Décision

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Décision

De Simone c. Fiducie Jean-Luc Lareau

2015 QCRDL 39610

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Saint-Jean

 

No dossier :

160944 25 20140620 G

No demande :

1521432

 

 

Date :

15 décembre 2015

Régisseur :

André Monty, juge administratif

 

Richard De Simone II

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Fiducie Jean-Luc Lareau

 

Locateur - Partie défenderesse

et

JEAN-LUC LAREAU

 

Partie intéressée

 

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le 20 juin 2014, le locataire s'adresse à la Régie du logement afin d'obtenir une diminution du loyer de 20% par mois rétroactive à la date de sa mise en demeure, les intérêts et l’indemnité additionnelle, les frais ainsi qu’une ordonnance d'exécution de travaux.

[2]      Les parties étaient liées par un bail du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014 au loyer mensuel de 435 $. Le bail a été reconduit à un loyer mensuel de 448 $ à partir du 1er juillet 2014.

[3]      Le locataire n’habite plus les lieux loués depuis le 30 avril 2015. La demande d’ordonnance d’exécution en nature est devenue caduque à la suite du départ du locataire.

PRÉTENTIONS DU LOCATAIRE 

[4]      Le 8 mai 2014, par l’entremise de son procureur, le locataire expédie au locateur une mise en demeure :

« En effet, la salle de bain de notre client nécessite des réparations importantes :

·    Le silicone autour du bain et de la douche est à refaire puisqu'il n'y en a plus à certains endroits et la moisissure s'y est installée.

·    Cette situation crée des infiltrations d'eau autour du bain et par conséquent, le mur autour du bain est mou et est à refaire.

·    Le revêtement du plancher est noirci, il se défait à certains endroits et il y a de la moisissure qui s'y installe. Par conséquent, il est à changer.

·    Il y a de la moisissure dernière la toilette, le mur est noir et des odeurs nauséabondes s'en dégagent.


·    Le bois de la vanité est mou et il s'effrite. Par conséquent, la vanité doit être changée ou réparée.

·    La toilette coule, le joint entre le plancher et la toilette n'étant plus étanche et laissant l'eau couler. Ce joint doit être refait.

·    La peinture écaille dans les deux coins du mur extérieur et doit être refaite.

·    Il n'y a aucun ventilateur dans la salle de bain et le logement ne possède aucune ventilation qui donne vers l'extérieur. Il est nécessaire qu'un ventilateur soit installé. »

[5]      Lors de l’audience, le locataire déclare que le locateur a effectué les réparations durant les deux premières semaines de juillet 2014. Il n’a toutefois pas changé la vanité dont la base était en décomposition. Il n’a pas non plus installé de ventilateur dans la salle de bain. Le locataire considère que ce ventilateur était nécessaire malgré la présence d’une fenêtre.

[6]      Le locataire produit des photographies. Il produit également un rapport d’un inspecteur de la Ville de Chambly qui a constaté une odeur dans le logement et un taux d’humidité élevé.

[7]      Le locataire déclare qu’il y a une erreur dans le rapport de l’inspecteur quant à la date de l’inspection par ce dernier. Il soumet que l’inspection a été faite avant le 4 août 2014 parce que les travaux avaient été effectués à cette date.

PRÉTENTIONS DU LOCATEUR 

[8]      Le locateur soumet qu’il a effectué les réparations au logement dans les deux dernières semaines de juin 2014. Il déclare qu’il n’a pas changé la vanité parce que la base était uniquement gonflée sur 4 pouces.

[9]      Le locateur soumet que le locataire n’entretenait pas correctement son logement.

DÉCISION DU TRIBUNAL 

[10]   La diminution du loyer a pour objectif de rétablir l'équilibre entre les prestations respectives des parties. Le Tribunal doit évaluer la valeur objective de la perte de valeur locative subie par le locataire en raison de l'inexécution des obligations du locateur.

