignation à comparaître pour produire des documents ne portent pas atteinte à l’article 8 de la Charte, bien qu’elles s’avèrent plus considérables et intrusives que la production d’un titre de transport pour les fins d’une vérification de courte durée par un préposé de la STM, il s’ensuit que la vérification autorisée par le Règlement ne viole pas l’article 8.
[215] Il doit en découler que si l’État peut exiger la production d’un document aux fins de l’application d’une législation règlementaire sans enfreindre l’article 8 de la Charte, la restriction à la liberté de mouvement d’un citoyen nécessaire à la communication d’un document, qui n’est pas, par ailleurs, considérée comme une saisie abusive, ne peut entraîner une détention arbitraire.
[216] La protection accordée par l’article 9 suppose, tout comme celle prévue à l’article 8, une interprétation contextuelle.
[217] Bien que selon l’arrêt Hufsky, l’absence de critère, exprès ou tacite, entraîne, dans le contexte du droit criminel, une détention arbitraire, une telle conclusion ne s’avère pas ici inévitable si on adopte une interprétation harmonieuse et contextuelle de la protection garantie par les articles 8 et 9 de la Charte dans le contexte règlementaire.
[218] Il s’avèrerait incongru que la restriction à la liberté d’un usager du système de transport en commun ne soit pas considérée comme abusive selon l’article 8, mais qu’elle puisse être qualifiée d’arbitraire selon l’article 9[140].
[219] Si la norme du caractère raisonnable relatif à une fouille, une saisie ou une perquisition est plus souple en droit réglementaire qu'en droit criminel, il en va de même du caractère arbitraire d’une détention aux fins d’une vérification administrative de courte durée de la nature de celle autorisée par le Règlement.
[220] Tout comme les critères de l’arrêt Hunter ne s’appliquent pas à une inspection ou une vérification administrative, les exigences de l’arrêt Hufsky ne s’appliquent pas à la détention administrative envisagée par les articles 6 et 9 du Règlement pour les fins d’une brève vérification du paiement du droit de passage.
2- Le titre de transport et l’attente raisonnable en matière de vie privée
[221] Le dernier élément de l’analyse concerne la nature du document qui doit être produit par l’usager aux représentants de la STM, soit le titre de transport valide.
[222] Selon l’arrêt Spencer, le droit à la vie privée, en ce qui a trait aux renseignements personnels, englobe au moins trois facettes qui se chevauchent, mais qui se distinguent sur le plan conceptuel : la confidentialité, le contrôle et l’anonymat[141].
[223] Le caractère privé des renseignements personnels est souvent assimilé à la confidentialité[142].
[224] Le droit à la vie privée comprend également la notion connexe, mais plus large, du contrôle sur l’accès à l’information et sur l’utilisation des renseignements, c’est-à-dire le droit revendiqué par des particuliers, des groupes ou des institutions de déterminer eux-mêmes à quel moment les renseignements les concernant sont communiqués, de quelle manière et dans quelle mesure. La facette du droit à la vie privée en ce qui a trait aux renseignements personnels qui porte sur le contrôle découle du postulat selon lequel l’information de caractère personnel est propre à l’intéressé, qui est libre de la communiquer ou de la taire comme il l’entend[143].
[225] La troisième conception de l’aspect informationnel du droit à la vie privée qui revêt une importance particulière dans le contexte de l’utilisation d’Internet est l’anonymat. Le droit à la vie privée protégé par l’article 8 inclut cette conception de la vie privée[144].
[226] En l’espèce, il s’avère crucial de souligner que l’interprétation de l’article 8 de la Charte reconnait qu’il existe une distinction entre les documents d’entreprises et les documents personnels[145].
[227] Un titre de transport ne constitue ni un document d’entreprise, ni un document personnel contenant « un ensemble de renseignements biographiques d'ordre personnel que les particuliers pourraient, dans une société libre et démocratique, vouloir constituer et soustraire à la connaissance de l'État »[146].
[228] Ce document comporte plutôt une ressemblance avec le certificat d’enregistrement d’une arme à feu considéré par la Cour suprême dans l’arrêt Schwartz tel qu’évoqué précédemment.
[229] En effet, tout comme le certificat d’enregistrement, la production du titre de transport valide « dissipe tous les doutes d'une manière qui est favorable »[147] à l’usager.
[230] Non seulement l’usager est-il raisonnablement en mesure de prouver qu'il détient un titre de transport valide, ce qu'on attend qu'il fasse[148], mais il s’avère aussi la personne la mieux placée pour le faire, car il possède les renseignements requis[149].
[231] L’attente de vie privée à l’égard des renseignements personnels contenus sur un titre de transport valide ne peut qu’être réduite, même s’il est vrai qu’un titre de passage unique pourrait sans doute renseigner, de manière fort restreinte, sur certains aspects du déplacement de l’usager. Toutefois, il ne s’agit pas d’un mécanisme de surveillance constant des déplacements d’un citoyen par l’État[150].
[232] En résumé, la vérification de la possession d’un titre de transport valide comporte une intrusion minimale à la liberté d’un usager d’un service de transport public qui doit raisonnablement et logiquement s’attendre à une telle vérification, peu importe le titre de transport utilisé.
[233] Cette vérification ne s’exerce pas dans le cadre d’une relation contradictoire avec l’État et ne peut être qualifiée d’arbitraire au sens de l’article 7 de la Charte.
[234] Un titre de transport ne comporte, au mieux, qu’une attente extrêmement réduite de vie privée, car il ne révèle pas de renseignements personnels qu’on voudrait soustraire à l’attention de l’État. Il s’agit plutôt de la preuve que l’usager a le droit d’exiger que la STM exécute son obligation de le transporter.
[235] Compte tenu du contexte réglementaire, la détention à laquelle donne lieu la vérification du titre de transport ne s’avère pas arbitraire au sens de l’article 9 de la Charte.
E - L’article premier de la Charte
[236] Compte tenu des conclusions qui précèdent, il ne s’avère pas essentiel de procéder à l’analyse sous l’article premier de la Charte. Toutefois, il est préférable de le faire.
1) Un objectif suffisamment important
[237] Le juge d’instance reconnaît que la fraude constitue un objectif important des mesures adoptées, mais il exige la preuve que la fraude mettait en péril le service de transport en commun :
[238] Le juge d’instance pose ici une exigence inconnue selon la jurisprudence sous l’article premier de la Charte, ce qui constitue une erreur de droit.
[239] La poursuivante n’avait pas à établir que la fraude mettait en péril le service de transport public. Elle devait établir « un but ou un objet à atteindre »[151].
