Décision

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Décision

Reich c. Francescangeli

2012 QCRDL 44322

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No :          

31 071203 009 S 110210

 

 

Date :

14 décembre 2012

Régisseur :

Pierre Thérien, juge administratif

 

Al Reich

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Gino Francescangeli

 

Adelaide Fazi

 

Locateurs - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Deux jours et demi d’audience confirment que la « saga » entreprise par le locataire n’a aucun fondement et qu’elle doit prendre fin.

[2]      L’historique du dossier exigeait que toute la latitude lui soit accordée afin d’aller au fond des choses et mettre un point final aux procédures entreprises suite à un incident survenu le 1er juillet 2007, point de départ de toute cette affaire.

Les demandes

[3]      Le tribunal est donc saisi de deux demandes. La première a été produite par le locataire en date du 3 décembre 2007, il s’agit d’une demande de diminution de loyer à compter du 1er juillet 2007, d’ordonnance au locateur de respecter son obligation, de dommages-intérêts pour une somme de 40 000 $ et dommages punitifs pour une somme de 20 000 $.

[4]      Cette demande a été amendée à plusieurs reprises, soit les 27 février 2008, 20 janvier 2009, 26 avril 2010 et 16 mai 2011 afin de préciser le montant des dommages réclamés pour un total de 40 000 $, le 7 juin 2011 afin de préciser le montant de la diminution de loyer demandée à 75 $ par mois et le 23 février 2012 afin d’ajouter le nom de l’épouse du locateur à titre de partie défenderesse.

[5]      Le locateur, pour sa part, demande la résiliation du bail et l’éviction du locataire pour différents motifs liés à son comportement, notamment le harcèlement envers lui-même et les autres occupants de l’immeuble.

[6]      Les deux demandes sont réunies, instruites en même temps et font l’objet de deux décisions distinctes, celle du locateur étant rendue ce même jour dans le dossier 31 110707 052.


[7]      La demande du locataire a d’abord fait l’objet d’une première décision rendue le 17 mai 2010 déclinant compétence au motif que la diminution de loyer et les dommages réclamés dépassaient le seuil de compétence du tribunal.

[8]      La permission de porter cette décision en appel a été accordée en date du 7 juillet 2010 par l’Honorable Michel A. Pinsonneault de la Cour du Québec, dossier # 500-80-016764-103.

[9]      Le 10 février 2011, l’Honorable Julie Veilleux infirme la décision rendue par la Régie et retourne le dossier à la Régie afin de permettre à l’appelant de quantifier le montant qu’il réclame sous le chef de la diminution de loyer, ce qui a donné lieu aux amendements déjà décrits.

L’événement du 1er juillet 2007

[10]   Dans sa demande, le locataire décrit l’événement de la façon suivante :

« Cette dame, Mme Atkinson s’est présentée le 1er juillet 2007, pour aller quérir le loyer du locataire mais celui a refusé n’ayant pas été avisé des responsabilités de la nouvelle représentante du propriétaire. Elle a alors tentée d’entrer dans l’appartement du locataire en poussant sur la porte avec le poids de son corps à deux reprises, le locataire a alors repoussée la porte sur elle. Il s’est blessé à la main et à l’épaule. La police a du intervenir. »

[11]   Le témoignage du locataire est au même effet.

[12]   La concierge visée par cette plainte, Judith Atkinson, explique pour sa part qu’elle s’est rendue au logement du locataire vers 15 heures afin d’y quérir le loyer. Le locataire lui aurait alors manifesté sa colère et son intention de payer le loyer comme d’habitude directement au locateur, il aurait tenté de lui fermer la porte au nez, ce qu’elle a tenté d’empêcher en s’interposant, le locataire l’aurait alors projeté par terre lui infligeant une blessure au bras, en fait une fracture diagnostiquée le même jour à l’hôpital.

[13]   La concierge a porté plainte au Service de police, le locataire également.

