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JUG EMENT RECTIFIÉ | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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CONSIDÉRANT le jugement rendu dans la présente affaire le 28 février 2022;
ATTENDU que le jugement du 28 février 2022 contient une erreur matérielle;
CONSIDÉRANT que le Tribunal a, par inadvertance, omis de donner suite à la conclusion de Services Immobiliers Gestram Limitée dans le dossier portant numéro 500-17-097026-176, recherchant la condamnation de Louise Blouin à l’indemnité additionnelle de l’article 1619 C.c.Q. en plus des intérêts au taux légal;
ATTENDU qu’il est dans l’intérêt de la justice que le jugement soit rectifié et qu’un jugement rectificatif soit prononcé en conséquence;
CONSIDÉRANT les dispositions de l’article 338 C.c.Q.;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
RECTIFIE le jugement rendu le 22 février 2022 et ajoute la conclusion suivante au paragraphe 347 du jugement:
« Avec les intérêts et l’indemnité additionnelle de l’article 1619 C.c.Q. à compter de la mise en demeure, soit le 15 septembre 2015 »
APERÇU
[1] Ce litige naît du refus de la défenderesse Louise Blouin de donner suite à une offre d’achat et de signer l’acte d’achat d’une propriété ayant appartenu à la demanderesse Valeria Wlusek Rosenbloom.
[2] Cette dernière la poursuit pour la perte encourue à la revente de la propriété et Services immobiliers Gestram inc.[1] réclame la commission perdue sur cette vente dans le dossier portant numéro 500-17-097026-176.
[3] Le 23 septembre 2021, le soussigné a été désigné par la juge en chef adjointe de la Cour supérieure pour assurer la gestion particulière de ces dossiers.
[4] Les dossiers ont été joints pour enquête et audition.
[5] Madame Blouin ayant appelé en garantie les professionnels énumérés en titre de la procédure, le soussigné a disjoint le 29 juin 2020 l’audition des dossiers en garantie pour ne procéder qu’à l’audition de la réclamation en dommages suite au défaut de passer l’acte d’achat ainsi que de la réclamation de la commission du courtier Gestram, et des demandes reconventionnelles y afférentes.
LE CONTEXTE
[6] La propriété dont il est question ici est une des plus belles à Montréal, situé à Westmount, au sommet du Mont Royal, [à l'adresse 1 et 2][2], avec une vue imprenable sur Montréal et le fleuve St-Laurent. Elle comprend une demeure somptueuse connue comme le « Timmins Estate », construite en 1910 par les architectes Ross & McFarlane[3], et un édifice, qui abritait autrefois les écuries et les carrioles, converti en maison d’habitation et connu comme le « coach house »[4].
[7] Madame Blouin est une femme d’affaires très active dans le domaine des arts et de la philanthropie. Après avoir vécu en Europe pendant vingt-cinq ans, elle a décidé de se rapprocher de sa famille, qui est montréalaise, et de rentrer au Québec, à l’été 2015.
[8] Pour ce faire, elle cherche à identifier des propriétés tant en ville, résidentielles et d’affaires, qu’à la campagne, dans la région du Mont Tremblant. Une amie commune lui présente Madame Marie Sicotte, agente d’immeuble, qui connaît bien ces deux marchés.
[9] Madame Sicotte est agente pour Groupe Sutton-Centre Ouest inc.[5].
[10] Elles entreprennent rapidement d’identifier des propriétés cibles. Madame Sicotte fait visiter Westmount à Madame Blouin dans sa Mini Cooper décapotable, toit ouvert.
[11] Madame Blouin repère rapidement les demeures prestigieuses, habités par les magnats des affaires montréalais. Elle est particulièrement attirée par l’Immeuble.
[12] Celui-ci est occupé par Madame Rosenbloom et son mari depuis une trentaine d’années. Elle en est propriétaire depuis le 11 novembre 2013, son mari lui en ayant fait donation[6]. Bien que Madame Rosenbloom se plaise énormément dans cette demeure qui compte d’innombrables pièces, elle se fait lentement à l’idée de devoir la vendre et la quitter. Elle n’en est pas encore là en 2015, bien qu’elle en ait discuté avec son mari et que celui-ci lui ait fait part de son intention de confier la vente à J.J. Jacobs, courtière de ses amies, au moment opportun.
[13] Une consultation avec deux courtiers bien établis la convainc que l’Immeuble pourrait se vendre à 18,5 millions $.
[14] Mais, en 2015, l’Immeuble n’est pas à vendre.
[15] Madame Blouin demande à Madame Sicotte si elle connaît quelqu’un qui pourrait la mettre en contact avec les propriétaires de l’Immeuble. Madame Sicotte connaît effectivement une agentee, Rochelle Cantor, amie de la fille de Madame Rosenbloom, et informe Madame Blouin qu’elle va tenter de les mettre en contact. Madame Cantor travaille avec Sotheby’s International Realty Quebec[7].
[16] Madame Cantor confirme que l’Immeuble n’est pas à vendre et qu’il n’est pas « listé », mais qu’il pourrait le devenir en 2016. Le prix demandé est de 18 millions $. Madame Blouin demande d’organiser une visite pour le lendemain 15h00.
[17] La première visite, en compagnie de Madame Sicotte dure une heure. Madame Blouin admire la terrasse et s’enquiert de la possibilité d’abattre les arbres qui s’y trouvent.
[18] Elles visiteront l’Immeuble à deux reprises. Lors de la deuxième visite, Madame Blouin est accompagnée de son mari et rencontre Madame Rosenbloom et son mari, tous deux dans la bibliothèque. Leur rencontre ne dure que quelques minutes.
[19] Madame Sicotte note plusieurs déficiences, plus particulièrement au sous-sol, qui sent l’humidité, et en fait part à Madame Blouin. Elle souligne l’existence possible d’amiante, présente dans les immeubles de cette époque. Madame Blouin lui répond que ce n’est pas grave : « I’ll be gutting the house, anyway! ».
[20] Madame Blouin demande à Madame Sicotte de lui recommander des professionnels pouvant l’aider en vue de rénovations importantes. Elle lui recommande entre autres un architecte avec qui elle discutera de la faisabilité de ses projets.
[21] Elle lui présente également le notaire Jacques Roberge, qui a travaillé avec des membres de la famille de Madame Blouin.
[22] Au vu de l’intérêt de Madame Blouin, et avant qu’elle ne fasse une offre, Madame Rosenbloom retient officiellement les services de Madame Cantor. Puisque la propriété ne sera pas listée, elle lui fait signer un contrat exclusif[8]. Madame Cantor veut une commission de 5%, Madame Rosenbloom offre 4%.
[23] Madame Rosenbloom, qui a toujours son prix de 18,5 millions $ à l’esprit, offre finalement à Madame Cantor sa commission de 5%, mais uniquement si l’Immeuble est vendu 15.5 millions $ ou plus. Moins que ça, la commission sera de 4%.
[24] Madame Sicotte n’est pas partie à ces discussions et ne sera mise au courant du montant de pourcentage de la commission que le 22 octobre 2015, après acceptation de l’offre d’achat[9].
[25] La présence d’amiante, probablement autour des tuyaux, est discutée lors de la visite, entre Mesdames Sicotte et Blouin.
[26] Madame Cantor prépare une « Vendor’s declaration »[10] dans laquelle le vendeur dévoile certaines particularités de la propriété [de l'adresse 2]. On y retrouve notamment la mention cochée « yes » à l’article D-6.4 relativement à la présence d’amiante, laquelle est complétée par une inscription manuscrite, page 5/6 qui se lit : « Asbestos covering pipes in basement ».
[27] Cette déclaration est remise à Madame Blouin avant présentation de sa première offre. Madame Sicotte la révise avec elle.
[28] Madame Blouin est mise au courant de l’exigence de 18 millions $ quant au prix. Elle décide d’essayer de l’avoir pour beaucoup moins et présente une première offre à 11 millions $[11]. Les conditions de l’offre sont les suivantes : Signature de l’acte de vente au 1er avril 2016 et remise d’un dépôt de 250 000 $ au notaire instrumentant.
[29] Sont inclus les appareils électro-ménagers. Sont exclus les chandeliers et les bougeoirs (sconces).
[30] Mesdames Sicotte et Blouin montent à l’Estérel le 17 septembre 2015 présenter l’offre à Madame Rosenbloom. Celle-ci est déçue du prix offert, sinon fâchée.
[31] Le 17 septembre, Madame Rosenbloom fait une contre-offre à 16.5 millions $, prévoyant une signature au 1er septembre 2016. Elle offre à Madame Blouin de pouvoir occuper un petit appartement qui lui appartient aux Forts de la Montagne, pendant les rénovations, à charge uniquement de payer l’électricité, le chauffage et l’assurance.[12]
[32] Madame Blouin quitte le 21 septembre pour un sommet qu’elle préside sur la neurologie et la dyslexie à New York. Elle informe Madame Sicotte qu’elle va être très occupée. Cependant, plutôt que de mettre son projet sur pause, elle refuse la contre-offre. Elle est mise au courant que le dernier prix de Madame Rosenbloom sera de 15.5 millions $. Malgré cela, elle donne instructions le 23 septembre de préparer une contre-offre à 15 millions $.[13]
[33] La date de signature de l’acte de vente change pour celle du 1er septembre 2016. Cette offre inclut une liste de meubles qui seraient inclus dans la vente. L’occupation du coach house est prévue pour le 1er janvier 2016. Certaines conditions devront être remplies avant le 1er décembre 2015 :
[34] Madame Sicotte inscrit également, suite aux exigences de Madame Cantor, une clause de dommages-intérêts liquidés, prévoyant la remise d’un montant non remboursable, à verser en fidéicommis chez le notaire, de 250 000 $. Madame Sicotte s’inspire d’une formule type de L’OACIQ.[14] Cette clause se lit comme suit :
A non-refundable deposit cheque of ($ 250,000) two hundred and fifty thousand dollars will be given by the Buyer to the Seller once all conditions have been fulfilled to Buyer (sic) satisfaction no later than November 1st, 2015. In the event that the signing of the deed of sale does not take place on or before September 1st 2016 because the Buyer voluntarily blocks it or otherwise prevents it from occurring, the amount of $ 250,000 held in trust by notary Jacques Roberge will immediately be given to the Seller as liquidated damages. Should the deed of sale not occur because the Seller hindering the sale whatsoever, the deposit of $ 250,000 held in trust will immediately be remitted to the Buyer.”
[35] Signalons que Madame Cantor voulait initialement un montant de 500 000 $ mais que Madame Sicotte l’a négocié à la moitié.
[36] Madame Blouin paraphe les changements et coche la case sur l’offre CP 25111 indiquant qu’elle refuse la contre-offre du vendeur. Madame Sicotte indique qu’elle n’a eu aucune difficulté à rejoindre Madame Blouin, malgré sa présence à New York.
[37] La contre-contre-offre est refusée par Madame Rosenbloom.
[38] Le 25 septembre, Madame Rosenbloom fait une nouvelle contre-offre, à 15.5 millions $.[15]
[39] Outre le prix, cette contre-offre reprend que la phase de « due diligence » doit se terminer au 1er décembre 2015 avec réponses favorables quant à l’inspection, au financement et à l’étude de faisabilité.
[40] Les effets suivants sont inclus dans la vente[16] :
“A list of furniture identified in the attachment and some furniture in the coach house, chandeliers and wall sconces in both buildings excluding those not owned or identified in the attached list in their “as is” condition.”
[41] Sont exclus «all remaining furniture and personal effects». Il est également prévu que l’acheteur pourra occuper le «coach house» partiellement meublé, à compter du 31 mai 2016.
[42] La clause de dommages-intérêts liquidés est réécrite à la main par Madame Cantor. Elle la modifie en ajoutant que le montant de 250 000 $ sera considéré comme « part of » des dommages-intérêts liquidés en cas de défaut de passer titre par l’acheteur. La clause se lit maintenant comme suit [17]:
”A non-refundable deposit cheque of ($ 250,000) two hundred and fifty thousand dollars will be given by the Buyer to the Seller once all conditions have been fulfilled to the Buyer’s satisfaction no later than December 1st, 2015. In the event that the signing of the deed of sale does not take place on or before September 1st 2016 because the Buyer voluntarily blocks it or otherwise prevents it from occurring, the amount of $ 250,000 held in trust by notary Jacques Roberge will immediately be given to the Seller as part of liquidated damages. Should the deed of sale not occur because the Seller hindering the sale whatsoever, the deposit of $ 250,000 held in trust will immediately be remitted to the Buyer.”
(Le Tribunal souligne)
[43] Le montant de 250 000 $ doit être remis au notaire Roberge avant le 1er décembre. Madame Cantor signale le changement à Madame Sicotte.
[44] L’offre est ouverte jusqu’au 27 septembre 2015.
[45] Madame Sicotte transmet l’offre à Madame Blouin. Elle l’appelle ensuite pour en discuter. Elle passe l’offre au peigne fin avec Madame Blouin, point par point. Elle attire son attention sur le changement à la clause de dommages liquidés. En contre-interrogatoire, elle confirmera fermement en avoir longuement discuté avec Madame Blouin. Elle affirme avoir « passé au travers pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté et que c’est clair ».
[46] Les relevés téléphoniques de Madame Blouin[18] confirment la tenue des conversations téléphoniques de durées de 7 et 23 minutes avec Madame Sicotte. Madame Sicotte rapporte que la clause de dommages était un « non issue » pour Madame Blouin qui était activement en négociation pour plusieurs immeubles à ce moment.
[47] Un courriel de Madame Sicotte à Madame Blouin[19] confirme la réception de la contre-offre et « résume » les points saillants de celle-ci. La clause de dommages liquidés n’y est pas identifiée comme point saillant. Madame Sicotte est néanmoins catégorique dans son témoignage, confirmant avoir expliqué la portée de la clause à Madame Blouin. Pour les raisons développées plus loin, le Tribunal retient le témoignage de Madame Sicotte à cet égard.
[48] Le 25 et 26 septembre 2015, Mesdames Sicotte et Blouin échangent des textos[20] Madame Sicotte précise que c’est la position finale de la vendeuse. Madame Blouin s’enquiert du loyer pour le coach house et termine en disant qu’elle va consulter son mari avant de signer.
[49] La contre-offre de Madame Rosenbloom est acceptée le 27 septembre 2015 à 17h00[21].
[50] Aucun des documents échangés lors des négociations pour l’achat de l’Immeuble, y compris les contrats de courtage immobilier, ne contient une clause de confidentialité de quelque nature que ce soit.
[51] Madame Blouin renonce aux conditions quant à l’inspection et à l’étude de faisabilité de la ville de Westmount en échange d’un délai additionnel pour satisfaire la condition relative au financement par la Banque Royale. Un délai lui est accordé jusqu’au 16 décembre 2015.[22] Un délai est également accordé pour la remise du chèque de 250 000 $ au notaire Roberge, jusqu’au 29 janvier 2016.
[52] La confirmation de la Banque Royale pour le financement est reçue le 16 décembre 2015[23].
