Décision

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Association provinciale des agences de sécurité c. Procureur général du Québec

2022 QCCS 3952

 

COUR SUPÉRIEURE

(Chambre civile)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

No :

500-17-111132-208

 

500-17-112858-207

 

DATE :

Le 26 octobre 2022.

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

MARC ST-PIERRE, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

ASSOCIATION PROVINCIALE DES AGENCES DE SÉCURITÉ

et

ASSOCIATION DES ENTREPRENEURS SPÉCIALISÉS

EN PROCÉDÉ INDUSTRIEL DU QUÉBEC

et

ASSOCIATION NATIONALE DES ENTREPRISES EN

RECRUTEMENT ET PLACEMENT DE PERSONNEL

              Demanderesses

c

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

              Défendeur

et

MINISTRE DU TRAVAIL, DE L’EMPLOI ET DE LA

SOLIDARITÉ SOCIALE

              Mis en cause

et

COMMISSION DES NORMES, DE L’ÉQUITÉ, DE

LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL

et

ASSOCIATION MINIÈRE DU QUÉBEC

et

ASSOCIATION DES FIRMES DE

GÉNIE-CONSEIL-QUÉBEC

et

AU BAS DE L’ÉCHELLE INC.

               Tierces intervenantes

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

 

PRÉAMBULE

 

[1]                Des associations d’employeurs demandent à la Cour supérieure d’annuler certaines dispositions dans un règlement adopté en vertu d’une loi de 2018 modifiant la Loi sur les normes du travail.

[2]                Elles s’en prennent aux nouvelles normes introduites pour règlementer les activités des agences de placement de personnel et des agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires.

[3]                La loi a délégué au gouvernement la responsabilité de définir son champ d’application.

[4]                Par la définition du règlement des agences de placement de personnel qui prévoit qu’elle s’applique ainsi que la loi à toutes les entreprises dont l’une des activités consiste à faire de la location de personnel,  la loi viserait des entreprises autres que des agences spécialisées dans le placement de personnel.

[5]                Par exemple, pourraient être touchés les entrepreneurs spécialisés qui réalisent des travaux majeurs d’entretien de la machinerie dans l’industrie à l’occasion de shut down et les firmes d’ingénieurs-conseils.

[6]                De fait, il arrive que ces entreprises prêtent les services de leurs employés au client en sus des travaux sous la responsabilité de l’entrepreneur ou de travaux réalisés à l’interne.

[7]                Ainsi, les membres de certaines demanderesses et de l’une des intervenantes qui soutient leur (les demannderesses) point de vue seraient touchés dès qu’ils prêtent un de leurs ouvriers ou un professionnel à une entreprise cliente.

[8]                Par ailleurs, les agences de sécurité privée seraient visées à cause de l’imprécision de la définition : offrir des services de location de personnel en fournissant des salariés à une entreprise cliente pour combler des besoins de main-d’œuvre.

[9]                Dans leur cas, elles réfèrent à la location d’agents de sécurité en appoint de ceux employés par le client à l’occasion par exemple d’événements spéciaux.

[10]           Les associations prétendent par ailleurs que le gouvernement a délégué illégalement ses pourvoirs à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail en rapport avec des conditions d’obtention du permis que la loi rend obligatoire pour les agences visées.

[11]           Ce moyen vise six dispositions dans le règlement qui disqualifient celui qui sollicite le permis pour avoir été déclaré coupable d’une infraction pénale ou criminelle ou si c’est le cas pour l’un de ses dirigeants même alors que dirigeant d’une autre entreprise.

[12]           Les associations s’en prennent à la partie de la disposition qui prévoit que c’est l’avis de la CNESST qui établit le lien entre les infractions pénales ou criminelles et l’exercice des activités pour lesquelles le permis est demandé.

[13]           Un des procureurs de certaines demanderesses avait aussi plaidé que ces dispositions relatives à des infractions pénales ou criminelles ainsi que d’autres relatives à des situations d’insolvabilité ne correspondaient pas à l’objet de la loi.