Les procédures subséquentes

[14]   Une plainte de voie de fait a été retenue contre le locataire, il fut déclaré coupable en date du 7 octobre 2009, dossier # 107-313-470 de la Cour municipale de la Ville de Montréal.

[15]   Ce verdict de culpabilité a cependant été cassé par la Cour Supérieure en date du 13 avril 2010 au motif que la défense de protection du domicile n’avait pas été considérée par le juge d’instance[1], ce qui devait être fait même si le témoignage du locataire avait été écarté par le juge.

[16]   Le 2 septembre 2010, le locataire s’est engagé à respecter certaines conditions pour une période de 12 mois, tel que prévu à l’article 810 du Code criminel, dossier # 110-307-360 de la Cour municipale.

[17]   Parallèlement à ces procédures en date du 7 mars 2008, le locataire a poursuivi Judith Atkinson pour une somme de 7 000 $ devant la Cour du Québec, division des petites créances.

[18]   Le 16 novembre 2009, l’Honorable André Renaud J.C.Q. rejette cette demande, il écrit :

Ainsi, le 1er juillet 2007, alors qu'il est à son domicile, le demandeur reçoit la visite de la défenderesse, concierge, qui vient lui demander son loyer de juillet.  Le demandeur refuse de lui payer son loyer et l'informe qu'il le paiera à monsieur Francescangeli.

A ce moment, la défenderesse aurait insisté pour entrer chez lui pour lui parler.  Elle aurait poussé la porte d'entrée avec une force telle que le demandeur fut heurté et blessé par cette porte, d'où sa réclamation pour blessure et inconvénients.

La défenderesse a une toute autre version.  Il est vrai qu'elle s'est présentée pour le loyer, à la porte du demandeur, mandatée par le propriétaire à cet effet.  Mais, dès qu'elle a fait comprendre au demandeur le but de sa visite, celui-ci est devenu très agressif avec elle.  A un certain moment, il aurait même mis ses mains sur le haut du corps de la défenderesse et l'aurait poussée.


La défenderesse est tombée à la renverse.  Elle ressent alors une douleur au poignet et au coude droits; elle est blessée.

Au même instant, une voisine de palier sort de chez elle, confirme le ton violent du demandeur et constate la blessure de la défenderesse, qui la suit chez elle.

La preuve révèle aussi que le demandeur ne payait pas toujours son loyer à la date prévue.  De plus, la défenderesse aurait reproché, à l'occasion, au demandeur que ses occupations de commerçant d'antiquités pouvaient gêner son travail de concierge dans ce multi-logements.

Le demandeur ajoute que ses relations avec le locateur étaient difficiles et que ce dernier utilisait sa concierge, la défenderesse, pour le harceler.

Il a enregistré une conversation avec le propriétaire.  Le demandeur a déposé une demande de diminution de loyer, bref, les relations sont tendues.

ANALYSE

L'article 2803 du Code civil du Québec mettait le fardeau de preuve sur les épaules du demandeur.

«2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.»

A tout le moins, la preuve est contradictoire et le demandeur ne s'est pas déchargé de son fardeau.

Mais il y a plus.  Nous ne croyons pas que la défenderesse allait harceler le demandeur, à son domicile, le 1er juillet 2007.  Nous sommes convaincus qu'elle exécutait ses fonctions de concierge, dûment mandatée par le propriétaire, pour collecter le loyer.  Le demandeur n'avait pas et n'a pas à réagir de façon exagérée à une telle situation.

La défenderesse ne s'est pas rendue au Centre hospitalier de St-Mary's, le 1er juillet 2007, pour rien.

La demande du demandeur est exagérée.  Il est aussi surprenant qu'il réclame une somme de 60 000,00$ à son propriétaire à la Régie du logement, plus une diminution de loyer.

La décision

[19]   L’ensemble de la preuve présentée pendant plus de deux jours ne fait que confirmer cette décision de l’Honorable juge Renaud.

[20]   Même en retenant la version des faits présentés par le locataire, le tribunal doit tout de même conclure que la concierge, d’apparence frêle, mais déterminée, ne présentait lors de l’incident aucune menace contre le locataire et/ou la protection de son domicile.

