Décision

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Phan c. Lalumière

2023 QCTAL 36504

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

710045 31 20230524 G

No demande :

3914356

 

 

Date :

24 novembre 2023

Devant la juge administrative :

Camille Champeval

 

Thi Neo Phan

 

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Stéphane Lalumière

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         La locatrice requiert la résiliation du bail au motif que le locataire est en retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer.

[2]         Comme second motif de résiliation, elle allègue que la locataire paye son loyer fréquemment en retard.

[3]         La locatrice requiert également l’exécution provisoire de la décision et le paiement des frais judiciaires.

[4]         Elle a mandaté un ami, Yan Chen (« Chen »)[1], afin de la représenter à l’audience. Il indique avoir le mandat de demander une remise du dossier ou encore de procéder. Puisqu’il se déclare prêt à procéder, la demande de remise est refusée séance tenante.

Le contexte

[5]         Les parties sont liées par un bail reconduit, du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024.

[6]         Le montant du loyer est l’objet du litige, pour les termes du 1er juillet 2022-2023 et 2023-2024. La réclamation de la locatrice ne vise que des arrérages, accumulés pendant cette période.

[7]         Les parties admettent que le loyer de la locataire était de 545 $ par mois du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021.

Droit applicable

[8]         Les articles 1942, 1945 et 1947 C.c.Q. sont applicables en l'instance et stipulent ce qui suit :

« 1942. Le locateur peut, lors de la reconduction du bail, modifier les conditions de celui-ci, notamment la durée ou le loyer; il ne peut cependant le faire que s'il donne un avis de modification au locataire, au moins trois mois, mais pas plus de six mois, avant l'arrivée du terme. Si la durée du bail est de moins de 12 mois, l'avis doit être donné, au moins un mois, mais pas plus de deux mois, avant le terme.


Lorsque le bail est à durée indéterminée, le locateur ne peut le modifier, à moins de donner au locataire un avis d'au moins un mois, mais d'au plus deux mois.

Ces délais sont respectivement réduits à 10 jours et 20 jours s'il s'agit du bail d'une chambre. »

« 1945. Le locataire qui refuse la modification proposée par le locateur est tenu, dans le mois de la réception de l'avis de modification du bail, d'aviser le locateur de son refus ou de l'aviser qu'il quitte le logement; s'il omet de le faire, il est réputé avoir accepté la reconduction du bail aux conditions proposées par le locateur.

Toutefois, lorsque le bail porte sur un logement visé à l'article 1955, le locataire qui refuse la modification proposée doit quitter le logement à la fin du bail. »

« 1947. Le locateur peut, lorsque le locataire refuse la modification proposée, s'adresser au tribunal dans le mois de la réception de l'avis de refus, pour faire fixer le loyer ou, suivant le cas, faire statuer sur toute autre modification du bail; s'il omet de le faire, le bail est reconduit de plein droit aux conditions antérieures. »

La preuve

Période du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023

[9]         Chen affirme que le locataire doit 150 $ pour cette période, soit 15 $ par mois entre septembre 2022 et juin 2023.

[10]     Le 20 février 2022, la locatrice transmet, via son concierge, un avis d’augmentation de loyer au locataire daté du 13 février 2022.

[11]     Chen présente l’avis en question, lequel indique que le loyer mensuel actuel[2], de 560 $, sera augmenté de 30 $ par mois à compter du 1er juillet 2022. Le locataire n’a pas refusé ladite augmentation, dit-il.

[12]     Le locataire présente l’avis qu’il a reçu de la locatrice le 20 février 2022 et portant la même date que celui présenté par Chen. Le document mentionne que le loyer mensuel actuel, de 545 $, sera augmenté de 30 $ par mois à compter du 1er juillet 2022.

[13]     Interrogé à ce sujet, Chen affirme que le montant inscrit de 545 $ constitue une erreur, puisque le locataire payait 560 $ par mois pour le terme 2021-2022. La locatrice a appelé le locataire pour le lui souligner, affirme-t-il. Il était absent lors de cette conversation téléphonique.

[14]     Le locataire n’a, quant à lui, jamais vu l’avis d’augmentation exhibé par Chen. Il affirme que le montant de 545 $, apparaissant comme étant le loyer pour le terme 2021-2022 était effectivement ce qu’il payait à la locatrice. Celle-ci ne l’a d’ailleurs jamais contacté pour corriger ce montant, ajoute-t-il.

[15]     Il s’est conformé à l’avis d’augmentation que la locatrice lui a transmis et a payé 575 $ par mois du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023.