[11]   Les obligations du locateur se retrouvent au Code civil du Québec. Le locateur est tenu, conformément à l'article 1854 du Code civil du Québec, « de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation [...] et [...] de garantir au locataire que le bien peut servir à l'usage pour lequel il est loué, et de l'entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail. » L'article 1864 du Code civil du Québec ajoute qu'il incombe au locateur de faire toutes les réparations nécessaires au bien loué. L'article 1910 du Code civil du Québec oblige le locateur à maintenir le logement en bon état d'habitabilité durant toute la durée du bail. 

[12]   Les obligations du locateur sont des obligations de résultat. En conséquence, les moyens de défense de ce dernier sont très limités. À cet effet, la doctrine nous enseigne ce qui suit : 

« (...) dans le cas d'une obligation de résultat, la simple constatation de l'absence du résultat ou du préjudice subi suffit à faire présumer la responsabilité du débiteur, une fois le fait même de l'inexécution ou la survenance du dommage démontré par le créancier. Dès lors, le débiteur, pour dégager sa responsabilité, doit aller au-delà d'une preuve de simple absence de faute. Sur le plan de la preuve, l'absence de résultat fait donc présumer la responsabilité du débiteur et place sur ses épaules le fardeau de démontrer que l'inexécution provient d'une cause qui ne lui est pas imputable. Le débiteur n'a pas la possibilité de tenter de prouver absence de faute de sa part ; il doit identifier, par prépondérance de la preuve, une force majeure ou encore le fait de la victime, qui a empêché l'exécution de l'obligation. À défaut de décharger ce fardeau, le débiteur est tenu responsable de l'inexécution. »[1]

[13]   Le témoignage du locateur n’a pas convaincu le Tribunal, si cela était l’objectif de ce dernier, que le locataire était responsable de la dégradation de l’état général de sa salle de bain. Il a par contre convaincu le Tribunal que les travaux ont été effectués peu de temps après la réception de la mise en demeure du locataire, soit dans les deux dernières semaines de juin 2014. La diligence du locateur n’est toutefois pas suffisante pour l’exonérer de ses responsabilités puisque ses obligations sont de « résultat » ou de « garantie ». Son action rapide lui permet toutefois de limiter la diminution dans le temps.

[14]   Le Tribunal accordera au locataire une diminution de loyer globale de 80 $ pour toute la période concernée afin de rétablir l'équilibre entre les prestations respectives de chacune de parties. Le Tribunal a été convaincu de l’existence de la majorité des problèmes soulevés par le locataire dans sa mise en demeure et ce, jusqu’à ce que les travaux aient été effectués.

[15]   Le Tribunal aimerait souligner qu’il n’accorde aucun montant pour la vanité qui n’a pas été remplacée. La preuve soumise ne permet pas de conclure que le locateur devait remplacer celle-ci. Aussi, le préjudice démontré au Tribunal n’est, sous ce chef, qu’esthétique. Il ne peut donner ouverture à une diminution du loyer.

[16]   Quant à l’absence de ventilateur dans la salle de bain, le Tribunal aimerait rappeler, à l’instar du juge administratif Patrick Simard[2], qu’il n’est pas obligatoire d’en avoir un lorsqu’il y a une fenêtre pour faire sortir l’air humide, comme c’est le cas en l’espèce. La preuve soumise ne convainc pas le Tribunal d’une quelconque responsabilité du locateur sous ce chef.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[17]   ACCUEILLE en partie le recours du locataire; 

[18]   CONDAMNE le locateur à payer au locataire un montant total de 80 $ à titre de diminution globale avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 20 juin 2014

[19]   REJETTE la demande du locataire quant au surplus et quant aux frais vu l'exemption.

 

 

 

 

 

 

 

 

André Monty

 

Présence(s) :

le locataire

le mandataire du locateur

Date de l’audience :  

2 décembre 2015

 

 

 


 



[1] Jobin, P. G. et Vézina, N., (Collaboration), dans Baudouin et Jobin, Les obligations, 6e édition, 2005, EYB20050BL1, PAR. 37.

[2] Boucher c. Morency, dossier 102410, Québec, le 3 février 2015, juge administratif Patrick Simard.

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