Succession de Lachapelle c. 9084-6510 Québec inc.

2021 QCTAL 5204

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Longueuil

 

Nos dossiers :

 

303869 37 20161031 G

305758 37 20161111 G

Nos demandes :

 

2113297

2121978

 

 

Date :

26 février 2021

Devant la juge administrative :

Gabrielle Choinière

 

Succession de Roger Lachapelle

 

Locataire - Partie demanderesse

(303869 37 20161031 G)

Partie défenderesse

(305758 37 20161111 G)

c.

9084-6510 Québec Inc.

 

Locateur - Partie défenderesse

(303869 37 20161031 G)

Partie demanderesse

(305758 37 20161111 G)

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le locataire demande des dommages et intérêts d’une somme de 657,44 $ ainsi que l’émission d’ordonnances.

[2]      Le locateur demande de statuer sur la validité du bail et de l’entente intervenue entre les parties, le recouvrement du loyer dû d’une somme de 7 800 $ plus les loyers dus au moment de l’audience, la résiliation du bail et l’expulsion du locataire.

[3]      Les procédures sont réunies pour enquête et jugement[1].

Demande de suspension :

[4]      Deux demandes ont été introduites à la Cour supérieure par 9084-6510 Québec Inc. à l’encontre, entre autres défendeurs, de Roger Lachapelle[2].

[5]      La demande de suspension est rejetée. Il n’y a pas de possibilité de jugement contradictoire puisque les objets des demandes devant la Cour supérieure sont différents de ceux invoqués devant le Tribunal administratif du logement.


Le contexte :

[6]      Il s’agit d’un duplex. Roger Lachapelle a acquis l’immeuble concerné le 18 mai 2004 et l’a vendu à Safae Adli El Yazami et Nicolas Ogly le 2 juin 2009[3]. Il a résidé dans le logement situé au rez-de-chaussée jusqu’à la vente, puis a occupé celui du sous-sol jusqu’en juin 2017.

[7]      Les acheteurs, El Yazami et Ogly, ont déménagé dans le logement du rez-de-chaussée à l’acquisition de l’immeuble en juin 2009. Ils ont été expulsés des lieux le 23 juin 2016 à la suite d’un jugement prononcé par la Cour supérieure, le 4 mai 2016, accueillant la demande en délaissement forcé et prise en paiement en faveur du créancier hypothécaire 9084-6510 Québec Inc., rétroactivement au 5 janvier 2016[4].

[8]      En résumé, Roger Lachapelle a été le propriétaire de l’immeuble du 18 mai 2004 au 2 juin 2009, Safae Adli El Yazami et Nicolas Ogly du 2 juin 2009 au 5 janvier 2016 et 9084-6510 Québec Inc. du 5 janvier 2016 jusqu’à la vente de l’immeuble le 20 février 2018.

[9]      Roger Lachapelle est décédé le 28 juin 2020.

Demande du locateur :

-         Les parties sont-elles liées par un bail? :

[10]   Il y a chose jugée quant à l’existence d’un bail. Le juge administratif Serge Adam a déjà jugé, dans une décision rendue le 8 septembre 2016, que :

« Les parties sont liées par un bail à durée indéterminée pour un loyer mensuel de 625 $ incluant les frais d’électricité aux termes d’un bail signé en 2009 et reconduit d’année en année »[5].

[11]   Cette décision n’a pas été rétractée ou portée en appel et est donc finale. Elle a par conséquent l’autorité de la chose jugée, une présomption absolue[6].

[12]   Le bail, signé le 2 juin 2009, lie le locataire Roger Lachapelle et les locateurs d’alors Nicolas Ogly et Safae Adli El Yazami[7]. L’aliénation volontaire ou forcée ne permet pas au nouveau locateur, 9084-6510 Inc., de résilier le bail. Il a, envers le locataire, les droits et obligations résultant du bail[8]. Il est donc lié aux mêmes conditions que les anciens locateurs.

[13]   Monsieur Lachapelle n’a pas squatté le logement et n’y est pas entré par effraction non plus. S’il n’y avait pas de bail, pourquoi le locateur a-t-il introduit une demande en recouvrement du loyer devant le Tribunal administratif du logement? Il se serait plutôt adressé à la Cour du Québec s’il s’agissait, comme il le prétend, d’une contrepartie pour l’occupation des lieux. Le loyer est le coût mensuel que paie le locataire occupant un logement. Il y a dès lors un bail, qu’il soit écrit ou verbal, à durée fixe ou indéterminée.

-         Quel est le prix du loyer? :

[14]   La preuve est contradictoire.

[15]   Le locataire a allégué que le bail signé le 2 juin 2009 indique un loyer de 600 $ par mois incluant les frais d’électricité et de déneigement. Le bail a été modifié en 2015. Les parties ont signé, le 11 mars 2015, un document suivant lequel le loyer est de 625 $ par mois incluant eau chaude, électricité, déneigement et câble[9].