[16]     Ces prétentions sont fausses, renchérit Chen. Il présente à cet effet un document constitué par la locatrice selon lequel le locataire a payé 560 $ par mois pour la période du 1er octobre 2021 au 30 juin 2022 et 590 $ en juillet et août 2022.

[17]     La preuve de la partie locatrice est principalement constituée de « self serving evidence » dont la valeur probante est faible.

[18]     En effet, l’avis d’augmentation présenté par Chen a été modifié, afin de gonfler le montant indiqué à côté de la mention « loyer actuel ». Quand cette modification a-t-elle été faite? Pourquoi le locataire n’a-t-il jamais été notifié d’un avis corrigé?

[19]     Ainsi, l’avis d’augmentation présenté par Chen doit être écarté au profit de celui qui a été transmis au locataire. D’ailleurs, la preuve d’une conversation entre la locatrice et le locataire concernant l’existence de cette erreur et d’une entente portant sur le montant du nouveau loyer est inexistante. Chen ne fait que rapporter les propos de la locatrice à ce sujet, ce qui constitue du ouïdire, inadmissible en droit civil.


[20]     Le tableau constitué par la locatrice possède également une valeur peu probante, compte tenu de l’ensemble de la preuve. Il aurait été approprié de plutôt déposer des états de compte bancaires.

[21]     Notons enfin que la demande judiciaire ne concorde pas avec la preuve administrée par Chen.

[22]     Celle-ci, datée du 24 mai 2023, fait état d’un loyer mensuel de 565 $ pour la période du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023, ce qui n’a jamais été allégué ou mis en preuve. Rappelons que la demande est réputée être faite sous serment.

[23]     De plus, la locatrice y réclame un solde de 25 $ par mois pour ce même terme, alors que Chen demande plutôt 15 $ par mois.

[24]     En somme, la preuve de la locatrice ne convainc pas le Tribunal.

[25]     Aussi, le Tribunal conclut que le loyer était de 575 $ par mois pour le terme du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023.

[26]     Le locataire ne doit aucune somme à titre de loyer pour cette période.

Période du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024

[27]     Chen affirme que le locataire doit 180 $, soit 45 $ par mois entre juillet et octobre 2023.

[28]     Le 1er mars 2023, la locatrice transmet un avis d’augmentation de loyer au locataire daté du 27 février 2022.

[29]     Chen présente l’avis en question, lequel indique que le loyer mensuel actuel[3], de 590 $, sera augmenté à 620 $ par mois à compter du 1er juillet 2023.

[30]     Le locataire réplique avoir refusé ladite augmentation. Il a expédié son refus à la locatrice, par voie de courrier recommandé. La locatrice a reçu cet avis le 1er avril 2023.

[31]     Interrogé sur les motifs pour lesquels Chen n’a pas soulevé l’existence de ce refus quelques minutes plus tôt lors de son témoignage, celui-ci répond qu’il n’en a pas vu la nécessité, puisque l’avis est hors délais.

[32]     Or, cette affirmation est erronée.

[33]     Le locataire ayant été notifié de l’avis le 1er mars 2023, il disposait de 30 jours à compter de cette date pour communiquer son refus à la locatrice. La date à considérer n’est pas celle de la réception du courrier, mais bien celle de la mise à la poste.

[34]     Or, le locataire a démontré avoir envoyé son avis de refus le 30 mars 2023[4]. Il s’est donc conformé aux prescriptions de l’article 1945 C.c.Q.

[35]     La locatrice n’a pas produit de demande de fixation de loyer, aussi le loyer est demeuré à 575 $ par mois pour le terme du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024.

[36]     Le locataire ne doit à ce jour aucune somme à titre de loyer pour cette période.

[37]     Le locataire n’est pas en retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer, aussi ce motif de résiliation de bail est rejeté.

Les retards fréquents dans le paiement du loyer

[38]     Chen ne peut élaborer davantage au présent chapitre. Il n’a aucune preuve à offrir.

[39]     La demande en résiliation de bail pour cause de retards fréquents dans le paiement du loyer est par conséquent rejetée.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[40]     REJETTE la demande de la locatrice qui en assume les frais.

 

 

 

 

 

 

 

 

Camille Champeval

 

Présence(s) :

le mandataire du locateur

le locataire

Date de l’audience : 

3 novembre 2023

 

 

 


 


[1] L’utilisation du nom de famille vise à abréger le texte et non à faire preuve de familiarité ou de prétention

[2] Soit pour la période du 1erjuillet 2021 au 30 juin 2022.

[3] Soir pour la période du 1erjuillet 2022 au 30 juin 2023.

[4] Lors d’une réouverture d’audience, initiée à la demande du Tribunal, le locataire a démontré avoir envoyé son avis de refus le 30 mars 2023.

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