[240] Les observations de la juge en chef McLachlin dans l’arrêt Sauvé c. Canada (Directeur général des élections)[152] constituent un guide utile afin d’encadrer l’analyse requise dans l’identification de l’importance de l’objectif :
18 Bien que la retenue à l’égard du législateur ne soit pas appropriée en l’espèce, la justification d’une loi ne requiert pas une preuve empirique au sens scientifique du terme. Alors que certaines propositions peuvent être démontrées de façon empirique ou avec une précision mathématique, d’autres, qui impliquent des considérations philosophiques, politiques et sociales, ne peuvent l’être. Dans ce cas, il suffit que la justification soit convaincante, c’est-à-dire qu’il suffit de convaincre la personne raisonnable prenant en compte tous les éléments de preuve et toutes les considérations pertinentes que l’État est justifié de porter une telle atteinte au droit en question : voir RJR-MacDonald, précité, par. 154, le juge McLachlin; R. c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452, p. 502-503, le juge Sopinka. Ce qui est requis, c’est une « défense rationnelle et raisonnée » : RJR-MacDonald, par. 127. La preuve peut être complétée par le bon sens et le raisonnement par déduction : R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45, 2001 CSC 2, par. 78, le juge en chef McLachlin. Cependant, il faut se méfier des stéréotypes qui revêtent les apparences du bon sens et se garder de substituer la retenue à la démonstration raisonnée requise par l’article premier.
[Le soulignement est ajouté]
[241] Il faut reconnaître que « certains éléments constitutifs d'une analyse en vertu de l'article premier [sont] manifestes ou évidents en soi »[153].
[242] Dans l’arrêt Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony[154], la Cour suprême reconnait que même si le principal objectif d’un système de délivrance des permis de conduire est la sécurité routière, la province « avait le droit de prendre un règlement concernant non seulement la question principale de la sécurité routière, mais aussi les problèmes connexes associés au système de délivrance des permis »[155].
[243] Selon la Cour, le gouvernement provincial « pouvait donc prendre un règlement exigeant qu’une photo numérique de tous les titulaires de permis de conduire soit conservée dans une banque de données, réduisant ainsi au minimum le risque de vol d’identité, dans la mesure où cela est possible »[156].
[244] De plus, bien que ce soit à la troisième étape de l’analyse sous l’article premier, la Cour affirme que même s’il s’avère « difficile de quantifier avec précision le risque de fraude qui découlerait de l’octroi d’exemptions, il est évident que l’intégrité interne du système [de délivrance des permis de conduire] serait compromise ».
[245] Même s’il s’agissait d’un problème accessoire ou afférent au système de délivrance des permis de conduire, la réduction de la fraude a été considérée comme un objectif urgent et réel[157].
[246] Il ne saurait en être autrement à l’étape de l’identification de l’importance de l’objectif poursuivi par les articles 6 et 9 du Règlement.
[247] Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Bedford[158], la juge en chef McLachlin décrit la norme de contrôle applicable aux conclusions du juge d’instance dans un litige constitutionnel : « la norme de contrôle applicable aux conclusions de fait — qu’elles portent sur les faits en litige, des faits sociaux ou des faits législatifs — demeure celle de l’erreur manifeste et dominante »[159].
[248] Toutefois, ici c’est le critère adopté par le juge d’instance qui pose problème et non son évaluation de la preuve.
[249] Il s’agit d’une erreur de droit qui aurait justifié une conclusion différente à la première étape de l’analyse en vertu de l’article premier de la Charte.
[250] La lutte contre la fraude constitue un objectif suffisamment important du Règlement.
2) La restriction et le lien rationnel avec l’objectif
[251] Le juge d’instance reconnaît l’existence de ce lien entre les mesures adoptées et l’objectif de contrer la fraude[160].
3) Le moyen le moins attentatoire
[252] Dans l’arrêt Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (Procureur général)[161], la juge en chef McLachlin et le juge Lebel définissent le critère de l’atteinte minimale :
[149] Il faut maintenant se demander si la mesure porte le moins possible atteinte au droit garanti par l’al. 2d) tout en permettant au gouvernement de réaliser son objectif. Certes, le gouvernement n’est pas tenu de recourir au moyen le moins attentatoire possible pour réaliser son objectif, mais celui qu’il choisit doit se situer à l’intérieur d’une gamme de mesures alternatives raisonnables :
La restriction doit être « minimale », c’est-à-dire que la loi doit être soigneusement adaptée de façon à ce que l’atteinte aux droits ne dépasse pas ce qui est nécessaire. Le processus d’adaptation est rarement parfait et les tribunaux doivent accorder une certaine latitude au législateur. Si la loi se situe à l’intérieur d’une gamme de mesures raisonnables, les tribunaux ne concluront pas qu’elle a une portée trop générale simplement parce qu’ils peuvent envisager une solution de rechange qui pourrait être mieux adaptée à l’objectif et à la violation [. . .] Par contre, si le gouvernement omet d’expliquer pourquoi il n’a pas choisi une mesure beaucoup moins attentatoire et tout aussi efficace, la loi peut être déclarée non valide. [Renvois omis.]
(RJR-MacDonald (1995), par. 160; voir aussi Hutterian Brethren, par. 53-55; Health Services, par. 150.)
[Le soulignement est ajouté]
[253] Le juge d’instance rejette la vérification aléatoire autorisée par le Règlement, car elle punit les gens honnêtes qui peuvent faire l’objet d’une interpellation.
[254] La préoccupation du juge d’instance à l’égard d’usagers « innocents » n’est pas sans fondement[162]. Cependant, comme en matière de sécurité routière[163], l’usager d’un service de transport public doit raisonnablement et logiquement s’attendre à une telle vérification dans le contexte d’un service public réglementé.
[255] Par ailleurs, le juge d’instance rejette « la méthode de contrôle a posteriori adoptée par la STM, [car elle] s’écarte des méthodes privilégiées par les autres villes qui ont servi de modèles dans l’élaboration de cette réforme »[164].
[256] D’emblée, il juge le contrôle à l’entrée du système de transport comme une mesure moins attentatoire.
[257] Dans les faits, bien qu’il affirme que « la STM gère un système de transport en commun vaste et complexe [et que] les mesures qu’elle adopte pour réglementer l’utilisation de ses services méritent une grande déférence »[165], le juge d’instance omet de se demander si la STM a choisi, non pas le moyen le moins attentatoire, mais un moyen se situant à l’intérieur d’une gamme de mesures alternatives raisonnables.
[258] La STM fait partie du gouvernement au sens de l’article 32 de la Charte[166].
