| Ferragne c. Paschalidis | 2016 QCRDL 12780 | 
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 RÉGIE DU LOGEMENT | ||||||
| Bureau dE Salaberry-de-Valleyfield | ||||||
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| No dossiers : | 187158 27 20141127 G 252395 27 20151223 G | No demandes : | 1631090 1900180 | |||
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| Date : | 08 avril 2016 | |||||
| Régisseure : | Anne-Marie Forget, juge administrative | |||||
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| Jacques Ferragne 
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| Locateur - Partie demanderesse (187158 27 20141127 G) Locateur - Partie défenderesse (252395 27 20151223 G) | ||||||
| c. | ||||||
| Elefteria Paschalidis | 
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| Locataire - Partie défenderesse (187158 27 20141127 G) Locataire - Partie demanderesse (252395 27 20151223 G) | ||||||
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| D É C I S I O N
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[1] Le Tribunal est saisi de deux demandes:
[2] D’abord, celle émanant du locateur (187158), produite le 27 novembre 2014 et consistant initialement en une réclamation pour recouvrement du loyer dû, ayant été amendée le 6 janvier 2016 afin de réclamer une indemnité de relocation et des dommages à la suite du départ de la locataire.
[3] Ensuite, celle de la locataire, produite le 23 décembre 2015, demandant de résilier son bail en date du 1er novembre 2014 en raison d’un logement devenu impropre à l’habitation.
[4]       Les
deux demandes ont été réunies aux fins d’enquête et audition commune,
conformément à l’article 
Les faits pertinents
[5] Afin de décider du présent litige, le tribunal retient de la preuve administrée là l’audience les éléments factuels qui suivent.
[6] Les parties ont été liées par un bail reconduit du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015, au loyer de mensuel de 715 $.
[7] Le logement en litige est situé dans un immeuble comportant 6 logements et la locataire en a auparavant été la propriétaire (avec son frère et sa sœur), et ce, jusqu’au mois d’octobre 2013, date à laquelle le locateur en a fait l’acquisition.
[8] Les premiers faits ayant conduit au présent litige débutent à l’été 2014, alors que la locataire et son conjoint, Jeremy Racine, informent le locateur qu’ils vont aller vivre ailleurs et qu’ils désirent en conséquence résilier leur bail avant la fin de son terme. Ils ont formulé une proposition d’entente à l’amiable pour ce faire, mais celle-ci a été déclinée par le locateur.
[9] Un échange de courriels entre les parties en date du 30 août 2014 et produit en preuve démontre que le locateur a informé la locataire qu’elle demeurerait responsable de son bail jusqu’au 30 juin 2015, mais qu’il avait déjà installé une affiche à louer devant le logement et qu’il allait tenter de le relouer dès que possible. Il invite également la locataire à procéder par voie cession de bail si elle trouve des candidats potentiels dont l’enquête de crédit sera adéquate. Il demande par ailleurs une série de chèques postdatés afin de couvrir le paiement du loyer jusqu’à la relocation ou la cession.
[10] La locataire dans sa réponse indique notamment qu’ils vont déménager le 3 ou le 4 septembre 2014 en laissant les lieux propres et en bon état pour que le locateur puisse prendre des photos afin de les publier dans son offre de location. Par ailleurs elle lui fait part que certaines réparations sont à faire dans le logement.
[11] Elle accepte également de faire parvenir des chèques postdatés au locateur en même temps que le loyer du mois de septembre.
[12] Dans les semaines suivantes, les parties ont chacune de leur côté fait des démarches pour relouer le logement, la locataire référant pour sa part au locateur des candidats intéressés via une annonce placée sur Kijiji et ce dernier faisant de même, tout en s’échangeant des messages de suivis par messages texte.
[13] En parallèle, le locateur procède à rafraîchir le logement et à y faire certaines réparations. Il s’aperçoit alors que des tuiles de céramique de la salle de bains semblent instables. Il procède à leur enlèvement et découvre que le mur se trouvant derrière est pourri en raison d’infiltrations d’eau, à la fois par des tuiles brisées ainsi que par un manque d’étanchéité de la fenêtre. Des travaux plus importants que prévu devront être faits. Il en informe d’ailleurs la locataire dans un courriel daté du 17 septembre 2014.
[14] Le 28 octobre 2014, la locataire répond au locateur qu’elle a contacté la Régie du logement et que suite aux informations obtenues, elle demande à être libérée des obligations découlant de son bail et que sa demande visant à obtenir des chèques postdatés est illégale.
[15] Elle soutient également dans ladite lettre que les travaux majeurs qu’il a entrepris sans avis préalable ont rendu le logement invivable et l’ont empêchée de le montrer à des candidats potentiels.
[16] Elle l’avise de plus qu’elle lui donne jusqu’au 7 novembre 2014 pour la libérer de son bail, qu’à défaut elle déposera une demande à son encontre et finalement qu’elle ne paiera pas le loyer de novembre. Le 10 novembre 2014, le locateur répond à la locataire et conteste l’entièreté de ses allégations.
