Décision

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Abran c. Fontaine

2024 QCTAL 7082

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Salaberry-de-Valleyfield

 

No dossier :

751901 27 20231215 G

No demande :

4145394

 

 

Date :

27 février 2024

Devant le juge administratif :

Michel Huot

 

Liam Abran

 

Sabrina Brown

 

Locateurs - Partie demanderesse

c.

Martine Fontaine

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Les locateurs déposent une demande contre la locataire le 15 décembre 2023. Ils demandent la résiliation du bail et lexpulsion de la locataire, le recouvrement du loyer (3 100 $) ainsi que le loyer dû au moment de laudience, plus lexécution provisoire de la décision malgré lappel et les frais.

[2]         La notification de la demande a été faite le 27 décembre 2023 par un courrier recommandé reçu à cette date.

[3]         Quoique dûment notifiée et convoquée, la locataire est absente à l’audience.

[4]         Les parties sont liées par un bail[1] pour la période du 1er février 2023 au 31 janvier 2024 au loyer mensuel de 950 $.

LA PREUVE PRÉSENTÉE

[5]         En octobre 2023, la locataire communique avec les locateurs. Elle les avise que l’une des pièces du logement est pleine de moisissures.

[6]         Le 30 novembre 2023, la locataire donne un avis d’abandon de logement aux locateurs. Elle les avise également de sa nouvelle adresse.

[7]         Des travaux sont réalisés dans le logement concerné par l’assureur des locateurs pour corriger la situation. Les travaux ont lieu au cours du mois de décembre 2023.

[8]         Le 22 décembre 2023, les parties signent une entente pour résilier le bail en date du 31 décembre 2023. Ladite entente se lit comme suit :

« ENTENTE DE RÉSILIATION DE BAIL ENTRE :

Concernant le logement situé au : [...], Salaberry-de-Valleyfield, QC, [...]


1.  Les parties à la présente sont liées par un bail de 12 mois, au montant de 950 $ par mois;

2. Les parties conviennent mutuellement de résilier ledit bail à compter du 31 décembre 2023.

3. En conséquence, le locataire sengage à quitter les lieux loués au plus tard à cette date en emportant avec lui tous ses effets personnels et à laisser le logement dans le même état quil se trouvait lorsquil y a emménagé, sauf usure normale;

4. Dans le cas du présent logement, la reconstruction de celui-ci implique que les effets personnels de la locataire ne sont déjà plus dans les lieux loués.

5. Le locataire sengage à remettre les clés du logement au locateur dici le 31 décembre 2023.

6. Le locataire sengage à remettre le déshumidificateur au propriétaire dès la prise de possession de ses biens ou avant le 31 janvier 2024. »[2] (sic)

[9]         Les locateurs réclament de la locataire les loyers suivants :

-          Un solde du loyer d’avril 2023 de 450 $;

-          Un solde du loyer de mai 2023 de 750 $;

-          Le loyer de juin 2023 de 950 $;

-          Le loyer de décembre 2023 de 950 $.

ANALYSE ET DÉCISION

[10]     Le Tribunal rappelle aux parties les règles de preuve prévues aux articles 2803, 2804, 2843, et 2845 du Code civil du Québec, lesquels se lisent comme suit :

« 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend quun droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée. »

« 2804. La preuve qui rend lexistence dun fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi nexige une preuve plus convaincante. »

« 2843. Le témoignage est la déclaration par laquelle une personne relate les faits dont elle a eu personnellement connaissance ou par laquelle un expert donne son avis.

Il doit, pour faire preuve, être contenu dans une déposition faite à linstance, sauf du consentement des parties ou dans les cas prévus par la loi. »

« 2845. La force probante du témoignage est laissée à lappréciation du tribunal. »

[11]     Les parties ont l’obligation de convaincre le Tribunal, selon la balance des probabilités, des prétentions qu’elles allèguent.

[12]     Par conséquent, si, par rapport à un fait essentiel, la preuve offerte n’est pas suffisamment convaincante, ou encore si la preuve est contradictoire et que le Tribunal est dans l’impossibilité de déterminer où se situe la vérité, la partie qui l’allègue perdra.