[14]           Cependant, ce procureur a concédé séance tenante qu’il pouvait y avoir un lien avec l’objet de la loi à cause de certains réseaux crapuleux qui ont opéré dans le recrutement de travailleurs étrangers – c’est l’autre type d’agences également visé par les amendements; le procureur n’a pas insisté et le tribunal n’y reviendra pas.

[15]           Le procureur général du Québec, la CNESST ainsi qu’un organisme à but non lucratif ont pris la défense du règlement en invoquant que la définition est conforme à l’objet de la loi modifiant la LNT, qu’elle n’est pas imprécise et qu’il n’y a pas de sous-délégation illégale.

[16]           L’OBNL ajoute que si le règlement élargit le cadre de la loi, ce serait voulu parce que la disposition habilitante dans la loi permet de définir (entre autres) ce qui constitue pour son (la loi) application une agence de placement de personnel.

[17]           Le tribunal en arrivera à la conclusion queffectivement la définition dans le règlement élargit illégalement la portée voulue par le législateur; il sera donc inutile de se prononcer sur son imprécision.

[18]           Par contre, il y a malgré tout lieu de se prononcer sur la soi-disant sous-délégation illégale des conditions d’obtention du permis du gouvernement à la CNESST, l’une des associations d’employeurs demanderesses regroupant des agences de recrutement et de placement de personnel; le tribunal conclura que le gouvernement n’a pas sous-délégué son pouvoir de règlementation.     

PREMIÈRE QUESTION EN LITIGE : Est-ce que la loi introduisant en 2018 les dispositions relatives aux agences de placement vise toutes les entreprises qui louent du personnel à des tiers?

[19]           Les demanderesses et le procureur général conviennent que c’est l’arrêt Katz[1] qui donne la ligne de conduite plus particulièrement le paragraphe 24 :

           [24]    Pour contester avec succès la validité d’un règlement, il faut démontrer qu’il est incompatible avec l’objectif de sa loi habilitante ou encore qu’il déborde le cadre du mandat prévu par la Loi (Guy Régimbald, Canadian Administrative Law (2008), p. 132).  Ainsi que le juge Lysyk l’a expliqué de manière succincte :

[traduction]  Pour déterminer si le texte législatif subordonné contesté est conforme aux exigences de la loi habilitante, il est essentiel de cerner la portée du mandat conféré par le législateur en ce qui a trait à l’intention ou à l’objet de la loi dans son ensemble.  Le simple fait de démontrer que le délégataire a respecté littéralement le libellé (souvent vague) de la loi habilitante lorsqu’il a pris le texte législatif subordonné n’est pas suffisant pour satisfaire au critère de la conformité à la loi.  Le libellé de la disposition habilitante doit être interprété comme comportant l’exigence primordiale selon laquelle le texte législatif subordonné doit respecter l’intention et l’objet de la loi habilitante prise dans son ensemble.

(Waddell c. Governor in Council (1983), 1983 CanLII 189 (BC SC), 8 Admin. L.R. 266, p. 292)

[20]           La demanderesse Association provinciale des agences de sécurité privée a aussi référé à un arrêt de la Cour d’appel fédérale dans ST. LAWRENCE CRUISE LINES INC.[2]

[21]           La règle est assez simple, au-delà des termes généraux de la disposition habilitante : le règlement ne peut pas excéder l’objet de la loi.

[22]           Les demanderesses ont déposé le journal des débats à l’Assemblée nationale tenus lors de l’étude du projet de loi; il appert des extraits cités par les demanderesses que la portée de la loi est plutôt floue.

[23]           Les demanderesses ont également produit un sondage commandé par l’intervenante CNESST en 2012 au sujet des agences de placement du personnel qui ne porte que sur les agences spécialisées en location de personnel; il en de même d’un rapport de la même intervenante en 2013.

[24]           Elles ont également produit un rapport d’ANALYSE D’IMPACT RÈGELMENTAIRE émanant de Travail, Emploi et Solidarité sociale Québec, le ministère qui a piloté le projet de loi, du 28 février 2019 portant sur le futur règlement présentement attaqué.