[21]   De plus, le locataire ne pouvait ignorer qu’en fermant violemment la porte sur elle, un risque sérieux de blessures s’ensuivrait.

[22]   Il ne fait aucun doute que le locataire a été emporté par la colère, ce qui est d’ailleurs confirmé par son comportement par la suite.

[23]   Les prétentions du locataire que des blessures lui ont été infligées lors de cet événement «  à la main et à l’épaule » ne sont aucunement crédibles et témoigneraient de toute manière que de la violence exercée au moment de fermer la porte.

[24]   Cette réaction « exagérée » du locataire s’est d’ailleurs poursuivie par la suite. Il suffit de lire la demande et ses amendements, dont le dernier qui implique même l’épouse du locateur, de considérer les montants réclamés et l’ensemble des procédures pour conclure que le locataire en fait une affaire personnelle allant bien au-delà de ce que l’on peut qualifier de raisonnable.


[25]   À titre d’exemple, tous les efforts du locataire depuis le 1er juillet 2007 ont consisté à « monter » son dossier, notamment au moyen d’enregistrements clandestins des conversations avec le locateur et les autres locataires de l’immeuble. Plusieurs de ces nombreux enregistrements ont été mis en preuve pour tenter de contredire les témoignages des témoins de la partie adverse, non seulement sans succès, mais en démontrant plutôt les excès du locataire et une absence de jugement de sa part.

[26]   Le tribunal ne croit absolument pas le locataire lorsqu’il prétend qu’il a été victime de harcèlement et de diffamation de la part du locateur et de la concierge. Celle-ci a d’ailleurs démissionné de son poste par la suite étant incapable d’assumer ses fonctions. Sa lettre en date du 5 mai 2009 fait état de plusieurs incidents survenus dans l’immeuble et dirigés contre elle.

[27]   Ces incidents ont cessé après son départ.

[28]   Lors de l’audience, le locataire n’a pas hésité à mettre en cause la santé mentale de la concierge, ce qui n’a démontré que l’état de vulnérabilité de cette personne et surtout l’absence complète de menaces qu’elle pouvait représenter pour le locataire.

[29]   Le locataire finalement se présente comme une victime alors que tout démontre que ce n’est pas le cas.

[30]   Le locataire ajoute que son chien a été intoxiqué en une occasion lorsque le locateur a procédé au vernissage des planchers d’un autre logement sans l’aviser au préalable. Cet événement est survenu en mai 2007 et le locataire n’a en fait aucune mention dans ses lettres adressées au locateur les 1er juillet et 2 août 2007. Cette partie de la demande n’est pas jugée crédible non plus.

[31]   Dans son témoignage, le locataire admet que sa déclaration de culpabilité au criminel est la pire chose qui lui soit arrivée. Il explique qu’il veut faire un exemple pour que cela n’arrive plus. Il aurait tout laissé tomber si la concierge avait admis sa faute.

[32]   Il reproche essentiellement au locateur de lui avoir envoyé la concierge pour quérir le loyer alors qu’une entente entre eux prévoyait que le loyer serait payé comptant directement au locateur. Le locataire lui reproche également de ne pas l’avoir aidé à faire face à la « fausse » accusation criminelle dirigée contre lui suite à l’incident.

[33]   Tout cela ne justifie en rien le comportement du locataire.

[34]   Le tribunal n’a aucune hésitation à considérer que la présente demande est abusive, non fondée en fait et en droit dans tous ses aspects et qu’elle doit être rejetée.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[35]   REJETTE la demande du locataire.

 

 

 

 

 

Pierre Thérien

 

Présence(s) :

le locataire, représenté par Me Mélanie Chaperon

le locateur, représenté par Me Marc Poirier

Date de l’audience :  

9 octobre 2012

 


 



[1] Dossier # 500-36-005214-096, C.S., Montréal, l’Honorable Marc David, J.C.S.

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