Décision

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Décision

Wang c. Toache Ramirez

2014 QCRDL 31020

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

163034 31 20140703 G

No demande :

1528624

 

 

Date :

10 septembre 2014

Régisseure :

Sylvie Lambert, juge administratif

 

Bin Wang

Li Zhang

 

Locateurs - Partie demanderesse

c.

Anabell Toache Ramirez

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Les locateurs demandent la résiliation du bail et l'expulsion de la locataire et des autres occupants du logement, le recouvrement de l’augmentation de loyer de 7 $ par mois, et ce, jusqu’au moment de l'audience, l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel, plus les frais judiciaires.

[2]      Les locateurs demandent de plus la résiliation du bail au motif que la locataire paie fréquemment son loyer en retard.

Le loyer et l’augmentation de loyer

[3]      Il s'agit d'un bail du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014 au loyer mensuel de 650 $, payable le premier jour de chaque mois, reconduit jusqu’au 30 juin 2015. Le montant du loyer pour cette dernière reconduction du bail est contesté.

[4]      Selon les locateurs, le loyer est augmenté à 657 $ par mois, alors que selon la locataire, le montant du loyer n’a pas augmenté puisque son acceptation à l’augmentation de 7 $ par mois était conditionnelle à l’exécution de certains travaux par les locateurs; comme ces travaux n’ont pas été exécutés, elle soutient qu’elle n’a pas à payer le montant de l’augmentation.


[5]      Le 5 mars 2014, la locataire transmet la lettre suivante aux locateurs :

« Montréal, le 05 mars 2014

À l’attention de M. Bin Wang (PROPRIÉTAIRE)

1924, FRONTENAC

MONTRÉAL, Québec H2K 2Z1

Objet : RENOUVELLEMENT DE BAIL 2013-2014

M. BIN WANG,

La présente, est pour donner suite à votre lettre du 28 février 2014, concernant l’augmentation pour l’année 2014-2015.

Nous vous informons que nous avons l’intention de rester pour l’année 2014-2015, mais nous ne sommes pas d’accord avec l’augmentation de 20 $, soit de 650 $ à 670 $.

Ce refus est justifié parce que vous n’avez pas effectué les réparations que je vous ai demandées depuis l’été 2013, comme suit :

-      La salle de bain (baignoire n’a pas été réparée)

-      Porte de sortie de secours de la cuisine n’est pas fonctionnelle, n’a pas d’isolant (il fait très froid à cause des vents)

-      Extermination de coquerelles

Une fois les réparations effectuées, nous sommes prêts à payer l’augmentation de 7 $ ou le montant que la Régie du logement peut autoriser.

Veuillez agréer M. Bin Wang, l’expression de mes sentiments les meilleurs. »

[6]      Le 4 avril 2014, la locatrice Bin Wang écrit la mention « D’accord » sur cette lettre et appose sa signature.

[7]      Les locateurs sont propriétaires de l’immeuble où est situé le logement concerné depuis avril 2013.

[8]      En ce qui concerne le problème des coquerelles, en juin 2014, la locatrice Wang applique elle-même un produit (une poudre blanche) dans le logement concerné afin de tenter d’éradiquer les coquerelles. La locataire, après une vingtaine de jours, le temps de permettre au produit de faire effet, informe la locatrice Bin Wang que le problème subsiste lorsque celle-ci vient quérir le loyer le 1er juillet 2014. Les locateurs ne font rien par la suite.

[9]      La locataire produit des photos prises après l’application du produit par la locatrice et dans les jours suivants; on peut y voir de nombreuses coquerelles prises au piège sur du papier adhésif spécialement conçu pour piéger les insectes[1]. C’est la locataire qui s’est procuré ces papiers et qui les a disposés à plusieurs endroits dans son logement.

[10]   Selon les locateurs, la locataire ne les a pas informés, après l’application du produit, qu’il y avait encore des coquerelles dans le logement.

[11]   Quant à la salle de bain, la locataire maintient que les locateurs s’étaient engagés à rénover la salle de bain tout comme le lui avait promis l’ancien propriétaire. Sa compréhension était à l’effet que les locateurs devaient remplacer le bain par un neuf. Plutôt que de le remplacer, les locateurs ont enlevé la peinture écaillée au fond du bain et ils ont repeint le bain. Elle conclut qu’il y a eu inexécution de leur engagement et qu’elle n’a donc pas l’obligation de payer l’augmentation de loyer selon l’entente conditionnelle intervenue entre les parties. Elle produit des photos du bain après la réparation. Sur une des photos, on y voit beaucoup de rouille sur le contour du drain de fond.

[12]   Les locateurs maintiennent qu’ils ne se sont jamais engagés à remplacer le bain, mais uniquement à le réparer, ce qu’ils maintiennent avoir fait. Ils ont par ailleurs remplacé l’ancienne toilette par une neuve.

[13]   Quant à la porte de sortie de secours, la locataire explique que la porte ne ferme pas de façon étanche et que l’air extérieur passe par l’espace entre la porte et le cadrage. Les locateurs reconnaissent qu’ils n’ont pas effectué la réparation, mais déclarent qu’ils ont pris les dispositions afin que celles-ci soient effectuées fin septembre, début octobre 2014.