[16]   Le locateur a déposé l’inscription de l’agent d’immeuble en charge de la vente de l’immeuble en 2008 alors que Monsieur Lachapelle en était le propriétaire. Il y est indiqué que le loyer mensuel du logement du sous-sol est de 750 $[10]. Il exhibe également le contrat de vente conclue le 2 juin 2009. L’article 23 mentionne que le loyer est de 780 $ par mois[11]. Finalement, la fiche d’inscription de l’agente d’immeuble mandatée par le locateur en 2016 indique que le loyer mensuel est de 600 $[12].

[17]   Le locataire a témoigné que lorsqu’il était propriétaire de l’immeuble et qu’il habitait le logement du rez-de-chaussée, il louait celui du sous-sol à 750 $ par mois. Quand il est devenu locataire du logement du bas, le loyer mensuel a été réduit à 600 $ parce qu’il tondait la pelouse, faisait les travaux et l’entretien de l’immeuble, mais aussi parce qu’il payait les loyers à l’avance.

[18]   Cette prétention du locataire est plausible. Le Tribunal décide que le loyer était de 600 $ par mois de juillet 2009 à juin 2015 et de 625 $ de juillet 2015 à juin 2017.

-         Le loyer a-t-il été payé aux anciens locateurs? :

[19]   Le locataire a témoigné qu’il payait toujours d’avance le loyer pour l’année à venir[13]. Il a payé :

-        le 2 juin 2009, la somme de 7 200 $ pour le paiement du loyer des mois de juillet 2009 à juin 2010,

-        7 200 $ pour juillet 2010 à juin 2011,

-        14 400 $ pour juillet 2011 à juin 2013,

-        le 22 juillet 2013, 7 200 $ pour juillet 2013 à juin 2014,

-        le 20 juin 2014, 4 200 $ pour décembre 2014 à juin 2015,

-        le 11 mars 2015, 15 000 $ pour juillet 2015 à juin 2017.

[20]   La défense du locataire au sujet du paiement des loyers n’est pas contredite. Le Tribunal ne retient pas la déclaration sous serment de Monsieur Ogly[14] car elle n’a pas été communiquée au locataire avant son dépôt à l’audience du 7 février 2017[15]. Pourtant, le document est daté du 12 décembre 2016. Le locateur avait amplement le temps de le notifier au locataire afin que celui-ci puisse en vérifier l’authenticité et, le cas échéant, s’y opposer pour contre-interroger Monsieur Ogly.

[21]   Le Tribunal conclut que le locataire n’avait aucun loyer en souffrance au moment de son départ en juin 2017.

Demande du locataire :

[22]   Nous le répétons, les frais d’électricité étaient à la charge du locateur[16]. Quelle qu’en soit la raison, le locataire a été privé de ce service durant dix jours, soit du 8 au 18 août 2016. Il a demandé à Hydro-Québec de le brancher à son compte. Le frais encourus pour ce faire sont rejetés en l’absence d’une pièce justificative. Il a toutefois prouvé des coûts d’électricité de 81,15 $ pour la période du 18 août 2016 au 17 octobre 2016[17]. Les frais allant jusqu’en juin 2017 n’ont pas été réclamés.

[23]   Le montant de 200 $ pour la perte de nourriture dans le réfrigérateur est raisonnable et est en conséquence accordé.

[24]   Les frais de déneigement étaient aussi à la charge du locateur. Ce service ayant également été coupé, le locataire a dû faire déneiger à l’hiver 2016-2017. Il lui en a coûté la somme de 287,44 $[18] que le locateur devra lui rembourser.

[25]   La demande d’ordonnances est devenue sans objet.

[26]   CONSIDÉRANT l’ensemble de la preuve;

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[27]   DÉCLARE valides le bail conclu entre les parties le 2 juin 2009 ainsi que l’avis d’augmentation de loyer donné le 11 mars 2015;

[28]   CONSTATE la fin du bail à compter du 30 juin 2017;


[29]   CONDAMNE le locateur à payer à la succession du locataire la somme de 568,59 $ plus les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter :

-         du 31 octobre 2016 sur la somme de 81,15 $,

-         du 12 décembre 2016 sur la somme de 487,44 $;

[30]   REJETTE les demandes quant aux autres conclusions.

 

 

 

 

 

 

 

 

Gabrielle Choinière

 

Présence(s) :

 

Dates d’audience :

le locataire

le mandataire du locateur

12 décembre 2016, 7 février 2017 et 6 juin 2017

Présence(s) :

 

Date d’audience :      

Me Yannick Morin, représentant la succession du locataire

le mandataire du locateur, représenté par Me Martin Brisson

19 janvier 2021

 

 

 


 



[1]    Article 57 de la Loi sur le Tribunal administratif du Québec.

[2]    Dossiers # 505-17-011696-194 et 505-17-012273-209.

[3]    Pièce P-2.

[4]    Pièce P-4.

[5]    Dossier # 291250 37 20160811 G.

[6]    Article 2848 du Code civil du Québec.

[7]    Pièce L-1.

[8]    Article 1937 du Code civil du Québec.

[9]    Pièce L-2.

[10]   Pièce P-1.

[11]   Pièce P-2.

[12]   Pièce P-11.

[13]   Pièces L-1, L-2 et L-5.

[14]   Pièce P-10.

[15]   Article 2870 du Code civil du Québec.

[16]   Pièces L-1 et L-2.

[17]   Pièce L-3.

[18]   Pièce L-4.

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