Décision

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Gabarit EDJ

B.L. c. Labrie

2019 QCCS 4648

 

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

 ST-HYACINTHE

 

 

 

N° :

750-17-002136-129

 

 

 

 

DATE :

Le 3 octobre 2019

 

______________________________________________________________________

 

L'HONORABLE CLAUDE DALLAIRE, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

B... L...

-et-

V... T...

Demandeurs personnellement

et à titre de tuteurs à l’enfant mineure X

-et-

marie-josée LABRIE

-et-

CHANTAL MAJEAU

-et-

CHANTAL LAPOINTE

-et-

commission scolaire DES HAUTES-RIVIÈRES

Défendeurs

 

 

TRANSCRIPTION RÉVISÉE RECTIFIÉE[1] DES MOTIFS

DU JUGEMENT RENDU ORALEMENT LE 16 JUILLET 2019 [2]

 

1.      L’aperçu

[1]           Voici la conclusion à laquelle l’expert de la défense arrive, en lien avec les allégations d’intimidation dont la jeune X et ses parents se sont plaints au cours de la 4e année du primaire de l’enfant à l’École Micheline Brodeur, en  2010-2011 :

« Qu’elle ait été victime passive ou active ne change rien à la problématique de l’intimidation. Selon les informations en notre possession et l’analyse des données de notre évaluation, X a été victime d’intimidation durant l’année scolaire 2010-2011. Les incidents antérieurs peuvent s’inscrire dans un tableau de relations conflictuelles qui a dégénéré à partir de septembre 2010 au point de devenir, avec le phénomène de regroupement (groupe des 5), une situation d’intimidation »[3].

[2]           Malgré ce constat, on nous demande de déterminer si X a été victime d’intimidation et de harcèlement, alors qu’elle était en 4e année, et de vérifier si la Commission scolaire, la directrice, les deux professeurs qui avaient cette enfant dans leur classe sont en partie responsables des dommages résultant d’une telle intimidation.

[3]           La particularité de ce dossier résulte du fait que les auteurs de l’intimidation alléguée sont des enfants de 4e année, qui partageaient la classe de X, alors qu’ils ne sont pas poursuivis et que seuls la Commission scolaire, la directrice et les deux professeurs sont l’objet du recours des parents, tant en leur nom qu’au nom de leur enfant, au motif que ces défendeurs n’auraient pas été proactifs lors du déroulement de cette histoire, selon les allégations de la demande, et ayant aussi contribué à ce que cette intimidation se poursuive et s’amplifie, par leur propres faits et gestes à l’endroit de l’enfant.

[4]           Des violations aux droits fondamentaux de l’enfant auraient résulté du comportement des défendeurs, de sorte que tant l’enfant que ses parents auraient droit à des dommages moraux, des troubles et inconvénients et des dommages punitifs, de même qu’à certaines conclusions accessoires, de nature injonctives.

[5]           Une autre particularité du dossier est qu’une partie importante de la preuve repose sur le témoignage de X, qui a aujourd’hui 18 ans, alors que les faits sur lesquels elle témoigne remontent à une période où elle n’avait qu’entre 9 et 10 ans.

[6]           Est-ce que le recours intenté par les parents et l’enfant vaut vraiment 963 000 $?

[7]           Pour décider de l’affaire, voici maintenant le résumé du contexte factuel qui a donné lieu au litige entre les parties.

2.      Le contexte

[8]           Les demandeurs sont les parents de X. Ils poursuivent tant pour eux-mêmes que pour leur fille unique.

[9]           La mère est avocate, alors que le père travaille [à la Compagnie A].

[10]        Au moment des faits, la famille vit à Ville A, où l’enfant fréquente l’École Micheline Brodeur, de la prématernelle jusqu’à la fin de sa 4e année. Il s’agit d’une école de 215 élèves[4].

[11]        Aucun incident particulier ne transpire du cursus scolaire de l’enfant avant la deuxième année, alors que son professeur, Madame Jubinville, lui donne le surnom de « princesse », ce qui aura des effets sur la suite des choses pour l’enfant.

[12]        La raison du surnom serait en lien avec l’habillement de l’enfant et son attitude, décrite comme étant que « tout lui est dû ».

[13]        L’étudiante Y, qui est dans la même classe que X, profite de ce surnom pour taquiner X, ce que l’enfant n’aime pas, d’où une demande à son professeur que cette dernière cesse de l’appeler « princesse », mais l’intervention ne produit pas les effets escomptés et suivra l’enfant jusqu’à son départ vers une autre école, pour sa 5e année.

[14]        En troisième année, X est dans la classe des défenderesses Labrie et Lapointe, qui font du « team teaching »[5] dans cette classe.

[15]        Au cours de la troisième année, la professeure Labrie intervient à quelques reprises auprès de X, en lien avec Y, qui est toujours dans la même classe qu’elle, sans plus.

[16]        En troisième année, X participe volontairement à des sessions pour améliorer ses habiletés sociales. Elle n’est pas la seule à participer à ces sessions, plusieurs petites filles y participant, pour apprendre à gérer leurs conflits.

[17]        Au cours de sa troisième année, X est diagnostiquée comme ayant de l’arthrite juvénile poly-articulaire. L’enfant doit porter des orthèses pour écrire ainsi que pour faire de l’éducation physique.

[18]        La mère de l’enfant informe les professeurs de sa fille de ce diagnostic, afin de les sensibiliser à la condition de santé de X.

[19]        Durant l’été entre la troisième et quatrième année, X participe à un camp d’arthrite, pour apprivoiser sa nouvelle condition.

[20]        Malheureusement, juste avant le retour à l’école, l’enfant fait une crise importante d’arthrite, de sorte qu’elle manque le début de l’année scolaire.

[21]        À son retour, le 7 septembre, la mère, qui apprend que Labrie et Lapointe enseigneront de nouveau à l’enfant, ce qui la satisfait, et elle demande à l’enseignante Labrie, qui est la titulaire de X, de porter une attention particulière à sa fille, puisqu’à la suite de sa crise d’arthrite, l’enfant est encore souffrante et vulnérable.

[22]        Le 14 septembre, un premier incident survient entre Z et X, que nous qualifierons de l’incident de la « boite à lunch ».

[23]        Les versions divergent à savoir si X a provoqué l’événement, en disant à Z que sa coupe de cheveux était laide, ou si c’est à la suite de son regard expressif laissant savoir à Z qu’elle n’aimait pas sa nouvelle coupe de cheveux que Z réplique en lui assénant un coup de boite à lunch dans le dos.

[24]        Mais comme il y avait un thermos dans cette boite à lunch, le coup est durement ressenti par X, qui dénonce la situation à son professeur.

[25]        Un autre événement survient le même jour, à la fin de la journée.

[26]        X a eu un petit accident avec sa chaise, alors qu’elle tente de la placer sur son pupitre. La chaise lui tombe sur le visage.

[27]        En arrivant le soir à la maison, X raconte l’incident de la boite à lunch et la manière dont le professeur Labrie est intervenue. Elle dit aussi à sa mère que son professeur ne s’est pas occupée d’elle après l’incident de la chaise, alors qu’elle pleurait et saignait.

[28]        Insatisfaite de la manière dont les choses ont été gérées ce jour-là, la mère de l’enfant intervient auprès du professeur Labrie, en lui faisant transmettre un message écrit par l’enfant le lendemain, lui demandant de l’appeler.

[29]        Le lendemain, la mère et l’enseignante parlent ensemble, brièvement.

[30]        La mère n’est pas satisfaite de la manière dont le professeur a géré les deux incidents de la veille et l’enseignante Labrie n’est pas contente de l’interpellation de la mère. Labrie[6] annonce donc à la mère qu’elle a l’intention d’impliquer la directrice, afin qu’elle enquête les faits et qu’elle intervienne pour régler le différend.

[31]        Cela donne le ton.

[32]        Après avoir parlé à la mère, l’enseignante Labrie apostrophe X, car elle est mécontente que l’enfant ait rapporté à sa mère ce qui se serait passé entre elles, la veille, et plus particulièrement parce que l’enfant aurait déclaré que son professeur n’avait pas pris soin d’elle lors de l’incident de la chaise, ce qui ne correspond pas à sa vision de la manière dont les choses se sont passées.

[33]        Le 20 septembre, une rencontre a lieu avec la directrice, pour faire le point sur les événements du 14 septembre. La mère de l’enfant manifeste alors qu’elle a une préoccupation par rapport à la manière dont sa fille est traitée par les étudiants de sa classe, ainsi que par ses professeurs, et se déclare insatisfaite de l’intervention du 14 septembre.

[34]        Au cours de l’automne, d’autres incidents surviennent en lien avec X, à l’école. Parfois, l’enfant dénonce ces incidents à ses professeurs, alors que d’autres fois, c’est sa mère qui les dénonce aux professeurs ou à la directrice, après que l’enfant se soit plaint à la maison.

[35]        À la fin du mois de novembre, cinq étudiants, qualifiés d’agresseurs ou d’intimidateurs par X et sa mère, lors de l’audition, discutent d’une photo de X sur Facebook, qualifiant l’enfant de « full lette » et tenant des propos disgracieux à son sujet.

[36]        Lors de la remise du bulletin, le 2 décembre, la mère veut profiter de l’occasion pour rencontrer les deux professeurs en même temps, pour faire le point sur sa fille et les divers incidents qui se sont produits depuis septembre.

[37]        Mais comme chacune est responsable soit des élèves de 3e année ou des élèves de 4e année, et que leurs rencontres avec les parents de leurs élèves respectifs sont déjà organisées, la seule disponible pour le bulletin de X est Labrie, la responsable des élèves de 4e année.

[38]        Lors de la rencontre avec Labrie, le 2 décembre, cette dernière fait des commentaires peu élogieux à l’endroit de X, au sujet de l’intégration de l’enfant. La vision qu’a cette enseignante de la suite des choses pour X, en lien avec l’entrée de l’enfant au secondaire, à cause de sa capacité de s’adapter aux autres étudiants, n’est pas réjouissante.

[39]        La mère n’est pas heureuse de cette rencontre et décide d’aller chercher de l’aide ailleurs, car elle considère que les démarches qu’elle a effectuées auprès des professeurs et de la direction par rapport à sa fille, au cours de l’automne, n’ont pas porté fruit[7].

[40]        Elle frappe donc à la porte de la Sûreté du Québec, pour déposer une plainte d’intimidation contre les 5 élèves qu’elle considère être en conflit avec sa fille.

[41]        La Sûreté du Québec informe ensuite la directrice Majeau de cette plainte d’intimidation contre certains élèves de la classe de X, lui annonçant ce qui s’est passé en coulisses, depuis la remise du bulletin, quelques jours auparavant.

[42]        L’appel de la Sûreté du Québec a l’effet d’une « bombe » sur Majeau, qui est très surprise de cette intervention, avec raison.

[43]        Majeau déclare alors à l’agent Leclerc qu’elle ne l’autorise pas à venir à l’école, car elle a l’impression d’avoir la situation bien en mains. Elle ajoute qu’avant que la police ne puisse venir s’immiscer dans ses affaires, elle doit parler aux enfants, aux professeurs et aux parents des enfants visés par la plainte de X.

[44]        Lorsque la Sûreté du Québec veut « débarquer »[8] à son école, la directrice Majeau juge pertinent d’en informer le directeur de la Commission scolaire, Monsieur Lafortune, puisqu’il s’agit d’une situation inusitée et nouvelle.

[45]        Lafortune lui offre alors son aide, que Mageau refuse, lui déclarant avoir les choses bien en mains.

[46]        En décembre, comme la mère de X a perdu confiance dans le personnel de l’école, elle décide d’enregistrer deux rencontres qu’elle sollicite avec l’enseignante Labrie et la directrice Majeau.

[47]        Ces rencontres, qui se tiennent les  8 et 9 décembre, ont pour objectif de discuter de ses doléances par rapport à ce qui se passe avec sa fille à l’école, en lien avec l’intimidation qu’elle allègue que sa fille subit de la part d’un groupe d’élèves, et la manière dont le dossier est traité par les intervenants.

[48]        À l’audition, les défendeurs formulent une objection à l’encontre de l’introduction en preuve des enregistrements de ces rencontres[9], notamment au motif que l’un d’entre eux, celui du 8 décembre, ne peut plus être écouté, pour une raison technique.

[49]        Nous reviendrons un peu plus loin sur le contenu de ces rencontres, puisqu’elles sont intéressantes sur « l’intimidation » subie par l’enfant, versus ce que les défendeurs allèguent n’être aujourd’hui que des « conflits » entre enfants[10].

[50]        Mais ce qui est clair de celles-ci, selon la preuve, c’est que ce qui est dit lors de ces rencontres rassure la mère de X, car Labrie et Majeau la laissent sur l’impression que l’école, après l’intervention de la SQ, prend finalement ses doléances au sérieux, et qu’elle interviendra auprès des enfants « intimidateurs », afin de mettre en œuvre un plan d’action, de sorte que la mère comprend que Labrie et Majeau semblent tout à fait disposées à l’aider à résoudre le problème.

[51]        Cette impression résulte entre autres des réactions de Labrie et de Majeau, lorsque la mère leur apprend ce qui s’est produit sur Facebook et qu’elle leur remet un document faisant état d’une série de gestes posés par les « intimidateurs » à l’endroit de sa fille, depuis un certain temps.

[52]        Pour ce qui est de l’épisode de Facebook, même si elle est d’avis que les faits rapportés ne relèvent pas de sa juridiction, car ils se sont produits à l’extérieur de l’école, la directrice réagit très rapidement. Elle envoie des lettres aux parents sur l’utilisation de ce media social, puisqu’elle considère que les propos tenus à l’endroit de X sont inacceptables, dans le contexte présenté par la mère[11].

[53]        Malgré tout, après les rencontres des 8 et 9 décembre, d’autres incidents se produisent, à l’égard de X.

[54]        Une surveillante, Madame Brouillette, sort l’enfant d’un fort en neige, dans la cour de récréation, en traitant l’enfant d’hypocrite, à la même occasion[12].

[55]        À la suite d’une dénonciation de la mère, la directrice Majeau confronte la surveillante avec les enfants qui ont été témoins de l’épisode[13].

[56]        Des appels sont aussi faits au père de X, pour lui demander de ne pas se présenter à la fête de Noël à laquelle les parents participent normalement, parce que Labrie et Lapointe craignent qu’il enquiquine les enfants qui font l’objet des plaintes d’intimidation logées par sa fille.

[57]        Comme la situation n’est pas réglée avant les fêtes, il est convenu qu’une rencontre aura lieu le 10 janvier, avec les deux parents, pour établir un plan de match, afin de gérer les plaintes de la mère.

[58]        La situation est telle que les défendeurs doutent même de la sincérité des vœux des Fêtes que la mère adresse au personnel de l’école.

[59]        Le 10 janvier, la rencontre annoncée a lieu avec les parents et un plan de match y est établi, du moins en apparence[14].

[60]        La directrice annonce que les enfants intimidateurs seront rencontrés, afin de leur rappeler qu’ils doivent continuer de ne pas avoir de contacts avec X, tel que cela avait été la consigne avant les Fêtes.

[61]        Il est aussi convenu que X rencontrera la psychoéducatrice Lauzon, pour l’aider à gérer la situation qu’elle vit à l’école, car l’enfant est triste et ne se sent pas bien, à cause des allégations d’intimidation à son égard[15].

[62]        D’autres événements se produisent par la suite, pour culminer en un épisode de violence physique à l’endroit de X, le 11 mars, quand elle se fait lancer des poches et des élastiques à deux reprises, par trois des enfants faisant partie du groupe identifié par la mère comme étant les « intimidateurs » de sa fille.

[63]        Quelques jours plus tard, l’enseignante qui était la seule à surveiller deux classes durant les récréations à l’intérieur de l’école, lors desquelles ces événements ont eu lieu, informe la directrice de ce qui s’est passé.

[64]        Il faut savoir que le 11 mars, cette personne avait dû se promener entre deux salles de cours pour les élèves de 4e année, dans lesquelles la récréation s’est déroulée, car la température ne permettait pas aux enfants d’aller à l’extérieur, pour leurs pauses.