[259] Lorsqu’elle s’attaque à un problème comme la fraude, en présence d’intérêts et de droits conflictuels, elle doit bénéficier d’une certaine latitude. Un tribunal n’interviendra pas du seul fait qu’il peut imaginer un moyen plus adéquat, moins attentatoire, de remédier au problème. La démonstration d’une mesure restrictive raisonnablement adaptée à la situation suffit[167].
[260] Bien qu’ils doivent scruter rigoureusement les mesures attentatoires aux droits garantis par la Charte, les tribunaux ne doivent pas se substituer à la gestion des gouvernements.
[261] L’effet de la conclusion du juge d’instance requiert la mise en place d’un système de contrôle totalement étanche et hermétique à l’entrée du métro à titre de mesure constitutionnellement requise par la Charte.
[262] En pratique, la seule manière de mettre en œuvre le système de contrôle favorisé par le juge d’instance exige l’aménagement physique du système de métro d’une manière qui empêche d’y entrer sans avoir préalablement acquitté son droit de passage.
[263] Or, selon la preuve présentée par la poursuivante, le contrôle de l’évasion tarifaire dans les réseaux de transport collectif dans le monde s’exerce selon différents modèles.
[264] Les auteurs de l’article Crime and Public Transport offrent une description utile des mécanismes de prévention de l’évasion tarifaire:
Prevention measures are discussed below in the context of four actions taken by passengers—paying the fare, entering the system, riding in a vehicle, and exiting the system. Systems have developed a series of measures for each step to prevent fare evasion, including entry barriers, ticket inspection, and exit barriers. These measures can vary between systems where speed and ease of operation compete. Because of these differences, methods of fare evasion are likely to vary dramatically between modes and systems[168].
[265] Il n’appartient pas aux tribunaux de concevoir l’architecture physique et technologique d’un système de transport en commun pour le seul motif que la liberté des usagers sera brièvement entravée par une vérification aléatoire peu intrusive du paiement du droit de passage et à laquelle les usagers peuvent raisonnablement s’attendre.
[266] Avec raison, la poursuivante fait aussi valoir que le juge d’instance ne considère pas que la modernisation du système de perception des titres de transport a réduit le rôle du changeur dans le métro et que dans certaines stations de métro, aucun employé de la STM ne supervise ou surveille l’accès au réseau.
[267] De plus, plusieurs points d’entrée du réseau faisant appel à un système fondé sur l’honneur, la vérification des titres de transport constitue un moyen raisonnable de vérifier que les usagers ont payé leur droit de passage.
[268] Dans l’arrêt Libman c. Québec (Procureur général)[169], la Cour suprême explique le fondement de la déférence qui incombe lorsque le domaine d’intervention de l’État ne concerne pas le droit criminel où celui-ci agit comme adversaire singulier de l’individu :
59 […] [D]ans les domaines sociaux, économiques ou politiques où le législateur doit concilier des intérêts différents afin de choisir une politique parmi plusieurs qui pourraient être acceptables, les tribunaux doivent faire preuve d’une grande retenue face aux choix du législateur en raison de sa position privilégiée pour faire ces choix. À l’opposé, les tribunaux seront plus sévères face aux choix du législateur dans les domaines où l’État joue le rôle d’« adversaire singulier de l’individu » — principalement en matière criminelle — en raison de leur expertise dans ces domaines (Irwin Toy, précité, aux pp. 993 et 994; McKinney c. Université de Guelph, [1990] 3 R.C.S. 229, aux pp. 304 et 305; Stoffman c. Vancouver General Hospital, [1990] 3 R.C.S. 483, à la p. 521; RJR-MacDonald, précité, aux pp. 279, 331 et 332). À ce sujet, le commentaire du juge La Forest, dans l’arrêt RJR-MacDonald, précité, est tout à fait à propos, à la p. 277:
Les tribunaux sont des spécialistes de la protection de la liberté et de l’interprétation des lois et sont, en conséquence, bien placés pour faire un examen approfondi des lois en matière de justice criminelle. Cependant, ils ne sont pas des spécialistes de l’élaboration des politiques et ils ne devraient pas l’être. Ce rôle est celui des représentants élus de la population, qui disposent des ressources institutionnelles nécessaires pour recueillir et examiner la documentation en matière de sciences humaines, arbitrer entre des intérêts sociaux opposés et assurer la protection des groupes vulnérables.
[Le soulignement est ajouté]
[269] Manifestement, la vérification envisagée par le Règlement comporte une restriction à la liberté de mouvement de l’usager[170], mais celle-ci constitue une exigence raisonnablement nécessaire à laquelle l’usager doit s’attendre.
[270] La STM agit ici comme un transporteur qui s’engage à déplacer l’usager en contrepartie du paiement du prix de passage et non, comme cela a été mis en relief précédemment, dans le cadre d’une relation contradictoire avec l’usager[171] où on pourrait considérer que la STM agit comme un adversaire singulier de l’usager. Les infractions pénales visent simplement à assurer le respect du Règlement.
[271] Comme le fait valoir le juge LeBel dans l’arrêt R. c. Advance Cutting & Coring Ltd. « [l]es considérations politiques, sociales et économiques pertinentes débordent largement du domaine d’expertise des tribunaux »[172].
[272] Certes, ceux-ci ne peuvent et ne doivent pas abdiquer leur fonction de contrôle constitutionnel, et ce, même en matière de politiques sociales[173]. Cependant « une démarche restrictive et prudente [en ces matières] reflète une bonne compréhension des fonctions des tribunaux et de celles des législatures »[174].
[273] Dans un réseau « vaste et complexe »[175] de transport en commun qui donne lieu à plusieurs millions de déplacements annuellement par des milliers d’usagers, la mise en place d’un système de perception et de vérification des titres de transport exige de considérer et pondérer plusieurs facteurs : la sécurité, l’organisation du travail, la fluidité (attente à l’entrée et à la sortie des stations de métro), l’achalandage général du réseau, le financement, l’attractivité du transport en commun et sa compétitivité avec d’autres moyens de transport.
[274] Nul ne saurait prétendre que cela fait partie du domaine d’expertise reconnu des tribunaux.
[275] Dans l’arrêt R. c. S.A.[176], la Cour d’appel de l’Alberta reconnait la déférence nécessaire à l’égard de la gestion du service de métro de la ville d’Edmonton :
[…] [C]ourts’ constitutional review of decisions, legislation, and policies of municipalities extends some deference to municipal authorities. They are democratically elected, know the local circumstances, and have experience. They are on hand to see when something needs improvement, and can amend it quickly. So courts do not apply literally constitutional questions like overbreadth or minimal intrusion; the courts give some deference to the municipal government.
[276] À cet égard, un facteur mérite d’être mentionné. La STM agit par l’entremise d’un conseil d’administration composé d’élus et où siègent des représentants des usagers[177].