[53] Le chèque de 250 000 $ est remis au notaire Roberge le 20 janvier 2016[24].
[54] Madame Rosenbloom commence à planifier son déménagement.
[55] Pendant toute cette période, Madame Blouin a été active sur le marché immobilier. On note, entre autres, les transactions suivantes :
[56] En décembre 2015, Madame Blouin achète la propriété au à Mont Tremblant, au prix de 5.8 millions $.
[57] En janvier 2016, un article paraît dans le Journal de Montréal, sous la rubrique « La valse des millions »[28]. Cet article du journaliste Jean-François Cloutier rapporte succinctement les termes de l’acquisition de la propriété du Mont-Tremblant dans les termes suivants :
Chaque semaine apporte son lot de transactions sur la scène économique. Dans cette chronique hebdomadaire, nous nous proposons de scruter la valse des millions qui entoure les transactions d'initiés, les ventes immobilières, les achats de biens de luxe ou autres faillites retentissantes des gens riches et (ou) célèbres.
Une maison de 5,8 M $ vendue à Tremblant
Louise Thérèse Blouin, une Québécoise installée à New York, a fait l'acquisition d'une «somptueuse résidence de type Cape Cod», selon la description d'une courtière, à Mont-Tremblant, pour la somme de 5,8 M $. Louise Thérèse Viger Blouin a déjà dirigé Phillips, numéro 3 de la vente aux enchères dans le monde, et est PDG de Louise Blouin Media, compagnie active dans l'art et la culture. Le Devoir a rapporté en 2009 que Mme Blouin, bien que méconnue au Québec, ferait partie des 25 femmes les plus riches du monde. Elle a été l'amie du prince Andrew et connaît personnellement Bill Clinton et d'autres personnalités. Dans l'entrevue qu'elle a donnée au Devoir, Mme Blouin a refusé de répondre à toute question sur ses origines québécoises. Hélène Blouin, sa sœur, est l'épouse de Paul Desmarais fils”.
[58] Suit la description d’autres transactions.
[59] On constate aisément à la lecture de cet article que l’information qui y est rapportée est publique, soit au bureau de la publicité foncière, soit dans les journaux.
[60] Madame Blouin prend ombrage de la publication de cet article. Sa sœur étant marié à un membre de la famille Desmarais, qui a longtemps eu des intérêts dans La Presse, elle explique que sa famille n’a pas de bons rapports avec le Journal de Montréal.
[61] Elle soupçonne, puis elle accuse, Madame Sicotte d’avoir coulé l’information. Aucun écrit n’est cependant échangé avec celle-ci à cet égard. Elle se contente de ne plus communiquer avec elle à compter de juin 2016. Selon elle, « elle aurait dû comprendre ».
[62] Elle confirme en interrogatoire au préalable ne jamais avoir dit à Madame Sicotte qu’elle ne voulait plus signer[29].
[63] Et elle n’en glisse mot à Madame Rosenbloom, qui ignore tout de cette situation.
[64] Son nom est également mentionné à cette époque en lien avec les « Panama papers », dévoilant l’identité de personnes ayant utilisé les services d’un bureau d’avocats panaméens pour faire des investissements dans les paradis fiscaux.
[65] Malgré cela, Madame Blouin accorde une rare entrevue au Toronto Star. Elle dépose en preuve l’article en résultant[30]. L’article se termine en mentionnant l’acquisition de la propriété de Mont-Tremblant pour 5.8 millions $. Nous y reviendrons.
[66] L’avocate américaine de Madame Blouin, Me Dawn Fasano, fait parvenir à Madame Sicotte, sans explications, un « non disclosure, confidentiality and non-disparagement agreement »[31]. Elle n’a pas d’objections à le signer, ce qu’elle fait le 14 juin 2016, mais refuse la demande qui lui est faite de l’antidater.
[67] Me Fasano en -informe Madame Blouin: « Marie was not willing to back date the agreement ».
[68] Les parties échangent des courriels au printemps relativement à la date d’occupation du coach house. Le dernier amendement à cet égard est accepté le 13 mai 2016[32].
[69] Les clés du coach house sont remises par Madame Cantor au notaire Roberge. Madame Sicotte écrit à Me Fasano le 31 juillet pour savoir ce qui va se passer à cet égard[33]. Elle s’enquiert de l’identité de l’acheteur, la possibilité qu’une fiducie ou une compagnie soit utilisée ayant été évoquée (Louise Blouin and/or nominee). Elle indique que certaines pièces d’antiquité sont à vendre et demande si Madame Blouin serait intéressée à les acheter. Elle ne reçoit pas de réponse.
[70] Jamais n’est-il fait mention de quelque obstacle à la finalisation de la vente de l’Immeuble. Le « closing » est toujours prévu pour le 31 août 2016.
[71] Ce n’est que le 25 août, au téléphone, que Me Fasano l’informe que Madame Blouin ne se présentera pas chez le notaire Roberge. Elle ne donne aucune raison pour ce défaut. Elle dit même : « I can’t explain ».
[72] Le 27 août, Madame Sicotte écrit à Madame Cantor que Madame Blouin n’a pas l’intention de se présenter à la signature chez le notaire Roberge[34]. Aucune raison n’est donnée. Madame Cantor en informe Madame Rosenbloom.
[73] Inquiète, Madame Rosenbloom mandate ses avocats qui écrivent à Madame Blouin le 29 août et la mettent en demeure de se présenter à la signature le 1er septembre chez le notaire Roberge, qu’ils mettent en copie.[35]
[74] Ils ne reçoivent aucune réponse.
[75] Malgré cela, le 1er septembre, Madame Rosenbloom et les courtiers se présentent chez le notaire Roberge qui n’a, quant à lui, reçu aucun avis que la vente ne procédait pas, ni aucune instruction de Madame Blouin. Elles attendent plusieurs heures. Le notaire tente à plusieurs reprises, sans succès, de rejoindre Madame Blouin.
[76] Les parties apprendront beaucoup plus tard[36] que Madame Blouin avait écrit au notaire Roberge dans la soirée pour lui dire qu’elle ne voulait pas procéder à l’achat de l’Immeuble :
« Due to some indiscretion on the part of my broker we have decided to not go ahead with the purchase as it would be too compromising to my tax status. This is strictly confidential and not to be repeated to Marie Sicotte." »[37]
[77] Elle rajoute :
"One of my family member is looking at the house so we might transfer it to her, I will no (sic) more about it in the next days"
This is strictly confidential
I would ask for an extension
Dawn is asking for that possibility
It is unfortunate but the indiscretion led to a Panama paper in the Toronto Star
I am a Swiss resident it is not applicable
But these articles that circulated around the world has shed eyes on me in Canada and this purchase would therefore be compromising because of Marie Sicotte
We have another reason as well that is serious
Sorry about this”
[78] Il n’y aura jamais de « demande d’extension ». L’autre « serious reason » ne sera jamais dévoilée.
[79] Ce n’est que le 29 septembre que Madame Blouin répond par l’entremise de son avocat, Me Dimitri Maniatis, qui écrit aux avocats de Madame Rosenbloom pour la mettre en demeure de mitiger ses dommages[38]. Aucune explication n’est donnée quant au refus de signer l’acte d’acquisition.
[80] Madame Cantor se fait envoyer un message similaire par Me Maniatis, en réponse à une mise en demeure du 15 septembre 2016[39].
[81] Interrogée au préalable sur les “motifs sérieux” justifiant le refus de procéder à l’achat de l’Immeuble, Madame Blouin répond qu’elle ne s’en souvient pas.[40]
[82] Madame Rosenbloom n’a d’autre choix que de remettre la propriété en vente. Elle conclut un nouveau contrat de courtage[41], qui inclut cette fois-ci J.J. Jacobs, à qui son mari avait promis d’être impliquée dans la vente de l’Immeuble en tant que courtier inscripteur. La commission prévue est maintenant de 4%.
[83] La propriété est mise en vente à 18.5 millions $, sans garantie légale. L’Immeuble fait l’objet d’une mise en valeur (home staging). Le listing s’accompagne d’une brochure de haute qualité[42], de même que d’une vidéo somptueuse réalisée par un spécialiste ontarien, à l’aide d’un drone[43].
[84] Un promettant-acheteur qui s’était déjà manifesté dépose une offre de 10 million $. Après quelques échanges, il abandonne. Mais il revient à la charge avec une offre de 13 millions $. Après une contre-offre à 14 millions $, les parties s’entendent sur un prix de 13.5 millions $[44].
[85] C’est la seule offre sérieuse qui est reçue.
[86] Puisque c’est la seule offre sérieuse, qu’elle est maintenant veuve depuis avril 2016, qu’elle a déjà pris la décision de quitter, qu’elle a en grande partie déménagé ses effets personnels, Madame Rosenbloom décide d’accepter l’offre.
[87] Le 16 mars 2017, Marine Guard Trust fait l’acquisition de l’Immeuble au prix de 13.5 millions $[45].
[88] Le registre foncier indique que l’Immeuble a récemment été revendu pour la somme de 18.5 millions $.
[89] Le notaire Roberge a encaissé le dépôt de 250 000 $ et l’a remis à Madame Rosenbloom à titre de paiement partiel des dommages encourus. Elle en réclame donc le solde, soit la somme de 1 750 000 $. Elle réclame également ses frais de déménagement, les coûts d’entretien de la propriété jusqu’à la vente, ainsi que des dommages pour troubles et inconvénients. Elle rajoutera à ceux-ci une demande pour des dommages-intérêts punitifs de 500 000 $.
[90] Elle intente le présent recours le 5 juillet 2017.
[91] Madame Blouin fera évoluer ses moyens de défense avec le temps, cible mouvante que les demanderesses ont tenté de suivre.
[92] Au départ, ces moyens étaient les suivants[46] :
[1] The promise to purchase that existed between the Defendant and Plaintiff in respect of the property located at [Addresses 1 and 2], Westmount (the "Property") was validly cancelled in accordance with the terms of the Promise to Purchase without any amount owing by the Defendant to the Plaintiff or any other party.
[2] Without prejudice to the foregoing and without any admission whatsoever, the Defendant has not committed any fault that couId justify the conclusions sought by the Plaintiff.
[3] Defendant was justified in not closing the transaction, which was intended and agreed to be a confidential and private matter. Confidentiality was breached, as was the confidentiality related to the acquisition by Defendant of a property in Mont-Tremblant.
[4] Defendant's consent to the Promise to Purchase is vitiated by error in respect an essential consideration related to the $ 250,000 deposit given by Defendant and her potential exposure in the event the transaction did not close.
[5] Alternatively, Defendant's liability is pre-determined and limited to $ 250,000.
[6] Defendant is the victim of a breach of trust and scheme designed to have her pay $ 15.5 million or more for the Property.
[7] One or both of the real estate brokers involved in the transaction failed in their duties to Defendant, including, without limitation, in respect of their duties to inform Defendant that they would receive a greater commission from the sale (from 4% to 5%) if the Property was sold for $ 15.5 million or more.
[8] Plaintiff failed in her duty to mitigate her losses.
[9] The damages claimed by Plaintiff are exaggerated and unjustified, especially in respect of claims for moving costs, carrying costs and trouble and inconvenience.
[93] Ces moyens seront raffinés dans sa demande reconventionnelle et déclaration d’intervention forcée de novembre 2018.
[94] Madame Blouin a également tenté de soulever l’incapacité de Madame Rosenbloom à vendre l’Immeuble sans le consentement de son mari. Elle a cherché à mettre en doute la capacité de ce dernier, en requérant son mandat de protection. Elle a soulevé l’absence de consentement de Monsieur Rosenbloom à la vente de la résidence familiale, aux termes de l’article 404 C.c.Q. :
404. L’époux propriétaire d’un immeuble de moins de cinq logements qui sert, en tout ou en partie, de résidence familiale ne peut, sans le consentement écrit de son conjoint, l’aliéner, le grever d’un droit réel ni en louer la partie réservée à l’usage de la famille.
À moins qu’il n’ait ratifié l’acte, le conjoint qui n’y a pas donné son consentement peut en demander la nullité si une déclaration de résidence familiale a été préalablement inscrite contre l’immeuble.
[95] Signalons que Madame Rosenbloom était mandataire de son mari aux termes d’un mandat du 22 janvier 2015, lui donnant le pouvoir exprès de vendre ses propriétés immobilières[47].
[96] Saisie de la question, la juge Hélène Langlois a statué, après avoir refusé la demande de communication du mandat de protection[48] :
[28] Cette disposition confère à l'époux non propriétaire de la résidence familiale le droit d'intenter une action en nullité à l'encontre de l'acte qui l'aliène auquel il n'a pas consenti, et ce, dans la mesure où il ne l'a pas ratifié et a préalablement inscrit contre l'immeuble une déclaration de résidence familiale.
[29] Il est acquis qu'il s'agit d'une disposition d'ordre public de protection.
[30] Conformément à l'article 1419 C.c.Q., la nullité pouvant résulter de son application est dite « relative » puisque la condition de formation qu'elle sanctionne s'impose pour la protection d'intérêts particuliers.
[31] En vertu de l'article 1420 C.c.Q., seules les personnes protégées par la nullité relative d'un acte peuvent l'invoquer, en l'occurrence l'époux non propriétaire ou le cocontractant de bonne foi de celui qui bénéficie de cette protection qui se retrouve par exemple dans un état d'incertitude par défaut de son cocontractant d'agir en vertu de cette protection.
[32] La défenderesse ne peut donc bénéficier du recours autorisé par l'article 1420 C.c.Q. et, par voie de conséquence, invoquer l'argument qu'elle soulève pour appuyer ses demandes d'engagements.
[97] Malgré les termes clairs de ce jugement, qui n’a pas été porté en appel, Madame Blouin, au procès, tant en contre-interrogatoire de Madame Rosenbloom, que lors de son témoignage, est revenue de façon disgracieuse sur la condition de Monsieur Rosenbloom et son absence de consentement. Le Tribunal a maintenu toutes les objections à cet égard.
[98] Madame Blouin a appelé en garantie les agentes d’immeuble, le notaire Roberge, qui a, quant à lui, appelé Me Maniatis en garantie.
[99] Le soussigné était le 17e juge de la Cour à se saisir d’un incident du dossier, sans compter la demande de permission d’en appeler d’un jugement du juge Christian Immer.
[100] Alors que l’avocat de Madame Blouin réclamait 24 jours de procès, le soussigné a disjoint l’instance principale des recours en garantie et fixé le procès pour 4 jours.
[101] Ces avocats ont d’ailleurs cessé d’occuper en août 2021 et ont poursuivi Madame Blouin pour leurs honoraires impayés.
[102] Ce n’est que le 22 novembre 2021, après plusieurs péripéties procédurales, sur lesquelles nous reviendrons, que le procès a débuté.
[103] Le 3 décembre 2021, après que la preuve fut close, Madame Blouin s’est désisté de sa demande contre le notaire Roberge, qui s’est lui-même désisté contre Me Maniatis.