[65]        Lorsque Majeau apprend que X a subi ces événements deux fois plutôt qu’une au cours de la même journée, sa réaction est surprenante : elle est fâchée contre le professeur qui lui a rapporté l’événement, car cette dernière ne lui a pas dénoncé ces incidents sur le champ[16].

[66]        Il faut aussi savoir que ce professeur ne savait pas que les enfants, qui ont posé les gestes que nous connaissons à l’endroit de X, devaient faire l’objet d’une surveillance particulière, par rapport à X[17].

[67]        Pourtant, dès décembre et janvier, Majeau et Labrie avaient représenté aux parents de X qu’elles informeraient tous les professeurs qui enseignaient à l’enfant qu’il existait une problématique entre ces enfants et X.

[68]        D’autres événements, impliquant la surveillante Brouillette surviennent ensuite, cette dernière formulant des commentaires que l’enfant juge inappropriés, tant sur le fond que sur la forme[18].

[69]        Entre janvier et mars, la mère n’est pas très heureuse de la manière dont se déroulent les choses[19], de sorte qu’elle entame des démarches à un échelon plus élevé.

[70]        Elle saisit la Commission scolaire d’une plainte formelle à l’endroit de la directrice Majeau et des enseignantes de sa fille, pour la manière dont elles traitent son enfant, car elle a l’impression de ne pas être prise au sérieux.

[71]        Après l’événement des poches et des élastiques, la Commission scolaire intervient dans le dossier.

[72]        Cette intervention ne va toutefois pas jusqu’à accéder à la demande des parents que leur fille change de classe, parce que ces derniers considèrent que la situation de l’enfant ne s’améliore pas et qu’ils ont l’impression d’être impuissants face à l’inaction qu’ils perçoivent de la part des professeurs, qui ne leur donnent pas l’impression de prendre leurs allégations d’intimidation au sérieux.

[73]        Malgré ces allégations à l’endroit du personnel de l’école, le directeur Lafortune investigue la plainte de la mère en rencontrant le personnel de l’école Micheline Brodeur en premier, plutôt qu’en rencontrant sa plaignante, alors que cette dernière lui a expressément demandé d’être vue la première, pour expliquer les motifs de sa plainte, pour éviter que le directeur ne se présente déjà biaisé à une rencontre avec elle.

[74]        Mais lorsqu’il discute avec la mère, les commentaires de Lafortune préoccupent cette dernière, car il lui déclare que sa fille « n’est pas blanche comme neige »[20]. Il ajoute que l’enfant « n’a peut-être reçu que la monnaie de sa pièce », pour expliquer ce qui arrive à l’enfant.

[75]        Même si les questions d’intimidation ne sont pas à ce moment le phénomène social qu’il devient plus tard, Lafortune a toutefois une bonne idée, pour gérer le dossier : impliquer Madame Rousseau, une personne ressource spécialisée dans la gestion des cas d’intimidation, au sein de la Commission scolaire[21].

[76]        Lorsque Rousseau intervient au dossier, le traitement de celui-ci s’accélère.

[77]        Lafortune finit même par concéder que l’événement du 11 mars est un cas d’intimidation à l’endroit de X.

[78]        Le 28 mars, la Commission scolaire accepte de changer X de classe, car le problème n’est pas encore réglé.

[79]        Toutefois, la Commission demande aux parents de signer une entente prévoyant que dorénavant, la mère de l’enfant n’aura plus le droit d’entrer en contact avec le personnel de l’école, pour faire le suivi scolaire de sa fille. L’on exige que le père soit le seul à jouer ce rôle, la mère étant jugée comme étant dérangeante[22].

[80]        Madame Kim, professeur remplaçant de la classe du professeur Desautels, prend alors X en charge, jusqu’à ce que Madame Desautels revienne de son congé de maladie et que cette dernière finisse l’année scolaire avec l’enfant, dans sa nouvelle classe.

[81]        Malgré ce changement de classe, d’autres incidents se produisent par rapport à X[23]. Pour certains, ils sont rapportés à l’école, alors que pour d’autres, ils ne le sont pas[24].

[82]        Faisant fi de l’entente qu’on voulait faire signer aux parents, la mère continue d’être active auprès de l’école.

[83]        Et vers la fin de l’année scolaire, la situation de l’enfant fait en sorte que la Commission scolaire accepte que l’enfant puisse changer d’école, comme les parents l’ont demandé.

[84]        Pour la cinquième et la sixième année, l’enfant fréquentera ensuite une école, mais située à Granby.

[85]        Ses bulletins démontrent qu’elle y réussit très bien.

[86]        Lors de l’audition, le Tribunal est informé qu’une fois ce changement d’école effectué, l’enfant se porte beaucoup mieux[25].

[87]        Le 23 juin 2011, les parents transmettent une mise en demeure aux défendeurs. Ils font également une demande d’accès à l’information, pour obtenir tout le dossier scolaire de leur fille, démarche, en accéléré, qui ne portera pas les fruits escomptés. Nous y reviendrons.

[88]        Étant sans réponse satisfaisante à la suite de leur mise en demeure, les parents, en leur nom personnel et au nom de leur enfant, déposent le recours dont nous disposons.

[89]        La demande est modifiée à quatre reprises. La défense aussi est modifiée à plusieurs reprises.

[90]        Toute une série d’interrogatoires au préalable ont lieu, au cours desquels la directrice Majeau est interrogée deux fois, les enseignantes Labrie, Lapointe et le directeur Lafortune, une fois chacun.

[91]        Les défendeurs assistent à l’interrogatoire au préalable des uns et des autres. Il en est de même, lors de l’audition. Cette façon de faire respecte leurs droits, puisqu’ils sont partie au recours, mais nous pouvons toutefois tirer certaines inférences de ce choix, plutôt que d’avoir opté pour demeurer à l’extérieur durant le témoignage de l’un et de l’autre, comme on le voit parfois, pour éviter que les témoignages soient influencés par ce que l’un ou l’autre déclare.

[92]        Le procès que nous avons présidé a duré 13 jours, au cours desquels de nombreux témoins ont été entendus en demande et en défense[26].

[93]        Quant aux pièces déposées, elles sont très nombreuses, surtout en demande.

[94]        En ce qui concerne les divers dossiers scolaires de l’enfant, il importe de préciser qu’ils n’étaient pas tout à fait complets. Nous reviendrons plus loin sur les conséquences de ces dossiers incomplets, sur notre analyse.

[95]        Il y a également eu la problématique d’admissibilité des enregistrements et des transcriptions des rencontres du 8 et du 9 décembre, que nous avons décidé d’introduire, après avoir pris le dossier en délibéré.

[96]        Pour ce qui est de l’enregistrement du 8 décembre, il n’y a pas grand-chose à en tirer, mais nous ne pouvons pas l’exclure, parce qu’il y a une déclaration sous serment de la mère de X, qui porte sur la démarche qu’elle a effectuée pour confier cet enregistrement à un sténographe officiel, qui en a transcrit le contenu.

[97]        Si le contenu de l’enregistrement que nous ne pouvons plus écouter avait été transcrit par une autre personne qu’un sténographe officiel, nous n’aurions pas admis cette transcription en preuve, puisque l’indépendance requise n’aurait pas été satisfaite, le Tribunal n’ayant plus l’opportunité de vérifier si le contenu transcrit correspond réellement à ce qui s’est dit le 8 décembre et qui a été enregistré, puisque l’enregistrement audio n’est plus accessible pour fins de réécoute, depuis la transcription.

[98]        Par contre, le sténographe Connelly, a bel et bien transcrit quelque chose, en écoutant un fichier audio qui était audible, à un certain moment, et il est sténographe officiel, de sorte que nous n’avons pas de raisons de douter de la fiabilité de la transcription qu’il a effectuée.

[99]        Les garanties de fiabilité quant au contenu transcrit sont suffisantes, dans les circonstances, pour introduire la transcription des propos tenus le 8 décembre 2010, en preuve.

[100]     De plus, Majeau et Labrie, dont les paroles sont transcrites (ainsi que la mère de X), ont eu l’opportunité de commenter leurs propos, tant en interrogatoire qu’en contre-interrogatoire, après avoir pu lire la transcription du sténographe Connely.

[101]     Pour ce qui est de la transcription du 9 décembre, la situation est un peu différente, voire meilleure, puisque l’enregistrement nous permet de corroborer le contenu de la transcription des propos qu’il contient.

[102]     Dans ces deux transcriptions, Majeau, Labrie et la mère de l’enfant discutent entre autres des gestes que les enfants identifiés dans l’enregistrement ont posés, à l’endroit de X. Lorsque comparés au contenu de l’expertise déposée en défense, en ce qui a trait à l’intimidation dont X a été victime tout au long de sa quatrième année, ces propos sont pertinents [27].

[103]     Enfin, lors de l’audience, les enfants « intimidateurs » n’ont finalement pas témoigné, contrairement à ce qui avait été annoncé. Nous reviendrons sur ce sujet.

[104]     Voilà le résumé de la trame factuelle et de la preuve dans lequel s’inscrit notre analyse.

3.      Les questions en litige

[105]     Voici comment les demandeurs ont formulé les questions en litige, dans leur déclaration de mise au rôle :

1.a)      X a-t-elle  été victime d’intimidation, de harcèlement                     dans son milieu scolaire par ses pairs et/ou par les professeurs?

 

   b)      La partie défenderesse a-t-elle été négligente et fautive dans la             gestion de la situation?

 

   c)      La partie défenderesse a-t-elle pris tous les moyens afin de prévenir                  et faire cesser l’intimidation à l’endroit de X?

 

   d)      La partie défenderesse a-t-elle porté atteinte à l’intégrité physique,                    psychologique et aux endroits fondamentaux de X ? Quel est le quantum ?

 

   e)      Quel est le degré d’atteinte à l’intégrité physique et psychologique                      et aux droits fondamentaux de X ?

 

2.         La partie défenderesse a-t-elle porté atteinte illicite et intentionnelle                   à la personne de X ? Quel est le quantum ?

 

3.a)      La partie défenderesse a-t-elle causé des dommages, troubles et                      inconvénients, à V... T... et B... L... ? Quel est le quantum ?

 

   b)      La partie défenderesse a-t-elle porté atteinte illicite et intentionnelle                   aux droits fondamentaux de V... T... et B... L... ? Quel              est le quantum ?

4.      La position des parties

[106]     Voici comment les parties voient le dossier, dans la déclaration commune entérinée par le juge coordonnateur Cullen, en avril 2017 :

Partie demanderesse

1)       X a été victime d’intimidation et/ou harcèlement de la part de ses pairs et de la partie défenderesse et de ses représentants

2)       La partie défenderesse est responsable des préjudices subis par la partie demanderesse en raison de son inaction, sa négligence et de son comportement préjudiciel, illicite et intentionnel à l’égard de X et V... T... ainsi que B... L…

Partie défenderesse

1)        La directrice Chantal Majeau, les enseignantes Chantal Lapointe, Marie-Josée Labrie ainsi que la Commissions scolaire des Hautes-Rivières plaident qu’elles n’ont commis aucune faute en lien avec les événements cités dans les procédures judiciaires des demandeurs et qu’au surplus, elles ont toujours agi adéquatement et dans le respect des règles et mesures qui pouvaient être appliquées eu égard à chacune des situations dans la mesure où elles en avaient connaissance.

5.      L’analyse

5.1       Les difficultés particulières du dossier

[107]     Dans la gestion du dossier et au cours du délibéré, plusieurs difficultés ont été mises en lumière.

[108]     D’une part, l’intimidation, qui est au cœur du dossier, alléguée in extenso dans la demande introductive d’instance, est en partie établie par la principale intéressée, X, d’un point de vue subjectif.

[109]     X décrit aussi les effets de cette intimidation, mais sommairement.

[110]     C’est plutôt sa mère, qui a été le témoin aux premières loges de ce que son enfant lui racontait au quotidien, à la période pertinente, qui décrit ce que cette intimidation a eu comme effets sur sa fille.

[111]     Mais la mère n’est pas complètement désintéressée du sort de son enfant ni de celui du dossier, puisqu’elle agit comme tuteur de l’enfant dans le recours intenté, comme demanderesse, et comme avocate du père de l’enfant, qui est aussi demandeur.

[112]     Dans un autre ordre d’idées, après avoir évalué l’enfant au moyen de tests psychométriques et d’entrevues, et après avoir étudié une partie du dossier judiciaire, l’expert des défendeurs reconnaît que X a été victime d’intimidation.

[113]     Il juge aussi que les propos que l’enfant lui a rapportés, semblent crédibles.

[114]     Il a même établi que les événements vécus par l’enfant lui ont causé une incapacité partielle temporaire de 5%.

[115]     Pourtant, d’autres acteurs de l’histoire, qui étaient eux aussi aux premières loges de l’action, c’est-à-dire les enseignantes Labrie et Lapointe, de même que la directrice Majeau, nient encore aujourd’hui que leur élève a été victime d’intimidation, même après avoir pris connaissance des conclusions de leur expert, qui conclue ensuite, que cette intimidation a été bien gérée.

[116]     En effet, à l’exception de l’épisode survenu le 11 mars 2011, que tous identifient comme « l’incident des poches et des élastiques», survenu durant des récréations, alors qu’une seule enseignante alternait entre deux classes, pour surveiller les enfants, les défendeurs nient que X a été intimidée par les enfants faisant partie du groupe que nous pouvons maintenant qualifier d’intimidateurs.

[117]     Nous faisons donc face au refus obstiné des défendeurs de reconnaître le phénomène d’intimidation que X a vécu, alors que leur propre expert conclut que ce phénomène a été présent durant toute la 4e année.

[118]     Même après que ces enseignants et cette directrice aient eu l’opportunité d’enrichir leurs connaissances sur ce qu’est l’intimidation, ainsi que sur la manière de gérer un tel phénomène, notamment, après l’entrée en vigueur de la loi visant à tenter d’enrayer ce phénomène, en 2012, ces dernières persistent, et signent.

[119]     Pourtant, depuis les événements de l’année scolaire 2010-2011, elles ont eu à adopter et mettre en œuvre une politique obligatoire qui décrit ce qu’est l’intimidation, du point de vue des élèves[28], alors que notre débat porte justement sur cela.

[120]     Cette position est d’autant plus étonnante que la directrice Majeau et l’enseignante sont les personnes désignées par l’école pour siéger sur le comité mis en place pour contrer l’intimidation, dans cette école.

[121]     Le moins que l’on puisse dire est qu’une telle position, de la part des défendeurs, qui consiste à refuser de reconnaître les conclusions de leur expert qui est d’avis que X a vécu de l’intimidation tout au long de sa 4e année, est pour le moins étonnante.

[122]     C’est donc sur la base de cette prémisse, difficile à saisir sur la plan rationnel, que nous analysons le reste de la preuve, et à travers ce filtre, que nous apprécions la crédibilité des témoins en défense en ce qui a trait à la manière dont les défendeurs ont géré les incidents qui ont été portés à leur attention, ou dont ils ont été témoins, selon le cas, et ce, peu importe la qualification de ces faits sur la plan psychologique, médical ou juridique.

[123]     Ce constat est essentiel, car les enseignantes et la directrice auraient très bien pu adopter une autre position, soit celle voulant qu’à l’époque, avec leur peu de connaissances sur le délicat sujet qu’était l’intimidation, qui étaient embryonnaires, elles ont conclu de bonne foi que X n’était pas victime d’intimidation parce qu’elles ne savaient pas ce que c’était, au juste, n’ayant pas reçu de formation sur le sujet, alors qu’elles savaient comment gérer des conflits, et croyant qu’il s’agissait de simples conflits. Elles auraient pu plaider qu’elles ont fait de leur mieux, pour gérer ces conflits, mais que maintenant, elles réalisent qu’il s’agissait bel et bien d’intimidation, ce qu’elles n’étaient pas outillées pour détecter, et qu’il est dommage ayant fait du mieux qu’elles pouvaient avec les connaissances qu’elles n’aient pas vu ce qui se passait.