[277] De plus, dans l’arrêt R. c. Asante-Mensah[178], la Cour d’appel de l’Ontario adopte une approche similaire de déférence à l’égard de la gestion du problème des « scoopers » qui prennent, sans permis, des clients au niveau des arrivées à l’aéroport Pearson de Toronto :
[31] In conclusion, we specifically endorse the trial judge’s summary on this issue:
Government officials, charged with the responsibility of effective operation of one of the world’s busiest airports, in an effort to provide a superior and safe commercial passenger service to the travelling public and to avoid traffic chaos and the potential for violence at the Toronto Airport, came to a reasonably held view that the trespass initiative would significantly further these important objectives. The action was legitimately taken in good faith and in an evenhanded, not an arbitrary, or capricious, way. The means chosen were rational and, in the circumstances of the entire history of the accused, were justified with a rational connection between the means chosen and the objectives pursued. Within an acceptable range, the solution adopted by federal airport authorities, exercising a legal right to manage property in the public interest of the users of the facility, was sufficiently tailored to intrude to the extent reasonably viewed as necessary to stop the accused, and those of a similar bent, from undermining the regulatory scheme for commercial vehicles operating at the airport. In light of the accused’s evasiveness and contempt for regulation by the occupier, no lesser intrusion than absolute refusal of admittance could reasonably be viewed as proportionate to the problem faced.
[278] Il importe aussi de déterminer si des pouvoirs de vérification similaires à ceux contenus dans le Règlement existent ailleurs au Canada.
[279] Dans l’arrêt Ladouceur, lorsque la Cour suprême conclut que l’interpellation au hasard ou la vérification de routine de véhicules automobiles constitue une limite raisonnable au sens de l’article premier de la Charte, elle tient compte de l’existence de « pouvoirs similaires conférés par la loi aux agents de police dans d'autres sociétés libres et démocratiques »[179].
[280] À cet égard, la jurisprudence portée à l’attention du juge d’instance établissait que certaines sociétés de transport en commun au Canada bénéficient de dispositions règlementaires similaires à celles prévues au Règlement.
[281] L’affaire R. c. Leitch[180], mentionnée par le juge d’instance au soutien de sa conclusion au sujet de la détention d’un usager en vertu du Règlement, fournit un exemple d’un pouvoir de vérification, a posteriori, de la possession d’un titre de transport valide dans la zone contrôlée d’un système de transport public.
[282] Dans cette affaire, le juge du procès écrit :
20 It is clear on the facts before me that the failure of the accused to produce a ticket when found in the restricted fare area of Bridgeland station was committing an infraction of the City of Calgary Bylaw; to regulate and control the conduct of passengers on public vehicles; Bylaw No. 4M81 as amended, hereinafter the Transit By-law, s. 9(b) which provides as follows:
Any person who is found:
(b) Entering or within a Restricted Fare Area; and who fails to produce to a Peace Officer upon demand a valid ticket, transfer, permit or pass is guilty of an offence[181].
[Le soulignement est ajouté]
[283] C’est le cas aussi de l’affaire R. c. Virani présentée au juge d’instance[182].
[284] Même si cette décision ne fait pas l’objet d’observations des parties devant le juge d’instance, l’affaire R. c. Montgomery[183] présente un autre cas de figure réglementaire.
[285] L’accusé faisait l’objet d’une accusation d’avoir omis de fournir la preuve du paiement de son droit de passage contrairement au paragraphe 2 de l’article 4 du Transit Conduct and Safety Regulations[184].
[286] L’article 4 de ce règlement prévoit :
Fare paid zones
4 (1) A person entering a fare paid zone shall
(a) pay the fare required by the tariff and obtain proof of payment, or
(b) possess proof of payment.
(2) A person shall, while he is in a fare paid zone, retain the proof of payment and produce it for inspection at the request of a transit employee.
[287] Le paragraphe 4(2) constitue donc une disposition similaire à l’article 9 du Règlement.
[288] Ce tour d’horizon confirme que le Règlement ne constitue pas une mesure inusitée, arbitraire ou totalitaire, mais plutôt un pouvoir de vérification reconnu que possèdent d’autres sociétés de transport en commun au Canada.
[289] Il s’agit donc d’une mesure raisonnablement adaptée à la situation du contrat de transport entre l’usager et la STM et d’un moyen qui se situe à l’intérieur d’une gamme de mesures alternatives raisonnables.
4) La Règlement est-il proportionné dans ses effets?
[290] La dernière étape de l’analyse de la proportionnalité consiste à déterminer si les effets du Règlement sont proportionnés[185].
[291] L’ensemble de l’analyse qui précède démontre que le Règlement satisfait à cette exigence.
[292] Bien que certaines différences existent entre l’interception au hasard des automobiles et celle des usagers de la STM, l’arrêt Ladouceur appuie la conclusion que la restriction mineure à la liberté des usagers que constitue la vérification aléatoire s’avère proportionnée à la nécessité de vérifier si les usagers ont acquitté le prix de leur passage.
[293] Le juge Cory écrit :
Le paragraphe 189a(1) du Code de la route est sauvegardé par l'article premier de la Charte. Le pouvoir d'un agent de police d'intercepter des véhicules automobiles au hasard découle du par. 189a(1) du Code de la route et il est donc prescrit par une règle de droit. Ce pouvoir a également été justifié par notre Cour comme étant prescrit par la common law.
Les statistiques relatives au carnage qui se produit sur les routes révèlent l'existence d'une préoccupation urgente et réelle à laquelle le gouvernement a eu raison de répondre au moyen de la mesure législative en cause et des interpellations au hasard. Un aspect plus précis de cette préoccupation se rapporte à des facteurs qui peuvent permettre de réduire la probabilité d'accidents: le bon état mécanique du véhicule, la possession d'un permis de conduire valide et d'une preuve d'assurance appropriée ainsi que la sobriété du conducteur. Ces facteurs sont directement applicables à la question des interpellations au hasard.
Le moyen choisi est proportionnel à ces préoccupations urgentes ou il convient à celles-ci. L'interpellation au hasard a un lien rationnel avec la sécurité sur les routes et est conçue avec soin pour la réaliser; elle porte le moins possible atteinte aux droits du conducteur. Elle ne porte pas atteinte assez gravement aux droits individuels pour que la restriction de ces droits l'emporte sur l'objectif de la loi. L'interception des véhicules est à vrai dire la seule façon de vérifier le permis de conduire et l'assurance d'un conducteur, l'état mécanique du véhicule ou la sobriété d'un conducteur.