[104] Quant à Gestram, elle a intenté des procédures en recouvrement des commissions dues à Mesdames Cantor et Sicotte et à leurs agences, le 6 janvier 2017. Le présent jugement en dispose également.
QUESTIONS EN LITIGE
[105] Madame Blouin devait-elle passer titre?
[106] Le consentement de Madame Blouin a-t-il été vicié?
a) Les vices cachés
b) La valeur de l’Immeuble
c) La clause de dommages liquidés; la dyslexie
d) Les fuites et le bris de confidentialité; les Panama Papers
e) Le taux de commission des courtiers
[107] Quels sont les dommages subis par Madame Rosenbloom?
[108] Les dommages sont-ils limités à 250 000 $?
[109] La réclamation de Gestram est-elle bien fondée?
[110] La conduite de Madame Blouin a-t-elle été abusive?
[111] Le sort de la demande reconventionnelle?
ANALYSE
[112] Avant d’analyser les moyens de défense, il est de mise de se prononcer sur la crédibilité de Madame Blouin, puisqu’à plusieurs égards, le Tribunal devra décider qui dit vrai.
[113] Le Tribunal note que Madame Blouin est d’avis qu’elle ne doit assumer aucune responsabilité : C’est toujours la faute des autres. Celle des courtiers, du notaire, des avocats, des journalistes, et de Madame Rosenbloom.
[114] Il est inutile de repasser toutes les contradictions de ses divers témoignages, ni ses changements de cap, au gré de ses humeurs et de ses intérêts.
[115] Relevons quelques exemples.
[116] Elle accuse Madame Sicotte d’avoir coulé l’information au journaliste du Journal de Montréal. Elle est incapable d’offrir quelque preuve que ce soit à cet égard. Elle affirme devant le Tribunal lui en avoir parlé. Elle a pourtant déclaré le contraire au préalable. D’ailleurs, elle demande au notaire Roberge de ne pas lui en parler.
[117] Interrogée hors cour, elle affirme ne jamais envoyer de textos[49]. Or, plusieurs textos ont été produits au procès[50].
[118] Elle prétend, lors d’une de ses nombreuses tentatives de remise du procès, ne pas savoir ce que font ses avocats de litige. Elle soutient ne jamais avoir été impliquée dans un litige avant ce dossier, et celui du Mont-Tremblant, où il lui est reproché, cette fois, de refuser de vendre.
[119] La preuve a révélé qu’elle a été poursuivie par ses avocats, son architecte, et la Banque HSBC qui a dû la poursuivre pour un solde de carte de crédit alors qu’elle se décrit comme multimillionnaire. Elle a également été poursuivie en délaissement forcé par la Banque HSBC, faute d’avoir remboursé son prêt hypothécaire au Mont Tremblant. Ces péripéties sont décrites dans le jugement rendu par le juge Claude Auclair à ce sujet[51].
[120] L’article du Toronto Star décrit aussi quelques péripéties judiciaires auxquelles elle a été partie par l’entremise de sociétés qu’elle contrôle quant à un immeuble acheté à Londres au 3 Olaf Street.
[121] L’article précise :
“Blouin, her media company and her foundation have been involved in at least 24 New York civil and Supreme Court lawsuits. They mostly concern failure to pay creditors and employees. In many of the cases where Blouin or one of her companies appeared as the defendant, the cases have been disposed of or worked out”.
[122] Comme le soussigné l’a déjà écrit, on ne peut passer quatre ans et demi à préparer un procès, remplir quatre boîtes « document », se pourvoir en appel, assister à de multiples interrogatoires et prétendre ensuite que les avocats ont agi sans qu’elle ne le sache et ne leur donne des instructions.
[123] Lors de la demande de remise du 18 novembre, elle va même jusqu’à dire qu’elle ne sait pas si le présent procès doit procéder devant jury ou juge seul.
[124] Le Tribunal ne la croit pas.
[125] Un évènement a profondément marqué la perception du soussigné :
[126] Le jugement du 19 novembre 2021, refusant la remise demandée par Madame Blouin, permettait à celle-ci d’assister au procès virtuellement et de témoigner de chez elle.
[127] Le troisième jour du procès, Madame Blouin a demandé une remise, parce qu’un incendie s’était déclaré au milieu de la nuit dans le barbecue du chalet du Mont-Tremblant, qu’elle occupait durant le procès, abimant l’extérieur de celui-ci. Un ajournement d’une journée lui a été consenti[52].
[128] Le lendemain, on a cogné à sa porte, alors qu’elle témoignait. Elle est revenue en disant qu’on était venu l’agresser et qu’elle avait appelé la police. Elle a accusé les demandeurs dans le dossier Côté d’avoir envoyé cette personne pour l’agresser et l’intimider[53].
[129] Le soussigné a remarqué que l’avocate de ces mêmes demandeurs assistait au procès « en virtuel » et lui a demandé ce qui en était. Elle a confirmé qu’un ajusteur avait été envoyé pour constater les dommages causés au chalet par l’incendie en question, ses clients voulant devenir propriétaires de ce chalet.
[130] Le Tribunal conclut que la perception de la réalité de Madame Blouin est tintée et ne correspond pas à ce qui se passe réellement. Elle se convainc de sa réalité et n’en démord plus.
[131] Les témoignages de Mesdames Rosenbloom, Sicotte et Cantor sont quant à eux clairs, précis et surtout constants entre les interrogatoires hors-cour et le procès. Et ils sont souvent corroborés par des écrits.
[132] En cas de contradiction, le Tribunal ne retient pas le témoignage de Madame Blouin.
[133] La promesse d’achat acceptée par Madame Blouin contenait tous les éléments essentiels nécessaires à la formation d’un contrat et à l’obligation qui s’en suit de le respecter : Haroon c. Proulx[54]. Il n’y a rien dans la preuve qui permette à Madame Blouin de soutenir que la promesse a été « validly cancelled ».
[134] À moins d’entente entre les parties pour annuler la promesse d’achat, ou, à défaut, d’un jugement d’une cour de justice, il n’appartient pas à une partie de décider seule qu’une promesse d’achat a été valablement annulée.
[135] Le présent dossier fait écho aux propos du juge Frédéric Pérodeau dans l’affaire 2962632 Canada inc. c. Lacroix,[55]:
12 Au moment du procès, la somme de 250000 $ a déjà été remise à Canada inc. du consentement des parties et l'immeuble a été vendu à un tiers par Monsieur Lacroix.
13 Dans ce contexte, le Tribunal doit principalement répondre à la question de savoir si Canada inc. était dans l'obligation de signer l'acte de vente et, le cas échéant, quel est le préjudice subi par Monsieur Lacroix et le montant des dommages-intérêts.
14 La demande de Monsieur Lacroix sera accueillie en partie puisque Canada inc. était liée par la promesse d'achat et, du même coup, dans l'obligation de signer l'acte de vente.
15 En ce qui concerne l'erreur provoquée par le dol, Canada inc. ne s'est pas déchargée de son lourd fardeau de prouver l'existence d'une erreur, son caractère déterminant et l'intention du vendeur de tromper. Ce dernier a rempli les déclarations du vendeur au meilleur de sa connaissance et elles reflètent sa compréhension de la situation à l'époque.
16 En ce qui concerne le mécanisme prévu à la promesse d'achat et qui permet dans certaines circonstances de la rendre nulle et non avenue, Canada inc. n'a pas respecté ses conditions et ne s'en est donc pas prévalue. Elle a plutôt mis fin unilatéralement et sans droit à la promesse d'achat et empêché le vendeur de considérer les options qui s'offraient à lui. Elle a ainsi renoncé aux droits dont elle pouvait bénéficier en application de ce mécanisme et demeurait liée par la promesse d'achat.
17 Canada inc. sera condamnée à payer la somme de 32301,82 $ à Monsieur Lacroix.
[136] La promesse d’achat acceptée le 27 septembre 2015 liait les parties, selon ses termes et conditions.
[137] Madame Blouin avance plusieurs motifs pour expliquer que son consentement à l’offre d’achat a été vicié et qu’il y lieu d’annuler celle-ci, et qu’elle était par conséquent justifiée de ne pas procéder à l’achat de l’Immeuble.
[138] Le Tribunal note, avant de procéder à l’analyse de ces moyens, que ceux-ci n’ont pas été dévoilés en temps utile, préalablement à la date de signature. Quand ils ont été formulés au notaire Roberge, c’était sous couvert de confidentialité. Ils ne l’ont pas été non plus avant que la Cour n’oblige son avocat de l’époque, à les soumettre par écrit, en janvier 2018[56]. Ils sont formulés pêle-mêle, tant dans les moyens de défense que dans les notes et autorités. Le Tribunal essaiera de leur donner un certain ordre.
a) Les vices cachés
[139] Ce grief regroupe des reproches quant à la présence d’amiante, la valeur de l’Immeuble et sa vétusté.
[140] Madame Blouin se plaint que Madame Sicotte ait minimisé la présence d’amiante dans l’Immeuble, alors que c’est pour elle une considération essentielle, car elle est asthmatique.
[141] Nous avons vu que Madame Sicotte a affirmé avoir soulevé la présence d’amiante, écartée du revers de la main par Madame Blouin.
[142] Le Tribunal retient le témoignage de Madame Sicotte.
[143] La « Vendor’s declaration [57]» signale par deux fois la présence d’amiante. La preuve a révélé que la Ville de Westmount a mis en garde que lors des travaux, les travailleurs doivent se protéger contre les poussières d’amiante.
[144] Madame Blouin a fait inspecter la propriété par Pro-Inspexx services qui a produit un rapport de 47 pages pour [l'adresse 2][58], et elle s’est déclarée satisfaite de l’inspection.
[145] Elle n’a soumis aucune expertise relativement à la présence d’amiante, supérieure à celle qui lui a été révélée.
[146] À aucun moment de sa relation avec Madame Sicotte, Madame Blouin ne révèle-t-elle sa condition asthmatique. Elle rejoindra d’ailleurs Madame Sicotte, lors d’une des inspections de l’Immeuble, en compagnie de son entraineur personnel, après avoir gravi la montagne en joggant.
[147] Le médecin traitant de Madame Blouin, le Dr Kruger de New York, a fourni deux lettres au dossier en 2018, en réponse à des engagements pris lors des interrogatoires au préalable de Madame Blouin, après rejet de l’objection par le juge David Platts. Il y indique laconiquement que sa patiente souffre d’asthme chronique, exacerbé par l’exercice et le temps froid.
[148] Or, en janvier 2020, une demande de prolongation du délai pour se trouver un nouvel avocat a été justifiée par un accident de ski subi en France par Madame Blouin. Elle ne semble pas suivre les recommandations de son médecin.
[149] Le Tribunal ne retient ni la présence d’amiante, ni la condition asthmatique de Madame Blouin comme justifiant l’annulation de la promesse d’achat.
[150] Madame Blouin prétend que l’Immeuble ne valait pas le prix qu’elle a offert. Elle dit « avoir fait son enquête » et découvert que le prix offert était trop élevé. Elle n’en a cependant jamais informé Madame Rosenbloom ou les agentes.
[151] Outre l’argument sur la commission d’agente, que nous étudierons plus tard, elle se base sur le rapport Dodge[59] et le prix payé par Marine Guard Trust pour soutenir que le prix était trop élevé.
[152] Le Rapport Dodge a été préparé en octobre 2017 dans le contexte du présent litige. Il évalue l’Immeuble à 9 millions $.
[153] Ce rapport annexe deux opinions précédentes de l’évaluateur concernant la valeur du coach house pour fins fiscales en 2011 et 2016.
[154] Il a été déposé en preuve par Madame Rosenbloom pour établir qu’en acceptant l’offre de Marine Guard Trust, elle vendait l’Immeuble a un prix raisonnable et avait adéquatement mitigé ses dommages tel que l’y oblige l’article 1479 C.c.Q.. : Silos Roy-Larouche inc. c. Ferme Coulée Douce inc.[60].
[155] Le rapport fait état du fait que peu d’améliorations ont été apportées à l’Immeuble entre 1992 et 2014 et que « there was still a great deal of work to be done in 2014 to bring the house up to grade ».
[156] Madame Blouin signale dans son plan d’argument[61] que le rapport Dodge identifie des « hidden defects » qui se rajoutent à ceux découverts par Pro-Inspexx, son propre expert engagé avant la levée des conditions de l’offre.
[157] Le Tribunal conclut de ces éléments que les vices n’étaient donc pas cachés.
[158] Madame Blouin a fait exécuter une inspection exhaustive de l’Immeuble[62]. Cette inspection lui révèle la condition exacte de l’Immeuble. Madame Blouin a elle-même visité l’Immeuble à plusieurs reprises. Son plan était d’y faire effectuer des travaux substantiels. Même si les témoignages de Mesdames Sicotte et Blouin diffèrent quant au montant envisagé, il se situe au minimum à plus de cinq millions $. Le côté vétuste ne peut être un vice caché qui, découvert, aurait fait changer Madame Blouin d’avis. Elle avait de toute façon l’intention de « gut the building ».
[159] Madame Blouin plaide en outre que le prix payé par Marine Guard Trust est indicatif de la véritable valeur de l’Immeuble. Elle indique que la valeur est d’autant plus indicative que la vente s’est faite sans garantie légale.
[160] Elle spécule ensuite sur les travaux effectués par Marine Guard Trust et sur le découragement de celui-ci face à leur ampleur, pour expliquer le prix de vente subséquent à 18.5 millions $. Mais rien de cela n’est en preuve. Et cette preuve n’aurait pas été pertinente. Le marché immobilier peut jouer à la hausse comme à la baisse. Une promesse d’achat n’en demeure pas moins exécutoire.
[161] Madame Blouin soulève les évaluations variables, et plus basses que le prix d’achat, que les banques HSBC et RBC ont donné à l’Immeuble.
[162] Il est connu que les évaluations sont faites pour différentes fins, soit d’évaluation foncière, de financement ou de calcul du gain en capital. Ces évaluations n’ont pas été discutées en preuve. De toute façon, cette preuve n’aurait pas été pertinente. La valeur marchande de l’Immeuble, au moment de l’acceptation de l’offre, est le prix que Madame Blouin acceptait de payer.
[163] Le prix payé par un acheteur demeure un élément subjectif correspondant à son désir de devenir propriétaire. Madame Rosenbloom ne voulait pas vendre à moins de 15.5 millions $. Madame Blouin voulait l’Immeuble. Comme l’écrivait l’évaluateur Dodge en conclusion de son rapport de 2016 :
The purchase of a huge, historic dwelling such as this is highly emotional and can be a dream come true to one person, more of a headache to the next person”[63].
[164] Le Tribunal n’a pas à juger que le prix était trop élevé. Si l’acheteur fait une erreur quant à la valeur de l’objet acheté, ce n’est que si cette erreur est provoquée par le dol de l’autre partie que le consentement est vicié et que le contrat peut être annulé ou les obligations réduites :
1401. L’erreur d’une partie, provoquée par le dol de l’autre partie ou à la connaissance de celle-ci, vicie le consentement dans tous les cas où, sans cela, la partie n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes.