[25]           Ce rapport – qui ne discute pas de la définition d’agence de placement de personnel  du règlement - non seulement fait référence au sondage ci-dessus mentionné[3] mais porte à croire que le ministère lui-même considère que le règlement ne s’appliquerait qu’aux agences spécialisées en placement de personnel puisque les impacts y étudiés ne concernent manifestement que celles-ci.

[26]           Pour sa part, le procureur général plaide que la loi constitue une réponse à l’appel lancé par le juge en chef de la Cour suprême du Canada dans l’affaire de Ville de Pointe-Claire[4] pour que le législateur apporte des solutions aux lacunes dans la loi relativement à l’identification du véritable employeur dans une relation tripartite : l’employé, le client de l’agence où il exécute son travail et l’agence elle-même.

[27]           Dans cette affaire, l’employée en cause, une employée de bureau, avait été engagée par l’agence et était payée par elle; elle prenait cependant ses congés en même temps que les employés de la municipalité.

[28]           Particulièrement en fonction d’un contrôle de son travail par la municipalité, l’employée a été déclarée par le Tribunal du Travail salariée de cette dernière et visée par le certificat d’accréditation du syndicat représentant les cols blancs à la ville de Pointe-Claire; la Cour suprême a considéré que les tribunaux supérieurs n’avaient pas à intervenir.

[29]           Voici l’extrait où l’appel auquel réfère le procureur général est lancé :

63           Les tribunaux et les cours doivent, hélas, souvent prendre des décisions en interprétant des lois comportant des lacunes.  Le cas sous étude démontre que les situations de relations tripartites peuvent poser des problèmes lorsqu’il s’agit d’identifier le véritable employeur en présence de lois du travail incomplètes sur le sujet.  La relation tripartite s’intègre avec difficulté dans le schéma classique des rapports bilatéraux.  En effet, le Code du travail a été conçu essentiellement pour des relations bipartites comprenant un salarié et un employeur. Le Code du travail n’est pas d’un grand secours lorsqu’il s’agit d’analyser un cas de relation tripartite comme celui en l’espèce.  Les éléments caractéristiques traditionnels d’un employeur sont partagés entre deux entités distinctes l’agence de location de personnel et l’entreprise cliente qui toutes deux entretiennent un certain rapport avec l’employé temporaire.  Confrontés à ces lacunes législatives, les tribunaux ont, selon leur expertise, interprété les dispositions souvent laconiques de la loi. Or, en dernier ressort, il revient au législateur d’apporter des solutions à ces lacunes.  La Cour ne peut empiéter sur un domaine qui ne lui appartient pas.

[30]           Le procureur général en infère que les amendements à la loi visaient toute situation où cette relation tripartite existe, pas seulement lorsque c’est une agence spécialisée qui est en cause; il en prend pour preuve les études sur le sujet – nombreuses – qui se sont succédées dans les décennies qui ont suivi le jugement.

[31]           Cependant, pour la cour, le laps de trente ans rend invraisemblable la proposition du procureur général d’autant plus que dans cette affaire c’était une agence spécialisée en placement de personnel qui était en cause.

[32]           Aussi, pour le procureur général, certains des extraits du journal des débats cités par les demanderesses lorsqu’il est question de sous-contrat soutiendraient son point de vue; la ministre ou le fonctionnaire du ministère à qui elle cède la parole lorsqu’ils en discutent déclarent que la notion de sous-contrat pourrait ou pas selon la définition qu’on lui donne s’appliquer à la location de personnel.

[33]           Cependant, de l’avis de la cour, ce n’est pas concluant : il est possible que les réponses de la ministre et  du fonctionnaire de son ministère réfèrent à une agence spécialisée en placement de personnel lorsqu’ils parlent de sous-traitant.

[34]           L’autre argument du procureur général veut que l’expression agence de placement de personnel ne soit pas celle utilisée dans la loi.