La dissuasion constitue un aspect important de la vérification de routine. La suspension du permis de conduire pour des infractions en matière de circulation est importante parce qu'elle permet aux tribunaux d'imposer des peines d'emprisonnement moins longues à l'avantage du contrevenant, tout en permettant d'assurer la protection de la société. Cependant, pour que les suspensions de permis constituent une peine efficace, elles doivent être exécutoires. Il doit exister un véritable élément de risque de détection des conducteurs sans permis pour que la suspension d'un permis puisse être un remède efficace. Les interpellations au hasard constituent le seul moyen dissuasif efficace.
Reconnaître la validité de la vérification de routine au hasard, c'est se rendre à la réalité. Cette forme de dissuasion est la seule réponse plausible aux difficultés générales de mettre sur pied de tels programmes en raison des contraintes budgétaires et d'un manque de personnel et à l'impossibilité d'établir un programme structuré efficace dans les régions rurales en particulier.
La vérification de routine au hasard ne porte pas atteinte gravement au droit garanti par l'art. 9 au point de l'emporter sur l'objectif législatif. Il y a déjà des mécanismes en place pour empêcher les abus de la part des fonctionnaires chargés d'appliquer la loi. Les policiers ne peuvent interpeller des personnes que pour des motifs fondés sur la loi — en l'espèce des motifs relatifs à la conduite d'une automobile comme la vérification du permis de conduire, des assurances et de la sobriété du conducteur et de l'état mécanique du véhicule. Lorsque l'interpellation est effectuée, les seules questions qui peuvent être justifiées sont celles qui se rapportent aux infractions en matière de circulation. Toute autre procédure plus inquisitoire ne pourrait être engagée que sur le fondement de motifs raisonnables et probables. Lorsqu'une interpellation est jugée illégale, les éléments de preuve ainsi obtenus pourraient bien être écartés en vertu du par. 24(2) de la Charte.
Des pouvoirs similaires touchant l'interception de véhicules automobiles ont été conférés par la loi aux agents de police dans d'autres sociétés libres et démocratiques[186].
[Le soulignement est ajouté]
[294] Tout comme l’interception au hasard d’un véhicule sur la route, qui constitue par définition une détention arbitraire, la détention des usagers, même si on la considérait arbitraire au sens de l’article 9 de la Charte, s’avère justifiée au regard de l’article premier de la Charte si les préposés de la STM agissent dans le cadre des objectifs limités relevant du Règlement, en fonction desquels les pouvoirs ont été conférés[187].
[295] Les articles 6 et 9 du Règlement sont conformes aux exigences de la Charte.
[296] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[297] ACCUEILLE l’appel;
[298] ORDONNE la continuation de l’instruction devant le juge d’instance.
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__________________________________ GUY COURNOYER, J.C.S. |
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Me Mark J. Paci |
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Me Nancy Dubé |
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Procureurs pour l’appelante |
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Me Germain Caponi-Champagne |
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Procureur pour Jean-Philippe Joubert |
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Me Pierre-Luc Milord |
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Procureur pour Nathaniel Bell-Roy |
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Me Xuan Nguyen |
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Procureur pour Monique Khalil |
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Dates d’audience : |
26 et 27 juin 2017 |
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[1] 2016 QCCM 161.
[2] Les notes sténographiques comptent 1274 pages.
[3] Société de Transport de Montréal c. Joubert, 2016 QCCM 161, par. 2.
[4] [1986] 1 R.C.S. 103.
[5] 2012 CSC 57, [2012] 3 R.C.S. 187.
[6] [1988] 1 R.C.S. 621.
[7] [1990] 1 R.C.S. 1257.
[8] Sous la direction de Richard Tremblay, Éléments de légistique - Comment rédiger les lois et les règlements, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2010, à la p. 671; R. c. K.R.J., [2016] 1 R.C.S. 906, par. 25.
[9] L’utilisation du mot « doit » exprime ces deux obligations : voir sous la direction de Richard Tremblay, Éléments de légistique - Comment rédiger les lois et les règlements, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2010, aux pages 446-448.
[10] RLRQ, c. S-30.01.
[11] Voir Sauvé c. St-Jérôme (Ville de), 2015 QCCS 6476, autorisation d’appel accordée 2016 QCCA 1064.
[12] Voir R. c. Raham, 2010 ONCA 206, 74 C.R. (6th) 96 (Ont. C.A.), paragr. 47-48; 9071-3686 Québec inc. c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2014 QCCS 4449, par. 26-28.
[13] 2016 QCCM 161, par. 75 et 200.
[14] La Souveraine, Compagnie d’assurance générale c. Autorité des marchés financiers, 2013 CSC 63, [2013] R.C.S. 756, par. 68.
[15] R. c. Downey, [1992] 2 R.C.S. 10; R. c. Whyte, [1988] 2 R.C.S. 3; R. c. Vaillancourt, [1987] 2 R.C.S. 636.
[16] 2015 CSC 46, [2015] 3 R.C.S. 250.
[17] Voir par exemple Lewinshtein c. Directeur des poursuites criminelles et pénales, 2013 QCCS 4419, par. 79.
[18] R. c. Beaudry, 2007 CSC 5, [2007] 1 R.C.S. 190, par. 38.
[19] A. Boucher, F. Lacasse et T. Nadon, « La création de la détention pour enquête en common law : dérive jurisprudentielle ou évolution nécessaire ? Un point de vue pragmatique », (2009) 50 C. de D. 771.
[20] Ibid., à la p. 800. Voir R. c. Golden, 2001 CSC 83, [2001] 3 R.C.S. 679, par. 83; R. c. Grant, 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353, par. 154 (le juge Binnie); R. c. Nolet, 2010 CSC 24, [2010] 1 R.C.S. 851, par. 38-39; Martha J. Smith et Ronald V. Clarke, « Crime and Public Transport » (2000), 27 Crime and Justice 169; National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine, Proactive Policing: Effects on Crime and Communities, par David Weisburd et Malay K. Majmundar (dir.), Washington, The National Academies Press, 2017.
[21] Voir par example Peart v. Peel Regional Police Services Board, (2006), 43 C.R. (6th) 175 (C.A. Ont.), par. 89-96, autorisation d’appel refusée [2007] 1 R.C.S. xii; Justin Douglas, « The Criminalization of Poverty: Montréal's Policy of Ticketing Homeless Youth for Municipal and Transportation By-Law Infractions » (2011), 16 Appeal 46; Matthew Oleynik, « What Makes or Breaks a Charter Argument on a Pedestrian Youth Stop? » (2008) 54 C.L.Q. 79, aux pages 83-84.
[22] 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353.
[23] [1991] 3 R.C.S. 154.
[24] Ibid., à la p. 226.