[165] Le Tribunal ne décèle aucun dol de la part de Madame Rosenbloom. Elle a joué livre ouvert et a permis à Madame Blouin de faire effectuer toutes les inspections voulues, ainsi que les vérifications auprès de la ville de Westmount sur la faisabilité de ses projets de rénovation.
[166] La lésion, qui résulte d’une disproportion entre les prestations des parties, n’est cause de nullité qu’à l’égard des mineurs ou des personnes protégées : articles 1405 et 1406 C.c.Q. :
1405. Outre les cas expressément prévus par la loi, la lésion ne vicie le consentement qu’à l’égard des mineurs et des majeurs protégés.
1406. La lésion résulte de l’exploitation de l’une des parties par l’autre, qui entraîne une disproportion importante entre les prestations des parties; le fait même qu’il y ait disproportion importante fait présumer l’exploitation.
Elle peut aussi résulter, lorsqu’un mineur ou un majeur protégé est en cause, d’une obligation estimée excessive eu égard à la situation patrimoniale de la personne, aux avantages qu’elle retire du contrat et à l’ensemble des circonstances.
b) La clause de dommages liquidés et la dyslexie
[167] Madame Blouin soutient que son consentement a été vicié lors de l’acceptation de l’offre finale parce que Madame Sicotte ne lui a pas souligné le changement dans le libellé de la clause de dommages-intérêts liquidés, qui se lit en partie comme suit :
« In the event that the signing of the deed of sale does not take place on or before September 1st 2016 because the Buyer voluntarily blocks it or otherwise prevents it from occurring, the amount of $ 250,000 held in trust by notary Jacques Roberge will immediately be given to the Seller as part of liquidated damages”.
[168] Elle ajoute qu’étant dyslexique, elle ne pouvait sans aide en comprendre la portée.
[169] Décortiquons l’argument.
[170] La première offre de Madame Blouin, présentée par elle, ne contenait aucune clause de dommages liquidés. Elle aurait dû, en cas de défaut, payer tous les dommages en résultant : Articles 1458 et 1607 C.c.Q.
1458 Toute personne a le devoir d’honorer les engagements qu’elle a contractés.
Elle est, lorsqu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel, moral ou matériel, qu’elle cause à son cocontractant et tenue de réparer ce préjudice; ni elle ni le cocontractant ne peuvent alors se soustraire à l’application des règles du régime contractuel de responsabilité pour opter en faveur de règles qui leur seraient plus profitables.
1607 Le créancier a droit à des dommages-intérêts en réparation du préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel, que lui cause le défaut du débiteur et qui en est une suite immédiate et directe.
[171] D’ailleurs, l’offre initiale contenait la clause suivante quant à la responsabilité à l’égard des courtiers :
“7.6 DAMAGES- In the event that no deed of sale is signed for the Immovable through the Buyer’s fault, the Buyer undertakes to compensate directly the agency or the broker, bound to the Seller by brokerage contract, in accordance with the ordinary rules of law, by paying damages equal to the remuneration that the Seller would otherwise have had to pay”.
[172] Cette clause n’a jamais disparu.
[173] La clause de dommages liquidés est apparue pour la première fois sur une offre soumise par Madame Blouin,[64] mais à la demande de Madame Cantor. Elle ne faisait pas partie des conditions initiales d’achat par Madame Blouin, qui n’avait pas tenté de limiter sa responsabilité en cas de défaut.
[174] Le Tribunal ne la voit donc pas, au départ, comme une condition essentielle de l’offre, qui en a déterminé le consentement, pour utiliser les termes de l’article 1400 C.c.Q.. La Cour d’appel a récemment étudié la question dans l’arrêt Boulay c. Sénécal[65], qui concernait l’absence d’un deuxième stationnement dans une résidence cossue de Westmount :
[11] Que faut-il entendre par erreur portant sur un élément essentiel du contrat?
[12] Depuis la réforme du Code civil du Québec, l’erreur sur tout élément essentiel regroupe l’erreur sur les qualités substantielles, l’erreur sur la considération principale et l’erreur sur la cause de l’obligation. Dans ses commentaires, le ministre de la Justice indique que le premier alinéa de 1400 C.c.Q. reprend le droit antérieur.
[13] Les auteurs Lluelles et Moore indiquent que l’erreur sur un élément essentiel s’apparente à celle prévue à l’article 992 C.c.B.C. qui prévoyait l’erreur sur la considération principale de l’engagement. En conséquence, l’erreur sur des considérations personnelles ne serait retenue qu’à la condition qu’elles aient été portées à l’attention du cocontractant.
[14] Les auteurs Jobin et Cumyn sont aussi d’avis que l’erreur sur une caractéristique particulière doit avoir été exprimée par l’acheteur et connue du cocontractant.
[15] L’auteur Karim se dit pour sa part d’avis que « Lorsqu’il est évident que la chose faisant l’objet de la prestation doit normalement posséder une qualité substantielle, il ne sera pas nécessaire de prouver que la victime de l’erreur a informé son cocontractant qu’elle recherchait cette caractéristique particulière. »
[16] En l’espèce, la juge commet une erreur en omettant d’examiner toutes les circonstances qui prévalaient au moment de la vente lorsqu’elle conclut que l’absence d’un second stationnement constituait un élément essentiel ou une considération principale du contrat.
[17] Doit-on s’attendre à ce qu’une résidence ait nécessairement deux espaces de stationnement? La conclusion voulant qu’une résidence ait nécessairement deux espaces de stationnement ne s’impose pas d’elle-même.
[18] L’on s’attendra de l’acheteur prudent et diligent qu’il porte une grande attention à un élément qu’il considère comme essentiel au contrat, surtout s’il n’en informe pas le vendeur, comme c’est le cas ici.
[175] Madame Blouin n’a pas discuté de la clause avec Madame Rosenbloom ou son agente Madame Cantor.
[176] La clause a été réécrite dans la contre-offre 25889, ce qui implique qu’elle comportait un changement. Madame Blouin, en femme d’affaires avertie, aurait dû y porter attention.
[177] Mais il y a plus. Madame Sicotte en a discuté avec elle. Elle l’a affirmé au procès, après l’avoir dit en interrogatoire au préalable[66]. Pour les raisons déjà expliquées, le Tribunal retient son témoignage. Madame Blouin trouvait le changement sans conséquence.
[178] Madame Blouin a également écrit qu’elle allait en discuter avec son mari[67], qui se décrit dans diverses déclarations assermentées au dossier comme la personne qui assiste Madame Blouin.
[179] Comme on l’a vu, Madame Blouin soutient de plus être dyslexique, ce qui l’aurait empêché de bien comprendre la clause de dommages liquidés.
[180] Sa dyslexie est confirmée par une autre note laconique de son médecin newyorkais, Dr Kruger[68]. Cette note ne détaille d’aucune façon les limitations qui découleraient de cette condition. Aucun expert n’a été entendu à cet effet. Madame Sicotte affirme n’avoir jamais été informée de cette condition par Madame Blouin.
[181] Le Tribunal signale que Madame Blouin a affirmé détenir pour 200 millions $ d’investissements immobiliers[69] et avoir l’achat d’œuvres d’art comme passe-temps. Même en acceptant que Madame Blouin puisse être dyslexique, ce handicap ne semble pas l’avoir freinée dans sa réussite économique, financière ou sociale.
[182] Une pièce produite par Madame Blouin, l’article du Toronto Star[70], qui rapporte une des rares entrevues qu’elle a accepté de donner à un journaliste, réfère à de la « mild dyslexia ».
[183] Madame Blouin a contre-interrogé Mesdames Rosenbloom, Cantor et Sicotte, de même que Monsieur Daniel Dagenais de Sotheby’s en faisant référence sans difficultés à la clause de dommages liquidés.
[184] Le Tribunal ne retiendra pas que la dyslexie de Madame Blouin lui cause quelque incapacité que ce soit et l’empêche de comprendre les documents qu’elle lit, viciant ainsi son consentement.
[185] Dans un jugement rendu récemment[71] condamnant Madame Blouin suite à son refus de passer titre, comme vendeuse cette fois-ci, le juge Claude Auclair n’a pas non plus retenu la dyslexie comme une excuse à son incompréhension des documents. Il écrit :
[98] Il est impossible pour le Tribunal de conclure, si Blouin est atteinte de dyslexie, que cela peut l'empêcher de lire et de comprendre les documents qu'elle signe. D'autant plus que le 21 décembre 2021 elle a présenté son argumentation pendant plusieurs heures avec beaucoup d'assurance et d'aplomb.
[99] Sa dyslexie ne l'a pas empêchée d'envoyer une kyrielle de courriels.
[186] Ce scepticisme était déjà partagé par le juge Christian Immer, appelé à juger de la validité d’une saisie avant jugement pratiquée dans le dossier Côté[72] :
[87] Blouin does offer certain additional factual elements in her examination which go to her consent in signing the Counter Proposal 41803. The Court finds that there are serious issues of credibility when she raises her learning disabilities and her purported difficulty to read documents. Even if it were true that she had such difficulties and that she may not have understood the meaning of the Counter Proposal 41803, the arguments which she raises with regard to her consent go far beyond the “prima facie” inquiry that the Court is to carry out. Her further arguments that her electronic signature does not carry the same weight as her handwritten signature is also wholly unconvincing.
[187] Le Tribunal est du même avis. On notera une similitude dans les arguments soulevés dans ces affaires.
[188] Si Madame Blouin n’a ni vu, ni compris, la clause de dommages liquidés, ce que le Tribunal ne croit pas, son erreur est alors inexcusable, au sens de l’article 1400 C.c.Q. :
1400. L’erreur vicie le consentement des parties ou de l’une d’elles lorsqu’elle porte sur la nature du contrat, sur l’objet de la prestation ou, encore, sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement.
L’erreur inexcusable ne constitue pas un vice de consentement.
[189] Elle ne peut reprocher son erreur ni à Madame Sicotte, ni à Madame Cantor, ni au notaire Roberge, et encore moins à Madame Rosenbloom.
[190] Comme l’écrit la Cour d’appel dans Landry c. Lesage[73] :
[11] Quoi qu'il en soit, le fait pour l'appelante de ne pas avoir lu la transaction avant de la signer, si c'est le cas, est fatal et constitue une erreur inexcusable au sens de l'alinéa 2 de l'article 1400 C.c.Q.
[191] Le Tribunal conclut donc que la clause de dommages liquidés n’était pas pour Madame Blouin une considération essentielle, qu’elle en a été pleinement informée, qu’elle a eu le temps d’en prendre connaissance, d’en discuter avec son mari et qu’elle n’était pas incapable, du fait de sa dyslexie, de la lire et de la comprendre. L’argument ne sera pas retenu.
c) Les fuites et le bris de confidentialité; les Panama Papers
[192] Madame Blouin soutien qu’elle est libérée de ses obligations parce que Madame Sicotte aurait coulé de l’information au Journal de Montréal relativement à son achat au Mont-Tremblant, ce qui aurait en outre causé l’association de son nom aux «Panama Papers».
[193] Ce motif de défense est tout simplement farfelu.
[194] Le contrat avec Madame Rosenbloom ne contient aucune clause de confidentialité.
[195] Seule Madame Sicotte a signé, en juin 2016, longtemps après l’acceptation de l’offre, un engagement de confidentialité exigé sans qu’on ne lui ait donné aucune raison.
[196] La preuve ne révèle aucune indiscrétion de Madame Sicotte.
[197] L’aurait-elle fait que cela n’aurait eu aucune conséquence sur les obligations de Madame Blouin à l’égard de Madame Rosenbloom.
[198] En donnant une entrevue au Toronto Star, Madame Blouin se trouve à renoncer à la confidentialité qu’elle invoque aujourd’hui.
[199] Elle insiste pour que le notaire Roberge n’en parle pas à Madame Sicotte.
[200] Elle n’en a d’ailleurs jamais parlé à Madame Sicotte.
[201] Cet argument, que l’on appellerait en anglais un « red herring », est assez indicatif de l’attitude de Madame Blouin face à ses obligations. Ce sont ses arguments, ses désirs, ses caprices, ses goûts de grandeur, qui passent avant toute considération pour ses engagements. Le jugement du juge Auclair dans le dossier Côté l’illustre autant que le présent dossier.
d) Le taux de commission des courtiers
[202] Madame Blouin prétend que l’offre devrait être annulée du fait d’une commission variant avec le prix. Le contrat de courtage de Madame Rosenbloom avec Sotheby’s prévoit en effet un taux variable de commission : 4% en bas de 15.5 millions $ 5% si la vente se fait pour 15.5 millions $ ou plus.
[203] Madame Blouin prétend qu’une telle structure est contraire aux règles de l’OAICQ.
[204] Elle n’a soumis aucun texte règlementaire l’établissant. Le Tribunal a examiné ces textes et n’a trouvé aucune telle interdiction.
[205] Madame Sicotte a répondu au préalable que de tels arrangements étaient courants.
[206] Daniel Dagenais, directeur de l’agence Sotheby’s Québec, membre du Conseil de la Chambre immobilière du Grand Montréal, administrateur au conseil d’administration de l’Association canadienne de l’immeuble de 2013 à 2019, a témoigné au procès. Il a affirmé que la pratique de partage de commission n’est pas règlementée. Il a également indiqué qu’il n’existait pas d’obligation de divulgation du mode de rémunération de l’agente à l’acheteur. Le courtier de l’acheteur ne connaît pas le taux applicable à la commission payée par le vendeur au moment de la négociation de l’offre.
[207] Il n’y a rien d’illégal ou d’anormal à ce qu’un vendeur veuille le plus haut prix possible. C’est ce que voulait Madame Rosenbloom. Elle ne voulait pas vendre en bas de 15.5 millions $ Elle a pris les moyens pour y arriver, notamment en bonifiant la commission. Et c’est elle qui paye la commission, pas Madame Blouin. Madame Blouin voulait l’Immeuble. Elle a augmenté ses offres au fur et à mesure. Rien ne l’empêchait d’arrêter et de trouver une autre résidence.
[208] Madame Blouin n’a jamais porté de plainte auprès de l’OACIQ contre Madame Sicotte ou Madame Cantor.
[209] Il est bien énoncé dans ses premiers moyens de défense[74] que c’est Madame Cantor qui serait en conflit d’intérêt. Or, Madame Blouin n’avait pas de relation contractuelle avec Madame Cantor et Sotheby’s.
[210] Malgré ses tentatives pour prouver le contraire, Madame Blouin n’a pas établi que Madame Sicotte ait été mis au courant du taux de commission avant la finalisation des offres. Et cela n’aurait rien changé à la conclusion du Tribunal.
[211] Elle n’a posé aucune question à Madame Sicotte à ce sujet[75]
Q. Est-ce que Madame Louise Viger Blouin vous a posé des questions quant à la commission, quant au pourcentage?
R. Non.
Q. Des questions quant au partage de…
R. Non.
Q-… la commission ?