[35]           Cependant, s’il est vrai que le titre de la section introduite par la loi, la section VIII.2, ne reprend pas l’expression complète, c’est toutefois le cas aux articles 92.5 et 92.7 faisant partie de cette nouvelle section, 92.7 étant d’ailleurs la disposition habilitant le gouvernement à adopter la définition d’agence de placement de personnel.

[36]           L’intervenante CNESST pour sa part a commencé à procéder à l’analyse des études produites part le procureur général – s’étirant sur trente ans -  puis appelée par le tribunal à s’appuyer sur quelque chose de plus contemporain, elle a référé à l’avis de juillet 2017 du Comité consultatif sur les normes du travail portant précisément sur l’encadrement des agences de placement de personnel.

[37]           On comprend que c’est le document qui a servi à mettre la table pour le projet de loi; or, la lecture attentive du document permet de comprendre que ce sont les agences spécialisées en placement de personnel qui sont concernées.

[38]           Plus particulièrement à la page 3, dans la section 5. Définitions, au sous-paragraphe b., deuxième paragraphe, la partie qui concerne la location de personnel,  se lit comme suit : 

b.  des services consistant à employer des travailleurs dans le but de les mettre à disposition d’une tierce personne physique ou morale (ci-après désignée comme « l’entreprise utilisatrice »), qui fixe leurs tâches et en supervise l’exécution;                          

[39]           La partie importante est « dans le but de » établissant un lien entre l’embauche de l’employé et son placement chez un tiers; de façon frappante, cette partie de la définition répond précisément à un argument de l’un des procureurs des demanderesses lorsqu’il a parlé des agences comme des entreprises qui embauchent des travailleurs pour les prêter à des tiers.

[40]           Ce serait d’ailleurs selon ce procureur un élément inclus dans la définition de la législation ontarienne encadrant les agences de placement de personnel.

[41]           Cet avis du Conseil consultatif des Normes du Travail, un organisme gouvernemental dont le mandat consiste notamment à conseiller le gouvernement sur des modifications à la Loi sur les normes du travail, fait définitivement pencher la balance du côté de la thèse des associations d’employeurs demanderesses ou intervenantes.

[42]           Cette conclusion est appuyée par l’interprétation téléologique recommandée pour l’examen de la légalité d’une disposition règlementaire : l’introduction par la même loi de l’article 41.2 LNT qui force le locateur de personnel à verser au salarié prêté la même rémunération que l’entreprise cliente.

[43]           Cette obligation normale pour les employés des agences qui embauchent du personnel pour le placer chez un client devient aberrante lorsqu’appliquée aux membres des demanderesses ou des membres des associations d’employeurs intervenantes qui ont leur propre régime de conditions de travail, fixées de surcroît par un décret gouvernemental dans le cas des agences de sécurité.

[44]           L’intervenante Au bas de l’échelle Inc. a produit pour sa part la transcription de la conférence de presse de la ministre du Travail lors de la présentation du projet de loi; évidemment, la pertinence de ce document ne saurait être mise en cause, mais les passages qu’elle a pointés ne soutiennent pas son point de vue.

[45]           Elle ajoute par ailleurs un argument en droit distinct : le législateur a délibérément voulu donner au gouvernement le pouvoir de délimiter la portée de la loi par une disposition habilitante qui le prévoit expresment, l’article 92.7 sous-paragraphe 1 LNT :

92.7. Le gouvernement peut, par règlement:

 définir ce qui constitue, pour l’application de la présente loi, une agence de placement de personnel, une agence de recrutement de travailleurs étrangers temporaires, une entreprise cliente et un travailleur étranger temporaire;

[46]           Pour intéressant que soit cet argument, il ne résiste pas à l’analyse : le gouvernement ne peut utiliser la disposition habilitante même très large pour étendre le champ d’application de la loi à autre chose que son objet véritable.