[124]     Elles auraient alors pu plaider la diligence raisonnable, dans leurs interventions, et ajouter que maintenant qu’elles en savent davantage sur l’intimidation, notamment sur la nature des gestes qui la composent, et tout particulièrement après avoir lu le rapport de leur expert, qu’elles sont obligées de concéder que X a bel et bien été victime d’intimidation et se déclarer désolées de cette situation, regrettant que l’élève dont elles avaient la charge ait subi ce désagrément, et reconnaissant qu’elle a souffert durant tout ce temps.

[125]     Mais tel n’est pas le cas[29] .

[126]     Au contraire, leurs versions sont bien arrimées sur une seule et même thèse: à l’exception de l’épisode des poches et des élastiques, survenu le 11 mars, qu’ils reconnaissent être de l’intimidation[30], et qu’ils sont persuadés de bien avoir géré par la suite[31], les défendeurs s’entêtent à plaider que X n’a vécu que des conflits avec d’autres enfants, le reste de l’année, contredisant ainsi les conclusions de leur propre expert.

[127]     Pour le reste, même s’ils ne le disent pas haut et fort, ce qu’ils soutiennent en filigrane, en essence, est que X était peu crédible, dans toute cette histoire, selon ce que nous retenons de la documentation qu’ils déposent en preuve, des réponses aux questions posées aux enseignantes et à la directrice, ainsi que de leur refus de répondre à certaines questions délicates, sur le sujet[32].

[128]     Une autre difficulté se pose quant à l’impact de la deuxième partie de l’expertise du psychologue Desbiens, qui conclut que les défendeurs n’ont commis aucune faute dans la gestion de « l’intimidation » vécue par X, mais qu’ils ont simplement fait une gestion « malhabile » de la situation.

[129]     Cet expert, psychologue clinicien et spécialisé en interventions dans le domaine scolaire, qui cumule 35 ans d’expérience, a fait un excellent rapport.

[130]     Ce rapport est très détaillé, et nous n’avons rien à redire sur ses conclusions en ce qui concerne le domaine relevant de son champ d’expertise[33].

[131]     Ainsi, lorsqu’il conclut que l’enfant a été victime d’intimidation[34], l’expert agit dans son domaine d’expertise, et rien ne permet de remettre en cause ses conclusions.

[132]     Toutefois, lorsqu’il conclut que les personnes qui sont intervenues pour gérer cette intimidation ont bien agi, à la lumière des connaissances et l’expérience dont elles bénéficiaient, sur le sujet, lorsque l’on compare leurs interventions à ce qui se faisait dans des écoles comparables, à cette époque, nous sommes d’avis que l’expert sort de son champ d’expertise, pour cette deuxième partie de son rapport.

[133]     Ainsi, peu importe la qualification que les principaux intervenants font des gestes posés contre X, à l’époque, ce dont ils ont été mis au courant aurait été bien gérés, selon lui, aucune faute ne pouvant leur être imputée.

[134]     Si nous suivons cette conclusion, les défendeurs n’auraient pas causé les dommages allégués ni contribué à ceux-ci, alors que certains des dommages allégués sont pourtant confirmés par l’octroi d’une incapacité, dans la première partie de l’expertise du Dr. Desbiens.

[135]     Cette conclusion nous ramènerait donc aux enfants intimidateurs, auteurs de cette intimidation, qui ne sont pas défendeurs dans le recours dont nous devons disposer.

[136]     Si l’on suit ce raisonnement jusqu’au bout, nous devrions rejeter l’action contre les défendeurs, purement et simplement, car l’intimidation causée par les enfants non poursuivis, a tout de même été bien gérée par les défendeurs.

[137]     La difficulté que nous cause la deuxième partie de l’expertise réside dans le fait que l’expert fait état des normes applicables dans les écoles, à l’époque, qu’il conclut que le comportement des défendeurs n’est pas fautif à la lumière de ces normes, alors que la prérogative qui consiste à décider si une personne respecte les normes de conduite d’une personne raisonnable, prudente et diligente, placée dans les mêmes circonstances, n’est pas celle d’un expert psychologue, mais du Tribunal[35].

[138]     C’est au Tribunal qu’il revient d’apprécier la preuve, composée entre autres de l’opinion de l’expert Desbiens, pour décider si les défendeurs ont agi de manière diligente.

[139]     Il faut souligner que l’expert donne son opinion sur les faits qui ont été portés à sa connaissance, ainsi qu’à la lumière de son expérience dans la gestion de problématiques d’intimidation, tant à l’époque pertinente, que depuis ce temps.

[140]     Et il évalue les interventions portées à sa connaissance en remettant celles-ci dans le contexte de l’époque, sur le plan des connaissances des intervenants.

[141]     Mais lorsque vient le temps d’apprécier si le comportement particulier de chaque défendeur soulève une question de responsabilité, non seulement à la lumière des règles, informations et lois en vigueur à l’époque, mais aussi à partir de l’ensemble de la preuve et des règles de droit en matière de responsabilité civile, est-ce que cette partie de l’expertise du Dr. Desbiens lie le Tribunal pour autant?

[142]     Nous sommes d’avis que non, et voici pourquoi.

[143]     Nous avons questionné l’expert Desbiens, pour vérifier s’il avait pris connaissance des pièces de la défense, D-1 à D-7. Il a déclaré qu’il n’avait pas le souvenir de les avoir étudiées, puis a précisé qu’il les avait peut-être regardées.

[144]     Face à cette imprécision, alors que le reste de son témoignage est très précis, cela a une incidence, car la preuve dont le Tribunal dispose est plus substantielle que ce que l’expert Desbiens avait dans son dossier, pour apprécier le comportement des défendeurs.

[145]     La personne la mieux placée pour apprécier le comportement des défendeurs et pour en tirer des conclusions, en termes de responsabilité, est sans contredit le Tribunal, qui ne s’estime donc pas lié par la conclusion de la deuxième partie de l’expertise du psychologue Desbiens, en l’espèce.

[146]     S’il y a lieu de s’inspirer de la deuxième partie de cette expertise, afin de mettre les interventions des défendeurs en contexte, que les demandeurs critiquent, le Tribunal conserve tout de même sa prérogative lorsque vient le temps de faire le « judgment call » sur la qualification du comportement des défendeurs, à la fin de l’analyse.

[147]     Et c’est ce que nous nous emploierons à faire par rapport à des normes non seulement psychologiques et sociales, en matière d’intimidation, mais également avec les normes juridiques.

[148]     D’ailleurs, bien que l’expert fût présent durant une bonne partie de l’audition, surtout lors de la preuve de la demande, il n’a pas pris connaissance de toutes les pièces, de l’ensemble des interrogatoires au préalable et des interrogatoires qui ont eu lieu lors de l’audition.

[149]     L’expert Desbiens ne bénéficiait donc pas des mêmes éléments de preuve que le Tribunal pour apprécier l’ensemble de la conduite des défendeurs, et il n’a pas la formation pour appliquer les règles juridiques au comportement des personnes dont les faits et gestes ont été mis sous la loupe du Tribunal.

[150]     C’est donc en gardant cela à l’esprit que nous poursuivons notre analyse.

[151]     Une autre difficulté s’est présentée dans ce dossier, et elle est de taille.

[152]     L’intimidation au cœur du litige, qui a entre autres causé des dommages à X, et que l’expert en défense reconnaît sur le plan psychologique, résulte entre autres des faits et gestes posés par des enfants de sa classe, alors que ces derniers ne sont pas poursuivis et que plusieurs événements allégués et prouvés leur sont imputables.

[153]     Bien entendu, ces enfants étaient sous la surveillance des défendeurs, mais leurs faits et gestes ne leur sont pas nécessairement imputables[36].

[154]     Comme ces enfants[37] n’ont pas été poursuivis, cela soulève une question par rapport à la détermination de la causalité entre leur comportement et les dommages résultant de gestes d’intimidation qui ont rendu X si triste et ses parents, si préoccupés[38].

[155]     Même s’ils nient qu’il y a eu intimidation, les défendeurs n’ont tout de même pas à faire les frais des gestes d’intimidation commis par les enfants dont ils n’avaient pas la responsabilité légale, à proprement parler[39].

[156]     Pour contrer cet argument, les demandeurs plaident que les défendeurs ont aussi harcelé X, et qu’ils ne l’ont pas bien traitée, en ne gérant pas adéquatement les plaintes résultant des gestes d’intimidation posés par les enfants « intimidateurs ».

[157]     Où le couperet doit-il tomber, en ce qui a trait au à la responsabilité potentielle des défendeurs?

[158]     Cela soulève deux autres difficultés.

[159]     L’intimidation que l’expert de la défense reconnaît comme ayant eu lieu[40] n’est attestée que par un seul témoin direct : X, la principale intéressée, qui est la seule à la rapporter.

[160]     Il nous faut donc apprécier la crédibilité de cette enfant pour des faits qu’elle a vécus alors qu’elle était en 4e année, et cela se fait à travers ce qu’elle a rapporté à sa mère, à cette époque (à l’âge de 10 et 11 ans). Ensuite, l’exercice se fait à travers le contenu de l’interrogatoire au préalable de l’enfant, qui a eu lieu quelques temps plus tard[41] et le contenu du témoignage qu’elle a rendu, devant la soussignée, alors qu’elle était âgée de 17 ans[42].

[161]     De plus, cette intimidation est notamment constituée de paroles proférées par des enfants et, dans certains cas, de propos allégués comme émanant de professeurs et de surveillants, sur lesquels reviendrons, plus loin.

[162]     Elle résulte aussi de faits et gestes posés par des enfants, dont les défendeurs déclarent ne pas avoir été témoins. Nous y reviendrons, également.

[163]     Enfin, l’intimidation alléguée résulte aussi de faits et gestes posés par des professeurs, surveillants et intervenants divers, qui nient ces allégations en bloc, à quelques exceptions près[43].

[164]     Et histoire d’ajouter un coefficient de difficulté à l’analyse, lorsqu’il s’agit de propos inappropriés, injurieux ou blessants, la preuve est parfois composée de ouï-dire, de doubles ou de triples ouï-dire.

[165]     À titre d’exemple X rapporte que tel ou tel enfant intimidateur ou agresseur, comme elle les qualifie, a tenu tel ou tel propos, pour faire la preuve de leur véracité, dans chaque cas, pour établir l’intimidation. Elle les rapporte aussi, pour expliquer sa réaction, lorsqu’elle les a entendus, donc pour faire état des dommages qu’ils lui ont causés.

[166]     À d’autres occasions, elle raconte qu’une amie lui a rapporté ce qu’une autre élève a dit à cette amie, à son sujet. L’élève a dit à l’amie, qui l’a dit à X, qui nous le rapporte, que l’amie ne devrait pas jouer avec elle. Voilà un exemple illustrant notre propos.

[167]     Quant aux faits et gestes reprochés aux intimidateurs, X confirme que plusieurs se sont produits hors la présence des défendeurs. Ils se sont entre autres produits dans les corridors de l’école, ou à l’extérieur, lors de la récréation. Elle ajoute que les enfants intimidateurs se cachaient des professeurs pour agir. Il n’y a donc pas de corroboration possible pour ces faits.

[168]     Pour les événements qui impliquent les défendeurs, ils sont niés en bloc, pour plusieurs, comme nous l’avons précisé.

[169]     Pour compléter le tableau, X déclare qu’elle n’a pas informé les professeurs, les surveillants ou la directrice de plusieurs faits et gestes, de même que certains propos[44]. Elle déclare aussi qu’à quelques occasions, lorsque questionnée par les défendeurs sur divers événements, elle a concédé que ses collègues de classe ne l’avaient pas intimidée[45].

[170]     Voilà qui ajoute du piquant à l’analyse.

[171]     La question se pose à savoir comment les défendeurs auraient-ils dû agir, lorsque les incidents n’étaient pas portés à leur connaissance et lorsque leur enquête ne permettait pas de corroborer la version relatée par X?

[172]     Quelle responsabilité peut-on leur imputer pour les gestes d’intimidation qui n’ont pas été dénoncés au moment pertinent, ou que la principale intéressée a concédé que ces gestes ne constituaient pas de l’intimidation, dans certains cas?

[173]     Face à une enfant de cet âge, vulnérable, est-ce que les défendeurs auraient dû être plus perspicaces et ne pas simplement se fier sur la qualification des gestes par l’enfant[46], surtout lorsque même des adultes expérimentés étaient incapables de voir de l’intimidation dans les gestes rapportés, les services d’un expert psychologue ayant été requis, pour y arriver?

[174]     Était-ce raisonnable d’exiger de cette enfant plus que ce que l’on exige d’un adulte, en pareilles circonstances?

[175]     Devrait-on simplement évaluer la situation qui s’est déroulée sur dix mois, dans ce continuum temporel, pour apprécier chaque événement et ensuite déterminer si les défendeurs ont bien agi, par rapport à ce que l’on devrait s’attendre d’un enseignant, de surveillants, de psychoéducateurs, d’un directeur d’école, et du directeur d’une Commission scolaire?

[176]     Et les difficultés énoncées précédemment ne sont pas les seules, car parmi les nombreuses pièces déposées, les dossiers que l’école devait tenir au sujet de cette élève, ont soulevé un enjeu important.

[177]     Monsieur Champagne, secrétaire général de la Commission scolaire, déclare que la directrice Majeau détenait le dossier de X, mais en bout de piste, ce qui a été déposé en défense était incomplet.

[178]     De plus, le dossier de la psychoéducatrice n’a jamais été retrouvé. Pourtant, la psychoéducatrice Lauzon déclare n’avoir aucun souvenir qu’on l’ait appelée pour lui demander quoi que ce soit en lien avec le dossier qu’elle a constitué durant les interventions qu’elle a faites auprès de X.

[179]     Lauzon déclare qu’elle n’a jamais parlé à Labrie ni à quiconque, parmi les défendeurs, alors que la défense au dossier de la cour contient douze (12) paragraphes, à son sujet.

[180]     De plus, Lauzon dit n’avoir partagé aucune information avec la direction, au sujet de X, ce qui est contredit par la pièce D-1, page 74.

[181]     Toute la gestion du dossier professionnel de X, qui s’est avéré introuvable, et que l’on nous confirme pourtant avoir été finalement détruit, alors que plusieurs demandes d’accès avaient été transmises pour qu’il soit communiqué et conservé, dans le cadre du litige, est invraisemblable.

[182]     Pour ce qui est de l’échange de documentation pertinente au dossier de l’enfant, nous retenons que la transparence n’était pas au rendez-vous, de la part de la défense, alors que les demandes d’accès à l’information étaient pourtant très claires et qu’elles visaient des objets très précis.

[183]     Ce que la partie demanderesse a réussi à obtenir n’est que parcellaire.

[184]     Pourtant, les témoins de la défense confirment que les documents recherchés ont existé, même qu’ils n’ont pas été retrouvés, ou retrouvés en partie, puis détruits, selon la politique de conservation de l’établissement.

[185]     Il nous semble y avoir eu davantage qu’un simple imbroglio sur la gestion des documents, dans ce dossier. Pourtant, l’information contenue dans les diverses parties de dossiers de X aurait très certainement été pertinentes pour apprécier les interventions des défendeurs. Nous sommes donc privés d’une partie de l’information que les défendeurs confirment pourtant avoir consignée à divers endroits, dans les diverses parties du dossier scolaire de cette enfant.

[186]     De plus, l’apparition d’originaux de certains des documents retrouvés ne s’est faite qu’au 5e jour du procès, alors que des demandes avaient été faites depuis longtemps pour avoir accès à ces originaux.

[187]     Enfin, il y a lieu de commenter le choix éditorial des défendeurs, parmi les documents qu’ils ont déposés, par rapport à ceux qu’ils ont gardé pour eux, alors qu’ils étaient pourtant pertinents.

[188]     Nous retenons que plusieurs des documents qui n’ont pas été déposés d’entrée de jeu, sur lesquels la partie demanderesse a mis la main, en cours de procès, dépeignaient une image plus favorable de X, comparativement à ceux déposés.

[189]     De surcroît, des pages étaient manquantes, dans certains des documents déposés[47].