R. Non.
[212] Cet élément n’a pas pu vicier son consentement. Il s’agit d’un moyen invoqué après son refus de signer l’acte d’achat. Ce n’est certainement pas ce qui l’a incitée à ne pas se présenter chez le notaire.
[213] Les courtiers ont fait « work their magic » comme le dit un texto pour faire en sorte que les volontés du vendeur et de l’acheteur se rencontrent. Le taux de commission payés aux premières n’était pas une condition essentielle de cette rencontre des volontés.
e) Conclusion
[214] Le Tribunal ne croit pas que le consentement de Madame Blouin à l’offre d’achat de l’Immeuble ait été vicié. Elle a tout simplement changé d’avis, sans en informer qui que ce soit.
[215] Elle ne peut se libérer de ses obligations au gré de ses humeurs ou de ses caprices :
1458. Toute personne a le devoir d’honorer les engagements qu’elle a contractés.
Elle est, lorsqu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel, moral ou matériel, qu’elle cause à son cocontractant et tenue de réparer ce préjudice; ni elle ni le cocontractant ne peuvent alors se soustraire à l’application des règles du régime contractuel de responsabilité pour opter en faveur de règles qui leur seraient plus profitables.
(Le Tribunal souligne)
[216] Les dommages subis se calculent en tenant compte des dispositions suivantes du Code civil :
1611. Les dommages-intérêts dus au créancier compensent la perte qu’il subit et le gain dont il est privé.
On tient compte, pour les déterminer, du préjudice futur lorsqu’il est certain et qu’il est susceptible d’être évalué.
1613. En matière contractuelle, le débiteur n’est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir au moment où l’obligation a été contractée, lorsque ce n’est point par sa faute intentionnelle ou par sa faute lourde qu’elle n’est point exécutée; même alors, les dommages-intérêts ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution.
a) La perte sur la vente de l’Immeuble
[217] Madame Rosenbloom a perdu 2 millions $ à la revente de l’Immeuble à Marine Guard Trust. Elle a reçu 250 000 $ du notaire Roberge, soit le dépôt non remboursable, pour valoir comme partie des dommages intérêts liquidés en cas de défaut de procéder à l’achat de l’Immeuble. Elle réclame donc le solde de 1 750 000 $.
[218] La juge Christine Baudouin, alors de cette Cour, rappelle les principes applicables dans un dossier semblable au nôtre[76] :
[13] Le Code civil du Québec établit que la promesse de vente acceptée n’équivaut pas au contrat de vente envisagé, mais qu’elle est un avant-contrat par lequel les parties s’obligent à passer ultérieurement la vente, une fois les conditions réalisées. Ainsi, « (…) lorsque le bénéficiaire de la promesse l’accepte ou lève l’option à lui consentie, il s’oblige alors (…) à conclure le contrat, à moins qu’il ne décide de le conclure immédiatement. »
[14] Les parties doivent donc avoir entièrement rempli les conditions stipulées à la promesse pour que l’une puisse contraindre l’autre à passer titre. Les circonstances entourant les échanges entre les parties sont donc importantes afin d’apprécier les fondements du présent recours.
(…)
[59] Le Tribunal ne peut retenir l’argument de 9305 selon lequel elle aurait été mal conseillée par son courtier pour faire échec à la transaction. D’une part, la preuve présentée est insuffisante, voire contradictoire sur les relations entre 9305, M. Burhan et M. Gosseau. Le Tribunal n’était pas saisi en l’instance de la question de la potentielle responsabilité du courtier, mais d’une action en dommages pour défaut d’avoir passé titre.
[60] Même si le Tribunal avait par hypothèse conclu à une responsabilité de M. Gosseau dans le cadre de sa représentation des intérêts de 9305 lors de cette transaction, celle-ci ne peut être opposable à 9215 dans le cadre du présent recours.
[61] Ainsi, le Tribunal est d’avis que 9305 était liée par la promesse d’achat modifiée le 28 novembre 2014 et que 9215 était en droit d’exiger qu’elle passe de titre dès le 19 décembre 2014, date convenue pour ce faire.
(…)
[94] Le 28 mai 2015, 9215 vendra l’immeuble à une autre compagnie pour la somme de 2,3 millions de dollars, soit 300 000 $ inférieure au prix de vente accepté par 9305. Elle réclame cette différence ainsi qu’une somme de 19 097,39 $ à titre de dépenses courantes de l’immeuble entre la date prévue de la signature de l’acte de vente avec 9305 et la vente de l’immeuble au tiers le 28 mai 2015.
[95] Finalement, elle demande aussi une somme de 20 323,49 $ représentant les revenus locatifs manqués pour le 3e étage de l’immeuble pendant cette même période. Elle soumet avoir volontairement laissé cet espace vacant puisque dès les premiers échanges avec 9305 et lors de la signature de la promesse d’achat acceptée, il était entendu que EVision s’y installerait. Un bail avait même été signé par 9305 à titre de locateur pour la totalité de cet espace
[96] Le Tribunal conclut que ces demandes sont justifiées par la preuve et y fera droit.
(Le Tribunal souligne)
[219] Cette façon de calculer les dommages suite au défaut de procéder à l’achat d’une propriété est conforme aux enseignements de la Cour d’appel :[77]
[10] Considérant que, comme le souligne à juste titre le premier juge, les dommages subis par les intimés sont constitués de la différence entre la valeur réelle de l’immeuble à l’époque de la date d’achat convenue et le prix offert et accepté et que, dans les circonstances de l’espèce et le peu de délai écoulé entre le défaut de l’appelante et la vente du même immeuble à un tiers, le meilleur guide pour établir la valeur de cet immeuble était bien le prix offert par ce tiers acquéreur de bonne foi et accepté quelques semaines plus tard.
[220] Ces propos furent repris entre autres dans l’arrêt Lainé c. Bérubé [78]:
[36] Si une offre devient nulle, faute d'une partie de signer sans justification un acte de vente, l'autre a droit aux dommages-intérêts dont le montant doit être prouvé. Généralement, ces dommages résultent de la différence entre le prix convenu à la promesse et le prix obtenu lors d'une vente.
[221] Madame Blouin plaide que la différence entre le prix qu’elle avait offert et le prix payé par Marine Guard Trust s’explique par les différences entre les deux offres.
[222] La vente à Marine Guard Trust s’est faite sans garantie légale. Le Tribunal n’a aucune preuve quant à l’effet que peut avoir une telle clause sur le prix d’achat d’une propriété. Il serait téméraire de se lancer dans une spéculation qui relève d’une preuve d’expert.
[223] Madame Blouin soulève également que son offre comprenait des meubles qui n’ont pas été inclus dans la vente à Marine Guard Trust.
[224] Outre le fait que certains meubles étaient inclus dans cette vente, Madame Blouin n’a identifié, ni les meubles non vendus, ni surtout une quelconque valeur. Il faut se rappeler que le prix de vente que s’était fixé Madame Rosenbloom ne tenait pas compte des meubles, qui se sont retrouvés être un rajout pour satisfaire Madame Blouin, dans le dernier droit des négociations.
[225] Il eut fallu avoir une description de ces meubles, le témoignage de l’acheteur et une évaluation quelconque. En l’absence de preuve, le Tribunal ne peut arbitrairement en décider.
[226] Les arguments de Madame Blouin s’apparentent à ceux que la Cour d’appel a écartés dans l’arrêt Gestion Europe Canada, alors que le défendeur tentait de bénéficier d’une diminution de prix éventuellement consentie à l’acheteur :
[14] Considérant que l’argument des intimés-appelants incidents, à l’effet qu’ils auraient eux-mêmes bénéficié d’une telle réduction du prix de vente, pour les mêmes raisons, ramenant ainsi à 991 000 $ le prix qu’ils auraient eux-mêmes payé et maintenant la même différence entre le prix payé et la valeur de l’immeuble, ne saurait être retenu compte tenu du fait que le dossier ne nous permet pas de connaître toutes les conditions et circonstances de la transaction intervenue entre l’appelante et le tiers acquéreur, près d’un an après le fait, non plus que d’apprécier les motifs subjectifs pour lesquels cette réduction de prix avait été consentie;
[15] Considérant, dans les circonstances, qu’il est purement hypothétique de la part des intimés-appelants incidents de soumettre qu’ils auraient, d’une part, exigé et, d’autre part, obtenu eux-mêmes une diminution de prix équivalente, et ce compte tenu du fait, notamment, que le prix de vente n’était pas le même dans les deux cas;
(Le Tribunal souligne)
[227] Le Tribunal accorde la différence non remboursée entre le prix convenu avec Madame Blouin et le prix payé par Marine Guard Trust.
b) Divers déboursés
[228] Madame Rosenbloom réclame à titre de dommages les déboursés qu’elle a dû effectuer pour déménager ainsi que les frais encourus pour maintenir et occuper l’Immeuble en attendant sa revente (carrying costs).
[229] Madame Rosenbloom avait déménagé lorsqu’elle s’est présentée chez le notaire Roberge, pour permettre à Madame Blouin, qui ne l’avait pas prévenue, d’occuper l’Immeuble. Elle a dû déménager à nouveau pour occuper l’Immeuble, puis le quitter.
[230] Elle ne réclame que pour un déménagement la somme de 19 727.66 $. Les preuves et la récapitulation sont au dossier de la Cour[79].
[231] Madame Rosenbloom n’aurait pas encouru cette dépense si Madame Blouin avait honoré ses obligations. Le Tribunal lui accorde.
[232] Madame Rosenbloom réclame ce qu’il lui en a couté pour occuper l’Immeuble de septembre 2016 à mars 2017, soit les sommes de 12 147.99 $ pour le[l'adresse 1] et 62 768.51 $ pour [l'adresse 2]. Les pièces justificatives sont au dossier[80].
[233] Les frais auraient été en partie facturés à la société de Monsieur Rosenbloom, Globe Management, mais remboursés par Madame Rosenbloom[81].
[234] Le Tribunal est satisfait de la preuve établissant que ces frais ont été encourus et payés par Madame Rosenbloom.
[235] Par contre, Madame Rosenbloom aurait dû se loger ailleurs si elle avait vendu à Madame Blouin. Certes, elle aurait pu occuper l’appartement qu’elle possède aux Forts de la Montagne, mais celui-ci ne se compare en rien à la Timmins Estate.
[236] Le Tribunal n’est pas en mesure de déterminer quel serait un montant juste et raisonnable de dommages véritablement subis de ce fait par Madame Rosenbloom, qui avait le fardeau de les établir.
[237] Par contre, il est indéniable qu’elle n’aurait pas eu besoin du coach house. Le Tribunal lui accorde 12 147.99 $.
c) Troubles et inconvénients
[238] Madame Rosenbloom réclame 50 000 $ pour les troubles et inconvénients que lui a causé le défaut de Madame Blouin. Elle a effectivement témoigné au sujet du stress causé par la façon dont Madame Blouin a agi, et le réaménagement de ses plans qu’elle a dû effectuer.
[239] Son avocate attire l’attention du Tribuanl sur la cause de Nadeau c. Giguère[82], dans laquelle le juge Gilles Mercure a accordé 7 000 $ pour troubles et inconvénients suite au défaut de l’acheteur d’un immeuble de passer titre. Elle souligne qu’en dollars d’aujourd’hui, cela vaudrait 10 000 $. Le juge écrit :
[66] La preuve révèle clairement que la décision intempestive de Giguère de ne plus vendre a causé des ennuis et des désagréments réels aux demandeurs.
[67] La demanderesse précise que jusqu'au 4 mai, tout était planifié pour un déménagement à moins de trois kilomètres. Il n'avait surtout jamais été question d'emballer une partie du contenu de la maison pour fins d'entreposage. Face au refus de Giguère de leur vendre sa maison, les demandeurs doivent en catastrophe se mettent à la recherche d'une nouvelle maison, trouver un endroit pour demeurer entre-temps puisqu'ils sont sur le point de devoir quitter leur résidence pour laisser la place à leurs acheteurs. Les demandeurs n'ont pas ménagé les efforts pour minimiser leurs dommages…
[240] Dans l’arrêt Ly c. Construction Sainte Gabrielle inc.[83], la Cour d’appel met en garde contre l’octroi trop généreux de dommages non pécuniaires « vu de la retenue dont font preuve les tribunaux en matière de dommages non pécuniaires réclamés à la suite d’une inexécution contractuelle ». Elle réduit l’octroi de 50 000 $ à 10 000 $.
[241] Suivant en cela les enseignements de la Cour d’appel et le jugement actualisé du juge Mercure, le Tribunal accorde 10 000 $ à titre de troubles et inconvénients.
[242] Même si les dommages subis par Madame Rosenbloom s’élèvent à 2 041 875.65 $, peuvent-ils être limités à la somme de 250 000 $, déjà récupérée par Madame Rosenbloom ?
[243] C’est ce que plaide Madame Blouin, s’autorisant de la première version de la clause de dommages liquidés.
[244] L’article 1622 C.c.Q. établit que les parties peuvent évaluer par anticipation les dommages-intérêts en stipulant que le débiteur se soumettra à une peine au cas où il n’exécuterait pas son obligation.
[245] Dans un tel cas, le montant des dommages, qui n’ont pas à être prouvés[84], sont limités à ce montant.
[246] En l’instance, la première version de la clause aurait eu cet effet. La deuxième version, celle que les parties ont signée, ne limite pas le montant des dommages. C’est bien pour cela que Madame Blouin insiste pour soutenir que cette clause lui a été imposée par erreur.
[247] Le Tribunal doit, comme l’y invite Madame Blouin, invoquant l’article 1428 C.c.Q., donner un sens à la clause contractuelle :
1428. Une clause s’entend dans le sens qui lui confère quelque effet plutôt que dans celui qui n’en produit aucun.
[248] Le tribunal peut tenir compte de l’interprétation que les parties lui ont donnée : Article 1426 C.c.Q. :
1426. On tient compte, dans l’interprétation du contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l’interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu’il peut avoir reçue, ainsi que des usages.
[249] En l’espèce, le seul sens que l’on puisse donner à la clause est celle voulant que les parties se sont réservé le droit de prouver des dommages, le 250 000 $ n’étant qu’une avance sur l’évaluation des dommages. Il est significatif que Monsieur Dagenais, directeur de Gestram, ait témoigné qu’un tel montant était insuffisant comme véritable clause pénale pour un contrat d’une telle valeur.
[250] Madame Sicotte a clairement expliqué le sens de la clause modifiée à Madame Blouin, qui a déclaré ne pas s’en soucier. Depuis l’institution des procédures, elle interprète la clause de façon adéquate, en essayant de s’y soustraire.
[251] Les dommages, qui sont liquidés par décision du Tribunal, ne sont pas limités à la somme de 250 000 $.
[252] Madame Rosenbloom a droit au plein montant des dommages qu’elle a subis.