[47]           Le passage suivant dans l’extrait d’un jugement de la Cour suprême de Colombie britannique ci-dessus reproduit avec approbation dans l’arrêt  Katz[5] - il fait partie de ce que cité au paragraphe 19 du présent jugement - répond précisément à l’argument de l’intervenante :

Le simple fait de démontrer que le délégataire a respecté littéralement le libellé (souvent vague) de la loi habilitante lorsqu’il a pris le texte législatif subordonné n’est pas suffisant pour satisfaire au critère de la conformité à la loi.

[48]           Le tribunal est donc d’avis que les demanderesses et les intervenantes Association minière du Québec et Association des firmes d'ingénieur-conseil Québec ont raison : la définition d’« agence de placement de personnel » prévue à l’article 1 du Règlement sur les agences de placement de personnel et les agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires est ultra vires.       

DEUXIÈME QUESTION EN LITIGE : Est-ce que le gouvernement a délégué illégalement à l’intervenante CNESST le pouvoir de déterminer quelles seraient les infractions qui seraient en lien avec l’exercice des activités pour lesquelles est demandé le permis rendu obligatoire pour les agences de placement de personnel?

[49]           Voyons d’abord la disposition habilitante dans la loi :

92.7. Le gouvernement peut, par règlement:

 fixer la durée de validité d’un permis et toute condition, restriction ou interdiction relative à sa délivrance, à son maintien et à son renouvellement;

[50]           Passons maintenant aux dispositions incriminées dans le règlement :

11.    La personne, société ou autre entité qui satisfait à l’ensemble des conditions prévues à l’article 10 peut toutefois se voir refuser la délivrance d’un permis, par la Commission, pour l’un des motifs suivants:

 au cours des 5 années précédant la demande, à moins d’en avoir obtenu le pardon, elle a été déclarée coupable ou elle a été dirigeant d’une personne morale, société ou autre entité déclarée coupable d’une infraction pénale ou criminelle qui, de l’avis de la Commission, a un lien avec l’exercice des activités pour lesquelles le permis est demandé;

 au cours des 5 années précédant la demande, à moins d’en avoir obtenu le pardon, elle a fait l’objet d’une décision d’un tribunal étranger la déclarant coupable d’une infraction qui, si elle avait été commise au Canada, aurait pu faire l’objet d’une poursuite pénale ou criminelle ayant, de l’avis de la Commission, un lien avec l’exercice des activités pour lesquelles le permis est demandé;

 elle a été dirigeant d’une personne morale, société ou autre entité qui, au cours des 5 années précédant la demande, à moins d’en avoir obtenu le pardon, a fait l’objet d’une décision d’un tribunal étranger la déclarant coupable d’une infraction qui, si elle avait été commise au Canada, aurait pu faire l’objet d’une poursuite pénale ou criminelle ayant, de l’avis de la Commission, un lien avec l’exercice des activités pour lesquelles le permis est demandé;

12°  elle a parmi ses dirigeants une personne qui, au cours des 5 années précédant la demande, à moins d’en avoir obtenu le pardon, a été déclaré coupable ou a été dirigeant d’une personne morale, société ou autre entité déclarée coupable d’une infraction pénale ou criminelle qui, de l’avis de la Commission, a un lien avec l’exercice des activités pour lesquelles le permis est demandé;

13°  elle a parmi ses dirigeants une personne qui, au cours des 5 années précédant la demande, à moins d’en avoir obtenu le pardon, a fait l’objet d’une décision d’un tribunal étranger la déclarant coupable d’une infraction qui, si elle avait été commise au Canada, aurait pu faire l’objet d’une poursuite pénale ou criminelle ayant, de l’avis de la Commission, un lien avec l’exercice des activités pour lesquelles le permis est demandé;

14°  elle a parmi ses dirigeants une personne qui a été dirigeant d’une personne morale, société ou autre entité qui, au cours des 5 années précédant la demande, à moins d’en avoir obtenu le pardon, a fait l’objet d’une décision d’un tribunal étranger la déclarant coupable d’une infraction qui, si elle avait été commise au Canada, aurait pu faire l’objet d’une poursuite pénale ou criminelle ayant, de l’avis de la Commission, un lien avec l’exercice des activités pour lesquelles le permis est demandé.

