Ethier c. Barth | 2025 QCTAL 12599 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
Bureau dE Trois-Rivières |
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No dossier : | 808571 15 20240717 T | No demande : | 4559969 |
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Date : | 09 avril 2025 |
Devant le juge administratif : | Stéphan Samson |
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Jean Ethier | |
Locataire - Partie demanderesse |
c. |
Emma Barth | |
Locatrice - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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- Le locataire requiert la rétractation de la décision rendue le 31 octobre 2024, suivant une audience tenue le 26 août 2024, à laquelle il était présent.
APERÇU
- Le locataire soutient qu'il a pris connaissance de cette décision le 31 octobre 2024 et il a déposé sa demande auprès du Tribunal administratif du logement le 12 décembre 2024, tel qu'en fait foi le dépôt de sa demande.
- Le locataire n’a pas demandé d'être relevé de son défaut d'avoir produit sa demande hors délai.
- Il a répondu à trois reprises qu'il a pris connaissance de ladite décision le 31 octobre 2024.
- Il déclare que la juge administrative a commis des erreurs dans sa décision. Selon lui, la juge aurait dû le croire à l'effet qu'il ne devait pas de loyer à la locatrice au moment de l’audience tenue le 26 août 2024.
- La locatrice, quant à elle, soutient que le locataire était présent à l'audience et qu'il a eu toute la latitude pour présenter sa preuve.
- La locatrice soutient également que la demande a été introduite hors délai et qu'elle n'est donc pas recevable.
QUESTIONS EN LITIGE
- Le délai pour introduire le recours a-t-il été respecté ? Dans la négative, est-il justifié d'accorder une prorogation de délai ?
- Le locataire a-t-il prouvé que la juge a commis des erreurs en refusant de le croire concernant le fait qu’il ne devait aucun loyer à la locatrice au moment de l’audience tenue le 26 août 2024 ?
ANALYSE ET DÉCISION
Preuve
- D'entrée de jeu, il est pertinent de rappeler que celui qui veut faire valoir un droit doit faire la preuve des faits au soutien de sa prétention, et ce, de façon prépondérante, la force probante du témoignage et des éléments de preuve étant laissée à l'appréciation du Tribunal[1].
Le principe sur lequel se fonde une demande de rétractation
- Afin de rendre sa décision, le Tribunal doit tenir compte de la jurisprudence. À maintes reprises, les tribunaux ont déterminé que la rétractation est un moyen procédural exceptionnel, car le principe de l'irrévocabilité des jugements est important. Ce principe a été réitéré par la Cour d'appel du Québec :
« Le principe de l'irrévocabilité constitue un élément important de notre système juridique. En effet, une jurisprudence constante affirme que la stabilité des décisions judiciaires est essentielle à une saine administration de la justice. Ce principe se comprend facilement car il est évident que le justiciable, qui est une partie à une action, s'attend à ce que le jugement en résultant mette fin au litige de façon définitive, sous réserve, bien sûr, de porter le jugement en appel. [...] »[2]
Délai
- La demande de rétractation doit être introduite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l'empêchement[3], et en l'espèce, ce délai n'a pas été respecté. En effet, le locataire a admis à trois reprises avoir pris connaissance de la décision rendue le 31 octobre 2024 et il n'a fourni aucune explication pour justifier son retard dans le dépôt de sa demande.
- En conséquence, la demande de rétractation ayant été déposée hors délai, elle doit être rejetée.
- De plus, d'autres motifs motivent le rejet de la demande, lesquels sont énoncés ci-après.
- Dans le présent cas, le Tribunal estime que le locataire veut réformer la décision rendue par la juge administrative. Les motifs de rétractation ne doivent pas être confondus avec l'appel de la décision.
- À cet effet, le Tribunal fait siens les propos de la juge administrative Francine Jodoin, dans une décision du Tribunal administratif du logement :
« Tel qu'expliqué lors de l'audience, la demande en rétractation ne doit pas constituer un appel déguisé de la décision rendue. Le tribunal n'a pas à juger de la justesse de celle-ci ni s'interroger sur les erreurs de faits ou de droit commises puisqu'il ne s'agit pas d'un appel de la décision rendue. Il s'agit plutôt de s'interroger sur l'application de l'article 89 précité et chercher à déterminer si la partie qui en fait la demande a pu démontrer un des motifs prévus à cette disposition.
[...]
Il apparaît clair au tribunal que le locataire remet maintenant en cause la preuve soumise à l'audience en raison des conclusions de la décision. Il a donc plutôt été pris par surprise par la décision et il appert qu'ayant connu d'avance ses conclusions, il se serait préparé différemment. Il demande d'ailleurs la possibilité d'avoir une nouvelle audience pour lui permettre d'apporter des preuves additionnelles. »[4]
- Le locataire est insatisfait de la décision rendue et il a pris le mauvais recours. L'article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement ne peut servir de procédure d'appel et ne couvre pas la situation soulevée par le locataire.
- Conséquemment, le Tribunal ne peut, dans le cadre d'une demande de rétractation, réviser le pouvoir discrétionnaire d'un autre juge administratif et, ainsi, la demande ne peut être accordée.
Conclusions
- Ainsi, la demande de rétractation doit être rejetée.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
- REJETTE la demande en rétractation du locataire qui en assume les frais;
- MAINTIENT la décision rendue le 31 octobre 2024 par la juge administrative du Tribunal administratif du logement.
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| Stéphan Samson |
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Présence(s) : | le locataire la locatrice Me Marianne Roger, avocate de la locatrice |
Date de l’audience : | 19 mars 2025 |
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[2] Lavallée c. Banque Nationale du Canada, C.A., 1998-08-28, SOQUIJ AZ-98011689, J.E. 98-1823, [1998], R.J.Q. 2289.
[4] O'Callaghan c. Fattal, (R.D.L., 2003-05-27), SOQUIJ AZ-50194102, [2003], J.L. 265.