[14]   La locataire reconnaît par ailleurs qu’elle n’a pas payé le loyer du mois d’août 2014.

[15]   Quant au motif de résiliation pour retards fréquents dans le paiement du loyer, les locateurs témoignent à l’effet que la locataire a été en retard en septembre et octobre 2013 et par la suite, en avril 2014 et août 2014. Les retards constatés sont par ailleurs de courte durée, soit de deux à trois jours.

[16]   Quant à un des deux retards survenus à l’automne 2013, la locataire explique qu’elle était à l’hôpital et qu’elle a avisé les locateurs que dès son retour, elle verrait à payer son loyer, ce qu’elle a d’ailleurs fait dans les trois jours suivants.

ANALYSE ET DÉCISION

[17]   Les locateurs maintiennent avoir droit à l’augmentation de loyer de 7 $ par mois, suivant l’avis d’augmentation qu’ils ont transmis à la locataire le 28 février 2014.

[18]   Or la preuve révèle que l’acceptation de la locataire à payer l’augmentation de loyer est conditionnelle à l’exécution des travaux décrits dans sa lettre du 5 mars 2014, ce que les locateurs ont accepté. L’obligation de payer le montant de l’augmentation de loyer est une obligation conditionnelle au sens de l’article 1947 du Code civil du Québec dont la naissance est suspendue jusqu’à ce que toutes les conditions décrites à l’entente arrivent.

[19]   Le tribunal doit donc déterminer si les conditions prévues à l’entente se sont réalisées.

[20]   La preuve prépondérante démontre qu’il y a toujours des coquerelles dans le logement de la locataire. Le tribunal donne foi au témoignage de la locataire à l’effet qu’elle a avisé les locateurs que le problème persistait quelques jours après l’application du produit par la locatrice. Les photos produites démontrent la présence de nombreuses coquerelles et il serait étonnant que la locataire n’ait pas signalé la situation à la locatrice lorsque celle-ci est venue quérir le loyer le 1er juillet 2014.

[21]   Quant à la salle de bain, des réparations ont été effectuées, la preuve prépondérante démontre que la peinture écaillée de la baignoire a été enlevée et qu’elle a été repeinte. Toutefois, une photo du bain après les réparations démontre que le contour du drain de fond est très rouillé. L’entente ou la condition concernant le bain ne mentionne pas qu’il doit être remplacé, mais plutôt qu’il doit être réparé. Pour le tribunal, les réparations incluent nécessairement le contour du drain de fond.

[22]   En ce qui concerne la porte de sortie de secours, les réparations n’ont pas été effectuées en date de ce jour, tel que les locateurs l’ont reconnu eux-mêmes à l’audience.

[23]   Par conséquent, le tribunal en vient à la conclusion que les conditions prévues à l’entente intervenue entre les parties pour donner droit aux locateurs à l’augmentation de loyer de 7 $ ne sont pas toutes réalisées et par conséquent, il y a lieu de rejeter leur réclamation. Ce n’est que lorsque toutes les conditions auront été réalisées qu’ils pourront prétendre à cette augmentation.

[24]   La preuve démontre par conséquent que la locataire doit la somme de 650 $, soit le loyer du mois d’août 2014.

[25]   La locataire n’est pas en retard de plus de trois semaines dans le paiement de son loyer, ce premier motif de résiliation de bail n’est donc pas justifié par l’application de l’article 1971 C.c.Q.

[26]   Quant à la demande de résiliation du bail pour retards fréquents dans le paiement du loyer, le tribunal est d’avis que les défauts de la locataire ne sont pas assez réguliers et continuels depuis les derniers mois. La fréquence de ces retards ne rencontre pas les critères de l’article 1971 C.c.Q. Les quelques retards sont ponctuels, de courte durée et la locataire a de plus fourni des explications crédibles et valables quant à un des deux retards survenus à l’automne 2013.

[27]   Le tribunal rejette par conséquent la demande de résiliation du bail pour retards fréquents dans le paiement du loyer.


[28]   Le tribunal rappelle par contre à la locataire son obligation légale de payer le premier de chaque mois. Advenant d’autres défauts, les locateurs pourront réclamer à nouveau la résiliation du bail pour retards fréquents, et cette fois, faire la preuve du préjudice sérieux leur étant occasionné.

[29]   L’exécution provisoire de la présente décision n’est pas justifiée aux termes de l’article 82.1 de la Loi sur la Régie du logement (RLRQ, c. R-8.1).

[30]   En vertu du Tarif des frais exigibles par la Régie du logement (RLRQ, c. R-8.1, r.6), les locateurs ont droit au paiement des frais engagés de 71 $ pour la production de la demande et des frais de signification de 8,50 $.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[31]   CONDAMNE la locataire à payer aux locateurs la somme de 650 $, plus les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du C.c.Q. à compter du 1er août 2014, plus les frais judiciaires de 79,50 $;

[32]   REJETTE la demande quant aux autres conclusions

 

 

 

 

 

 

 

 

Sylvie Lambert

 

Présence(s) :

les locateurs

la locataire

Date de l’audience :  

20 août 2014

 


 



[1] Pièce L-1 en liasse.

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