[25] Comité paritaire de l'industrie de la chemise c. Potash; Comité paritaire de l'industrie de la chemise c. Sélection Milton, [1994] 2 R.C.S. 406; R. c. Fitzpatrick, [1995] 4 R.C.S. 154, par. 30; R. c. Richard, [1996] 3 R.C.S. 525, par. 28-30; R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, [2002] 3 R.C.S. 757, par. 63-64; R. c. Mills, [1999] 3 R.C.S. 668, par. 61-64.
[26] 2015 CSC 47, [2015] 3 R.C.S. 300.
[27] [1994] 2 R.C.S. 406.
[28] [1994] 2 R.C.S. 406, à la p. 421; R. c. Fitzpatrick, [1995] 4 R.C.S. 154, par. 49; Dalrymple v. Halifax (Regional Municipality), 2017 NSCA 6, par. 37; Rossdeutscher c. Ville de Montréal, 2016 QCCS 513, par. 221-226, confirmé par 2017 QCCA 1876, par. 12-13.
[29] R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, [2002] 3 R.C.S. 757, par. 55.
[30] 2016 QCCM 161, par. 78.
[31] [1991] 3 R.C.S. 154.
[32] [1992] 1 R.C.S. 838.
[33] [1992] 1 R.C.S. 840.
[34] 2016 QCCM 161, par. 70.
[35] R. c. Richard, [1996] 3 R.C.S. 525, par. 20.
[36] R. c. Pearson, [1992] 3 R.C.S. 665, à la p. 683.
[37] R. c. Antic, 2017 CSC 27, [2017] 1 R.C.S. 509, par. 1.
[38] R. c. Schwartz, [1988] 2 R.C.S. 443.
[39] R. c. Schwartz, [1988] 2 R.C.S. 443, aux p. 485 et 486.
[40] R. c. Goleski, 2015 CSC 6, [2015] 1 R.C.S. 399 confirmant 2014 BCCA 80, 307 C.C.C. (3d) 1. On lira avec intérêt Peter Sankoff, Sarah Denholm et Brandyn Rodgerson, « An Unfair and Costly Burden: Assessing the Impact of Section 794(2) of the Criminal Code on the Criminal Justice System » (2017), 42 Queen's L.J. 1; Don Stuart, Commentaire d’arrêt: R. v. Goleski (2015), 17 C.R. (7th) 53, aux pages 55-56.
[41] Société de Transport de Montréal c. Joubert, 2016 QCCM 161, par. 67-71.
[42] R. c. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154, à la p. 238.
[43] Ibid., à la p. 238.
[44] Ibid., à la p. 255.
[45] R. c. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154, aux pages 258-259.
[46] [1992] 1 R.C.S. 840.
[47] R. c. Martin, [1992] 1 R.C.S. 838.
[48] [1992] 2 R.C.S. 606.
[49] Ibid., à la p. 659.
[50] [1995] 2 R.C.S. 1031.
[51] Ibid., par. 57.
[52] 2006 CSC 12, [2006] 1 R.C.S. 420.
[53] Ibid, par. 18; voir aussi La Souveraine, Compagnie d’assurance générale c. Autorité des marchés financiers, 2013 CSC 63, [2013] R.C.S. 756, par. 31-33.
[54] 2006 CSC 12, [2006] 1 R.C.S. 420, par. 18.
[55] (1998) 77 Rev. Bar. Can. 126.
[56] Ibid., à la p. 128.
[57] Ibid.
[58] Ibid., note 10.
[59] Morris Manning et Peter Sankoff, Manning, Mewett & Sankoff, Criminal Law, 5e éd., Markham (Ontario), LexisNexis, 2015, § 5.71-5.72.
[60] R. c. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154, à la p. 256.
[61] Société de Transport de Montréal c. Joubert, 2016 QCCM 161, par. 67-71.
[62] Morris Manning et Peter Sankoff, Manning, Mewett & Sankoff, Criminal Law, 5e éd., Markham (Ontario), LexisNexis, 2015, § 5.71, à la p. 286.
[63] Morris Manning et Peter Sankoff, Manning, Mewett & Sankoff, Criminal Law, 5e éd., Markham (Ontario), LexisNexis, 2015, § 5.71, à la p. 287. Le professeur Stuart, bien qu’il critique sévèrement la décision rendue dans l’arrêt Wholesale Travel Group, tire la même conclusion : Don Stuart, Charter Justice in Canadian Criminal Law, 6e éd., Thomson Carswell, 2014, aux pages 485-488; Don Stuart, Canadian Criminal Law, 7e éd., 2014, aux pages 213-217.
[64] Kent Roach, Criminal Law, 6e ed., Toronto, Irwin Law, 2015, à la p. 233. Le professeur Roach réfère aux arrêts Ellis-Don et Martin.
[65] Immeubles Jacques Robitaille inc. c. Québec (Ville), 2014 CSC 34, [2014] 1 R.C.S. 784, par. 35; La Souveraine, Compagnie d’assurance générale c. Autorité des marchés financiers, 2013 CSC 63, [2013] R.C.S. 756, par. 31-33; Lévis (Ville) c. Tétreault, 2006 CSC 12, [2006] 1 R.C.S. 420, par. 18.
[66] 2016 QCCM 161, par. 89-95.
[67] 2016 QCCM 60.
[68] R. c. Grant, 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353, par. 19.
[69] Ibid., par. 26
[70] R. c. Simmons, [1988] 2 R.C.S. 495, à la p. 521; Dehghani c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 1 R.C.S. 1053, à la p. 1074; R. c. Orbanski; R. c. Elias, 2005 CSC 37, [2005] 2 R.C.S. 3, par. 30.
[71] R. c. Kang-Brown, 2008 CSC 18, [2008] 1 R.C.S. 456.
[72] Ibid., par. 70-71. Dans l’arrêt R. c. A.M., 2008 CSC 19, [2008] 1 R.C.S. 569, par. 1, le juge LeBel adopte l’approche du juge Binnie à cet égard. Voir R. c. Ibanescu, 2013 CSC 31, [2013] 2 R.C.S. 400, par. 1.
[73] [1985] 1 R.C.S. 613, à la p. 642.
[74] [1988] 1 R.C.S. 640.
[75] Ibid., à la p. 649.
[76] R. c. Grant, 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353, par. 30.
[77] Voir au même effet: R. c. Suberu, 2009 CSC 33, [2009] 2 RCS 460, par. 4.
[78] British Columbia Securities Commission c. Branch, [1995] 2 R.C.S. 3, par. 38.
[79] RLRQ, c. S-30.01.
[80] 2005 CSC 37, [2005] 2 R.C.S. 3.
[81] 2005 CSC 37, [2005] 2 R.C.S. 3, par. 3, 52-53.
