Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Décision

Irankhah c. Mbuy

2016 QCRDL 8779

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

153308 31 20140507 G

No demande :

1488416

 

 

Date :

10 mars 2016

Régisseur :

André Monty, juge administratif

 

AFSHIN IRANKHAH

 

ROYA F. KERMANI

 

Locateurs - Partie demanderesse

c.

Dona Mbuy

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Les locateurs demandent la condamnation de la locataire à des dommages au montant de 9 450 $.

[2]      Lors de l’audience, le locateur est présent,  mais la locataire est absente.

[3]      Les parties étaient liées par un bail du 1er avril 2013 au 31 mars 2014 au loyer mensuel de 750 $.

[4]      La preuve révèle que la locataire a quitté les lieux loués, sans droit, en juillet 2013.

[5]      Au moment du départ de la locataire, le logement a été laissé en mauvais état. Le locateur a été contraint d’effectuer un ménage important ainsi que différents travaux. Il a réparé les armoires, le comptoir, plusieurs portes, le plancher, la salle de bain et les murs. Le témoignage du locateur, les photographies présentées au Tribunal ainsi que les factures produites démontrent que les locateurs ont subi un préjudice de 3 185 $. Le Tribunal ne peut faire droit à la demande concernant l’électricité puisque cette réclamation n’apparaît pas à la demande.

[6]      Le logement n’a été reloué que pour le 1er avril 2014. Le nouveau bail est présenté au Tribunal. Le logement a été reloué à un loyer mensuel de 850 $. Les locateurs réclament une indemnité de relocation de 6 000 $, soit l’équivalent du loyer du mois d’août 2013 à mars 2014 (750 $ chacun). Le locateur déclare qu’il a effectué de la publicité sur Internet et qu’il avait une pancarte à louer. Il ne produit aucune preuve documentaire.

[7]      Les principes applicables à l'indemnité de relocation sont résumés de la façon suivante par le professeur Jobin :

« 116. Dommages-intérêts. Le recours en dommages -intérêts vient presque toujours s'ajouter à celui en résiliation. En plus d'une indemnité pour pertes causées au bien loué ou autres dommages le cas échéant, le locateur réclame systématiquement une indemnité pour perte de loyer durant la période nécessaire pour trouver un nouveau locataire; plus précisément, l'indemnité couvre la perte de loyer jusqu'à la délivrance du bien au nouveau locataire, car c'est à partir de l'entrée en jouissance que le nouveau loyer est calculé. 

L'indemnité de relocation obéit aux règles habituelles. Ainsi, le locateur a droit uniquement à la réparation du préjudice qui constitue une suite immédiate et direction de la faute du locateur. De plus, on ne doit pas oublier que le locateur a le devoir de minimiser sa perte: dans le contexte d'une résiliation, il doit prendre les moyens raisonnables pour remplacer le locataire fautif le plus vite possible. ([1]) »

[8]      Ainsi, à partir du moment où le locateur apprend qu'un locataire quittera ou a quitté le logement, il a l'obligation d'entreprendre, sans délai, des démarches raisonnables pour relouer le logement, dans le but de minimiser les dommages qu'il encourt en raison de ce départ.

[9]      L'article 1479 du Code civil du Québec reprend d'ailleurs ce principe en ces termes :

«1479.       La personne qui est tenue de réparer un préjudice ne répond pas de l'aggravation de ce préjudice que la victime pouvait éviter.»

[10]   Cette règle est expliquée comme suit par les auteurs Baudouin et Jobin :

« La règle de la réduction des pertes, ou de la minimisation des dommages est bien connue en Common Law. La jurisprudence québécoise l'a également sanctionnée d'innombrables fois, tant en matière extra contractuelle qu'en matière contractuelle et elle est maintenant codifiée à l'article 1479 C.c.Q. Cette règle est fondée sur le principe selon lequel le débiteur n'est tenu qu'aux seuls dommages directs et immédiats. On peut l'exprimer simplement en disant que le créancier a le devoir, lorsqu'il constate l'inexécution de l'obligation de son débiteur, de tenter d'atténuer autant que possible le préjudice qu'il subit. Agir autrement constitue, en droit civil, un comportement fautif, parce que contraire à la conduite d'une personne normalement prudente et diligente, et mène à une réduction des dommages autrement alloués au créancier. Lorsque le créancier ne réduit pas ses pertes, il est difficile de prétendre que le dommage a été entièrement causé par le fait du débiteur, même si celui-ci en est à l'origine. Les tribunaux n'admettent donc pas que le créancier réclame la partie des dommages qu'il a subis et qu'il aurait pu raisonnablement éviter en se comportant avec prudence, diligence et bonne foi. L'obligation de réduire sa perte est donc une obligation de moyens. ([2])» 

[11]   De nombreuses décisions ont été rendues par nos tribunaux relativement à l'obligation de minimiser ses dommages ([3]).

[12]   Dans le présent dossier, la preuve soumise ne démontre pas que tous les efforts nécessaires ont été déployés pour minimiser la perte des locateurs. Il n’y a aucune preuve documentaire relativement à la publicité effectuée. De plus, il est manifeste que les locateurs ont cherché à louer le logement 100 $ de plus que ce que payait la locataire. Le nouveau bail est à 850 $ par mois alors que la locataire en payait seulement 750 $. Ce n’est pas à la locataire d’assumer le risque que le logement demeure vacant plus longtemps parce que les locateurs veulent une augmentation de 100 $ par mois.

[13]   Le Tribunal considère qu’une indemnité de relocation de 2 250 $, soit l’équivalent de trois mois de loyer est de nature à indemniser adéquatement la perte des locateurs. Le Tribunal tient compte que les travaux de nettoyage et de réparation, requis par la faute de la locataire, ont retardé la disponibilité du logement pour la location.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[14]   CONDAMNE la locataire à payer aux locateurs la somme de 5 435 $, plus les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 7 mai 2014, plus les frais judiciaires et de signification de 79 $;

[15]   REJETTE la demande quant au surplus.

 

 

 

 

 

 

 

 

André Monty

 

Présence(s) :

un des locateurs

Date de l’audience :  

4 février 2016

 

 

 


 



[1] Jobin, Pierre-Gabriel, Le louage, 2e édition, no.116, p. 364.

[2] Baudouin, Jean-Louis et Pierre-Gabriel Jobin, Les obligations, 5e édition, no. 826, p. 655.

[3] Deer College c. Michaels and Finn (1976) 2 R.C.S. 324; Banque Nationale c. Soucisse et al., 1981 2 R.C.S. 339.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.