[190]     Il fallait également voir témoigner l’enseignante Dany Laurent, sur la réédition des notes consignées dans le dossier de l’enfant[48], y compris la couleur de son visage et ses hésitations, lorsqu’elle a décrit l’exercice qu’elle a fait, par rapport à ces notes, tout cela témoignant des enjeux sous-jacents de ce dossier.

[191]     Nous sommes d’avis que les enjeux sous-jacents véritables de ce dossier n’étaient pas liés au bien-être de l’ancienne élève des défendeurs, ni à l’empathie de ces derniers par rapport à la situation vécue par l’enfant, mais que ces enjeux se situaient davantage par rapport au chassé-croisé avec la mère de cette dernière, pour ce qu’elle leur a fait endurer durant cette année scolaire, en remettant sans cesse en cause leur manière d’intervenir, ce qui leur a déplu et a écorché leur égo, leur réputation et celle de l’école au plus haut point, et qui risquait d’entacher la réputation de la Commission scolaire, d’où la nécessité de se « tenir », afin de se protéger pour que ce dossier ne porte pas davantage ombrage à leur réputation.

[192]     Voilà donc les enjeux et questions qui se sont soulevée lors du délibéré, qui était d’une complexité particulière, pour les motifs énoncés.

5.2       La décision

5.2.1    La faute

[193]     Nous sommes d’opinion que les défendeurs ont traité les doléances de X et celles de la mère de cette enfant avec des biais, qu’ils n’ont pas voulu les reconnaître clairement lors de l’audition, mais qui ont été évoquées à plusieurs reprises, de manière indirecte, transpirant de leurs interrogatoires ainsi que des pièces qu’ils ont choisi de déposer.

[194]     Les biais qui ont conditionné l’approche des défendeurs sont les suivants :

1)    l’enfant provoque les réactions des autres, par son attitude hautaine et ses propos souvent inadéquats;

2)    elle dénonce les autres, comme un « panier percé »;

3)    il s’agit d’une enfant qui a besoin d’attention. Elle raconte des choses qui sont peu souvent crédibles, et elle est excentrique;

4)    cette enfant a des lacunes sur le plan des habilités sociales;

5)    ses propos ne sont pas corroborés;

[195]     Ces biais des défendeurs sont entre autres corroborés par l’enregistrement et les transcriptions des réunions des 8 et 9 décembre 2010, qui sont plutôt intéressants en ce qui a trait à ce qui a été dit à la mère au sujet de sa fille, à ces occasions.

[196]     En conséquence de ces biais, les défendeurs sont intervenus auprès de X sur la foi des prémisses suivantes :

1) l’enfant n’a pas le profil d’une intimidée, donc elle ne doit pas l’être;

2) l’enfant est habillée de façon excentrique, donc elle doit assumer sa différence;

3) l’enfant n’a pas l’air d’être malheureuse durant la période où elle est sous leur observation;

4) les propos et les événements, lorsque rapportés en temps opportun, ce qui n’est pas toujours le cas, tant pour le fait d’avoir été rapportés que pour l’avoir été en temps opportun, ne visent que des conflits d’enfants et des situations peu importantes;

5) Si le témoignage de X est corroboré par celui d’un autre enfant, cet enfant n’est pas crédible et on ne croit pas ce que cet enfant déclare.

6) Si un professeur ou une surveillante déclare n’avoir rien fait à X, il ou elle bénéficie d’un préjugé favorable; on ne croit donc pas la version de l’enfant;

7) Si un professeur raconte que l’enfant a dit ou fait telle ou telle chose, on croit le professeur et l’on part de cette prémisse pour juger la suite des choses.

[197]     Mais devant nous, tous les défendeurs déclarent que durant tout ce temps, ils ne voulaient que le bien de X.

[198]     Quant à la mère, les défendeurs interviennent auprès d’elle en tenant compte des prémisses suivantes :

1)    Elle n’est jamais satisfaite de leurs interventions, mais elle n’est pas agressive;

2)    Elle est contrôlante et tente de s’immiscer dans leur travail;

3)    À tout bout de champ, elle passe son temps à dénoncer toute sorte d’incidents;

4)    Elle veut savoir comment tel ou tel incident a été géré, par rapport aux agresseurs dénoncés et elle veut des sanctions plus importantes contre ces derniers, pour le bien de sa fille;

5)    On ne lui laisse pas trop voir ce qui se passe exactement, et ce que l’on croit vraiment.

6)    Si un professeur est plus près de la directrice, sa version est reçue avec un préjugé favorable. À titre d’exemple, nous référons à la prise du bras de X, par Madame Labrie, le 15 septembre, lorsqu’elle lui a fait une remontrance pour avoir bavassé à sa mère sur ce qui s’était passé la veille lors de l’épisode de la boite à lunch et de la chaise tombée du pupitre. La version que raconte X sur le geste et les paroles de son professeur ne peuvent être vraie. Il est impossible qu’une telle chose se soit produite, puisque Labrie la nie.

[199]     Malgré tout cela, à la lumière de l’ensemble de la preuve, le Tribunal est d’avis que le témoignage de X est crédible et tout à fait vraisemblable.

[200]     Dans un tel contexte, il est surprenant que l’on se montre préoccupés du bien-être de l’enfant, devant la mère, que l’on aille jusqu’à reconnaître que ce n’est pas la première année que X est victime d’intimidation[49], et que l’on se questionne même sur les raisons qui font en sorte que la situation perdure.

[201]     En effet, avant Noël, Labrie et Majeau déclarent à la mère qu’elles veulent le bien-être de l’enfant et que pour y arriver, un plan sera mis en œuvre. Cela a rassuré les parents.

[202]     Mais alors qu’elles prennent l’engagement d’aviser tous les professeurs de la situation que vit l’enfant, pour la bonne mise en œuvre du plan, et afin de faire en sorte qu’il n’y ait plus d’incidents impliquant X, la preuve démontre que les professeurs n’ont pas été avisés que X était victime d’intimidation[50].

[203]     L’enseignante Sanders, ainsi que les enseignantes qui dispensent l’enseignement spécialisé à X, ont témoigné qu’elles n’avaient pas été informées de la situation vécue par X. Elles ont été surprises de savoir ce qui se tramait. Leur témoignage était éloquent.

[204]     Et pendant le temps où les parents croyaient que le plan visant à contrer l’intimidation subie par leur enfant était en place, que se passait-t-il?

[205]     Parfois l’on posait des gestes pour adresser les situations dénoncées, et d’autres fois, il ne se passait rien.

[206]     Mais en coulisses, Labrie et Mageau s’assuraient de ne pas perdre la face dans la gestion de cette histoire, par rapport aux perceptions que nous avons recueillies de la mère et de l’enfant, lors de leurs témoignages.

[207]     Mais, est-ce que cela rend les défendeurs ou certains d’entre eux responsables et imputables de tous les dommages réclamés? Si oui, combien cela vaut-il?

[208]     Voilà d’autres questions intéressantes.

[209]     La preuve révèle que les défendeurs ont même été chercher de l’information à l’extérieur de l’école, pour tenter de faire mal paraître X, lors du procès.

[210]     Pour ce faire, ils se sont adressés à une préposée aux loisirs de la municipalité, ainsi qu’à l’École Euréka, que X a fréquenté après son départ de Micheline Brodeur.

[211]     La directrice Majeau nie être l’instigatrice de telles communications avec Euréka. Toutefois, la version que donne l’enseignante de X, nous laisse perplexe, car elle confirme que Madame Majeau ne nous donne pas tout-à-fait l’heure juste.

[212]     Pour bien comprendre les perceptions qui animent les défendeurs par rapport à X, citons un exemple éloquent.

[213]     Trois anciens professeurs retraités de l’École Micheline Brodeur ont témoigné, en demande. Elles ont décrit la manière dont Madame Labrie était entrée dans une classe, à un certain moment, en déambulant devant ses collègues comme si elle portait une crinoline, en se moquant des tenues que portent X « la princesse », et en parlant d’elle. Il fallait voir l’expression de ces témoins, lorsqu’elles ont raconté et mimé l’incident[51].

[214]     D’ailleurs, la directrice Mageau, qui n’a pas vu l’enseignante Labrie agir ainsi devant ses collègues, déclare que ça « n’a pas d’allure » et qu’il est inacceptable de se moquer de la sorte d’une élève.

[215]     Si la perception que les défendeurs ont de X est si bonne que l’on veut bien le laisser entendre au Tribunal, comment pouvons-nous réconcilier ce genre de sparage de l’enseignante Labrie, alors qu’elle déclare être venue voir ses collègues pour faire état des problématiques existantes avec cette étudiante, et qu’elle ajoute que son discours à l’intention de ses collègues, se voulait tout-à-fait neutre?

[216]     Ces faits ne sont pas conciliables.

[217]     Tout au long de l’audition, les défendeurs ont refusé de reconnaître que les façons de faire de la mère les avaient indisposés.

[218]     Pourquoi ne pas reconnaître ce fait et déclarer que le comportement de la mère n’était pas si mal, alors que le reste de la preuve confirme que ce comportement les a clairement indisposés?

[219]     Lorsque le directeur Lafortune arrive au dossier, il prend le dossier dans l’état dans lequel il se trouve, après avoir offert son aide, en décembre, quelques mois plus tôt, et que Majeau l’ait refusée.

[220]     Lorsqu’il s’implique, à la demande de la directrice, il décide d’aller au fond des choses.

[221]     Pourquoi le fait-il? Parce que la mère n’arrête pas de revenir à la charge.

[222]     Or, à notre avis, la mère avait raison de revenir à la charge.

[223]     Que se passe-t-il alors?

[224]     Une rencontre est organisée, mais elle a lieu cinq semaines plus tard[52].

[225]     Mais alors que la situation est malheureuse, la Commission scolaire refuse que l’enfant change de classe. Ensuite, elle refuse aussi qu’elle change d’école.

[226]     Pourquoi toute cette obstination, après l’épisode des poches et des élastiques?

[227]     Ce n’est qu’après le 21 mars que la mère rencontre le directeur Lafortune.

[228]     Pourquoi si tard?

[229]     Parce qu’avant cela, la directrice Majeau avait décidé qu’elle allait régler le problème elle-même.

[230]     La situation de l’enfant est telle qu’une tierce personne a le malheur de vouloir aider la mère de X, en laissant savoir que la mère est triste, qu’elle est inquiète, qu’elle était prise au dépourvu, et qu’elle cherche de l’aide pour régler la situation d’intimidation vécue par X, lors d’une réunion scolaire.

[231]     Il s’agit de Madame M..., dont les défendeurs n’avaient aucune raison de remettre la crédibilité en cause, parce qu’elle a toujours aidé l’école et la Commission scolaire,  depuis des années.

[232]     Que lui est-il arrivé, pour avoir voulu se mêler de cette histoire?

[233]     Elle s’est fait mettre à sa place par les défendeurs, suite à son intervention, au printemps 2011[53].

[234]     Bien que nous ne puissions exiger que le directeur Lafortune et la directrice Majeau se mêlent de la gestion de classe quotidienne des enseignants, et notamment, de la manière dont ils interviennent lorsque des élèves dénoncent des situations telles que celles vécues par X, parce qu’ils feraient alors une micro gestion non productive, par contre, lorsque des allégations d’intimidation et de harcèlement sont récurrentes[54], le fait de ne pas pousser l’analyse plus loin, pour aller au fond des choses, ne révèle pas un comportement adéquat, dans un contexte scolaire, à notre avis.

[235]     Pourquoi cette fermeture d’esprit, en l’espèce?

[236]     À cause de la perception des défendeurs que X « n’est pas blanche comme neige », qu’elle ne reçoit peut-être que « la monnaie de sa pièce », et que c’est son comportement, qui est problématique.

[237]     Pourtant, cela est difficile à réconcilier alors que dans la conclusion de l’expert de la défense, qui déclare que peu importe que X ait été une victime « active ou passive », cela ne change pas le fait qu’elle faisait face à des difficultés et qu’elle devait être prise en charge, pour que l’on assure sa sécurité et son bien-être.

[238]     C’est une question de gros bon sens et de sensibilité, par rapport à la vulnérabilité d’une enfant qui vit des années charnières, durant lesquelles elle forge sa personnalité et développe ses relations avec les adultes[55].

[239]     Cela dit, il faut aussi reconnaître que notre analyse doit tenir compte du fait qu’il y avait plus d’une trentaine d’élèves par classe, encadrés par deux enseignantes, qu’il n’y avait qu’une directrice, pour 215 élèves et que le directeur général Lafortune n’avait pas que l’École Micheline Brodeur à superviser.

[240]     Par contre, l’intervention que les parents de cette enfant ont requise, aurait dû être faite avec plus d’ouverture et de réelle collaboration, de la part des personnes interpelées.

[241]     À notre avis, c’est là que le bât blesse pour les défendeurs.

[242]     Si l’enfant dénonce la majeure partie des problèmes vécus à l’école à sa mère et à son père, le soir, et qu’elle réagit à ces problèmes devant eux, ce n’est pas la même chose que si elle va voir son enseignante, directement, ou qu’elle en parle à une autre personne, comme la directrice, pour chercher de l’aide.

[243]     Si le parent est mis au courant de plusieurs incidents, mais qu’il ne les partage pas avec les défendeurs, que ce soit les enseignants ou la directrice, il est par la suite difficile de tenir rigueur à ces derniers de ne pas être intervenus adéquatement, en lien avec ces événements.

[244]     Mais en l’espèce, ce n’est pas ce que la preuve révèle.

[245]     Plusieurs événements ont été portés à la connaissance des professeurs, directement ou indirectement. Et heureusement, la formation d’avocate de la mère a fait en sorte qu’elle consigne plusieurs de ces événements par écrit, parce qu’à l’époque, elle avait des préoccupations que nous considérons aujourd’hui sérieuses et justifiées.

[246]     En revanche, les notes des professeurs, du directeur de l’école et de la direction générale, dont ces témoins ont pourtant tous fait état, en référant pour certains à de gros cartables, à divers dossiers concernant les élèves, gardés dans le bureau de la directrice, notamment lorsque ceux-ci font l’objet de soins particuliers et toutes les « verbalisations » et suivis mensuels, voire journaliers, évoqués par le directeur Lafortune, avec la directrice Majeau, ont disparu, et n’ont pas été produits.

[247]     Cela est plus que préoccupant.

[248]     De plus, il faut aussi dire un mot de la façon d’agir de l’enfant en cause et de sa réalité, car il ne s’agit pas d’une plaignante adulte et elle ne devait pas être traitée comme si elle en était une, par rapport à ses verbalisations, et son comportement.

[249]     Si quelqu’un devrait connaître cette réalité, ce sont bien les enseignants et la directrice, qui a aussi été enseignante, à une certaine époque[56]. Mieux que quiconque, les enseignants savent comment fonctionnent les enfants.

[250]     En l’espèce, personne ne semble avoir pensé un instant que X, à force de dénoncer des comportements inadéquats de la part de ses camarades de classe, et de se faire rabrouer, a pu se fermer et devenir moins volubile, après s’être fait répondre des choses telles : « Tu as dû faire quelque chose pour qu’ils soient sur ton dos » et autres choses du genre.

[251]     Comment pouvait-elle se sentir protégée, si elle recevait des réprimandes, telles que celle de l’enseignante Labrie, après que l’enfant lui ait raconté l’épisode du coup de boîte à lunch dans le dos, et qu’elle se soit plaint de ne pas avoir été aidée par son professeur après avoir reçu sa chaise dans le visage, alors qu’elle se fait attraper par un bras le lendemain, et qu’on lui dit que les choses vont mal aller si elle bavasse?

[252]     Lorsque l’on analyse les diverses déclarations au sujet de cet incident, les versions du professeur Labrie, qui se défend bien d’avoir apostrophée l’enfant le lendemain, après que la mère de l’enfant lui ait « payé » un téléphone pour faire le point et manifester son insatisfaction à l’endroit de l’enseignante, il est possible de tirer un trait, pour savoir qui dit vrai.