[253] La perte sur la vente de l’Immeuble est subie au moment du défaut. Les intérêts courront à compter du 1er septembre 2016, soit la date de la mise en demeure[85] : Article 1617 C.c.Q. :
1617. Les dommages-intérêts résultant du retard dans l’exécution d’une obligation de payer une somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux convenu ou, à défaut de toute convention, au taux légal.
Le créancier y a droit à compter de la demeure sans être tenu de prouver qu’il a subi un préjudice.
[254] Les déboursés et autres dommages compensatoires porteront intérêt à compter de l’institution des procédures, ayant été subis à une date postérieure à la date de la signature projetée.
i) La responsabilité de Madame Blouin à l’égard de Gestram
[255] Gestram réclame de Madame Blouin la commission perdue suite à son défaut de procéder à l’achat de l’Immeuble, soit la somme de 775 000 $.
[256] Outre les articles 1457 et 1458 du Code civil, cette réclamation se fonde sur les termes de l’offre d’achat acceptée, à l’article 7.6:
Art. 7.6 DAMAGES – In the event that no deed of sale is signed for the Immovable through the BUYER’s fault, the BUYER undertakes to compensate directly the agency or the broker, bound to the SELLER by brokerage contract, in accordance with the ordinary rules of law, by paying damages equal to the remuneration that the SELLER would otherwise have had to pay.
[257] Il appert clairement de l’analyse précédente que Madame Blouin était en défaut, sans raison valable, de procéder à l’achat de l’Immeuble.
[258] L’arrêt Ibrahim c. Groupe Sutton Immobilia inc.[86] nous dicte la marche à suivre pour conclure à la responsabilité du promettant acheteur en défaut à l’égard du courtier :
[35] En effet, l'examen de la jurisprudence révèle que les tribunaux ont toujours examiné le comportement du promettant-acheteur afin de déterminer s'il s'était comporté en personne raisonnable à l'égard des tiers. Par exemple, lorsqu'il refuse de remplir ses obligations contractuelles envers le vendeur sans motif jugé sérieux ou encore en invoquant un prétexte pour ne pas acheter, un promettant-acheteur pourra être tenu responsable des dommages causés au courtier inscripteur.
[259] Ces exigences ont été précisées par le juge Gascon, alors en Cour d’appel, dans l’arrêt Société en nom collectif Immobilier 2000 c. Immobilier Estrie inc. :[87]
[30] Cela dit, une certaine jurisprudence en conclut que le courtier immobilier doit alors démontrer la mauvaise foi, l'insouciance, l'incurie, la désinvolture, l'erreur de jugement ou le manque de perspicacité du promettant-acheteur. Dans ses motifs, le premier juge semble adhérer à cette vision.
[260] La preuve présentée en l’instance remplit ces exigences. Il est inutile de la ressasser. Madame Blouin doit indemniser Gestram.
ii) Indemnisation de Groupe Sutton Centre-Ouest inc.
[261] La promesse d’achat PP13230 de Madame Blouin a été présentée par l’intermédiaire de Madame Sicotte agissant pour l’agence Groupe Sutton.
[262] Le montant de la commission que Gestram aurait touché aurait été partagé avec Madame Sicotte et Groupe Sutton. Comment s’assurer qu’une condamnation à payer Gestram indemnise également Groupe Sutton ?
[263] En recevant sa commission, Gestram percevait également la rétribution payable à Groupe Sutton agissant à la transaction à titre de courtier- collaborateur.
[264] En signant le contrat de courtage,[88] Madame Rosenbloom reconnaissait cette obligation de Gestram. On y retrouve la clause 7.4 :
7.4 – The collaborating brokers shall share the remuneration identified above equally;
[265] La relation agence inscripteur – agence collaborateur et le partage de la rétribution contrat principal- sous-traitant a été règlementée par l’industrie par l’adoption du Règlement de conciliation et d’arbitrage de la Fédération des chambres immobilières du Québec[89], maintenant l’Association professionnelle des courtiers immobiliers.
[266] La Cour d’appel a reconnu la validité et l’aspect exécutoire du Règlement: Helou c. Entreprises Louis Cayer inc. (Royal Lepage Dynastie)[90].
[267] Le Règlement prévoit entre autres :
Article 2 Perception de la rétribution: l’agence immobilière (inscripteur) doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour percevoir la rétribution totale, soit la portion inscription et la portion collaboration.
Article 3 Dans le cas où une agence immobilière (inscripteur) ne perçoit qu’une partie de la rétribution à la suite de l’introduction des procédures judiciaires, elle doit payer à l’agence immobilière (Collaborateur) dans les délais mentionnés à l’article 1, une somme correspondant au prorata des droits de cette dernière dans la rétribution à recevoir.
[268] L’article 5 prévoit également un mécanisme de cession de droit entre l’agence inscripteur qui refuserait d’entreprendre des poursuites pour la rétribution, en faveur de l’agence collaborateur.
[269] En l’instance, les courtiers ont convenu ensemble de donner mandat aux avocats de Gestram d’intenter les procédures de recouvrement[91].
[270] L’action est donc intentée pour la perte subie tant par l’agence inscripteur agissant par l’intermédiaire de son courtier Rochelle Cantor que pour la perte subie par l’agence collaborateur agissant par l’intermédiaire de son courtier Marie Sicotte.
iii) Le montant de l’indemnité
[271] La rétribution de 775 000 $ que Madame Rosenbloom aurait payé si la vente de l’Immeuble avait eu lieu aurait été partagée comme suit :
[272] La vente à Marine Guard Trust a plutôt donné lieu à une rétribution de 540 000$ répartie comme suit :
[273] Y-a-t-il lieu en l’espèce de donner crédit pour les montants perçus en bout de piste par Madame Cantor ?
[274] Dans l’arrêt Ibrahim, la Cour d’appel a mis fin à une controverse jurisprudentielle existant quant à l’obligation du tribunal de tenir compte de la deuxième rétribution lors de la détermination du dommage. L’auteur Claude G. Leduc résume ainsi la controverse et sa résolution[92] :
Lorsqu'une faute de l'acheteur est établie et qu'aucune vente subséquente n'intervient, il est de jurisprudence constante que l'agence ou le courtier peut lui réclamer le montant de la rétribution dont il est privé. Cependant, lorsqu'un acheteur est en défaut d'exécuter ses obligations, qu'il cause préjudice à l'agence ou au courtier-inscripteur, mais que l'immeuble concerné fait l'objet d'une vente subséquente à un tiers, il existait jusqu'à tout récemment une controverse jurisprudentielle quant à savoir si l'on doit tenir compte du montant de la rétribution perçue par l'agence ou le courtier lors de la revente de l'immeuble.
Le premier courant jurisprudentiel veut que la deuxième vente constitue la suite d'un tout autre travail et d'un tout autre contrat. Dans un tel cas, le courtier-inscripteur doit recommencer son travail comme si rien n'avait été fait afin de trouver un nouvel acheteur. (…)
Le deuxième courant jurisprudentiel est initié par la juge Lina Bond, dans Hélène Lauzier inc. c. Nadeau, qui décide que le courtier n'a droit « qu'aux dommages-intérêts compensatoires qui équivalent à la perte du gain » dont il est privé. Ceci étant, elle déduit la commission perçue par le courtier lors de la revente.
(…)
En décembre 2008, la Cour d'appel rend jugement dans Ibrahim c. Groupe Sutton Immobilia inc.. Bien qu'elle infirme le jugement de la Cour du Québec et conclut que les acheteurs ne commettent aucune faute envers le courtier, la Cour d'appel juge utile d'examiner « la question de savoir si un tribunal, dans l'évaluation des dommages subis par un courtier-inscripteur, doit tenir compte ou non de la commission reçue pour la vente subséquente de l'immeuble » puisqu'il existe une controverse jurisprudentielle à ce sujet.
La Cour d'appel établit que l'évaluation des dommages doit viser une juste compensation. Elle s'appuie sur les auteurs Baudouin et Deslauriers pour réitérer que la première caractéristique de la réparation du préjudice est d'être compensatoire et que la seconde « est que la réparation doit être intégrale, c'est-à-dire de permettre de replacer la victime dans la situation où elle aurait été si l'accident n'avait pas eu lieu, en l'indemnisant pour la perte subie et le gain manqué». (…)
Vu le caractère compensatoire des dommages-intérêts et la recherche d'une « juste compensation », la Cour d'appel conclut qu'un « tribunal ne peut omettre de considérer la commission ainsi reçue » à la suite de la vente subséquente d'un immeuble. Et la Cour de conclure :
« Quand un tribunal évalue les dommages subis, il lui faut considérer tous les faits pertinents pour en arriver à établir une juste compensation. Dans ce but, il doit tenir compte non seulement de la commission reçue lors de la revente de l'immeuble, mais également de toutes les circonstances pertinentes. Il est donc possible que la commission reçue ne soit pas prise en compte dans le calcul des dommages accordés ou qu'elle le soit en partie, mais il peut également arriver qu'elle le soit entièrement ». (par. 59)
Il appartiendra aux tribunaux de déterminer dans quels cas il sera « possible que la commission reçue ne soit pas prise en compte dans le calcul des dommages accordés ou qu'elle le soit en partie » ou entièrement.
[275] Dans l’arrêt Immobilier Estrie inc.[93], la Cour d’appel nous indique qu’il est approprié de tenir compte de la deuxième rémunération lorsqu’il s’agit d’une revente à court terme dans la continuité du même mandat. Dans cette affaire, la revente avait eu lieu dans le cadre du même contrat renouvelé, « dans les mois qui suivent ».
[276] En l’espèce, Le mandat était différent. Les taux sont différents, et un autre agente intervient pour le vendeur. L’agente collaborateur est différent (Groupe Sutton plutôt que Royal Lepage). Ainsi, dans le cadre de la revente, l’agente de Madame Blouin ne bénéficie d’aucune rétribution.
[277] La vente est intervenue plusieurs mois plus tard.
[278] Le Tribunal considère donc qu’il peut exercer sa discrétion pour ne pas tenir compte de la rémunération gagnée lors de la vente à Marine Guard Trust.
[279] Madame Cantor a mis beaucoup plus d’efforts pour mousser la propriété qu’elle ne l’avait fait dans le cadre de la première vente, faite sans listing. Elle a réécrit la déclaration du vendeur[94]. Elle a travaillé à la mise en valeur de l’Immeuble (home staging), à la production d’une brochure de luxe et d’une vidéo de grande qualité. La propriété a été annoncée dans plusieurs media. Madame Cantor a mené les négociations avec le nouvel acheteur.
[280] Le Tribunal considère qu’il y a lieu d’appliquer intégralement les termes de l’article 7.6 de l’offre d’achat et de condamner Madame Blouin à payer le montant de la commission dont a été privée Gestram.
i) Qualification de la conduite
[281] Madame Rosenbloom et Gestram demandent au Tribunal de déclarer la conduite de la procédure par Madame Blouin abusive, et de la condamner à des dommages-intérêts punitifs, ainsi que de prononcer l’exécution provisoire nonobstant appel des condamnations à être rendues, conformément aux dispositions de l’article 660 (10) C.p.c..
[282] Madame Rosenbloom a déposé sa demande le 5 juillet 2017. Madame Blouin n’a pas, dans les six mois qui ont suivi, déposé ses moyens de défense, ne s’est pas présentée à des interrogatoires et a dû être forcée par jugement du juge Martin Castonguay du 18 janvier 2018 à se conformer à ces éléments du protocole d’instance sous peine de voir un jugement rendu contre elle par défaut.
[283] Devant le juge David Collier, le 6 novembre 2017, 11 mois après le dépôt de la demande introductive d’instance de Gestram, sur une demande de prolongation de délai pour inscrire, le procureur de Madame Blouin informe le tribunal qu’il n’avait pas instruction d’appeler des tiers en garantie. Nous savons que ce n’est pas ce qui est arrivé.
[284] Malgré le jugement du juge Castonguay, Madame Blouin a demandé de reporter l’interrogatoire qui devait se tenir le 29 mars 2018. Madame Rosenbloom a dû obtenir une ordonnance de la juge Johanne Mainville le 19 mars 2018 pour la tenue de l’interrogatoire.
[285] L’interrogatoire s’est tenu le 20 mars 2018 pendant cinq heures. L’avocat de Madame Blouin a cherché à obtenir le contrat de mariage de Madame Rosenbloom, qui s’y est objectée, les procurations que lui avait données son défunt mari, de même que le dossier médical de ce dernier relativement à la validité de cette procuration.
[286] L’interrogatoire s’est poursuivi pendant plusieurs heures le 22 mai 2018. Entre autres questions, l’avocat de Madame Blouin a demandé ce que Madame Rosenbloom avait fait avec l’avance de 250 000 $. Comme nous l’avons vu plus haut, la juge Langlois a maintenu toutes les objections formulées par Madame Rosenbloom et a conclu à de l’abus :
[37] Les informations et/ou documents visés par les demandes sous objections sont par conséquent non-susceptibles de faire avancer le débat et à cet égard, l'interrogatoire est abusif ou inutile au sens de l'article 230 C.p.c. puisque clairement il dépasse le cadre du véritable débat entre les parties.
[287] Le 5 juin 2018, les mêmes questions étaient posées à Madame Cantor, malgré les objections de ses avocats. Le même scénario s’est répété lors de l’interrogatoire de Madame Sicotte le 14 juin 2018.
[288] Madame Blouin a par la suite appelé le notaire Roberge en garantie au motif que ce dernier n’avait pas obtenu son consentement à la remise du dépôt de 250 000 $.
[289] Le notaire Roberge a présenté une demande pour mise hors de cause laquelle a été remise à plusieurs reprises à la demande de Madame Blouin, au point de ne jamais avoir été plaidée.
[290] Bien que requise de le faire le 28 septembre 2018, Madame Blouin a refusé de compléter sa partie de la déclaration commune pour fixation de la cause. La juge Chantal Corriveau, par ordonnance de gestion, lui a ordonné de compléter sa partie de la déclaration avant le 27 novembre 2018.
[291] Elle a par la suite demandé la prolongation de ce délai, qui lui a été refusé par le juge Claude Champagne[95].
[292] Deux jours avant la date fixée pour la demande de rejet du notaire Roberge, présentable le 7 novembre 2018, Madame Blouin a déposé une demande reconventionnelle et appel en garantie modifiée.
[293] Le 7 novembre 2018, Madame Blouin s’est objectée à la tenue de l’audition sur la demande de rejet en invoquant le fait que le notaire Roberge n’avait pas répondu à ses engagements, ce qu’il n’avait pas l’obligation de faire. Malgré cette objection, les parties se sont fait ordonner de procéder. Une heure avant le début de l’audition, Madame Blouin a déposé une nouvelle procédure rendant impossible l’audition en question.
[294] Le 27 novembre 2018, Madame Blouin a complété sa partie de la déclaration commune demandant plus de 20 jours de procès.
[295] Du fait que par sa demande reconventionnelle et appel en garantie modifié, Madame Blouin recherchait la responsabilité complète du notaire Roberge à l’égard des montants qui lui étaient réclamés, le notaire Roberge a lui-même appelé en garantie l’avocat de Madame Blouin, ce que la Cour a permis malgré l’opposition de Maître Maniatis.
