Lavertu c. Parr |
2013 QCRDL 17546 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Sherbrooke |
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No : |
26 130114 003 T 130318 |
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Date : |
13 mai 2013 |
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Régisseur : |
Marc Landry, juge administratif |
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Jessy Lavertu
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Locataire - Partie demanderesse |
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c. |
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Jonathan Parr
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Locateur - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] La locataire demande la rétractation d’une décision rendue, par défaut, le 28 février 2013, la locataire ayant été absente le jour de l’audience. Par cette décision, le juge administratif constate la résiliation du bail et la locataire est condamnée au paiement du loyer du mois de janvier 2013, soit 470 $.
[2] La locataire allègue qu’elle ne s’est pas présentée à l’audience du 22 février 2013 puisqu’elle n’a jamais reçu l’avis d’audition, sans qu’il y ait faute de sa part.
[3] À l’audience, la locataire et son conjoint déclarent d’abord ne pas avoir reçu l’avis d’audience, ni même avoir reçu signification de la procédure du locateur. Ils déclarent avoir pris connaissance du fait qu’un dossier avait été ouvert à la Régie seulement lorsqu’ils ont reçu la décision rendue.
[4] Le locateur contre-interroge ensuite la locataire et son conjoint et il dépose le rapport de signification par huissier de sa procédure originaire qui démontre que la demande originaire a été personnellement signifiée à la locataire au logement, par le huissier instrumentant, le 14 janvier 2013.
[5] Devant l’évidence de la signification à personne de la procédure du locateur, ce qui contredit la prétention initiale d’ignorance complète du fait que la locataire était poursuivie, la locataire et son conjoint se lancent malhabilement dans une explication tortueuse d’ignorance de la nature du document signifiée par huissier, pour tenter de couvrir la contradiction.
[6] Or, il y a non seulement contradiction entre les témoignages de la locataire et de son conjoint et la signification de la procédure, mais la demande originaire du locateur s’avère des plus explicites (elle parle par elle-même) et elle a été signifiée par un huissier de justice.
[7] À un
autre moment au cours de l’audience, sur la question de la date de la
connaissance de la décision rendue en fonction du délai de dix jours prévu à
l’article
[8] Il est manifeste que la locataire et son conjoint ne disent pas la vérité.
[9] La locataire savait donc qu’elle était poursuivie à la Régie du logement ou le tout relève tout simplement de l’aveuglement volontaire.
[10] La locataire n’a pas fait de changement d’adresse à la Régie du logement suite à son départ du logement. Mais elle témoigne cependant avoir fait son changement d’adresse auprès de Postes Canada. L’étude du dossier révèle effectivement que l’avis d’audience transmis à la locataire n’est pas revenu au dossier sans être réclamé par son destinataire.
[11] L’avis d’audition ne revient pas au dossier de la Régie du logement et la décision qui s’ensuit se rend bien jusqu’à la locataire.
[12] Le Tribunal ne croit donc pas la locataire et son conjoint, qui manifestement n’hésitent pas à ne pas dire la vérité, lorsqu’ils affirment ne jamais avoir reçu l’avis d’audience.
[13] Le Tribunal estime de plus
que la locataire n’a pas renversé les présomptions de réception de l’article 16
du Règlement sur la procédure et de l’article
[14] L’article 16 du Règlement sur les procédures prévoit que l’attestation d’expédition de l’avis d’audition fait preuve prima facie de sa réception par le destinataire.
[15] En vertu de la Loi sur la Société Canadienne des Postes, le destinataire d'un envoi est censé en avoir reçu livraison selon les conditions prévues à l'article 2 qui énonce :
«Transmission postale» Transmission par la Société ou
par son intermédiaire:
2. Pour l'application de la présente loi, le destinataire d'un envoi est censé
en avoir reçu livraison si s'est effectuée, selon les modalités de distribution
habituellement appliquées à son égard, l'une des opérations suivantes :
- remise de l'envoi à son lieu de
résidence ou de travail ou à son établissement;
- remise de l'envoi dans sa boîte postale, dans sa boîte aux
lettres rurale ou en tout autre endroit affecté au même usage;
- remise de l'envoi entre les mains ou entre celles d'une personne apparemment autorisée par lui à en recevoir livraison, notamment un domestique ou un mandataire.