[82] Ibid.
[83] Ibid., par. 52.
[84] Godbout c. Longueuil (Ville), [1997] 3 R.C.S. 844, par. 50; Greater Vancouver Transportation Authority c. Fédération canadienne des étudiantes et étudiants — Section Colombie-Britannique, 2009 CSC 31, [2009] 2 R.C.S. 295, par. 53.
[85] R. c. Grant, 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353, par. 56.
[86] S. Coughlan et G. Luther, Detention and Arrest, 2nd ed., Toronto, Irwin, 2017, aux pages 298 à 303.
[87] Steve Coughlan and Robert J. Currie, « Sections 9, 10 and 11 of the Canadian Charter » (2013), 62 S.C.L.R. (2d) 143, à la p. 156: « Whatever the ultimate result, however, it remains true at present that the largest inadequately resolved question in section 9 is what it means to say that a law authorizing a detention is arbitrary ».
[88] R. c. Storrey, [1990] 1 R.C.S. 241; R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 13.
[89] R. c. Mann, 2004 CSC 52, [2004] 3 R.C.S. 59.
[90] R. c. Aucoin, 2012 CSC 66, [2012] 3 R.C.S. 408, par. 36; R. c. Clayton, 2007 CSC 32, [2007] 2 R.C.S. 725.
[91] R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309.
[92] R. c. Swain, [1991] 1 R.C.S. 933.
[93] Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, [2007] 1 R.C.S. 350.
[94] R. c. Pearson, [1992] 3 R.C.S. 665; R. c. Morales, [1992] 3 R.C.S. 771.
[95] [1988] 1 R.C.S. 621, aux pages 632-633.
[96] [1990] 1 R.C.S. 1257, à la p. 1277.
[97] R. c. Grant, 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353, par. 26.
[98] Voir la disposition préliminaire du Code civil; Globe and Mail c. Canada (Procureur général), 2010 CSC 41, [2010] 2 R.C.S. 592, par. 29; Doré c. Verdun (Ville), [1997] 2 R.C.S. 862, par. 15-16.
[99] Voir Nathalie Vézina, « Le trajet convergent de la responsabilité civile contractuelle et du contrat de transport de personnes en droit québécois : premier bilan de l'itinéraire », dans Benoît Moore (dir.), Mélanges Jean Pineau, Montréal, Éditions Thémis, 2003, p. 577, à la p. 591.
[100] R. c. Grant, 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353, par. 18. Voir aussi R. c. Mills, [1999] 3 R.C.S. 668, par. 61-64.
[101] R. c. Fitzpatrick, [1995] 4 R.C.S. 154, par. 49; R. c. White, [1999] 2 R.C.S. 417, par. 56; R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, [2002] 3 R.C.S. 757, par. 2.
[102] [1995] 4 R.C.S. 154.
[103] R. c. Fitzpatrick, [1995] 4 R.C.S. 154.
[104] R. c. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154, aux p. 229 et 230.
[105] R. c. Jones, 2017 CSC 60, par. 49-50.
[106] Boyer c. Agence métropolitaine de transport (AMT), 2010 QCCS 4079, par. 32. Voir Nathalie Vézina, « Le trajet convergent de la responsabilité civile contractuelle et du contrat de transport de personnes en droit québécois : premier bilan de l'itinéraire », dans Benoît Moore (dir.), Mélanges Jean Pineau, Montréal, Éditions Thémis, 2003, à la p. 577.
[107] [1991] 3 R.C.S. 154, à la p. 219.
[108] Lévis (Ville) c. Tétreault; Lévis (Ville) c. 2629-4470 Québec inc., 2006 CSC 12, [2006] 1 R.C.S. 420, par. 22-27; La Souveraine, Compagnie d’assurance générale c. Autorité des marchés financiers, 2013 CSC 63, [2013] R.C.S. 756, par. 65, 68-71, 74.
[109] 2016 QCCM 161, par. 111.
[110] Ibid.
[111] Ibid.
[112] Ibid.
[113] (1997), 147 D.L.R. (4th) 235, aux pages 239-240.
[114] 2014 ABCA 191, 312 CCC (3d) 383, autorisation d’appel refusée [2014] 3 R.C.S. x.
[115] Comité pour la République du Canada c. Canada, [1991] 1 R.C.S. 139, à la p. 245 (la juge McLachlin). Voir aussi Bracken v. Fort Erie (Town), 2017 ONCA 668, 137 O.R. (3d) 161, par. 70-72. Voir l’article 156 de la Loi sur les sociétés de transport en commun, RLRQ, c. S-30.01.
[116] R. c. Grant, 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353, par. 54.
[117] 2013 CSC 72, [2013] 3 R.C.S. 1101, par. 111.
[118] 2013 CSC 72, [2013] 3 R.C.S. 1101, par. 111.
[119] 2016 ABCA 232, par. 47-49.
[120] 2016 QCCM 161, par. 180-182.
[121] 2015 CSC 34, [2015] 2 R.C.S. 602, par. 29.
[122] 2004 CSC 52, [2004] 3 R.C.S. 59.
[123] 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353.
[124] Goodwin c. Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles), 2015 CSC 46, [2015] 3 R.C.S. 250, par. 48; R. c. Spencer, 2014 CSC 43, [2014] 2 R.C.S. 212.
[125] 2014 CSC 43, [2014] 2 R.C.S. 212.
[126] Ibid., par. 18.
[127] R. c. Grant, 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353, par. 20.
[128] Goodwin c. Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles), 2015 CSC 46, [2015] 3 R.C.S. 250, par. 57.
[129] Ibid.
[130] Comité paritaire de l’industrie de la chemise c. Potash, [1994] 2 R.C.S. 406. Voir aussi la décision récente de la Cour d’appel dans Rossdeutscher c. Ville de Montréal, 2017 QCCA 1876, par. 12-13, confirmant celle de la Cour supérieure : 2016 QCCS 513, par. 213-255.
[131] Goodwin c. Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles), 2015 CSC 46, [2015] 3 R.C.S. 250, par. 60.
[132] British Columbia Securities Commission c. Branch, [1995] 2 R.C.S. 3, par. 52.
[133] Ibid.
[134] Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145.
[135] Comité paritaire de l'industrie de la chemise c. Potash; Comité paritaire de l'industrie de la chemise c. Sélection Milton, [1994] 2 R.C.S. 406, aux pages 421-422;
[136] R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, [2002] 3 R.C.S. 757, par. 54, 63-65; R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627.
[137] LRC 1985, c. F-14.
[138] R. c. Fitzpatrick, [1995] 4 R.C.S. 154, par. 49; R. c. White, [1999] 2 R.C.S. 417, par. 5; R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, [2002] 3 R.C.S. 757, par. 2.