[296] Le tout a retardé l’audition de la demande de Me Roberge de 11 mois. Le notaire Roberge a de nouveau tenté de faire entendre sa demande en rejet, ce qui aurait en cas de succès évité tout le débat sur la disqualification de Maître Maniatis, mais ce dernier a refusé, invoquant entre autres le fait qu’il lui était impossible de procéder dans les circonstances, malgré le fait que la demande en rejet lui ait été signifié un an plus tôt :
« ln the circumstances, we see no alternative but for the matters previous/y scheduled for hearing on April 24 to be deferred, so that we are afforded a reasonable opportunity to respond to the situation created by Me Roberge's motion for dismissal. Of course, had Me Roberge advanced this motion for dismissal earlier, this would not have been necessary, but the situation has now been thrust upon the parties and the court independently of any action on our client's part. Me Roberge had manv months to introduce this motion for dismissal and chose to wait until now before doing so, white certainly knowing that this would place us in an impossible situation in respect of the April 24 hearing »[96].
[297] Le juge Christian Immer a été saisi de cette mise en cause de Maître Maniatis. Il fait remarquer, qu’alors que les parties avaient inscrit la cause pour audition:
[67] The filing of the Modified and Re-Modified Cross Claim and Declaration of Intervention in November 2018 sent the files on a tailspin.
[298] Madame Blouin a demandé la permission d’en appeler de ce jugement, allant même jusqu’à tenter d’empêcher l’avocate de Madame Rosenbloom de faire des représentations devant le juge Stephen Hamilton[97]. Le juge Hamilton a jugé que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès.
[299] Il est à noter que Madame Blouin invoque le fait qu’elle ait inscrit sa demande de permission d’appeler dans les 9 jours du jugement du juge Immer comme preuve de sa diligence dans le dossier!
[300] Maître Maniatis a donc été déclaré inhabile, malgré son opposition à cette mesure inéluctable.
[301] Tel que déjà relaté, Madame Rosenbloom a demandé de disjoindre l’instance principale dans les dossiers Rosenbloom et Gestram des actions en garantie. L’avocat de Madame Blouin s’y est objecté, insistant pour prévoir 24 jours de procès, soulignant qu’il serait plus facile de négocier un règlement en maintenant cette pression. Le soussigné n’a pas été convaincu par ces arguments qu’il évitera de qualifier. Le procès a été fixé pour quatre jours au 22 novembre 2021.
[302] Au mois d’août 2021, les avocats de Madame Blouin ont cessé d’occuper et l’ont poursuivi pour leurs honoraires.
[303] Le 9 septembre 2021, le cabinet Fasken Martineau DuMoulin a produit une substitution d’avocats au nom de celle-ci.
[304] Fasken demandait également la permission de cesser d’occuper dès le 21 septembre 2021, alléguant :
1) Avoir découvert que Gowlings avait dû intenter des procédures en recouvrement de leurs honoraires contre la défenderesse;
2) N’avoir pu s’entendre avec la défenderesse sur le montant des honoraires prévisibles et sur le montant d’une avance raisonnable;
3) Une rupture du lien de confiance avec leur nouvelle cliente,
[305] Cette permission leur a été accordée le 28 septembre 2021.[98]
[306] Madame Blouin a, lors de cette audition, soulevé ses problèmes de santé.
[307] Il a très clairement été mentionné à Madame Blouin, qui était présente, qu’une demande de remise pour cause d’ennuis de santé devrait être appuyée d’une opinion médicale et que le médecin devait être disponible pour être interrogé sur son rapport et qu’aucune remise ne serait accordée du fait de n’avoir pu mandater un nouvel avocat.
[308] Lors d’une conférence de gestion, tenue le 29 octobre 2021, Madame Blouin a demandé une remise, par courriel du 28 octobre 2021, invoquant tant ses ennuis de santé que l’impossibilité dans laquelle elle s’est trouvée de pouvoir mandater un nouvel avocat. Les motifs de santé n’étant pas soutenus par un rapport médical, la demande a été refusée.
[309] Elle est revenue à la charge le 12 novembre 2021 avec une note de son nouveau médecin londonien. Le soussigné a refusé la demande après que le médecin eut été contre-interrogé[99].
[310] Le procès a commencé sans embûches le 22 novembre. Le 24 novembre, tel que déjà relaté, un incendie de barbecue s’est déclaré dans son chalet. Un ajournement a été accordé au lendemain.
[311] Un avocat s’est alors présenté au nom de Madame Blouin pour demander à nouveau une remise. Le soussigné lui a offert un délai s’il voulait la représenter, ce qu’il a refusé. La remise n’a pas été accordée.
[312] Dans son jugement du 5 novembre 2021, le soussigné a conclu qu’il ne pouvait que conclure que madame Blouin cherchait à tout prix du délai. Cette opinion n’a pas changé.
[313] Le jugement du juge Auclair dans le dossier Côté est éclairant car il constate le même comportement que le soussigné. Citons quelques extraits :
[164] Les nombreuses demandes de remise de Blouin étaient farfelues, injustifiées et dilatoires. Elle alléguait, entre autres, des problèmes de santé, lesquels, jusqu'à ce jour, n'ont aucunement affecté ses capacités.
[165] Dans sa demande reconventionnelle, Blouin allègue que son mari n'est pas autorisé et une autre fois, il est autorisé, et finalement, lors de l'audition, il n'est autorisé que dans les limites du mandat de courtage, ou, encore, il peut signer, mais avec la signature de Blouin, et ce, contrairement à son aveu judiciaire.
[166] Elle prétend souffrir d'une dyslexie très importante, mais tout au long de sa présence à la Cour elle a témoigné, posé des questions aux témoins, contre-interrogé, plaidé et argumenté, et ce, toujours à l'aide de ses documents et sans démontrer d'inconfort.
[169] Ses demandes de remise répétées démontrent un caractère quérulent, tout comme l'intimidation faite aux courtiers en les menaçant de leur faire perdre leur franchise et leur permis de courtage parce qu'elle est une personne puissante (P-34), et ce, pendant le déroulement de l'instruction.
[170] Tout comme ses insinuations vexatoires, tendancieuses, malveillantes et malhonnêtes à l'égard des demandeurs sont, non seulement répréhensibles, mais le Tribunal assimile l'outrecuidance de Blouin à de la quérulence et ses agissements constituent de l'intimidation. Ces allusions quant à la disparition du père du demandeur sont odieuses, sans preuve ni aucun fondement. Sa conduite démontre jusqu'à quel point elle est prête à intimider.
[171] Ses moyens de défense sont évolutifs, ses menaces sont persistantes et en écrivant à Lafave qu'il s'associe à des criminels en référant aux demandeurs et en prétendant que sa vie et celle de sa famille sont en danger de mort et qu'elle a peur que ça tourne mal, la défenderesse exagère outrageusement et ses attaques vindicatives et intimidantes méritent d'être sanctionnées.
[172] Elle n'accepte pas la saisie avant jugement ni le jugement lmmer. Ses moyens de défense variés, ses versions contradictoires, ses mensonges lors de ses multiples demandes répétées de remise doivent cesser et être punis.
[314] Soulignons que le dossier Côté a commencé en 2020 alors que les deux dossiers en cause ici durent depuis 2017. Les questions en litige sont relativement simples et ont pris une tournure complètement hors de proportion avec la difficulté juridique et avec les montants, pourtant importants pour des particuliers.
[315] Comme l’écrivait la juge Florence Lucas dans l’affaire 9129-2086 Québec inc. c. 9356-6503 Québec inc.[100],
[78] Ainsi, les défendeurs abusent de leur droit en opposant une défense évolutive, délibérément contradictoire et mensongère, en suggérant des interprétations de faits tendancieuses et déraisonnables, comme un refus injustifié de faire face à l’évidence. Vraisemblablement, leur contestation visait à gagner du temps, même sans véritable chance de succès. Ce faisant, la témérité des défendeurs milite en faveur d’une condamnation pour abus de droit.
[316] La Cour d’appel identifie comme suit les caractéristiques d’une procédure fautive [101]:
[317] Le Tribunal estime que ces éléments sont présents dans les deux dossiers. Il appert du récit procédurier et des moyens de défense soulevés, au fil du temps, que la conduite de Madame Blouin a été abusive.
ii) Sanction de l’abus
a) Les dommages punitifs
[318] Le juge Auclair a condamné Madame Blouin à payer les honoraires judiciaires de la partie adverse, à hauteur de 168 535 $, comme le permettent les articles 54[102] et 342 C.p.c.. Il a également prononcé l’exécution provisoire de son jugement, aux termes de l’article 660 (10) C.p.c..
[319] Outre une demande d’exécution provisoire, inspirée du jugement Côté, Madame Rosenbloom demande une condamnation à des dommages punitifs de 500 000 $. Gestram demande également une déclaration d’abus.
[320] Le cadre d’analyse de la détermination du montant de dommages punitifs à octroyer est établi à l’article 1621 C.c.Q.:
1621. Lorsque la loi prévoit l’attribution de dommages-intérêts punitifs, ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive.
Ils s’apprécient en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l’étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu envers le créancier, ainsi que, le cas échéant, du fait que la prise en charge du paiement réparateur est, en tout ou en partie, assumée par un tiers.
[321] Madame Blouin a répété à quelques reprises avoir un patrimoine d’une valeur de 200 millions $. Madame Rosenbloom en conclut que pour avoir un effet dissuasif, le montant octroyé doit être significatif.
[322] Le montant octroyé par le présent jugement dédommage Madame Rosenbloom, Gestram et Groupe Sutton pour leur perte dans le cadre de la transaction. Rien cependant ne les dédommage pour les pertes et inconvénients subis du fait des excès procéduraux de Madame Blouin.
[323] Madame Rosenbloom invoque l’arrêt Savoie c. Thériault-Martel[103] qui a confirmé l’octroi de dommages punitifs de 200 000 $ dans le cadre de ce que le juge Gary Morrison avait qualifié de poursuite-bâillon, Madame Thériault-Martel ayant publié des commentaires sur les Résidences Soleil de Monsieur Savoie. La fortune de Monsieur Savoie était établie à 1.5 milliard $. Les juges Hilton et St-Pierre écrivent pour un banc unanime sur cette question :
[69] Quant aux dommages punitifs de 200 000 $, ils peuvent paraître élevés à première vue, eu égard aux divers jugements cités par M. Savoie. Or, cette première impression cède rapidement le pas devant les circonstances particulières de la présente affaire, telles que révélées par la preuve administrée et en tenant compte des objectifs premiers que les dommages punitifs visent à satisfaire, soit la dénonciation, la prévention et la dissuasion.
[70] Dans ce contexte, nous n'avons aucune hésitation à conclure que le juge a exercé sa discrétion judiciaire avec sagesse et retenue en s'assurant que la somme accordée n'excédait pas, en valeur, ce qui était suffisant pour assurer leur fonction préventive. Ce faisant, le juge a pris soin de tenir compte des facteurs propres aux parties, y compris l'étendue des actifs de M. Savoie, qui se chiffrent aux alentours de 1.5 milliard de dollars. La condamnation aux dommages punitifs de 200 000 $ représente alors un pourcentage de 0,000013 de ses actifs, ce qui n'est sûrement pas un pourcentage excessif dans son cas, tenant compte du fait que le montant à être accordé doit être individualisé.
[324] La fortune de Madame Blouin, impressionnante, n’avoisine cependant pas le milliard $.
[325] Dans l’arrêt Cinar c. Robinson[104], la Cour suprême a confirmé la Cour d’appel qui avait réduit l‘octroi de dommages punitifs accordés par la Cour supérieure d’un million $ à 250 000 $ mais les a établis à 500 000 $. On se rappellera que dans ce dossier, les procédures avaient duré treize ans en première instance, et six ans en appel.
[326] Le juge Claude Auclair avait octroyé un million $ de dommages punitifs en tenant compte non seulement de la conduite des procédures mais de l’appropriation de l’œuvre de Monsieur Robinson par Cinar et de la façon cavalière par laquelle les défendeurs avaient nié leur conduite répréhensible[105].
[327] La juge en chef écrit pour la Cour suprême:
[136] Rappelons‑le, les dommages‑intérêts punitifs sont évalués en fonction des fins auxquelles ils sont utilisés : la prévention, la dissuasion et la dénonciation. Parmi les facteurs à prendre en considération figurent la gravité de la faute du débiteur, sa situation patrimoniale, l’étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu envers le créancier et le fait que la prise en charge du paiement des dommages‑intérêts sera, en tout ou en partie, assumée par un tiers : art. 1621 CcQ. Je souligne également qu’en droit civil québécois, « [i]l est [. . .] tout à fait acceptable [. . .] d’utiliser les dommages‑intérêts punitifs, comme en common law, pour dépouiller l’auteur de la faute des profits qu’elle lui a rapportés lorsque le montant des dommages‑intérêts compensatoires ne représenterait rien d’autre pour lui qu’une dépense lui ayant permis d’augmenter ses bénéfices tout en se moquant de la loi » : Richard, par. 206.
[137] En outre, il faut accorder une attention particulière à la gravité de la faute du débiteur, qui « constitue sans aucun doute le facteur le plus important » : Richard, par. 200. Le degré de gravité s’apprécie sous deux angles : «. . . la conduite fautive de l’auteur et l’importance de l’atteinte aux droits de la victime » (ibid.).
[138] Cela dit, les dommages‑intérêts punitifs doivent être accordés avec retenue. L’article 1621 du CcQ prévoit expressément que les dommages‑intérêts punitifs « ne peuvent pas excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive ». Au Québec, les dommages‑intérêts punitifs varient habituellement entre 5 000 $ et 250 000 $ : voir l’examen de la jurisprudence dans les motifs de la Cour d’appel, par. 249. Cependant, dans les cas où la gravité du comportement le justifie, les tribunaux ont accordé des dommages‑intérêts punitifs s’élevant à 1 000 000 $ ou plus : Markarian; Whiten c. Pilot Insurance Co., 2002 CSC 18, [2002] 1 R.C.S. 595.
[139] Dans le présent pourvoi, les facteurs pertinents militent en faveur de résultats différents. D’une part, la gravité du comportement milite en faveur de dommages‑intérêts punitifs élevés. Cinar, M. Weinberg, Mme Charest et M. Izard ont violé un droit d’auteur de manière intentionnelle et calculée.
(…)
[141] J’accorderais 500 000 $ en dommages‑intérêts punitifs. Le montant de 1 000 000 $ octroyé par le juge de première instance est trop élevé. Ce dernier a tenu compte de facteurs non pertinents et n’a pas accordé suffisamment d’importance aux sommes considérables octroyées au titre d’autres catégories de dommages‑intérêts. En revanche, la somme de 250 000 $ octroyée par la Cour d’appel ne reflète pas entièrement la gravité du comportement et la nécessité de dissuader d’autres personnes de se comporter pareillement. Le comportement fautif s’est révélé extrêmement lucratif; les pénalités qui en découlent doivent être proportionnellement lourdes. Le montant de 500 000 $ atteint un juste équilibre entre, d’une part, le principe de modération qui régit ces dommages‑intérêts et, d’autre part, la nécessité de décourager un comportement de cette gravité.
