Fort Parababire c. Talmaci | 2022 QCTAL 4350 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Longueuil | ||||||
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No dossier : | 554396 37 20210127 G | No demande : | 3163948 | |||
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Date : | 15 février 2022 | |||||
Devant le juge administratif : | Marc C. Forest | |||||
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Anabelle Fort Parababire |
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Locataire - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Lilian Talmaci |
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Locatrice - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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Demande
[1] La partie demanderesse demande que le Tribunal lui octroie une diminution de loyer de 500 $ par mois de juin 2019 à janvier 2021 (20 mois), des dommages‑intérêts de 3 000 $ ainsi que des dommages moraux de 1 500 $.
Questions juridiques
[2] La partie demanderesse est‑elle empêchée de jouir pleinement de son logement?
[3] La partie demanderesse a‑t‑elle droit à une diminution de loyer?
[4] La partie demanderesse a‑t‑elle le droit aux dommages qu’elle réclame?
Analyse et commentaires
[5] Les parties étaient liées par bail qui s’est terminé au mois de janvier 2021. Le loyer mensuel était de 1 000 $.
Diminution de loyer
[6] La partie demanderesse allègue qu’elle vit dans un logement avec beaucoup de moisissures.
[7] Cette situation l’empêcherait de jouir pleinement de son logement.
[8] Le témoignage de la partie demanderesse se résume comme suit. Elle commence en disant qu’elle devait prendre possession de son logement le 1er juin 2019, mais qu’elle n’a pas pu y entrer avant le 25 juin, car il restait beaucoup de travail à faire. La locatrice confirme, mais elle dit que c’est dû à la COVID. Peu importe la raison, la locatrice avait l’obligation de livrer le logement pour le 1er juin.
[9] Concernant la présence de moisissures, la preuve est moins forte. La locataire n’a pu faire la preuve au point où la présence de moisissures puisse porter atteinte à la santé et sécurité des locataires.
[10] Comme le fardeau de preuve appartient à la locataire et qu’elle n’a pu faire la preuve de ses prétentions, le Tribunal ne peut donner suite à sa demande de diminution de loyer.
[11] Comme le logement n’a été prêt que le 25 juin, le Tribunal va demander à la locatrice de rembourser à la locataire la somme de 833 $ (25/30 X 1 000 $).
[12] La version de la partie défenderesse se résume comme suit. Elle précise que dès que la locataire demandait quelque chose, elle s’exécutait pour faire les réparations, mais souvent elle se rivait à des réponses négatives de la locataire, lorsqu’elle voulait se rendre chez elle pour faire des réparations.
[13] Son témoignage est corroboré par des photos.
[14] Le Tribunal croit nécessaire de reproduire les articles pertinents du Code civil du Québec :
« 1851. Le louage, aussi appelé bail, est le contrat par lequel une personne, le locateur, s'engage envers une autre personne, le locataire, à lui procurer, moyennant un loyer, la jouissance d'un bien, meuble ou immeuble, pendant un certain temps.
Le bail est à durée fixe ou indéterminée. »
« 1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail.
Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l'usage pour lequel il est loué, et de l'entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail. »
« 1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d'user du bien avec prudence et diligence. »
« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir. »
[15] Au sujet de la diminution de loyer, le Tribunal souscrit à l’opinion de Me Gilles Joly dans l’affaire Gagné c. Larocque (R.D.L., 1997-12-01), SOQUIJ AZ‑50756952, p. 2 :
« Le recours en diminution de loyer a pour but de rétablir l’équilibre dans la prestation de chacune des parties au bail; lorsque le montant du loyer ne représente plus la valeur de la prestation des obligations rencontrées par le locateur parce que certains des services ne sont plus dispensés ou que le locataire n’a plus la pleine et entière jouissance des lieux loués, le loyer doit être réduit en proportion de la diminution subie.
Il s’agit en somme de rétablir le loyer au niveau de la valeur des obligations rencontrées par le locateur par rapport à ce qui est prévu au bail; la diminution ainsi accordée correspond à la perte de la valeur des services ou des obligations que le locateur ne dispense plus. Il ne s’agit donc pas d’une compensation pour des dommages ou des inconvénients que la situation peut causer. »
Dommages-intérêts
[16] Concernant les dommages‑intérêts réclamés, le Tribunal conclut que la preuve soumise ne lui permet pas d’octroyer des dommages à ce chapitre. Aucune preuve ne permet de conclure que la partie demanderesse a subi des dommages. Il n’y a aucune photo des biens qui auraient été endommagés ni aucune facture.
[17] La locataire prétend avoir perdu un matelas neuf de 1 850 $, mais elle n’avait pas la facture. Pourtant, il aurait été facile de se procurer une autre facture chez son marchand.
[18] De plus, il n’y a aucune preuve qu’elle aurait tenté de faire réparer ses biens. La locataire a tout jeté.
[19] La demande de remboursement pour les factures d’avocats ne peut être retenue, car rien n’indique qu’il y a eu de l’abus de procédure de la locatrice qui justifie d’accorder ces frais.
[20] Concernant les frais de déménagement et d’entreposage, le Tribunal ne peut les accorder, car la preuve révèle que la locataire voulait quitter pour aller vivre au Mexique. Elle l’avait préalablement dit à la locatrice et à son conjoint. C’est donc une décision personnelle de quitter et ainsi la locatrice n’a pas à payer pour les choix personnels de la locataire et de son conjoint.
Dommages moraux
[21] Dans la décision Malo c. Higgins,
« [74] Contrairement aux dommages punitifs ou exemplaires, qui ont pour fonction la réprobation de gestes ou de comportements condamnables, l’octroi de dommages moraux doit s’évaluer eu égard aux seuls dommages subis par le plaignant. »
[22] La locataire précise avoir subi du harcèlement alors que la locatrice précise que c’est la locataire qui usait de harcèlement.
[23] Dans les deux cas, l’autre partie nie avoir fait du harcèlement à l’autre partie.
[24] Ainsi, le Tribunal ne peut accorder un montant à cette réclamation.
[25] Les dommages moraux doivent être reliés à d’autres facteurs comme le stress, l’anxiété ou autres contraintes diverses, occasionnés par le comportement de la locatrice. Selon la preuve, le Tribunal ne peut conclure à l’octroi de tels dommages et aucune indemnité ne sera payée à ce chapitre.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[26] ACCUEILLE la demande de la partie demanderesse;
[27] CONDAMNE la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse la somme de 833 $, plus les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle selon l’article
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Marc C. Forest | ||
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Présence(s) : | la locataire la locatrice | ||
Date de l’audience : | 3 février 2022 | ||
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