[253]     Si l’enfant a exagéré en déclarant qu’elle avait du sang partout sur la main et qu’elle pleurait assez fort pour être entendue par son professeur, et qu’elle raconte ensuite que cette dernière n’est pas venue l’aider, le moins que l’on puisse dire est que les versions de cet événement, que l’on retrouve dans la défense, celle qui ressort de l’interrogatoire au préalable de Labrie, et celle que l’enseignante Labrie, données lors de l’interrogatoire en chef, sont assez préoccupantes[57].

[254]     En effet, cette dernière a confirmé avoir relu la défense et être en accord avec son contenu. Or, il y est écrit qu’elle n’est pas au courant de cet indicent, qu’elle n’a pas vu. Ensuite, elle déclare qu’elle a tout vu la chaise tomber du pupitre sur le visage de l’enfant, et qu’elle est venue aider l’enfant, durant 3 à 4 minutes, mais que l’enfant, en pleurs, a refusé son aide.

[255]     Tout cela est invraisemblable.

[256]     Nous comprenons qu’à l’âge vulnérable qu’avait X, la charge de travail des enseignants était  importante, mais avec elle, venait des responsabilités qui impliquent la prudence et la diligence, lesquelles auraient été de mise, dans les circonstances, ce n’a pas été le cas.

[257]     D’un autre côté, la première loi visant à contrer l’intimidation n’était pas encore en vigueur, au moment des faits. Les professeurs et la direction n’avaient pas encore reçu de formation spécifique sur les manières d’intervenir auprès des étudiants, en pareils cas. Il faut donc regarder l’ensemble des faits et la conduite des défendeurs en ayant cette réalité à l’esprit.

[258]     Mais à l’époque, les professeurs et la direction avaient reçu une formation sur la gestion des conflits, et c’est dans ce cadre que leurs interventions trouvaient leur source.

[259]     Mais n’empêche que c’était la première fois que les défendeurs faisaient face à une plainte de cette nature, selon leur témoignage.

[260]     Nous sommes d’avis qu’en l’absence de formation spécifique sur le sujet, et en l’absence d’une loi encadrant l’intimidation, il aurait été indiqué d’être encore plus prudent, dans la manière d’adresser cette plainte.

[261]     Pourquoi?

[262]     Pour diverses raisons.

[263]     Premièrement, parce qu’il s’agissait justement d’un premier cas.

[264]     Ensuite, parce que depuis 2008[58], les défendeurs savent pertinemment qu’un projet de gestion de l’intimidation était en train d’être mis en place, dans les écoles, et qu’une loi est sur le point d’être adoptée, à cause de l’ampleur du phénomène dans le milieu scolaire.

[265]     Troisièmement, parce que la mère de l’enfant qui se prétendait intimidée est avocate. Si elle a fait toutes les interventions que nous connaissons et qu’elle a tant insisté, peut-être savait-elle où elle allait?

[266]     Mais non, les défendeurs n’ont pas vu les drapeaux levés par la mère : un blanc en septembre, lors de la rencontre avec l’enseignante Labrie et la directrice, pour leur donner son point de vue sur l’épisode de la boite à lunch, puis d’autres drapeaux par la suite, avant Noël.

[267]     Revenons à cet épisode de la boite à lunch, car la réaction de l’enseignante Labrie, dans le traitement de cet incident, mérite des commentaires, cette dernière ayant manqué de jugement dans son intervention, à notre avis.

[268]     Nous sommes incapable de conclure comme elle l’a fait, c’est-à-dire qu’un coup de boite à lunch dans laquelle se cache un thermos dur, qui est un coup physique porté par un enfant sur un autre enfant qui relève d’une crise d’arthrite, et ce à sa connaissance, puisse être jugé comme étant comparable à un regard dédaigneux ou même à un commentaire peu flatteur sur une coupe de cheveux[59].

[269]     À la suite de cet incident, plusieurs billets jaunes[60] ont été servis par les enseignants, entre septembre et le 2 décembre, et la partie demanderesse a continué de dénoncer divers incidents, impliquant les mêmes étudiants.

[270]     Dans les notes de l’enseignante Dany Laurent, à la fin octobre, nous lisons déjà qu’il faut séparer ces 5 étudiants de X.

[271]     Et au cas où il y ait eu ambiguïté dans les propos et les inquiétudes manifestées par la mère de X, jusque-là, au mois de décembre, un drapeau rouge est soulevé : la plainte d’intimidation à la Sûreté du Québec, visant le comportement de ces enfants, à l’égard de X.

[272]     Nous donnons raison à la directrice Mageau, lorsqu’elle déclare que quand elle a été mise au courant de cette plainte par l’appel de l’agent Leclerc, que « c’était grave et urgent », et qu’il y avait une « impasse ».

[273]     Ainsi, le message de la mère est devenu des plus clairs avec cette plainte, au début décembre 2010.

[274]     Pourtant, l’offre de la Sûreté du Québec d’intervenir auprès des jeunes intimidateurs est refusée. Elle ne sera acceptée que trois mois plus tard.

[275]     Un autre drapeau rouge arrive avec la plainte faite à la Commission scolaire, car à ce moment-là, le problème se transporte à un plus haut niveau.

[276]     Mais non, même s’il y a encore une « impasse », selon la directrice Mageau, il n’y a toujours pas plus de sérieux dans l’information véhiculée aux professeurs et aux surveillants, pour qu’ils puissent intervenir, en sachant qu’il y a des allégations d’intimidation à l’endroit de X.

[277]     Que les défendeurs aient cru ou non que X était victime d’intimidation par le groupe d’élèves identifié par la mère, leur devoir était de communiquer l’information à qui de droit[61], minimalement, pour éviter des événements comme celui du 11 mars, pour ne mentionner que celui-là.

[278]     Un drapeau rouge additionnel a été soulevé, par la suite: la demande de changement de classe, qui a été refusée, pour ensuite être acceptée.

[279]     Le dernier drapeau rouge est la demande de changement d’école[62].

[280]     Et encore là, pour motiver son refus par rapport à ces deux demandes, la Commission invoque des questions administratives.

[281]     Nous sommes d’avis que dans les circonstances, la Commission aurait pu régler la situation plus rapidement.

[282]     En rétrospective, la décision de la directrice Majeau de refuser l’aide offerte par le directeur Lafortune, dans un premier temps, et l’aide de de la Sûreté du Québec, dans un deuxième temps, était une erreur[63].

[283]     Nous sommes d’avis qu’une personne raisonnable et diligente, placée dans les mêmes circonstances, soit en présence d’autant d’insistance de la part de la mère d’un enfant qui se dit intimidé par d’autres enfants, aurait accepté l’aide proposée avant Noël.

[284]     De plus, Madame Rousseau était une personne ressource disponible pour dénouer l’impasse à laquelle la directrice Majeau a fait référence. Comment se fait-il que personne n’a pensé à la faire intervenir dans ce dossier, avant que le directeur Lafortune ne le fasse, quelque part en février ou mars 2011?

[285]     Beaucoup de choses se sont passées, entre décembre 2010 et le moment où Rousseau est intervenue au dossier, et elles auraient pu être évitées.

[286]     Cela dit, il n’y a pas que du négatif, dans la gestion de ce dossier.

[287]     À titre d’exemple, la gestion de l’incident sur Facebook, en décembre, était adéquate[64].

[288]     Même si on ne veut pas reconnaître que ces propos constituaient de l’intimidation à l’endroit de X, et qu’ils ont été jugés totalement inacceptables à l’égard de l’enfant, les gestes posés par la directrice Majeau étaient conformes au Code de vie en vigueur à l’époque[65].

[289]     Mais ce Code a-t-il été appliqué aux autres événements dénoncés?

[290]     La preuve ne nous permet pas de conclure qu’il l’a été comme il aurait dû l’être.

[291]     Revenons un moment sur l’aide offerte par la Sûreté du Québec, pour préciser que la directrice Majeau a témoigné qu’elle ne voulait pas que l’agent Leclerc intervienne immédiatement, comme cette dernière souhaitait le faire, en décembre, au motif que la directrice devait effectuer des démarches préliminaires auprès des enfants impliqués par la dénonciation et de leurs parents, à qui elle devait parler de la situation, au préalable.

[292]     Il est donc curieux de constater que lorsqu’elle a demandé à la Sûreté du Québec d’intervenir, quelques mois plus tard[66], après l’incident des poches et des élastiques, la directrice Majeau n’a pas pris le temps d’informer les enfants ni les parents de cette intervention de la SQ; elle n’a informé les parents qu’après la visite de l’agent Leclerc, tel que les pièces le confirment.

[293]     Ce qui transpire de la preuve qui nous a été soumise, est que l’on ne voulait pas donner d’arguments à la mère pour qu’elle continue de remettre en cause la gestion des événements, par les professeurs et la directrice.

[294]     « Je suis capable de gérer ça », répétait sans cesse Madame Majeau, lors des discussions sur ce sujet.

[295]     S’il y avait des préoccupations en apparence légitimes, la manière de gérer la situation aurait tout de même dû prioriser la situation de l’enfant.

[296]     Or, ce n’est pas le choix qui a été fait, et tant l’enfant que ses parents, ont été humiliés, de la manière dont les défendeurs ont géré la situation.

[297]     Selon nous, les défendeurs ont priorisé leur réputation professionnelle et celle de l’école, plutôt que de protéger X, qui était prise dans une situation délicate qui perdurait depuis des mois.

[298]     Les principaux reproches que le Tribunal adresse aux défendeurs sont donc les suivants :

1)    avoir manqué de jugement en refusant l’aide extérieure disponible et proposée à quelques reprises pour gérer les allégations d’intimidation[67];

2)    avoir faussement rassuré la mère, voire, les parents, que la situation était prise au sérieux et que tous les professeurs étaient avisés, ce qui devait inclure les enseignants spécialisés, alors que tel n’était pas le cas[68];

3)    D’avoir fait semblant que tout le monde était au courant de la problématique affectant X, alors que tel n’était pas le cas[69].

[299]     Que les intervenants n’aient pas encore eu de formation sur l’intimidation, à l’époque, pour mieux gérer de tels événements, est une chose, et le Tribunal aurait été plus clément à l’égard des défendeurs, si cela était la seule chose en cause. Mais en l’espèce, ce sont les représentations formelles et inexactes que les défendeurs ont faites aux parents, que la situation serait gérée de telle ou telle manière, alors qu’en arrière-plan, le plan était complètement différent, puisque l’on ne croyait pas les doléances de l’enfant ni celles de la mère, de sorte que l’on n’a pas mis en place ce qui avait pourtant été représenté[70].

[300]     Nous sommes d’avis que les défendeurs n’ont pas fait une gestion diligente des événements et qu’il y a eu un manque au devoir de surveillance et de soins à l’endroit d’une enfant que les défendeurs avaient sous leur garde, durant les classes, par rapport aux standards de la jurisprudence[71].

[301]     De plus, les défendeurs n’avaient pas à avoir suivi des cours pour savoir comment gérer les allégations de l’enfant ni pour s’acquitter de leurs obligations de surveillance à l’endroit de X. Tout ce qu’ils avaient à faire était le suivi adéquat des dénonciations portées à leur attention, peu importe la qualification des gestes.

[302]     Selon nous, les intervenants étaient en mesure de voir la différence entre une réponse raisonnable à une provocation, puisque la provocation semble avoir été une thématique récurrente de leur part, et des gestes disproportionnés posés en réponse à une possible provocation.

[303]     Pour illustrer notre propos, reprenons l’exemple de la boite à lunch. Lorsque quelqu’un donne un coup à quelqu’un d’autre en réponse à une agression verbale, la défense de provocation n’est même pas acceptée dans le Code criminel, vu la disproportion entre les deux gestes.

[304]     Comment se fait-il que dans le cas de X, son enseignante a toléré le geste de Z? Est-ce à cause de la prémisse à partir de laquelle elle traitait l’information communiquée par cette enfant, qu’elle considérait comme une « princesse » à qui tout était dû?

[305]     Nous sommes d’avis que la vision que les défendeurs avaient de l’enfant est allée trop loin.

[306]     Quant à l’enseignante Lapointe, on en a peu parlé au cours de l’audition.

[307]     Puisqu’elle était en « team teaching » dans cette classe, cette enseignante a vu, entendu et participé à la manière dont les plaintes de l’enfant ont été « traitées », même si elle ne veut pas le reconnaître[72].

[308]     De plus, si les choses se sont finalement passées de la manière décrite dans la preuve, elle n’est pas intervenue pour en modifier le cours. Nous sommes d’avis que par son inaction, elle a cautionné la manière dont les défendeurs ont géré les allégations d’intimidation à l’endroit de X.

[309]     En ce qui a trait à la directrice Majeau, elle a été active dès le début, dans l’histoire, tantôt en posant des gestes et tantôt en cautionnant les faits et gestes posés par l’enseignante Labrie et peut-être même par l’enseignante Lapointe, à certains égards[73].

[310]     Le Tribunal croit l’enfant, lorsqu’elle nous déclare que l’enseignante Labrie l’a tirée de son rang par le bras pour lui passer un savon sur le fait qu’elle s’était plaint à sa mère de son inaction, en lien avec la chaise tombée du pupitre, après l’appel que sa mère lui a fait à ce sujet[74].

[311]     Nous sommes d’avis que le commentaire qu’elle a fait à l’enfant, soit « si tu parles de ça à ta mère tout le temps, ça va mal aller », a donné le ton à la première rencontre que l’enseignante a proposée de tenir avec la directrice Majeau et la mère, dès ce premier épisode.

[312]     Le comportement de l’enseignante Labrie, à cette occasion, était une forme d’abus envers cette enfant[75].

[313]     L’enfant, qui n’est pas bête, l’a senti, et cela n’est pas étranger au fait qu’elle ne s’ouvrait pas à tout coup lorsque des incidents survenaient avec les élèves faisant partie du groupe visé par les allégations d’intimidation.

[314]     Il est possible qu’à certains moments, la perception de l’enfant ait été exagérée sur ce qui s’est passé, notamment lors de l’incident de la chaise tombée du pupitre, l’enfant ayant allégué avoir du sang « partout dans les mains » et sur son mouchoir, mais au-delà de cela, le fait de ne pas s’occuper d’elle[76] était « inacceptable », comme la directrice Majeau l’a elle-même confirmé, lorsque questionnée sur sa vision d’un tel scénario.

[315]     Les enseignantes Labrie et Lapointe agissaient en première ligne auprès de l’enfant. Elles contrôlaient l’information que X leur communiquait[77] et c’est elles qui faisaient la pluie et le beau temps à savoir si l’enfant disait vrai ou si elle mentait.

[316]     Elles étaient aux premières loges, pour évaluer les déclarations des différents petits témoins impliqués dans tous ces incidents.

[317]     Madame Majeau, à certains moments, a aussi participé à la collecte d’informations auprès des étudiants dont les faits et gestes étaient dénoncés.

[318]     Sur ce sujet, nous avons constaté que plusieurs des situations dénoncées venaient de ouï-dire de tiers, et que X n’était pas rencontrée par les enseignants ou la direction, à diverses occasions.

[319]     Cela dit, la mère de l’enfant a été fautive à la mi-décembre, lorsque l’enfant devait rencontrer la directrice Majeau et qu’elle a cédé au caprice de sa fille qui n’a pas voulu participer à cette rencontre, qui aurait permis à la directrice d’avoir l’opportunité de mieux saisir les doléances et l’état de l’enfant.

[320]     L’enfant n’ayant pas de nouveau été emmenée pour voir la directrice, l’on ne peut donc pas reprocher à cette dernière de ne pas avoir rencontré l’enfant, à cette occasion, pour obtenir l’information, directement de la principale intéressée, alors qu’elle était un témoin important pour expliquer ce qui se passait, et comment elle se sentait.

[321]     Mais en bout de piste, qui croire dans toute cette histoire?

[322]     Sur l’événement du sang, il est intéressant de regarder la pièce D-1.b), dans laquelle il est fait mention que l’enfant se serait coupée et qu’elle ne l’a jamais dit à l’enseignante.

[323]     Comment expliquer que l’enseignante Labrie nous déclare ensuite s’en être occupée durant quelques minutes et comment la croire, lorsqu’elle ajoute que l’enfant n’a pas voulu de son aide?