[17] Les communications sont ensuite rompues et le 27 novembre 2014, le locateur dépose une demande afin de recouvrir le loyer impayé.
[18] Pratiquement 1 an plus tard, soit le 23 décembre 2015, la locataire dépose sa demande visant à obtenir la résiliation du bail d’un logement impropre à l’habitation.
[19] De son côté, le locateur témoigne que logement a été reloué au pour le 1er mars 2015 et réclame 2 860 $ pour la perte de quatre mois de loyer (incluant le loyer de novembre 2014).
[20] Le locateur réclame aussi les frais d'énergie (328,29 $) ainsi que les frais d’enquête de crédit (62,45 $), factures à l’appui.
[21] Il explique qu’il lui a fallu plusieurs tentatives pour relouer le logement, les premiers locataires potentiels n’ayant pas, selon les résultats des enquêtes, la solvabilité suffisante.
[22] Le locateur réclame également 1 358,38 $ en dommages matériels, représentant les matériaux et la main-d’œuvre pour la réfection de la salle de bains.
[23] La locataire, en raison du fait qu’elle demande que le bail soit résilié en sa faveur en raison de l’inhabitabilité du logement, conteste devoir quelques loyer et/ou indemnité de relocation au locateur.
[24] Pour ce qui est de l’état des lieux à son départ, elle affirme que le logement était en bon état et très propre, qu’elle n’a autorisé aucuns travaux sauf en ce qui concerne la peinture et qu’elle n’est responsable d’aucune détérioration. Son témoin, Elene Racine, corrobore ses dires quant à l’état du logement.
[25] La locataire ajoute de plus que le l’acte de vente de la propriété a été fait sans la garantie légale de qualité.
[26] Ainsi, peut-on résumer l’essentiel de la preuve administrée à l’audience relativement aux éléments pertinents à considérer pour décider du présent litige.
ANALYSE ET DÉCISION
[27] La question à laquelle le tribunal doit répondre en premier lieu est la suivante :
[28] Est-ce que le logement concerné était devenu impropre à l’habitation, justifiant la résiliation du bail?
[29]   En premier lieu, il
est pertinent de rappeler que selon les dispositions des articles 
« 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée».
« 2804. La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante».
« 2845. La force probante du témoignage est laissée à l'appréciation du tribunal. »
[30] Les auteurs Nadeau et Ducharme ont analysé, dans leur Traité de droit civil du Québec, les conséquences de l'absence de preuve ou de son insuffisance[1] :
« Celui sur qui repose l'obligation de convaincre le juge supporte le risque de l'absence de preuve, c'est-à-dire qu'il perdra son procès si la preuve qu'il a offerte n'est pas suffisamment convaincante ou encore si la preuve offerte de part et d'autre est contradictoire et que le juge se trouve dans l'impossibilité de déterminer où se trouve la vérité ».
[31] Il appartient donc au Tribunal d'apprécier la preuve présentée et en évaluer la force probante afin de déterminer si l'existence d'un fait qu'on désire mettre en preuve est plus probable que son inexistence.
[32]   La demande de la
locataire est fondée sur les articles 
« 1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail.
Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l'usage pour lequel il est loué, et de l'entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail.»
« 1913. Le locateur ne peut offrir en location ni délivrer un logement impropre à l'habitation.
Est impropre à l'habitation le logement dont l'état constitue une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité des occupants ou du public, ou celui qui a été déclaré tel par le tribunal ou par l'autorité compétente.»
[33] Dans leur ouvrage analysant l'état de la jurisprudence en 1989, les auteures Thérèse Rousseau Houle et Martine de Billy[2] élaborent ainsi les critères permettant de déterminer le caractère impropre d'un logement :
« Quant à la preuve de la menace sérieuse à la santé et à la sécurité, cette preuve doit démontrer un certain caractère objectif.
Certaines décisions ont établi que le critère d'inhabitabilité devait être déterminé selon un critère objectif. On doit se demander s'il est possible pour une personne ordinaire de vivre dans les conditions décrites et non si la personne qui se plaint peut vivre dans de telles conditions. »
[34] Une telle analyse fut confirmée par le juge Jean-Guy Blanchette de la Cour du Québec dans une décision rendue en 1990[3] alors qu'il indiquait :
« Selon la jurisprudence, pour évaluer si l'impropreté d'un logement à habitation constitue une menace sérieuse pour la santé, la Cour doit procéder à ladite évaluation d'une façon objective et se demander si une personne ordinaire peut vivre objectivement dans les conditions exposées lors de l'audition. Ce ne sont pas les appréhensions subjectives ni l'état psychologique du locataire ou des occupants qui doivent prévaloir, mais bien la situation ou l'état des lieux compris et analysé objectivement lors de la prise de décision du déguerpissement et en cette matière, selon la jurisprudence, le fardeau de la preuve incombe au locataire qui revendique le droit au déguerpissement. »
[35] Ces principes ont été repris par la suite, le tout tel qu'il appert des extraits suivants d'une décision du juge administratif Gérald Bernard[4].