3. Pour l'application de la présente loi, une chose est en cours de transmission postale depuis son dépôt jusqu'à sa livraison au destinataire ou son retour à l'expéditeur.»[1]
[16] Le Tribunal estime que la locataire a fait preuve de négligence en ne se présentant pas à l’audience du 22 février 2013.
[17] La locataire ne présente donc pas une preuve suffisante justifiant le fait qu’elle ne s’est pas présentée à l’audience du 17 décembre 2012 pour faire valoir ses droits. La locataire n’a pas été empêchée, pour une cause suffisante et sans négligence de sa part, d’être présente. La balance des probabilités penche en faveur de la négligence et de l’insouciance de la locataire dans l’exercice de ses droits civils.
[18] Or, la négligence n’est pas un motif de rétractation accepté par les tribunaux.[2] Le juge Bernard Desjarlais[3] s’exprime comme suit :
« Le Tribunal, à
l'instar de la Cour d'appel, Bergeron c. Carrière,
[19] Le Tribunal fait siens les propos de l'honorable Juge Louis Rochette, siégeant alors en Cour supérieure, dans l'affaire Mondex Import inc. c. Victorian Bottle inc.[4] :
«Par ailleurs, en ce qui a trait à la partie elle-même, il n'y a pas d'ambiguïté, elle ne doit pas adopter un comportement négligent dans la défense de ses droits, sans quoi le principe de l'irrévocabilité des jugements pourra lui être opposé. Cela n'est que logique et en conséquence, une partie ne peut laisser cheminer une affaire judiciaire qui la concerne directement sans s'en préoccuper. Elle doit être empressée de faire valoir sa prétention et de préserver ses droits. Les règles de procédure ne peuvent être modulées pour tenir compte du laxisme d'une partie.»
[20] La preuve d’une négligence simple ou d’un comportement insouciant est suffisante pour rejeter une demande de rétractation, selon la Cour d’appel.[5] Il n’est pas nécessaire de démontrer une négligence grossière.
[21] Dans leur analyse sur la jurisprudence en matière de louage résidentiel, Thérèse Rousseau-Houle et Martine De Billy indiquent au sujet de l’absence d'une partie à une audience :
« Le seul fait qu'une partie soit absente à l'audition ne lui donnera pas automatiquement droit à une demande de rétractation. En vertu de l'article 89, la partie doit motiver son absence par une cause jugée suffisante.» [6]
[22] La Cour d’appel a établi depuis longtemps le fait que la rétractation est une mesure d’exception aux principes de l’irrévocabilité des jugements et de la chose jugée, principes qui sont nécessaires à une saine administration de la justice, d’où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation et les preuves soumises à cet effet. La procédure doit contribuer à la protection des droits de toutes les parties en cause et la remise en question des décisions rendues doit demeurer l’exception et ne pas devenir la règle.[7]
[23] CONSIDÉRANT l'insuffisance de la preuve et des motifs présentés par la locataire pour donner ouverture à la rétractation;
[24] CONSIDÉRANT l’absence de crédibilité de la locataire et de son conjoint;
[25] CONSIDÉRANT la négligence de la locataire;
[26] CONSIDÉRANT les articles 79.1 et 89 de la Loi sur la Régie du logement;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[27] REJETTE la demande de rétractation de la locataire;
[28] MAINTIENT la décision rendue le 28 février 2013.
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Marc Landry |
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Présence(s) : |
la locataire Me Claudia Bérubé, avocate du locateur |
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Date de l’audience : |
6 mai 2013 |
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[1] Loi sur la Société canadienne des postes, [L.R. 1985, ch. C-10], art. 2 (2) (3).
[2] Bergeron c. Carrière,
[3] Fattal c. Pilon, 500-02-035546-824, (C.Q.), M. le juge Bernard Desjarlais, le 15 novembre 1982.
[4]
[5] 9125-3575 Québec inc. c.
Investissements Garantis inc.
[6] Thérèse Rousseau-Houle et Martine de Billy, Le bail du logement; Analyse de la jurisprudence, 1989, Collection Wilson et Lafleur, page 307.
[7] Les Entreprises Roger Pilon c.
Atlantis Estate Cie, [1980] C.A. 219; Commission des Normes du
Travail c. Les Entreprises C.J.S. Inc.,
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