Atangana c. Comito | 2023 QCTAL 21546 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Montréal | ||||||
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No dossier : | 696609 31 20230331 T | No demande : | 3929240 | |||
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Date : | 11 juillet 2023 | |||||
Devant la juge administrative : | Sylvie Lambert | |||||
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Serge Atangana |
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Locataire - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Nicola Comito |
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Locateur - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] Le locataire demande la rétractation de la décision rendue le 18 mai 2023 (décision visée) sur la demande en recouvrement de loyer et résiliation de bail introduite par le locateur.
[2] Cette décision résilie le bail, ordonne l'expulsion du locataire et de tous les occupants du logement, condamne le locataire à payer la somme de 1 950 $, soit les loyers des mois d’avril et mai 2023, avec les intérêts et l'indemnité additionnelle, ordonne l'exécution provisoire de la décision et condamne le locataire au paiement des frais de justice de 107 $.
[3] L'article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1] sur lequel le locataire fonde son recours prévoit :
« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.
Une partie peut également demander la rétractation d'une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s'est prononcée au-delà de la demande.
La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l'empêchement.
La demande de rétractation suspend l'exécution de la décision et interrompt le délai d'appel ou de révision jusqu'à ce que les parties aient été avisées de la décision.
(…) »
[4] Au soutien de sa demande de rétractation, le locataire allègue qu’il n’a jamais reçu l’avis d’audience, sans qu’il y ait faute de sa part.
[5] Comme moyen sommaire de défense, il soumet qu’il a les preuves de paiement des loyers.
[6] À l’audience, le locataire est représenté par son frère, Paul Antagana (M. Antagana), lequel est personnellement au courant des faits. Ce dernier habite dans le logement concerné.
[7]
M. Antagana témoigne qu'il y a régulièrement des complications avec le service postal puisque les boîtes aux lettres situées dans l’entrée de l’immeuble ne sont pas identifiées, ni par le numéro du logement, ni par le nom du locataire. Il produit des photos à l’appui de son témoignage[2].
[8] Il lui arrive fréquemment de recevoir du courrier destiné aux autres locataires de l’immeuble. Il soumet que l'avis d'audience et la décision se sont peut-être retrouvés dans la mauvaise boîte aux lettres.
[9] Il précise qu’après la signification de la demande, il a vérifié régulièrement le contenu de la boîte aux lettres, sachant qu’il recevrait un avis de convocation pour l’audience.
[10] C’est avec étonnement, dit-il, que son frère a reçu un message du locateur lui mentionnant qu’il devait quitter le logement à la suite de la décision rendue par le Tribunal. C’est d’ailleurs le locateur qui a transmis copie de la décision à son frère.
[11] M. Antagana produit la preuve du paiement des loyers des mois d’avril à juillet 2023.
[12] À cela, le locateur soumet que des loyers sont toujours impayés. Il s’agit, dit-il, d’un solde antérieur aux loyers d’avril et mai.
[13] Selon M. Antagana, tous les loyers sont payés.
Analyse et conclusion
[14] Le recours en rétractation en est un d'exception au principe de l'irrévocabilité des jugements. En ce sens, les critères y donnant ouverture doivent être appliqués restrictivement et avec rigueur afin de préserver cette stabilité nécessaire à une saine administration de la justice. La procédure doit contribuer à la protection des droits de toutes les parties et la remise en question des décisions rendues ne doit pas devenir la règle, d'où le sérieux que doivent revêtir les motifs de rétractation[3].
[15] Le Tribunal donne foi au témoignage de M. Montagana qui est sincère. Pour une raison inconnue, l’avis de convocation et la décision n’ont pas été déposés dans la boîte aux lettres du logement. Il est, par ailleurs, vraisemblable que l’absence de toute identification sur les boîtes aux lettres soit source de confusion pour le service postal.
[17] Dans Tremblay c Savard[4], la Cour du Québec écrit :
« [42] Le Tribunal doit également tenir compte du fait qu'en cas de rejet du pourvoi, le préjudice que subira la partie condamnée par défaut sans avoir pu faire valoir ses motifs de défense est beaucoup plus important que celui que subit la partie adverse en cas d'accueil de la requête, préjudice qui se limite aux inconvénients inhérents à devoir procéder de nouveau à l'audition au fond de la cause, mais en présence cette fois-ci de la partie défenderesse.
[43] Pour ces raisons, le principe du droit à une défense pleine et entière doit donc en principe l'emporter sur celui de l'irrévocabilité des jugements, à moins que, par sa propre négligence ou turpitude, la personne qui soumet le pourvoi en rétractation se soit placée dans une situation où elle ne peut plus prétendre à invoquer avec crédibilité son droit à une défense.
[44] Dans un tel contexte, il faut aussi ajouter qu'à défaut d'une situation claire quant aux gestes posés de part et d'autre par les parties, qui ont mené à la condamnation de la partie défenderesse par défaut, le bénéfice du doute doit être accordé à celle-ci afin de favoriser le maintien et ses recours légaux. »
[18] De plus, M. Montagana démontre, à première vue, que son frère a une défense sérieuse à faire valoir, du moins quant aux loyers des mois d’avril et mai 2023, soit ceux mentionnés dans la décision visée. Il y a lieu de préciser que rien dans la décision visée n’indique que les loyers d’avril et mai sont dus après imputation des paiements sur la dette la plus ancienne.
[19] Il est dans l'intérêt de la justice que le locataire puisse avoir l'opportunité de présenter sa défense qui mérite considération.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[20] RÉTRACTE la décision du 18 mai 2023;
[22] Le locataire assume les frais de sa demande.
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Sylvie Lambert | ||
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Présence(s) : | le mandataire du locataire le locateur | ||
Date de l’audience : | 4 juillet 2023 | ||
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[1] RLRQ. c. T-15.01.
[2] Pièce L-1 en liasse.
[3] Bergeron c. Carrière,
[4] Tremblay c. Savard
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