 

[51]           Les associations d’employeurs ont donné plusieurs exemples de loi ou de règlement dans lesquelles sont énumérées les infractions disqualifiant le demandeur de permis plutôt que de laisser à une autorité administrative le soin de les déterminer.

[52]           Cette association a été écartée séance tenante par le tribunal qui croit que c’est une question de mode de rédaction et que c’est au législateur ou au gouvernement selon le cas à décider du mode pour ce faire.

[53]           Par ailleurs, le gouvernement n’a pas délégué à l’intervenante CNESST la responsabilité de déterminer les critères et lajout des mots en cause –  de l’avis de la Commision - dans les dispositions ne permet pas à l’intervenante CNESST de refuser déraisonnablement un permis à une agence pour une infraction qui n’aurait pas de lien avec les activités pour l’exercice desquelles le permis est demandé.

[54]           Comme le procureur général l’a plaidé, ça n’a pas d’impact réel; il n’y a donc pas de sous-délégation illégale et la cour refusera de déclarer ultra vires les sept dispositions à l’article 11 du règlement attaquées par les associations d’employeurs.   

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL : 

 

[55]           ACCUEILLE partiellement les pourvois en contrôle judiciaire des demanderesses;   

 

[56]           DÉCLARE que la définition « d’agence de placement de personnel » contenue à l’article 1 du Règlement sur les agences de placement de personnel et les agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires est ultra vires des pouvoirs du gouvernement et est donc nulle;   

 

[57]           AVEC les frais de justice des demanderesses à charge du défendeur Procureur général du Québec.

          

     

 

 

 

 

MARC ST-PIERRE, j.c.s.

 

 

Me Éric Lallier

Me Jonathan Deschamps

NORTON ROSE FULBRIGHT S.E.N.C.R.L /L.L.F.

Avocats de la demanderesse

ASSOCIATION PROVINCIALE DES AGENCES DE SÉCURITÉ

 

Me Guillaume Pelegrin

Me  Yves Turgeon

Me Janouk Charbonneau

FASKEN MARTINEAU DUMOULIN S.E.N.C.R.L., S.R.L.

Avocats des demanderesses

ASSOCIATION DES ENTREPRENEURS SPÉCIALISÉS

EN PROCÉDÉ INDUSTRIEL DU QUÉBEC

et  ASSOCIATION NATIONALE DES ENTREPRISES EN

RECRUTEMENT ET PLACEMENT DE PERSONNEL

 

Me Bruno Deschênes

Me François-Alexandre Gagné

BERNARD, ROY (JUSTICE-QUÉBEC)

Avocats du défendeur

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

et du mis en cause

MINISTRE DU TRAVAIL, DE L’EMPLOI ET

DE LA SOLIDARITÉ SOCIALE

 

Me Julien Patrat

Me Guillaume Lavoie

PINEAULT AVOCATS CNESST

Avocats de la tierce-intervenante CNESST

 

Me Guillume Pelegrin

Me  Yves Turgeon

Me Janouk Charbonneau

FASKEN MARTINEAU DUMOULIN S.E.N.C.R.L., S.R.L.

Avocats des tierces-intervenantes

ASSOCIATION MINIÈRE DU QUÉBEC  et

ASSOCIATION DES FIRMES DE GÉNIE-CONSEIL-QUÉBEC

 

Me Elise Morissette

MORISSETTE & AVOCAT.E.S.INC.

Avocate de la tierce-intervenante

AU BAS DE L’ÉCHELLE INC.

 

 

Date des audiences :

4, 5 et 6 octobre 2022.

 

 


[1] Katz Group Canada Inc. c. Ontario (Santé et Soins de longue durée), 2013 CSC 64.

[2] Canada c. St. Lawrence Cruise Lines Inc., 1997 CanLII 6085 (CAF).

[3] Voir note 1 du rapport.

[4] [1997] 1 RCS 1015.

[5] Voir note 2.

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