Décision

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Décision

Nisanov (Yagoudayeo) c. Krauzs

2017 QCRDL 22374

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

223844 31 20150623 G

No demande :

1777626

 

 

Date :

12 juillet 2017

Régisseure :

Sophie Alain, juge administrative

 

ANGELA NISANOV (YAGOUDAYEO)

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

ASHER KRAUZS

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N   I N T E R L O C U T O I R E

 

 

[1]      La locataire poursuit Asher Krauzs pour obtenir le remboursement d’une somme payée en trop et des dommages moraux à la suite d’une infestation de punaises de lit.

[2]      Bien que convoqué à l’audience et dûment appelé, Asher Krauzs est absent. La preuve n’est donc pas contestée. Néanmoins, le Tribunal n'abdique pas pour autant son rôle d'enquête et a le devoir d'analyser la preuve objectivement.

[3]      D’entrée de jeu, le Tribunal soulève l’absence de preuve pour engager la responsabilité d’Asher Krauzs car le bail produit indique que le locateur est Normand Lussier.

[4]      Il fut donc autorisé à la locataire de produire après l’audience, la documentation pertinente à cet égard.

[5]      Le 24 mai 2017, la locataire transmet la documentation faisant état que le ou vers le 28 juillet 2014, l’immeuble où se situe le logement fut vendu à 9273-1652 Québec Inc.

[6]      Selon le site Internet du Registraire des entreprises du Québec, Asher Krauzs est actionnaire, administrateur et dirigeant de 9273-1652 Québec Inc.

Qualité du défendeur

[7]      D’abord, l’intérêt juridique peut être soulevé de la propre initiative d’un tribunal sans qu’une demande ait été faite (proprio motu)[1].

[8]      Puisque l'immeuble où se situe le logement occupé par la locataire a été vendu, en vertu de l'article 1937 du Code civil du Québec (C.c.Q.), le nouveau locateur a, envers la locataire, les mêmes droits et obligations résultant du bail alors en vigueur.

[9]      En l’instance, la locataire n’a fourni aucun bail ni avis du nouveau locateur[2] où la partie poursuivie s’identifiait comme locateur.

[10]   Par conséquent, le Tribunal estime que le nouveau propriétaire, 9273-1652 Québec Inc., devient le locateur.


[11]   Or, le défendeur actuel n’a manifestement pas d’intérêt juridique pour être poursuivi vu la personnalité juridique distincte de la personne morale qui doit être respectée.

[12]   La demande de la locataire est donc dirigée contre le mauvais défendeur qui n’est pas locateur; il n’existe donc pas de lien de droit contractuel avec elle.

Amendement permis

[13]   Cependant, le Tribunal n’estime pas cette erreur fatale et permettra l’amendement[3] pour les raisons suivantes.

[14]   La mission du tribunal de la Régie du logement étant l’accès à la justice, il est essentiel que les règles de procédures demeurent souples et exemptes de formalisme. En effet, en simplifiant le processus judiciaire, l’accès à la justice s’en trouve facilité[4].

[15]   L'article 2 du Règlement de procédure devant la Régie du logement[5] (ci-après Règlement) énonce que l'inobservance d'une règle de procédure ne peut affecter le sort de celle-ci. L'intention du législateur favorise donc de remédier à une irrégularité lorsque possible.

[16]   D’ailleurs, l’amendement est la règle et peut être autorisé en tout temps avant le jugement si sa pertinence est établie, ce qui ne fait aucun doute en l’instance.

[17]   Un amendement clarifiant l'identité du locateur suffirait à régulariser la situation, comme le permet les articles 18 à 21 du Règlement.

[18]   Le Tribunal est aussi d’avis que la locataire, qui se représente seule, a effectué une erreur de bonne foi.

[19]   Également, l'article 168 du Code de procédure civile[6] prévoit qu’un tribunal peut accorder un délai pour corriger une situation comme celle en l’instance :

168. […]

La partie contre laquelle le moyen est soulevé peut obtenir qu’un délai lui soit accordé pour corriger la situation mais si, à l’expiration de ce délai, la correction n’a pas été apportée, la demande ou la défense est rejetée.

[…] [Soulignement ajouté]

[20]   D’ailleurs, par exemple, comme le rappelait récemment la Cour d’Appel dans la décision Fiducie résidentielle LRSTM c. Constructions Masy inc.[7], l'amendement pour corriger le nom de la fiducie par le fiduciaire peut être autorisé étant donné qu’une telle modification n’entraîne aucun préjudice à quiconque.

[21]   Dans le meilleur intérêt de la justice et pour éviter de retarder inutilement l’audition d’une demande introduite en 2015, le Tribunal permet à la locataire d'amender sa procédure et de notifier le tout à la compagnie locatrice, et ce, dans un délai de 30 jours de la présente décision. Si la locataire ne s’exécute pas dans ce délai, la demande sera rejetée.

[22]   Finalement, le Tribunal ne considère pas que le véritable locateur en soit préjudicié vu le délai supplémentaire dont peut bénéficier un demandeur en vertu de l’alinéa 1 de l’article 2895 du Code civil du Québec.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[23]   CONSTATE l’absence de lien de droit avec Asher Krauzs qui n’est pas le locateur;

[24]   AUTORISE la locataire à procéder à l’amendement de sa procédure pour corriger la désignation de la partie défenderesse, et ce, dans un délai de 30 jours de la présente décision;


[25]   RÉFÈRE le dossier au maître des rôles pour la convocation des parties si la demande est dûment amendée.

 

 

 

 

 

 

 

 

Sophie Alain

 

Présence(s) :

le mandataire de la locataire

Date de l’audience :  

9 mai 2017

 

 

 


 



[1]    Comme le rappelle la Cour d’Appel dans l’affaire Montréal (Ville de) c. Montréal-Ouest (Ville de), 2009 QCCA 2172.

[2]    Conformément aux articles 1908 et 1641 C.c.Q.

[3]    Santos c. Société de gestion Cogir inc., 2015 QCRDL 17031; Monsanto c. Société de gestion Cogir, 2013 QCRDL 28905; Doleux c. Société Cogir, 2014 QCRDL 38332; Lebovits c. Danway Montréal, 2010 QCRDL 16664; Mustea c. Habitations populaires Laval-des-Rapides, 2016 QCRDL 29392.

[4]    Règlement sur la procédure devant la Régie du logement, RLRQ, R-8.1, r. 5, article 1.

[5]    RLRQ, R-8.1, r. 5.

[6]    RLRQ C-25.01.

[7]    2017 QCCA 856.

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