[328] Madame Blouin a nié sa responsabilité de façon cavalière et changeante. Elle a abusé de la procédure. Il faut cependant relativiser cette conduite quand on la compare à celle de Cinar.
[329] Madame Rosenbloom invoque également l’arrêt Costco Wholesale Canada Ltd. c. Simms Sigal & Co. Ltd.,[106] dans lequel la Cour a confirmé l’octroi de 500 000 $ en dommages punitifs pour une faute d’interférence contractuelle. C’est le droit à la réputation, protégé par l’article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne[107] qui était en cause dans cette affaire, et non la conduite de la procédure par Costco. La Cour a tenu compte de l’immense patrimoine de Costco pour établir le montant des dommages.
[330] Dans l’affaire Babin c. Gérin[108], la juge Johanne Brodeur a jugé que le comportement du Fonds d’assurance responsabilité de la Chambre des notaires avait abusé de la procédure :
[168] Le Tribunal conclut que le Fonds et le notaire J.-P. Gérin ont exercé de façon abusive leur droit d’ester en justice en raison de leur contestation excessive et non justifiée de leur poursuite judiciaire depuis 2014.
[169] La faute commise à l’occasion du recours judiciaire découle d’un comportement contraire aux finalités du système judiciaire.
[180] Le Tribunal conclut des plaidoiries soumises, des procédures ainsi que des agissements des défendeurs après l’introduction de la demande et pendant le procès que la seule préoccupation du Fonds est d’éviter tous déboursés et le cas échéant tout faire pour pouvoir les récupérer. Préoccupation somme toute légitime pour un assureur qui cependant, ne peut afin d’arriver à ses objectifs abuser de son droit, s’opposer de manière frivole et vexatoire et manœuvrer pour faire écouler du temps.
(Références omises)
[331] En sus des honoraires de la partie adverse, à hauteur de 63 114,24 $, elle a condamné le Fonds à des dommages punitifs de 50 000 $.
[332] Dans l’arrêt Costco, la Cour d’appel rappelle par ailleurs les objectifs de l’octroi de dommages punitifs, à savoir la prévention, la dissuasion et la dénonciation.[109]
[333] Le Tribunal doit donc déterminer le montant susceptible d’atteindre ces objectifs en tenant compte de la fortune de Madame Blouin et de la gravité de ses manquements.
[334] De savants calcul de pourcentage entre la fortune de Madame Blouin et le montant réclamé ont été faits par les avocats de Madame Rosenbloom, qui les ont ensuite comparés aux pourcentages dans les affaires Costco et Thériault- Martel. Malgré la grande fortune affirmée par Madame Blouin, le Tribunal doit respecter les paramètres établis par les tribunaux d’appel.
[335] À la lumière des précédents, cette pondération incite le Tribunal à fixer les dommages punitifs à hauteur de 100 000 $ pour chaque partie demanderesse. Il n’y a pas lieu de moduler ce montant en fonction du montant accordé à chacune de ces parties, les deux ayant été impliquées dans les procédures et ayant fait face aux mêmes embûches. Gestram devra de plus partager ce montant avec Groupe Sutton.
b) L’exécution provisoire
[336] L’article 660 (10) C.p.c. dispose que l’exécution provisoire a lieu de plein droit lorsque le jugement se prononce sur un abus de procédure.
[337] En vertu de l’ancien article 547 C.p.c. l’exécution provisoire était prononcée en matière d’abus de procédure à moins qu’une décision motivée ne la suspende[110].
[338] Il n’y a pas lieu de déroger à cette règle.
[339] Dans l’affaire Côté, après avoir énuméré les manquements procéduraux, le juge Auclair écrit :
[236] Il est malheureusement à craindre que, mue par sa mauvaise foi, la défenderesse porte le jugement en appel, et ce, uniquement pour retarder injustement la prise de possession par les demandeurs ce qui alourdirait indument le préjudice que les demandeurs subissent, sans parler des problèmes d'assurabilité de l'immeuble.
[340] Le juge Auclair avait noté que Madame Blouin déclare, comme elle l’a fait en l’instance, être domiciliée en Suisse, et « qu’à la connaissance du Tribunal, elle ne possède aucun autre bien (que son chalet) au Québec ».[111]
[341] Le Tribunal est également préoccupé par cette question. La propension de Madame Blouin à tenter de renier ses engagements, son désir évident de se soustraire à ses obligations, les jugements et poursuites qui s’accumulent contre elle au Québec font craindre que le recouvrement de la créance ne soit en péril.
[342] Elle se vante de sa fortune, mais celle-ci est située à l’extérieur du pays. Il y a lieu de prononcer l’exécution provisoire du présent jugement.
[343] Il appert des motifs qui précèdent que les demandes reconventionnelles de Madame Blouin sont mal fondées et sont rejetées.
CONCLUSIONS
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[344] ACCUEILLE la demande de la demanderesse Valeria Wlusek Rosenbloom;
[345] CONDAMNE la défenderesse Louise Blouin à payer à Madame Valeria Wlusek Rosenbloom la somme de 1 791 875.65 $, avec les intérêts et l’indemnité additionnelle depuis le 1er septembre 2016 sur la somme de 1 750 000 $ et depuis le 5 juillet 2017 sur la somme de 41 875.65 $ ;
[346] ACCUEILLE la demande de la demanderesse Les services immobiliers Gestram Inc.;
[347] CONDAMNE la défenderesse Louise Blouin à payer la somme de 775 000 $ à Les services immobiliers Gestram inc., avec intérêts et l’indemnité additionnelle de l’article 1619 C.c.Q. à compter de la mise en demeure, soit le 15 septembre 2015;
[348] REJETTE les demandes reconventionnelles dans les deux dossiers;
[349] DÉCLARE la conduite de la procédure par la défenderesse Louise Blouin abusive;
[350] CONDAMNE Louise Blouin à payer à la demanderesse Valeria Wlusek Rosenbloom la somme de 100 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs, avec les intérêts et l’indemnité additionnelle à compter de la date du présent jugement;
[351] CONDAMNE Louise Blouin à payer à la demanderesse Les services immobiliers Gestram inc. la somme de 100 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs, avec les intérêts et l’indemnité additionnelle à compter de la date du présent jugement;
[352] ORDONNE à la demanderesse Les services immobiliers Gestram inc.de partager également la somme de 100 000 $ octroyée à titre de dommages-intérêts punitifs avec Groupe Groupe Sutton-Centre Ouest inc;
[353] ORDONNE l’exécution provisoire nonobstant appel du présent jugement;
[354] LE TOUT, avec les frais de justice contre la défenderesse Louise Blouin.
| __________________________________ sylvain lussier, j.C.S. |
|
Mes Sandra Mastrogiuseppe et William Colish Kugler Kandestin s.e.n.c.r.l. Avocats de la demanderesse Valeria Wlusek Rosenbloom
Me Catia Larose Avocate de la demanderesse Les services immobiliers Gestram inc.
Me Sophie Roy Lavery, De Billy s.e.n.c.r.l. Avocats de la défenderesse en garantie Rochelle Cantor et de la mise en cause Services immobiliers Gestram inc.
Me Isabelle Leblanc Gasco Goodhue St-Germain s.e.n.c.r.l. Avocats de la défenderesse reconventionnelle Groupe Sutton-Centre Ouest inc. et de Marie Sicotte.
Me Christian Azzam Donati Maisonneuve s.e.n.c.r.l. Avocats de Me Jacques Roberge
Me Julien Soucy-Besner Gilbert Simard Tremblay avocats, s.e.n.c.r.l. Avocats de Me Dimitri Maniatis
Madame Louise Viger-Blouin, personnellement
|
[1] « Gestram ».
[2] « L’Immeuble. »
[3] [L'adresse 2], Pièce-5.
[4] [L'adresse 1].
[5] « Groupe Sutton ».
[6] Voir pièce P-6, p. 3.
[7] Il s’agit de la raison sociale de la demanderesse Services immobiliers Gestram inc.; Gestram, pièce
P-1.
[8] Gestram, pièce P-3.
[9] Pièces D-28A et D-31.
[10] Gestram, Pièce P-3, Pièce D-3.
[11] Pièce P-1, page 1, No. PP 132230.
[12] Clause P 2.3.4.
[13] Pièce P-1, p.11, No. CP 25722.
[14] L’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec.
[15] Pièce P-1, p. 14 CP 25889.
[16] Idem.
[17] Idem.
[18] Pièce P-15.
[19] Pièce D-8, en date du 25 septembre 2015.
[20] Pièce P-10.
[21] CP 25889.
[22] Gestram, pièce P-5, AM 93040.
[23] Gestram, pièce P-5.
[24] Gestram, pièce P-5.
[25] Gestram, pièce P-13, p. 49.
[26] Gestram, pièce P-13, p. 51.
[27] Pièce DMS-69.
[28] Pièces D-18.
[29] Interrogatoire de Madame Blouin du 30 mai 2018 par Me Leblanc, page 58.
[30] Pièce D-19
[31] Pièce P-14.
[32] Gestram, pièce P-5, AM 12729.
[33] Gestram, Pièce P-11.
[34] Pièce D-21 D.
[35] Pièce P-3.
[36] Pièce D-22, alléguée pour la première fois le 23 février 2018 dans la défense demande reconventionnelle.
[37] Pièce P-12.
[38] Pièce P-4.
[39] Gestram, Pièces P-6 et P-7.
[40] Transcription de l’interrogatoire de Louise Blouin du 29 mars 2018, pages 181-186.
[41] Gestram, pièce P-10.
[42] Pièce P-5; Gestram, Pièce P-13.
[43] Gestram, pièce P-14.
[44] Gestram, Pièce P-11.
[45] Pièce P-6.
[46] Grounds of oral defense, 29 janvier 2018.
[47] Gestram, pièce P-3, clause 5.4.
[48] Jugement du 23 mai 2018.
[49] Interrogatoire au préalable du 30 mai 2018 par Me Isabelle Leblanc, page 61.
[50] Pièce P-10.
[51] Côté c. Blouin, C.S. Terrebonne No. 700-17-017055-202, jugement du 8 février 2022.
[52] C’est ce chalet qui fait l’objet du jugement du juge Auclair.
[53] Voir le paragr. 186 du jugement du juge Auclair.
[54] 2020 QCCS 1625.
[55] 2962632 Canada inc. c. Lacroix, 2022 QCCS 372.
[56] « Grounds for oral defense », note infrapaginale.
[57] Gestram, Pièce P-3.
[58] Pièce D-12.
[59] Pièce P- 8.
[60] 2021 QCCA 704, paragr. 72.
[61] Plan of Argumentation, par. 2.
[62] Pièces D-11 et D-12.
[63] Page 2.
[64] CP 25722.
[65] 2017 QCCA 1108.
[66] Interrogatoire du 14 juin 2018.
[67] Pièce P-10, texto du 26 septembre 2015.
[68] Deux lettres fournies en 2018, en réponse à des engagements pris lors des interrogatoires au préalable de Madame Blouin, après rejet de l’objection par le juge David Platts.
[69] Pièce P-16; transcription des débats du 22 septembre 2021, p. 9.
[70] Pièce D-19.
[71] Côté c. Blouin, C.S. Terrebonne No. 700-17-017055-202, jugement du 8 février 2022.
[72] Côté c. Blouin, 2021 QCCS 4561.
[73] 2017 QCCA 2006; voir également Gestion Pomer inc. c. Simon, 2018 QCCS 315.
[74] Defendant’s grounds of oral defense dans le dossier Gestram, du 8 mai 2017, au paragr. 3.
[75] Transcription de l’interrogatoire de Marie Sicotte par Me Sophie Roy, le 14 juin 2018, pp 59-60.
[76] 9215-8195 Québec inc. c. 9305-7354 Québec inc., 2018 QCCS 5492.
[77] Gestion Europe Canada inc. c. Maris, 1990 CanLII 3038 (QCCA).
[78] 2001 QCCA 10575 (QCCA). Voir Lecours c. Riviere Rodriguez, 2016 QCCS 5572; Habrich c. Lecavalier, 2003 CanLII 72267 (QCCA).
[79] Pièce P-7 B.
[80] Pièce P-7 A.
[81] Témoignage non contredit de Monsieur Charles Harbloom.
[82] 2003 CanLII 33223 (QCCS).
[83] 2018 QCCA 1438.
[84] Article 1623 C.c.Q. : Le créancier qui se prévaut de la clause pénale a droit au montant de la peine stipulée sans avoir à prouver le préjudice qu’il a subi.
Cependant, le montant de la peine stipulée peut être réduit si l’exécution partielle de l’obligation a profité au créancier ou si la clause est abusive.
[85] Pièce P-3.
[86] 2008 QCCA 2379.
[87] 2012 QCCA 1826; voir aussi 9118-7781 Québec inc. (Groupe Sutton Millénia) c. Lerer, 2012 QCCA 430 et Royal Lepage des Moulins inc. c. Baril, 2004 CanLII 29347 (QCCA).
[88] Gestram, Pièce P-3.
[89] Règles de conduite codifiées quant à la rétribution du 31 août 2011.
[90] 2013 QCCA 1262.
[91] Gestram, Pièce P-16.
[92] Le courtage immobilier au Québec, 4e édition, 2015, pages 243 à 247.
[93] 2012 QCCA 1826, paragr. 20.
[94] Gestram, pièce P-10.
[95] Procès-verbal du 22 novembre 2018.
[96] Lettre de Me Maniatis à la juge Chantal Masse, du 15 avril 2019, pièce P-22.
[97] Viger-Blouin c. Roberge, 2019 QCCA 2218, paragr. 4.
[98] 2021 QCCS 3981.
[99] 2021 QCCS 4796.
[100] 2019 QCCS 4654 ; voir aussi Adielou Investissement international Canada inc. c. World Dask Holdings (W.D.H.) Ltd., 2017 QCCS 1877; appel rejeté sur requête, 2017 QCCA 1877.
[101] 2741-8854 Québec inc c. Restaurant King Ouest inc, 2018 QCCA 1807; Charland c. Lessard, 2015 QCCA 14; El-Hachem c. Décary, 2012 QCCA 2071.
[102] Ramsay c. Tremblay, 2022 QCCA 143, paragr. 33.
[103] 2015 QCCA 591.
[104] 2015 CSC 73.
[105] 2009 QCCS 3793.
[106] 2020 QCCA 1331.
[107] RLRQ c C-12.
[108] 2018 QCCS 4763; voir aussi 2332-4197 Québec inc. c. Galipeau, 2011 QCCS 2332.
[109] Au paragr. 98.
[110] Deraspe c. Zinc électrolytique du Canada ltée., 2015 QCCS 4285, confirmé, EYB 2018-290568 (C.A.).
[111] Paragr. 235.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.