[139] British Columbia Securities Commission c. Branch, [1995] 2 R.C.S. 3, par. 38.
[140] Steve Coughlan et Glen Luther, Detention and Arrest, 2nd ed., Toronto, Irwin, 2017, aux pages 18, 24, 278-279, 295-303.
[141] R. c. Spencer, 2014 CSC 43, [2014] 2 R.C.S. 212, par. 38.
[142] Ibid., par. 39.
[143] Ibid., par. 40.
[144] Ibid., par. 41.
[145] British Columbia Securities Commission c. Branch, [1995] 2 R.C.S. 3, par. 62.
[146] R. c. Marakah, 2017 CSC 59, par. 31; R. c. Spencer, 2014 CSC 43, [2014] 2 R.C.S. 212, par. 27.
[147] R. c. Schwartz, [1988] 2 R.C.S. 443, à la p. 486.
[148] Ibid.
[149] R. c. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154, le juge Cory, à la p. 246, le juge Iacobucci à la p. 259.
[150] R. c. Wise, [1992] 1 R.C.S. 527.
[151] Vriend c. Alberta, [1998] 1 R.C.S. 493, par. 114.
[152] 2002 CSC 68, [2002] 3 R.C.S. 519. Voir l’arrêt RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199, par. 127-129, 137 et 154.
[153] R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, à la p. 138; Voir aussi R. c. Schwartz, [1988] 2 R.C.S. 443, à la p. 488. Au même effet, mais à l’égard du critère du lien rationnel : RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199, par. 154.
[154] 2009 CSC 37, [2009] 2 R.C.S. 567.
[155] Ibid., par. 45.
[156] Ibid.
[157] Ibid., par. 50, 52 et 104.
[158] 2013 CSC 72, [2013] 3 R.C.S. 1101.
[159] 2016 QCCM 161, par. 180-182.
[160] Ibid., par. 182.
[161] 2015 CSC 1, [2015] 1 R.C.S. 3.
[162] R. c. Chehil, 2013 CSC 49, [2013] 3 R.C.S. 220, par. 48; Goodwin c. Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles), 2015 CSC 46, [2015] 3 R.C.S. 250, par. 67.
[163] R. c. Ladouceur, [1990] 1 R.C.S. 1257.
[164] 2016 QCCM 161, par. 194.
[165] Ibid., par. 178.
[166] Greater Vancouver Transportation Authority c. Fédération canadienne des étudiantes et étudiants — Section Colombie-Britannique, 2009 CSC 31, [2009] 2 R.C.S. 295, par. 24.
[167] Montréal (Ville) c. 2952-1366 Québec Inc., 2005 CSC 62, [2005] 3 R.C.S. 141, par. 94.
[168] Martha J. Smith and Ronald V. Clarke, « Crime and Public Transport » (2000), 27 Crime and Justice 169, à la p. 187. Voir aussi la description dans Albert R. Hauber, Fare Evasion in a European Perspective, Studies on Crime and Crime Prevention, Volume 2, 1993, aux pages 122 à 124.
[169] [1997] 3 R.C.S. 569.
[170] Dans l’arrêt R. c. Ladouceur, [1990] 1 R.C.S. 1257, à la p. 1286, le juge Cory écrit ceci au sujet de l’arrêt au hasard des automobilistes : « Ces interpellations sont et doivent être relativement brèves et n'exigent la présentation que de quelques documents ».
[171] Voir les paragraphes 93 et 94 du présent jugement. Comité paritaire de l'industrie de la chemise c. Potash [1994] 2 R.C.S. 406, à la p. 421; R. c. Fitzpatrick, [1995] 4 R.C.S. 154, par. 49; R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, [2002] 3 R.C.S. 757, par. 55.
[172] 2001 CSC 70, [2001] 3 R.C.S. 209, par. 239.
[173] Chaoulli c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 35, [2005] 1 R.C.S. 791, par. 89.
[174] R. c. Advance Cutting & Coring Ltd., 2001 CSC 70, [2001] 3 R.C.S. 209, par. 239.
[175] Selon la conclusion même du juge, par. 178 du jugement d’instance.
[176] 2014 ABCA 191, 312 C.C.C. (3d) 383, par. 231-234, autorisation d’appel refusée [2014] 3 R.C.S. x.
[177] Voir l’article 8 de la Loi sur les sociétés de transport en commun, chapitre S-30.01.
[178] (2001), 157 C.C.C. (3d) 481, confirmé pour d’autres motifs 2003 CSC 38, [2003] 2 R.C.S. 3.
[179] R. c. Ladouceur, [1990] 1 R.C.S. 1257, à la p. 1287. Voir aussi l’arrêt Chaoulli c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 35, [2005] 1 R.C.S. 791, par. 70 à 75, où la juge Deschamps considère la législation des autres provinces à l’égard du rôle du secteur privé en matière de santé.
[180] (1992), 18 C.R. (4th) 224 (C. prov. Alta.), renversé par (1993),13 Alta. L.R. (3d) 97. La conclusion du juge d’instance dans cette au sujet de la détention de l’accusé a été renversée sommairement en appel.
[181] Ibid., p. 230.
[182] R. c. Virani, 2010 BCPC 14, par. 12 ; confirmé par Virani c. HMTQ, 2011 BCSC 1032, par. 5. Notes sténographiques du 13 août 2013, aux pages 92 à 94, p. 134, lignes 20 à 25, p. 135, lignes 1 à 8. Mémoire de la STM déposé au juge d’instance, 18 avril 2013, par. 41 et 67.
[183] 2013 BCSC 1976. Voir aussi South Coast British Columbia Transit Authority c. Makhdoom, 2016 BCSC 2274; Danylyuk c. South Coast British Columbia Transportation Authority, 2016 BCPC 185, par. 10 ; Rechenberg c. South Coast BCTA, 2014 BCPC 53, par. 41; Greater Toronto Transit Authority c. Martin, [2009] O.J. No. 5746, par. 19. R. c. McPherson, 2012 ONCJ 807, par. 35. Voir aussi l’article 2.6 du Toronto Transit Commission By-law No. 1 qui prévoit : « When requested to do so by a proper authority, a person travelling on the transit system shall immediately surrender for inspection the fare media, an identification card or photo identification card under which the person is travelling ».
[184] B.C. Reg. 377/85.
[185] Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, 2009 CSC 37, [2009] 2 R.C.S. 567, par. 72.
[186] [1990] 1 R.C.S. 1257, aux p. 1258-1259.
[187] R. c. Nolet, 2010 CSC 24, [2010] 1 R.C.S. 851, par. 3, 22 et 26.
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