[324]     La comparaison de cette note en date du 20 septembre 2010, avec les allégations de la défense, et les diverses versions données en interrogatoire sur cet incident, est intéressante.

[325]     Le verso de la page de cette note, est également très intéressant, mais à un autre niveau. L’on y trouve des commentaires provenant d’une dénommée Mélanie, du service des loisirs, à qui l’on a téléphoné, et qui rapporte que X n’était pas très aimée des autres enfants, au terrain de jeu, car elle était arrogante, qu’elle jouait à la princesse, et qu’elle boudait[78].

[326]     Ce vocabulaire est similaire à celui que nous retrouvons à divers endroits dans les pièces, en défense[79].

[327]     La fin de ces notes en défense est tout aussi intéressante, lorsque nous lisons : « c’est difficile de la prendre au sérieux, car elle invente beaucoup ».

[328]     Évidemment, le témoignage de l’enfant n’est pas parfait et il comporte des exagérations, des contradictions et des trous de mémoire[80]. Certains événements sont très peu détaillés, et il faut tenir compte du fait que l’enfant a également ses propres perceptions.

[329]     À titre d’exemple, les gros yeux qu’on a pu lui faire[81], et dont elle se plaint, se sont avérés être un sourcil levé,  ce qu’elle a pu mal interpréter.

[330]     Mais l’éclairage qu’apporte le psychologue Desbiens, lorsqu’il est question de ces différents événements, qu’il explique bien, à la lumière de ce que l’enfant a vécu, est fort utile.

[331]     La crédibilité de d’autres témoins en défense est aussi remise en question, entre autre le témoignage de la surveillante Brouillette.

[332]     En effet, nous avons trouvé étrange qu’elle n’ait aucun souvenir d’avoir été convoquée par la directrice au sujet d’une accusation que X a portée à son endroit, alors qu’elle déclarait que Brouillette l’avait traitée de « grosse hypocrite ».

[333]     Pourtant, la preuve révèle que la surveillante a fait des excuses à X en lien avec ce qualificatif, même si ces excuses ont été faites avec le caveat proposé par la directrice Majeau, « au cas où tu aies entendu ces mots », alors que Brouillette niait avoir prononcés de tels mots à l’intention de l’enfant.

[334]     Au-delà des exagérations de l’enfant, rappelons qu’elle a été évaluée par un psychiatre et par le psychologue Desbiens, et que personne n’a remis en cause ses verbalisations sur la manière dont elle s’est sentie au cours de cette année scolaire, en lien avec l’intimidation subie.

[335]     Les propos du directeur Lafortune, aux pages 125 et 126 de son interrogatoire du 27 juin, sont éclairants sur les priorités des défendeurs :

 Ce qu’on se rend compte, c’est qu’on intervient beaucoup auprès de X et puis la mère ne reconnaît pas le travail qu’on a fait. Ça devient questionnant, ça devient troublant. Ça a un effet sur le fonctionnement de la classe et puis sur l’équipe-école. C’est en terme de préoccupations que je sentais de Madame Majeau, là, c’est plus à ce niveau-là .

[336]     Selon l’ensemble de la preuve, et bien qu’elle ne l’ait pas confirmé de manière transparente, la principale préoccupation de la directrice Majeau n’était donc pas l’enfant, mais la mère de celle-ci.

[337]     D’ailleurs, sur ce sujet, dans l’analyse, nous devons aussi prendre en considération que la mère de l’enfant a empêché les défendeurs d’intervenir auprès de son enfant, à quelques reprises[82]. Or, en ce faisant, elle ne s’est pas aidée, ni sa fille.

[338]     Également, lorsqu’elle décide d’impliquer la Sûreté du Québec, sans même prévenir l’école de son intention, alors qu’elle vient tout juste de rencontrer l’enseignante Labrie pour la remise du bulletin, rencontre au cours de laquelle la mère décide aussi de ne pas faire part à l’enseignante des inscriptions qui visent X sur Facebook, entre autres, la mère ne doit pas ensuite être surprise que son intervention puisse avoir été perçue comme pouvant avoir antagonisé les parties.

[339]     Mais au-delà de ça, la preuve démontre que nous sommes en présence d’une  mère en détresse, par rapport à la situation que vit son enfant, qui n’est pas véritablement adressée par l’école, de sorte que l’on peut comprendre qu’elle avait raison d’être préoccupée.

[340]     Par contre, outre les commentaires que nous venons de faire, rien dans la preuve ne démontre qu’elle ait été inadéquate dans sa manière d’intervenir auprès des enseignants et de la direction, en ce qui a trait au ton de ses communications et à la  gradation de ses interventions.

[341]     Dans un courriel du 12 mai 2011, que l’on retrouve à la page 248 de la pièce D-5, la directrice Majeau décrit la « crise » à Monsieur Lafortune et Madame Boivin, dans le dossier. Voici comme elle s’exprime :

« Vous savez, je trouve toute cette situation déplorable et jamais je n’aurais pensé que la problématique avec Madame T... aurait des répercussions si grandes.

Malheureusement, on s’en prend à la crédibilité de mon personnel et de moi-même.

Une réputation est si facile à détruire…

Et j’ai l’impression que la côte sera dure à remonter pour mon milieu. Je tente de les rassurer, mais ils ont entendu tous ces commentaires négatifs à leur endroit et elles veulent se défendre, bien malgré moi ».

(Nos soulignements)

[342]     Même si Madame Majeau écrit que les enseignantes veulent se défendre « bien malgré elle », la preuve démontre, au contraire, qu’elle a activement participé à cette défense.

[343]     Pour s’en convaincre, il suffit de lire les différents interrogatoires au préalable et les témoignages livrés devant nous, de même que faire l’analyse minutieuse des pièces déposées initialement à partir du dossier de cette enfant, notamment, qui se trouvent dans la pièce D-1.

[344]     Ainsi, le dossier a débuté de manière biaisée[83]. Ce biais s’est transporté de Madame Labrie jusqu’à Madame Majeau[84]. Par la suite, Madame Majeau le transmet au directeur Lafortune, qui intervient au dossier en ayant ce biais à l’esprit, après avoir rencontré l’équipe-école, avant même de rencontrer la plaignante T... pour savoir de quoi elle se plaint au juste[85].

[345]     Cette façon de faire est différente de ce que l’expert Desbiens a fait. Il a compris la nécessité d’entendre la version des plaignants (victimes), avant de se renseigner sur ce que les intervenants visés par les allégations de responsabilité avaient à dire.

[346]     Il était adéquat que l’expert Desbiens rencontre X et sa mère, avant de prendre connaissance du dossier, pour que sa perception de leurs propos ne soit pas teintée par l’expérience des défendeurs qui lui ont confié son mandat.

5.2.2    Les dommages

[347]     X demande des dommages pour les atteintes à sa dignité, à son honneur, à sa sécurité, à son intégrité physique et psychologique, pour des atteintes à sa réputation, et parce que les défendeurs ont porté atteinte à son droit au secret professionnel, lorsqu’elle était en relation avec la psychoéducatrice Lauzon[86].

[348]     Elle demande de tels dommages pour la période allant de la deuxième année du primaire jusqu’à son secondaire 4.

[349]     La mère demande 50 000 $ pour des troubles et inconvénients, de tous les défendeurs, et 20 000 $ pour les dommages punitifs, à concurrence de 5 000$ par défendeur.

[350]     Le père demande la même chose que la mère.

[351]     Les parents de X recherchent aussi l’émission d’ordonnances diverses, de nature injonctive, visant à empêcher les défendeurs de poser certains gestes, en lien avec le dossier[87].

[352]     Il y a aussi deux autres réclamations, l’une, de 125 000 $, pour les honoraires professionnels (extrajudiciaires) et l’autre, de 50 000 $, que nous pourrions accorder en vertu de l’article 342 du Code de procédure civile.

[353]     Outre le témoignage subjectif des demandeurs, sur leurs dommages, certains documents, ainsi que des dessins de l’enfant, des commentaires formulés à l’époque, de même que des expertises, sont pertinentes pour apprécier ces réclamations. Il y a celle du psychiatre Gagné, celle du Dr. Garel, l’intervention de la psychologue Racicot, et l’expertise du psychologue Desbiens.

[354]     Pour ce qui est de X, il est question d’une incapacité partielle temporaire de 5 %.

[355]     Pour la mère, le pourcentage d’incapacité est le même, alors que pour le père, cette atteinte est évaluée à 2 %, mais de manière très arbitraire.

[356]     Pour ce qui est de X, la preuve révèle qu’elle pleurait souvent, qu’elle ne voulait pas aller à l’école, qu’elle se sentait rejetée, isolée, insécure, et qu’elle faisait des cauchemars, durant la période pertinente.

[357]     Il est important d’insister une fois de plus sur le fait que l’expert de la défense a apprécié la crédibilité de l’enfant, ce qui ne se produit pas fréquemment, dans un dossier.

[358]     Qui sommes-nous pour revenir sur les constats faits par cet expert, qui a documenté ses évaluations à l’aide de tests psychologiques, au surplus, et dont il interprète les résultats comme étant cohérents avec les faits dont l’enfant lui a fait part?

[359]     De plus, depuis que X est sortie de l’École Micheline Brodeur, elle va beaucoup mieux.

[360]     Et en 2018, lors du procès, elle fonctionnait bien.

[361]     Il nous faut donc conclure que le changement d’école a eu un impact positif sur le bien-être de cette enfant.

[362]     La mère a déposé les bulletins de l’enfant, pour tenter de démontrer que cette dernière avait des séquelles sur le plan académique, à la suite des événements vécus au cours de sa quatrième année.

[363]     Nous sommes d’avis que la preuve ne permet pas de tenir les défendeurs responsables de telles séquelles, d’autant plus qu’au cours des années qui ont immédiatement suivi le changement d’école, les résultats scolaires de X ont été bons.

[364]     Ce n’est que quelques années plus tard, qu’ils ont commencé à baisser et l’expert Desbiens est incapable de faire un lien direct entre ce qui s’est passé en 4e année à Micheline Brodeur, et les conséquences au cours des années subséquentes, sur le plan académique.

[365]     L’enfant réclame également des dommages moraux de tous les défendeurs.

[366]     À notre avis, ceux-ci sont imputables de tels dommages.

[367]     Madame Labrie a été très active, Madame Lapointe a ratifié certains gestes ou a omis d’intervenir[88], alors que Madame Majeau a agi comme chef d’orchestre et comme intermédiaire, avec la Commission scolaire.

[368]     Lorsque la Commission scolaire est intervenue, elle l’a fait avec un biais, qu’elle a maintenu jusqu’à la fin.

[369]     Toutefois, il ne faut pas oublier que certains des dommages moraux que l’enfant a subis sont également attribuables aux enfants intimidateurs, qui ne sont pas défendeurs dans ce dossier.

[370]     C’est donc en ayant ce commentaire à l’esprit que nous décidons des dommages moraux imputables aux défendeurs, et en sachant que l’on ne peut établir un tel montant de manière exacte et précise.

[371]     Ainsi, nous sommes d’avis qu’il y a lieu de partager les dommages moraux subis par X selon la proportion 50-50.

[372]     La portion que nous retenons pour les fins de notre jugement prend déjà ce 50 % imputable aux enfants intimidateurs, en considération.

[373]     Comme nous sommes d’avis qu’il y a eu un manque au devoir de surveillance, selon les critères de la jurisprudence, que les événements qui ont culminé avec l’incident des poches et des élastiques auraient pu être évités, qu’il y a eu des atteintes à l’honneur, à la dignité et à la réputation de l’enfant, puisque le mot se passait qu’elle était comme nous l’avons décrite à travers les paragraphes de ce jugement, et puisque le résultat de tout cela est que l’intégrité physique et psychologique de cette enfant n’ont pas été protégés par les soins des défendeurs, des dommages résultent de ces constats.

[374]     Évidemment, nous devons mettre en perspective que les défendeurs n’avaient pas une obligation de résultat et n’avaient pas non plus l’obligation de mettre l’enfant sous une cloche de verre et de ne prendre soin que d’elle, mais ils avaient tout de même une obligation de moyens, par rapport au fait d’assurer la sécurité physique et la sécurité psychologique de cette enfant (comme tout autre d’ailleurs)[89].

[375]     Or, nous sommes d’avis que la preuve a renversé la présomption de l’article 1460 du Code civil, et qu’il y a lieu de retenir leur responsabilité des défendeurs, en concrétisant cette responsabilité par l’octroi de dommages et intérêts compensatoires.

[376]     Vu les critères applicables pour ce qui est de l’incapacité partielle de X, il n’y a pas lieu d’accorder quelque indemnité que ce soit à ce sujet.

[377]     En effet, les recherches en droit nous permettent de conclure que les montants pour incapacité partielle, qui sont de la nature de pertes pécuniaires, ne sont accordés que lorsqu’il y a perte de revenu de travail[90].

[378]     L’enfant n’a pas démontré de telles pertes de revenus. De plus, elle a continué d’aller à l’école durant toute l’année, même si elle a eu quelques périodes d’absence.

[379]     Il n’y a donc rien de majeur à ce chapitre, mais surtout, aucune perte pécuniaire.

[380]     Même si les experts ont établi des incapacités partielles pour le père et la mère, personne n’a manqué de travail, de sorte qu’aucune indemnité n’est accordée aux parents de X, à ce chapitre.

[381]     Même si Madame T... a été distraite et préoccupée durant la gestion de cet épisode malheureux, nous n’avons pas de preuve prépondérante qu’elle a perdu du revenu.

[382]     Abordons les dommages moraux.

[383]     Pour ce qui est des dommages moraux, il faut comprendre que les montants attribués par les tribunaux sont relativement minimes, et que nous devons respecter cette jurisprudence, parce que nous n’avons pas ce qu’il faut, dans la preuve, pour sortir des sentiers battus, par rapport aux montants généralement accordés.

[384]     La déception sera certainement au rendez-vous du côté des demandeurs et il en résultera un certain soulagement, du côté des défendeurs, puisque nous sommes d’avis que durant les 10 mois que la saga a duré, X n’a droit qu’à 2 000 $ par mois, ce qui fait 20 000 $ au chapitre des dommages moraux.

[385]     La Commission scolaire est responsable de ses employés, mais à partir de février 2011, de manière particulière, elle est également imputable pour ses propres faits et gestes, que nous avons décrits dans ce jugement.

[386]     Nous ne pouvons pas tenir rigueur à l’intervention de Monsieur Lafortune entre décembre 2010 et février 2011, puisque durant ce temps, il s’est fait rassurer par Madame Majeau que tout était sous contrôle. Il n’avait aucune raison de ne pas la croire, à cette époque.

[387]     Qu’en est-il maintenant de la violation intentionnelle des droits fondamentaux de l’enfant et de ses parents?

[388]     Parlons de X.

[389]     Les violations aux droits fondamentaux de l’enfant étaient-elles intentionnelles?

[390]     Nous sommes d’avis que oui.

[391]     S’il est clair que les défendeurs n’ont pas consciemment voulu les conséquences directes des atteintes à l’honneur, à la dignité, à la réputation,  à l’intégrité physique et psychologique de cette enfant, une chose est certaine, ils ne pouvaient pas ne pas savoir qu’en faisant des représentations à la mère de nature à la rassurer, alors qu’en réalité, ils ne les ont pas mises en pratique, qu’ils exposaient ou risquaient d’exposer cette enfant à des atteintes, dans le contexte où plusieurs gestes inappropriés avaient été dénoncés.

[392]     En présence d’autant de dénonciations, nous sommes d’avis qu’une personne raisonnable, qui aurait été prudente, dans les mêmes circonstances, ne pouvait pas ignorer les risques qu’elle faisait courir à cette enfant de subir d’autres gestes d’intimidation, la preuve en étant faite que l’épisode des poches a eu lieu, entre autres choses.

[393]     Il est évident que les défendeurs n’ont pas voulu qu’un tel épisode survienne, mais ce qui a été mis en œuvre pour gérer la situation de vie de cette enfant et de ses petits camarades, a fait en sorte que cet événement puisse avoir lieu.