[13]     Comme le soulignent les auteurs Nadeau et Ducharme[3] dans leur Traité de droit civil du Québec :

« Celui sur qui repose l’obligation de convaincre le juge supporte le risque de l’absence de preuve, c’est-à-dire qu’il perdra son procès si la preuve qu’il a offerte n’est pas suffisamment convaincante ou encore si la preuve offerte de part et d’autre est contradictoire et que le juge est placé dans l’impossibilité de déterminer où se trouve la vérité. »

[14]     La preuve non contredite démontre que la locataire doit la somme de 2 150 $ pour les loyers impayés des mois d’avril 2023 (solde de 450 $), mai 2023 (solde de 750 $) et juin 2023. 

[15]     En ce qui a trait au loyer du mois de décembre 2023, il y a lieu d’analyser l’article 1915 du Code civil du Québec. Ledit article se lit comme suit :

« 1915. Le locataire peut abandonner son logement s'il devient impropre à l'habitation. Il est alors tenu d'aviser le locateur de l'état du logement, avant l'abandon ou dans les 10 jours qui suivent.

Le locataire qui donne cet avis est dispensé de payer le loyer pour la période pendant laquelle le logement est impropre à l'habitation, à moins que l'état du logement ne résulte de sa faute. »


[16]     Le logement impropre à l’habitation est défini à l’article 1913 du Code civil du Québec, qui se lit comme suit :

« 1913. Le locateur ne peut offrir en location ni délivrer un logement impropre à l'habitation.

Est impropre à l'habitation le logement dont l'état constitue une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité des occupants ou du public, ou celui qui a été déclaré tel par le tribunal ou par l'autorité compétente. »

[17]     Les locateurs admettent que le logement contenait de la moisissure et que des travaux ont dû être réalisés pour corriger la situation.

[18]     Toutefois, ils considèrent que l’état du logement découle de la faute de la locataire. Ils expliquent que la présence de moisissures a été causée par le renvoi d’eau de la laveuse qui n’était pas correctement installé. La source de l’écoulement d’eau, selon la preuve non contredite, était ledit renvoi de la laveuse.

[19]     Le Tribunal retient de la preuve que la locataire a été avisée par l’assureur des locateurs qu’elle devait se reloger au début novembre 203 pour permettre les travaux majeurs et urgents. Il s’agit alors d’une demande d’évacuation prévue par l’article 1865 du Code civil du Québec.

[20]     Dès lors, elle n’avait pas à faire parvenir un avis d’abandon du logement puisque la locataire devait quitter le logement à la demande de l’assureur des locateurs, ce qu’elle a fait.

[21]     Lors d’une évacuation demandée par l’assureur pour effectuer des travaux, la locataire est dispensée de payer son loyer durant la période des travaux, et ce, jusqu’à ce qu’elle soit avisée qu’elle peut retourner vivre dans le logement.

[22]     Dans le présent cas, les parties ont convenu de mettre fin au bail le 22 décembre 2023 avec prise d’effet au 31 décembre 2023. En conséquence, la locataire ne saurait être responsable du paiement du loyer du mois de décembre 2023. Cette demande est rejetée.

[23]     Le Tribunal ne se prononce pas sur la question de la responsabilité de la locataire eu égard aux dommages subis, puisque cette question fera l’objet d’une demande subséquente s’il y a lieu par l’assureur des locateurs ou les locateurs.

[24]     La preuve soumise ne justifie pas lexécution provisoire de la décision.

[25]     Les frais applicables sont adjugés contre la partie défenderesse selon le Tarif des frais exigibles par le Tribunal administratif du logement.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[26]     ACCUEILLE en partie la demande;

[27]     CONSTATE la résiliation du bail au 31 décembre 2023;

[28]     CONDAMNE la locataire à payer aux locateurs la somme de 2 150 $, plus les intérêts au taux légal et lindemnité additionnelle prévue à larticle 1619 C.c.Q., à compter du 15 décembre 2023, plus les frais de 96,75 $.

 

 

 

 

 

 

 

 

Michel Huot

 

Présence(s) :

les locateurs

Date de l’audience : 

7 février 2024

 

 

 


 


[1]  Pièce P-1.

[2]  Pièce P-2.

[3]  NADEAU, André et DUCHARME, Léo, vol. 9, 1965, Montréal, Wilson et Lafleur ltée, pages 98 et 99.

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