« Le tribunal doit dès à présent indiquer que l'état d'inhabitabilité ou d'insalubrité du logement n'est pas fonction de critères subjectifs, de crainte appréhendée ou de possibilité théorique. Un logement impropre à l'habitation doit être déclaré tel à la lumière de critères objectifs qui permettent de déceler clairement des signes ou facteurs réels et évidents de danger, de nocivité et de toxicité ou que le logement est l'objet d'une éventualité ou d'un évènement pouvant causer des dommages au logement ou des blessures aux personnes qui y habitent. Il faut plus qu'une simple appréhension et plus qu'une simple crainte subjective. »
[36] En l'instance, il appartenait à la locataire de prouver au moyen d'une preuve objective, crédible et probante que le logement était en mauvais état d'habitabilité ou encore était devenu impropre à l'habitation, justifiant ainsi la résiliation du bail
[37]   L'article 
[38] Après analyse et délibération, le Tribunal juge que la locataire ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve.
[39] Il est d’ailleurs clair que lors du départ de la locataire, le logement n’était pas impropre à l’habitation.
[40] Force est d'admettre que le Tribunal n'a pas eu de preuve convaincante, voire probante de la locataire, afin que celui-ci puisse considérer ce logement comme devenu impropre à l'habitation en raison des travaux effectués dans la salle de bain. Qui plus est, celle-ci n’a mis en preuve aucune expertise à l’appui de sa demande et identifiant un contaminant ou toute autre situation susceptible de constituer une menace sérieuse à la santé ou à la sécurité.
[41] D’ailleurs, il ne s’agit pas ici d’un cas d’abandon des lieux, la locataire étant déménagée pour un tout autre motif, ayant trouvé simplement un autre endroit pour se loger.
[42] En réalité, ce que la locataire reproche au locateur, c’est d’avoir été empêchée de pouvoir sous-louer ou céder son bail en raison des travaux que le locateur a entrepris dans la salle de bains. Or, la prépondérance de la preuve administrée à l’audience ne peut soutenir une telle prétention.
[43] En vertu de ce qui précède, le tribunal ne peut conclure que le logement était impropre à l’habitation et résilier le bail aux torts du locateur. La demande de la locataire se doit d’être rejetée.
[44] Cette conclusion scelle donc le sort quant à ses arguments en défense quant à la demande de recouvrement de loyer et de l’indemnité de relocation.
[45] Le Tribunal est d’ailleurs satisfait des explications données par le locateur concernant la période qui s’est écoulée entre le départ de la locataire et la relocation. Il lui accorde donc le montant réclamé.
[46] Il en va de même concernant les frais d’énergie et les enquêtes de crédit.
[47] Quant aux pertes et dégradations, la preuve est insuffisante pour conclure que la locataire est responsable des dommages causés à la salle de bain en raison des infiltrations d’eau, ou encore qu’elle est la cause de l’aggravation de ceux-ci en n’ayant pas dénoncé la situation en temps utile.
[48] Il est opportun de souligner ici que le régime juridique sur lequel est basé le recours du locateur est celui d’un litige découlant d’une relation contractuelle entre un locateur et un locataire et non pas celle entre un acheteur et un vendeur.
[49]   Bien que dans le
présent cas ces deux relations ont existé entre les parties, le tribunal n’a
pas le pouvoir de se prononcer sur une réclamation qui apparait relever davantage
de la garantie légale de qualité prévue aux articles 
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
Sur la demande de la locataire (187158) :
[50] CONSTATE la résiliation du bail au tort de la locataire;
[51] REJETTE la demande.
Sur la demande du locateur 187158 G :
[52] ACCUEILLE en partie la demande du locateur;
[53] CONSTATE la résiliation du bail;
[54]  
CONDAMNE la locataire à payer au locateur la somme de 3 250,74 $,
plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article
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 Anne-Marie Forget | ||
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| Présence(s) : | le locateur le locataire | ||
| Date de l’audience : | 9 février 2016 | ||
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[1] Nadeau, André et Ducharme, Léo, Traité de droit civil du Québec, Volume 9, 1965, Montréal, Wilson & Lafleur, pages 98-99.
[2] Rousseau-Houle Thérèse et De Billy Martine, Le bail de logement : Analyse de la jurisprudence, Wilson & Lafleur Ltée, 1989, Montréal, p.120.
[3]
Gestion immobilière Dion, Lebeau inc. c. Grenier, Cour du Québec,
450-02-000251-903, 
[4] Jocelyne Gagnon c. André Couture, R.L. Rimouski, 06-040922-010G, le 07 juin 2006.
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