[394]     Il ne faut pas oublier le manque de surveillance, également, même si ce manque n’a rien à voir avec l’intention des défendeurs quant aux atteintes aux droits fondamentaux de l’enfant. Cela dit, si l’enseignante avait connu la problématique, il y a fort à parier qu’une meilleure surveillance aurait été mise en œuvre, et que cela aurait pu contribuer à éviter l’incident des poches et des élastiques, que les défendeurs reconnaissent comme étant un geste clair d’intimidation à l’endroit de X.

[395]     Alors, les défendeurs ont traité les doléances à la légère.

[396]     Ils se sont toutefois fait ramener à l’ordre par la mère, ils ont rassuré les parents, mais ils ont tout de même pratiqué une sorte d’aveuglement volontaire en lien avec les droits fondamentaux de cette enfant-là.

[397]     Ils ont également eu peu d’empathie à son égard, ainsi qu’envers les parents.

[398]     Nous sommes d’avis qu’il y a certains facteurs aggravants par rapport à l’intention.

[399]     Entre autres, il s’agit de l’inaction envers les agresseurs.

[400]     Les biais des défendeurs ont eu un impact sur l’intégrité et la sécurité de cette enfant.

[401]     Mais au Québec, les dommages punitifs sont le parent pauvre des dommages. Il nous faut également respecter l’état du droit, même si nous ne sommes pas toujours d’accord avec les montants accordés à titre de dommages punitifs.

[402]     Les critères pour évaluer les dommages punitifs sont prévus à l’article 1621 du Code civil du Québec.

[403]     Une chose est certaine, ils ne peuvent être imputables qu’aux individus et aux personnes qui posent des gestes et ils ne sont pas accordés de manière solidaire, depuis l’arrêt Cinar de la Cour suprême.

[404]     Labrie, Mageau, Lapointe sont les acteurs principaux. Elles ont agi ou ne se sont pas interposées ou ont cautionné. La Commission scolaire a continué le bal par la suite et là où le bât blesse, c’est sur toute cette question du dossier de l’élève qui est disparu, ou du moins disparu en partie pour ce qui est de la preuve qui nous a été présentée.

[405]     Cette portion émane de la Commission scolaire et a été bien utile à sa cause, mais n’est pas sans laisser le Tribunal indifférent quant à l’intention de couvrir ce qui s’est passé pour éviter un mal plus grand et mieux s’en sortir, et ce, au détriment de la protection des droits fondamentaux de l’enfant en cause.

[406]     Dans ce dossier, personne ne s’est excusé à X et n’a reconnu avoir peut-être manqué à certains égards, en ne la croyant pas et ce, même après l’expertise.

[407]     Nous sommes d’avis que pour les motifs que nous avons mentionnés, un montant de 25 000 $ de dommages punitifs doit être accordé à X, 5 000 $ pour Madame Mageau, 5 000 $ pour Madame Lapointe, 5 000 $ pour Madame Labrie et 10 000 $ pour la Commission scolaire, compte tenu qu’il s’agit d’une institution, pour des fins de dissuasion, d’exemplarité et de réprobation des faits et gestes dénoncés.

[408]     Le témoignage de X, même s’il contient certaines imprécisions, fait état de peurs, d’intentions suicidaires, du fait qu’elle a été blessée par les surnoms qui lui ont été donnés, ce qui est imputable aux enfants et non aux professeurs.

[409]     Elle a vécu le stigmate lié au fait qu’on ne l’a pas crue et elle s’est fait rabrouer lorsqu’elle rapportait des choses, en se faisant dire qu’elle avait probablement provoqué ce qui lui arrivait.

[410]     Il n’y a rien là pour relever l’estime d’elle-même ni de bon pour son honneur et sa dignité.

[411]     Il y a également atteinte à sa réputation, puisque le mot s’est passé qu’elle était comme nous l’avons décrite selon la preuve qui nous a été présentée, même si on n’a pas voulu le dire haut et fort[91].

[412]     Il y a également les cauchemars qu’elle a eus, l’insécurité qui a fait en sorte qu’elle a développé une hypervigilance, tel que l’expert Desbiens l’a mentionné.

[413]     Les atteintes à la réputation de cette enfant ont été établies par des enseignants qui n’étaient pas directement impliqués dans ce litige. Or le portrait qu’ils ont dressé de X ne correspondait pas du tout à celui dépeint directement ou indirectement par les défendeurs[92].

[414]     Était-ce une enfant à problèmes avec une mère surprotectrice?

[415]     Nous sommes d’avis que l’enfant n’était pas un « problème ». L’ensemble de l’œuvre a fait en sorte qu’elle avait certaines caractéristiques, mais la manière dont les choses ont été gérées n’a pas aidé cette enfant.

[416]     Des dommages très importants sont réclamés sous de l’article 342 du Code de procédure civile, de même que des dommages pour compenser les honoraires extraordinaires d’avocats.

[417]     Ces dommages et frais ne sont pas accordés, étant donné la position que les défendeurs avaient à présenter sur le fond ainsi que sur leur contestation du quantum des dommages réclamés, qui étaient hors normes, par rapport à la jurisprudence.

[418]     Ne serait-ce que pour cette raison, les défendeurs étaient justifiés de se présenter à la Cour, pour contester l’action.

[419]     Quant aux dommages pour X maintenant, ce qui est clair est que lorsqu’elle a changé d’école, la situation a été qualifiée par l’expert Desbiens comme étant « le jour et la nuit », en termes d’estime d’elle-même.

[420]     Sa vie sociale est remplie, nous dit-elle, elle est coach de basket et elle est appréciée à sa nouvelle école.

[421]     Elle se déclare heureuse, et va très bien, à l’exception qu’elle est « way to good at good bye », comme elle nous a précisé.

[422]     Mais est-ce que cela est en lien direct avec ce qui s’est produit dans sa vie?

[423]     La preuve ne l’établit pas.

[424]     Sa mère nous confirme toutefois qu’on ne « l’écœure plus, au secondaire », qu’elle est bolée, même si elle ne veut pas le montrer.

[425]     Cela justifie pourquoi nous n’accordons pas davantage de dommages.

[426]     Outre pour la période pertinente aux dommages moraux, pour le stress, les inconvénients, la peine et les autres éléments que nous avons déjà mentionnés pour l’année scolaire 2010-2011, nous sommes donc bien loin des quantum réclamés et accordés au Québec par rapport à un tel poste de dommages.

[427]     Qu’en est-il maintenant pour les conclusions de Madame T...

[428]     Ni la mère ni la fille n’avaient d’antécédents psychiatriques. Il en est de même pour le père.

[429]     Et nous sommes convaincue que la mère a pu se sentir humiliée et voire même inutile à certains égards, et que sa réputation a été affectée pendant le temps durant lequel les défendeurs ont traité ses doléances.

[430]     Cela dit, les montants réclamés par elle sont trop élevés.

[431]     Elle avait certes beaucoup de choses sur les épaules, elle a vécu beaucoup de stress, et nul doute qu’elle a fait de l’insomnie, mais les autres problèmes qui sont décrits par rapport à ce qui se passait à la maison ne relèvent pas nécessairement de la faute des défendeurs et nous n’avons pas la preuve pour accorder des dommages pour ces faits.

[432]     Quant au père, c’est le moins affecté dans cette histoire.

[433]     Il a certes été rejeté, lors de la fête de Noël, mais il ne semble pas avoir vécu ce rejet avec trop de difficultés.

[434]     Les chicanes à la maison, auxquelles il a référé, parce qu’il considérait que la mère était surprotectrice, sont le lot des discussions entre conjoints et ne sont pas nécessairement reliées à la faute des défendeurs.

[435]     Et pour ce qui est des jours de congés pour l’enfant, nous sommes d’avis que cela fait partie du forfait-parent. Il n’y a rien d’extraordinaire dans la preuve qui a été présentée pour justifier une quelconque indemnité à ce sujet-là.

[436]     Et évidemment, le père n’était pas heureux de voir que sa fille ne se faisait pas beaucoup respecter par le personnel de l’école, qui lui semblait peu enclin à vouloir l’aider, mais pour lui, les dommages que nous accordons doivent être moins élevés que ceux accordés à l’enfant et à sa mère.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[437]     CONDAMNE la Commission scolaire des Hautes-rivières à payer à X, 20 000 $ de dommages moraux, avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle de 1619 C.c.Q, à compter de l’assignation;

[438]     CONDAMNE la défenderesse CHANTAL MAJEAU à payer à X des dommages punitifs de 5 000 $, avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle de 1619 C.c.Q, à partir de ce jugement;

[439]     CONDAMNE la défenderesse MARIE-JOSÉE LABRIE à payer à X des dommages punitifs de 5 000 $, avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle de 1619 C.c.Q, à partir de ce jugement;

[440]     CONDAMNE la défenderesse CHANTAL LAPOINTE à payer à X des dommages punitifs de 5 000 $, avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle de 1619 C.c.Q., à partir de ce jugement;

[441]     CONDAMNE la défenderesse Commission scolaire des Hautes-rivières à payer à X des dommages punitifs de 10 000 $, avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle de de 1619 C.c.Q, à compter de ce jugement;

[442]     CONDAMNE la défenderesse Commission scolaire des Hautes-rivières à payer à la demanderesse V... T... 10 000 $ de dommages moraux[93], pour atteinte à son honneur, sa dignité, sa réputation, pour perte de jouissance de la vie, stress, anxiété et insomnie, avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle de de 1619 C.c.Q, à compter de ce jugement;

[443]     CONDAMNE la défenderesse CHANTAL MAGEAU à payer à demanderesse V... T... 2 500 $ de dommages punitifs, avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle de 1619 C.c.Q, à partir de ce jugement;

[444]     CONDAMNE la défenderesse MARIE-JOSÉE LABRIE à payer à la demanderesse V... T... 2 500 $ de dommages punitifs, avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle de 1619 C.c.Q, à partir de ce jugement;

[445]     CONDAMNE la défenderesse CHANTAL LAPOINTE à payer à la demanderesse V... T... 2 500 $ de dommages punitifs, avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle de 1619 C.c.Q, à partir de ce jugement;

[446]     CONDAMNE la défenderesse Commission scolaire des Hautes-rivières à payer à la demanderesse V... T... 5 000 $ de dommages punitifs, avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle de de 1619 C.c.Q, à partir de ce jugement[94];

[447]     CONDAMNE la défenderesse Commission scolaire des Hautes-rivières à payer au demandeur B... L... 500 $ de dommages moraux, pour troubles et inconvénients, perte de jouissance de la vie, stress et insomnie, avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle de 1619 C.c.Q, à compter de l’assignation;

[448]     REJETTE les réclamations pour dommages punitifs du demandeur B... L...;

[449]     REJETTE les ordonnances de nature injonctive[95];

[450]     REJETTE la demande de condamnation aux honoraires et frais extra-judiciaires[96];

[451]     REJETTE la demande de condamnation fondée sur l’article 342 du Code de procédure civile[97];

[452]     Avec frais de justice, incluant les frais d’expertises de Dre. Garel, de Dr. Gagné, du sténographe et du spécialiste audio;

[453]     REJETTE la demande d’exécution provisoire nonobstant appel du jugement[98].

 

 

 

                                                                            

L’HONORABLE CLAUDE DALLAIRE, j.c.s.

 

 

 

Me V... T...

 

Cabinet A

 

            Procureure pour elle-même et pour Monsieur L...

 

 

 

Me Marie-Lise Desrosiers

 

Cabinet de Me Marie-Lise Desrosiers

 

            Procureure de l’enfant X

 

 

 

Me Yves Carignan

 

Bélanger, Sauvé

            Procureur des défendeurs

 

 

 

 

Dates d’audience :

Les 15, 16, 17, 18, 19, 22, 23, 24, 25, 26, 29 et 30 octobre 2018

Mise en délibéré :

Le 30 octobre 2018

Demande de transcription :

Le 18 juillet 2019

 



[1]     Pour changer le district judiciaire et la chambre de la cour qui a rendu jugement, de même que pour ajouter cinq notes de bas de page et corriger quelques coquilles.

[2]     Le jugement a été rendu séance tenante. Comme le permet l’arrêt Kellogg's Company of Canada c. P.G. du Québec, [1978] C.A. 258, 259-260, au moment de rendre sa décision, le Tribunal s'est réservé le droit d'en modifier, amplifier et remanier les motifs. La soussignée les a donc remaniés pour en améliorer la présentation et la compréhension.

[3]     Rapport du psychologue Desbiens, pièce D-9.

[4]     Qui dispense des services de la prématernelle à la 6e année.

[5]     Classe hybride, dans laquelle deux professeurs interviennent auprès d’élèves de différentes années. Dans le cas présent, ce sont les 3e et 4e années qui sont ensemble dans une même classe.

[6]     L’utilisation des noms de famille des parties et des témoins ne se veut nullement un manque de respect à l’endroit de ces personnes.

[7]     Nous n’avons pas exposé divers incidents qui sont survenus durant cette période, mais il y en a eu divers, notamment en novembre.

[8]     Expression utilisée par Madame Majeau.

[9]     Et des transcriptions.

[10]    Nous avons rejeté l’objection à la preuve, pour des motifs énoncés plus loin dans le jugement. 

[11]    Elle rencontre aussi les élèves concernés.

[12]    Il y a aussi un événement impliquant encore Z, qui aurait ouvert et fermé des ciseaux à quelques pouces de X, lors d’un cours spécialisé, et un événement qui implique une claque en plein visage après du tirage de cheveux, à la suite d’un commentaire de X à Y, que sa couette était de travers, et un incident au sujet de l’utilisation d’un physitube, lors d’un cours d’éducation physique.

[13]    Incluant X.   

[14]    Voir les différentes versions de l’ordre du jour, dont les conclusions ne sont pas les mêmes, entre la version que la mère a prise le jour de la rencontre, et celles qui figurent au dossier déposé en défense.

[15]    Elle a même manqué quelques jours d’école avant les fêtes, après le dépôt de la plainte à la SQ.

[16]    Témoignage de Madame Majeau.

[17]    Témoignage de Madame Sanders.

[18]    Il y a un incident au cours duquel Brouillette accuse l’enfant de ne pas avoir remis son coupon de dîner assez rapidement, en lui parlant sèchement, alors que l’enfant venait juste d’échapper ce coupon par terre et qu’elle était en train de le ramasser. Une autre fois, alors que X aidait un autre enfant à mettre des feutres dans ses bottes, Brouillette est intervenue pour l’arrêter, en lui parlant de nouveau bêtement, pour lui dire qu’il n’avait pas besoin de son aide.

[19]    Un incident survient aussi avec la psychoéducatrice qui rencontre l’enfant, à la suite de l’épisode du 11 février, puisqu’elle donne l’impression à l’enfant et à la mère, que les propos rapportés par X au sujet des autres élèves ne sont pas véridiques, alors que le mandat confié à cette intervenante était de permettre à X de parler des événements traumatisants du 11 février et de sa perception qu’elle était victime d’intimidation de la part du groupe des 5.

[20]    Ce qu’il ne se souvient plus d’avoir dit, sans toutefois nier qu’il ait pu tenir ces propos.

[21]    Donc cette problématique était déjà suffisamment présente pour qu’il présente cette dame comme étant leur personne ressource en la matière.

[22]    Le protecteur de l’élève, qui est avocate, est impliqué dans le dossier par la mère, et finalement, cette entente ne sera jamais signée, car jugée illégale par le protecteur de l’élève, au motif qu’elle prive la mère de son autorité parentale, ce qui ne peut se faire de cette façon.

[23]    Une autre élève est jugée difficile et entre en conflit avec X. Il s’agit de A. L’enseignante Desautels déclare dans son témoignage que ce n’est pas X le problème, dans sa classe, mais plutôt A. De plus, les enfants intimidateurs continuent d’interagir avec X, malgré l’interdiction, et des mesures doivent être mises en place pour les périodes de soccer, puisque les enfants sont tous impliqués dans la pratique de ce sport.

[24]    À titre d’exemple, le nom de X n’est pas prononcé au micro le jour de son anniversaire, contrairement à la tradition, ce qui blesse l’enfant.

[25]    Les expertises le confirment.

[26]    Une discussion a eu lieu avec l’avocat de la défense, au sujet du témoignage des enfants « intimidateurs » que les défendeurs voulaient faire entendre, vu le contenu de l’expertise du psychologue Desbiens, et à la lumière de la demande de dommages punitifs, par rapport à ce que ces témoignages auraient apporté par rapport aux éléments en litige.

[27]    L’expert reconnaît l’intimidation, alors que les défenderesses ne la reconnaissent toujours pas, en date de l’audition, sauf pour l’épisode des poches et des élastiques, versus ce qu’elles disent à la mère à ce sujet, en décembre 2010, qui est à l’effet contraire.

[28]    P-56 complément, qui décrit que regarder de travers, se moquer, pousser et bousculer, tenter d’exclure un élève du groupe, amener d’autres à ne pas aimer quelqu’un et écrire des notes blessantes sur un autre élève sont des gestes d’agression au 1er ou 2 ieme niveau, selon le cas, en termes d’intimidation.

[29]    Même après notre commentaire de début d’instance à leur avocat sur le fait que le Tribunal s’interrogeait sur la nécessité de présenter une preuve contraire sur le fait de l’intimidation, vu l’expertise du Dr. Desbiens, qui la reconnaît, en défense, ainsi que nos commentaires sur la pertinence de faire entendre les enfants intimidateurs, pour réfuter la preuve d’intimidation annoncée en demande.

[30]    Car il s’agit de gestes physiques.

[31]    Et nous leur donnons raison sur ce point, puisque plusieurs démarches ont été faites à la suite de cet événement.

[32]    Elles ont refusé de dire que l’enfant était menteuse, entre autre chose, alors que le comportement démontre qu’elles avaient cette prémisse en tête, lors de leurs interventions.

[33]    Elles sont bien expliquées à partir des tests effectués et du contenu de ses rencontres.

[34]    Même si ceux qui doivent ensuite gérer cette intimidation ne la reconnaissent pas.

[35]    Voir à titre d’exemple, D-9, pages 38 et 44, où l’expert donne ses impressions sur Madame Labrie, impressions qui ne lient pas le Tribunal, par rapport à ce témoin.

[36]    Qui n’en sont pas les parents.

[37]    Leurs parents, comme tuteurs.

[38]    Voir D-9, page 20, sur l’état de l’enfant.

[39]    Nous faisons référence à la responsabilité des parents, et non à celle des surveillants dans les écoles, pour le moment.

[40]    À la lumière des faits portés à sa connaissance.

[41]    [...]

[42]    Au moment du jugement, elle est devenue majeure, depuis [...] 2019.

[43]    Qu’ils contestent être de l’intimidation.

[44]    Elle explique toutefois qu’elle a réalisé qu’ils ne la croyaient jamais, d’où le fait de ne pas tous les  rapporter, à un certain moment.

[45]    Avec la psychoéducatrice, lors de la première rencontre de février 2011, qui est intervenue dans un contexte particulier au cours duquel Madame Lauzon a insisté sur l’importance de dire la vérité et a également vérifié si l’enfant était certaine que les faits rapportés étaient bel et bien de l’intimidation.

[46]    Tout particulièrement pour ce qui est de la psychoéducatrice qui est intervenue auprès de l’enfant, sur un sujet aussi subtil.

[47]    Ce commentaire résulte du témoignage de Monsieur Lafortune, qui a précisé qu’à l’époque où il est impliqué, qu’il y avait un suivi quotidien et « beaucoup de documentation » échangée avec Madame Mageau, avec qui il entretient des relations. Voir interrogatoire au préalable de Lafortune, pages 30, 92 et 93. La preuve de tels échanges n’a pas été présentée, ce qui est préoccupant.

[48]    Quand elle témoigne, elle déclare « on a rephrasé » puis ensuite corrige rapidement par « J’ai rephrasé », lorsqu’elle commente les notes exhibées. C’est à ce moment qu’elle rougit et devient manifestement mal à l’aise. C’est d’ailleurs la seule enseignante qui déclare avoir été mise au courant de l’intimidation subie par X, parmi  les enseignants spécialisés. Sa note confirme une intimidation de l’enfant, au 20 septembre 2010.

[49]    Ce qui est nié plus tard.

[50]    En rétrospective, cela s’explique par le fait que les défendeurs considéraient qu’elle n’était pas victime d’intimidation, tel qu’ils le confirmeront lors de l’audition.

[51]    Interrogatoire au préalable de Majeau, 27 juin 2014, pages 29-30.

[52]    Difficulté d’arrimer l’agenda de plusieurs intervenants qui doivent y participer, incluant la psychologue Racicot, que la mère veut impliquer au dossier, car c’est la psychologue qui suit l’enfant, depuis le début de l’année.

[53]    Il fallait voir l’émotion palpable lors de son témoignage, lorsqu’elle a précisé qu’elle avait déclaré aux défendeurs que son fils était aussi victime d’intimidation de la part des élèves intimidateurs identifiés par X, ainsi que son émotion, lorsqu’elle s’est fait dire que sa présence n’était plus requise pour accompagner les étudiants lors d’une sortie scolaire à laquelle elle avait toujours participé depuis des années.

[54]    C’est ce que le témoin M... a dénoncé lors de son intervention, pour laisser savoir à l’école que X n’était pas la seule à se faire intimider par ce groupe d’enfants ou par d’autres enfants : son fils était visé par cette problématique.

[55]    Les experts ont élaboré sur ce sujet et les autorités citées dans ce jugement font état de cette préoccupation.

[56]    Même chose pour le directeur Lafortune.

[57]    Lors du prononcé du jugement, le Tribunal a dit le nom de Majeau, à cet endroit, mais il s’agissait d’un lapsus que nous avons corrigé, car Madame Majeau n’était pas impliquée dans cet incident.

[58]    Deux ans auparavant, tout de même.

[59]    L’expert Desbiens qualifie le geste d’impulsif et agressif, et de violence physique. X déclare qu’elle n’a fait qu’un regard qui en disait long sur le fait qu’elle ne trouvait pas la coupe de Z belle. Labrie déclare que Z a dit que X avait verbalisé que la coupe n’était pas belle (ouï-dire), car l’enseignante n’a pas été témoin, elle s’est fait raconter l’incident après le coup de boîte à lunch, mais l’enseignante n’a pas cru X, mais plutôt Z, déclarant que X lui avait admis avoir prononcé des paroles. L’enseignante a traité les deux événements de manière similaire, par des excuses. 

[60]    Des avertissements émis conformément au Code de vie, que les élèves et l’École s’engagent à appliquer en cas d’incidents au cours desquels le comportement des enfants est inadéquat.

[61]    Les autres professeurs qui enseignent à l’enfant (cours spécialisés, lors desquels il s’est passé des incidents) et les surveillants lors des récréations.

[62]    Même le protecteur de l’élève tait favorable à ce changement, auquel la Commission scolaire s’objectait.

[63]    L’agent Leclerc, de la SQ, a d’ailleurs témoigné que c’était la première fois que son aide avait été refusée.

[64]    Il en est de même de la gestion de l’incident des poches et des élastiques. La directrice Majeau a suspendu les élèves, elle leur a fait signer une carte d’excuses, (même si le contenu n’est pas très convaincant, ce qui n’est pas sa faute), et les enfants agresseurs ont dû faire des séances avec la psychoéducatrices Lauzon. Une présentation de l’agent Leclerc a été faite aux étudiants, en classe, et les parents des enfants ont évidemment été avisés, après le fait.

[65]    Ainsi que conforme au programme Au cœur de l’Harmonie.

[66]    4 mois, selon l’agent Leclerc.

[67]    Celle de Lafortune, en décembre et celle de la SQ, en décembre.

[68]    Rencontres en septembre et décembre 2010 entre la mère, Labrie et Majeau, de même que rencontre du 10 janvier 2011, avec le père.

[69]    Les enseignantes spécialisées ont témoigné et elles ont toutes confirmé qu’elles n’ont jamais été informées que X alléguait être ou était intimidée par le groupe des 5 enfants. La preuve a été faite par l’enseignante Sanders, entre autres, lors de l’épisode des poches et des élastiques, car le fait qu’elle ignorait la problématique vécue par l’enfant explique pourquoi elle n’a informé la directrice de l’incident que quelques jours plus tard. La preuve en est aussi faite par la colère de la directrice Majeau à l’endroit de Sanders lorsque cette dernière l’a informée, car elle savait alors que les parents étaient au courant et que cela risquait de mettre au grand jour le fait que contrairement à ses représentations aux parents, elle n’avait jamais avisé les enseignants de la problématique d’intimidation qu’ils auraient dû surveiller, afin de prévenir des gestes additionnels.

[70]    Cette position a été réitérée dans les interrogatoires, dans les procédures, et à l’audition.

[71]    O'Brien c. P.G. du Québec, [1961] R.C.S. 184, p. 187; Hubert c. Commission scolaire régionale de Vaudreuil-Soulanges, C.Q., [1992] R.R.A. 524, p. 8, 9 a contrario; Chiasson c. Commission scolaire des Découvreurs, 2017 QCCS 1835, par. 44 à 50; Jean-Louis BEAUDOIN et Patrice DESLAURIERS, La responsabilité des éducateurs, des gardiens et surveillants, «La Responsabilité civile», vol. 1, 8e édition, Éditions Yvon Blais, 2014, EYB2014RES72, P. 5, par.1-797, 798;

[72]    R. c. B. (G.), [1990] 2 R.C.S. 30; [...].

[73]    Dans son témoignage, Madame Majeau déclare avoir discuté et rencontré « les » enseignantes de X, à certains moments, notamment, après l’appel de la SQ. Nous tirons une inférence de l’absence de mémoire des enseignantes et de la directrice sur le fait même d’avoir eu cette réunion, ainsi que sur ce qui s’est dit, à ce moment, surtout que Majeau déclare qu’il y avait une impasse et une crise, à ce moment-là. Voir par analogie Commission scolaire des Hautes-Rivières et Syndicat du personnel de soutien des Hautes-Rivières*, 2014 QCTA 85, par. 129.

[74]    L’enfant déclare aussi qu’elle ignorait que sa mère avait fait un tel appel et qu’elle a été surprise du fait que son enseignante s’en prenne à elle, alors qu’elle n’était même pas au courant des faits et gestes de sa mère.

[75]    Il comporte une menace que si l’enfant se plaint de quoi que ce soit, les choses vont mal aller pour elle. Comment peut-elle ensuite faire confiance lorsqu’un autre enfant l’intimide?

[76]    Au motif qu’il fallait qu’elle s’occupe de faire prendre le rang aux enfants, selon l’une de ses versions, ou au motif que l’enfant n’a pas voulu de son aide malgré son état, ce qui est invraisemblable, selon nous. De plus, une photo de classe prise peu de temps après, montre une ecchymose au-dessus de la lèvre de l’enfant.

[77]    Lorsqu’elle le faisait, ce qui n’était pas à tout coup.

[78]    La note se termine par « c’est difficile de la prendre au sérieux, car elle invente beaucoup. » Voir pièce D-1b).

[79]    D’ailleurs le procureur des défendeurs a contre-interrogé X à l’audience, pour tenter de lui faire admettre qu’elle-même se présentait comme une princesse sur les réseaux sociaux, ce qui n’a pas fonctionné, car la mention à laquelle il référait émanait de quelqu’un d’autre que X. L’on voit que cette thématique occupait une place importante dans la défense, et visait à faire mal paraître l’enfant, ou, du moins, à démontrer que la perception des défendeurs de l’enfant, était fondée, alors que cela n’avait rien à voir avec la gestion des problèmes qu’elle a connus au cours de sa 4e année.

[80]    Sur les trous de mémoire, ils ne sont pas pires que ceux de l’enseignante Labrie et de la directrice Majeau, surtout lors des interrogatoires au préalable. Nous suivons les enseignements de la cour suprême dans R. c. B. (G.), [1990] 2 R.C.S. 30, par. 54 et 55; [...].

[81]    Elle parlait de l’enseignante Labrie.

[82]    Elle le fait avant les fêtes 2010, puis lorsque la psychoéducatrice Lauzon intervient, en février 2011.

[83]    X est une enfant princesse à qui tout est dû et qui s’attire des ennuis, par son comportement, et c’est un « panier percé » (expression utilisée par Labrie avec la mère de l’enfant, lors d’une rencontre) qui bavasse. Sa mère critique sans raison notre travail et elle s’immisce sans raison dans notre façon de gérer les conflits entre élèves.

[84]    La preuve révèle que l’enseignante Labrie est piquée au vif dès le premier contact de la mère à la suite du 14 septembre : elle implique immédiatement la directrice, pour lui venir en renfort.

[85]    La mètre avait spécifiquement demandé à être rencontrée au préalable, craignant qu’un tel biais lui soit transmis, vu sa perception des derniers mois.

[86]    488 000 $ pour harcèlement, intimidation, atteinte à son intégrité physique et psychologique, atteintes à ses droits fondamentaux, de tous les défendeurs plus 40 000 $ de dommages punitifs contre chacun des défendeurs.

[87]    Comme cesser de harceler, d’intimider l’enfant, et cesser toute intervention ou commentaire de nature à porter atteinte aux droits fondamentaux de l’enfant.

[88]    Voir par analogie Commission scolaire des Hautes-Rivières c. Rondeau, 2015 QCCS 4085, par. 48.

[89]    Charbonneau c. Commission scolaire des Portages-de-l'Outaouais*, 2011 QCCS 5951, par. 40; X c. Commission scolaire des Portages-de-l'Outaouais, 2013 QCCA 1089, par. 32; Conseil de l'éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., district 15, [1997] 1 R.C.S. 487, pages 511 à 513, 524 et 525.

[90]    Sirois c. Tremblay*, C.S., 2010 QCCS 1884, par.34; Bouchard c. Ville de Val-d'Or, C.S., 2017 QCCS 2942, par.117, 148, 149; Boivin c. Pelletier, 2006 QCCQ 55, par. 67, 68, 79 ,80; Labarre c. Turmel, 2015 QCCQ 9621, par.89 à 96.

[91]    Une « petite princesse », une « enfant trop gâtée » et « capricieuse » selon ce que l’enseignante Desautels a rapporté des propos tenus par Madame Labrie, à titre d’exemples. Les témoins Saunders et Gauthier ont aussi rapporté comment elles ont perçu les propos de Labrie à l’endroit de l’enfant.

[92]    Le témoignage de l’enseignante de l’École Euréka est aussi complètement différent de celui que nous avons entendu et perçu lors de ce procès. Madame Duhamel déclare qu’elle set fait dire par la directrice de son école (Madame Daigle), que X était une « enfant à problèmes », il qu’il fallait « y faire attention », mais que son expérience avec l’enfant et la mère, a été bonne.

[93]          1 000 $ par mois, pour dix (10) mois; le montant est moindre que celui de sa fille, puisqu’elle n’est pas victime de première ligne.

[94]          L’octroi repose sur les atteintes (intentionnelles) à son honneur et sa dignité, lorsqu’on lui a présenté un contrat ayant pour effet de lui retirer son autorité parentale, d’une certaine façon, contrat qui a été jugé illégal par le personnel de la Commission scolaire, par la suite (mais le mal était fait).

[95]          Aucune preuve justifiant de les émettre n’a été présentée et elles sont de trop large portée.

[96]          Puisque non fondée, à la lumière des motifs de ce jugement, et parce que le quantum n’est pas établi (les honoraires du frère de la demanderesse T...: aucune preuve de paiement conforme à la règle de la meilleure preuve et pour les autres: seuls les comptes établissant des heures, des tarifs, sans aucun détail permettant au Tribunal de contre vérifier que les services ont été rendus seulement en lien avec le dossier, ni la raisonnabilité desdits honoraires, par rapport à la chronologie des procédures.

[97]          Puisque les circonstances énoncées dans ce jugement n’ouvrent pas la porte à un tel type de condamnation.

[98]          Aucun fait particulier ne justifie de donner suite à cette demande, selon l’état du droit, et selon les dispositions du Code de procédure civile donnant droit à une telle conclusion.

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