Décision

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Organisation de la jeunesse Chabad Loubavitch c. Ville de Mont-Tremblant

2022 QCCA 1331

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-10-007246-190

(700-36-001304-178)

 

DATE :

 29 septembre 2022

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

FRANÇOIS DOYON, J.C.A.

GENEVIÈVE COTNAM, J.C.A.

STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A.

 

 

ORGANISATION DE LA JEUNESSE CHABAD LOUBAVITCH

APPELANTE – défenderesse

c.

 

VILLE DE MONT-TREMBLANT

INTIMÉE – poursuivante

 

 

ARRÊT

 

 

[1]                L’appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 28 novembre 2019 par la Cour supérieure, chambre criminelle et pénale, district de Terrebonne (l’honorable Chantal Masse), qui rejette l’appel du jugement rendu le 20 février 2017 par l’honorable Michel Lalande de la Cour municipale de Mont-Tremblant, lequel rejette sa demande en déclaration d’inopposabilité du règlement de zonage de l’intimée, la déclare coupable d’avoir pratiqué l’usage dérogatoire de Bâtiment de culte et la condamne à payer une amende de 800 $ avec frais.

[2]                Pour les motifs du juge Sansfaçon ainsi que les motifs de la juge Cotnam, auxquels souscrit le juge Doyon, LA COUR :

[3]                ACCORDE la permission d’appeler à l’égard du moyen de droit formulé aux paragraphes 28 et 29 de la requête pour permission d’appeler et, lequel est fondé sur les articles 15 de la Charte canadienne et 10 de la Charte québécoise;

 

[4]                REJETTE l’appel, avec les frais de justice.

 

 

 

 

 

FRANÇOIS DOYON, J.C.A.

 

 

 

 

 

GENEVIÈVE COTNAM, J.C.A.

 

 

 

 

 

STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A.

 

Me Éric Azran

Me Marjorie Bouchard

Me Patrick Girard

STIKEMAN ELLIOTT

Pour l’appelante

 

Me Carl Éric Therrien

THERRIEN LAVOIE AVOCATS

Pour l’intimée

 

Date d’audience :

23 septembre 2021


 

 

MOTIFS DU JUGE SANSFAÇON

 

 

[5]               L’appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 28 novembre 2019 par la Cour supérieure, chambre criminelle et pénale, district de Terrebonne (l’honorable Chantal Masse)[1], qui rejette l’appel du jugement rendu le 20 février 2017 par l’honorable Michel Lalande de la Cour municipale de Mont-Tremblant[2], lequel rejette sa demande en déclaration d’inopposabilité du règlement de zonage de l’intimée, la déclare coupable d’avoir pratiqué l’usage dérogatoire de Bâtiment de culte et la condamne à payer une amende de 800 $ avec frais.

[6]               Le litige porte sur l’opposabilité du Règlement (2008)-102 concernant le zonage le Règlement ») de l’intimée à l’égard de l’appelante qui exploite une synagogue dans son immeuble, une large résidence convertie à cette fin, au bénéfice de ses fidèles qui sont tous de confession juive orthodoxe, alors que cet usage y est prohibé par le Règlement de zonage de l’intimée dans la zone TO 820 où il est situé. Cette zone délimite essentiellement le centre de villégiature Tremblant, la Station Mont-Tremblant (« la Station »), lequel offre à sa clientèle de nombreuses activités de loisirs de niveau international dont le ski et le golf, plusieurs hôtels, un grand nombre de copropriétés résidentielles dont certaines sont louées à court terme, un casino, etc.

[7]               N’est pas contesté le fait que le Règlement n’est pas totalement prohibitif au sens du droit administratif, en ce qu’il autorise l’usage Bâtiment de culte dans 25 autres zones, toutes situées dans les limites de deux périmètres urbains, celui du centre-ville et celui du noyau villageois. La preuve non contestée a aussi démontré qu’il se trouve des terrains et locaux dans plusieurs de ces zones qui sont disponibles afin d’y ériger un bâtiment de culte ou d’être convertis à cette fin.

[8]                Toutefois, dû aux particularités des croyances des fidèles qui fréquentent la synagogue de l’appelante, dont celle voulant qu’ils ne puissent conduire ou autrement utiliser une voiture ou mode similaire de transport le jour du Sabbat, le fait que toutes ces zones ne sont pas situées à distance de marche raisonnable de la Station (le terrain disponible le plus près de la Station se situe à 4,7 kilomètres)[3] fait en sorte que les fidèles qui fréquentent la synagogue de l’appelante ne peuvent à la fois séjourner à la Station et se rendre à pied à une synagogue située dans une de ces autres zones le jour du Sabbat. L’appelante soutenait donc que le Règlement contrevient à l’article 2 a) de la Charte canadienne[4] ainsi qu’à l’article 3 de la Charte québécoise[5].

[9]               Tant le juge de la Cour municipale que la juge de la Cour supérieure ont conclu que le Règlement en litige n’entrave pas la liberté de religion des fidèles de façon plus que négligeable puisqu’il ne les empêche pas d’établir leur lieu de culte sur le territoire de la municipalité ni de s’y rendre à pied. La preuve montre la présence de terrains et locaux susceptibles d’être utilisés à des fins de culte et, à distance de marche de ceux-ci, d’hôtels dans lesquels ils peuvent séjourner et de terrains sur lesquels ils peuvent se construire une résidence, bien que situés dans des zones qui ne sont pas à distance raisonnable de marche de la Station.

[10]           En appel, l’appelante reprend ces moyens. Elle y ajoute un moyen qui n’a pas été présenté à la Cour municipale ni à la Cour supérieure, qui est que le caractère discriminatoire des dispositions réglementaires en cause contreviendraient aussi à l’article 15 de la Charte canadienne et à l’article 10 de la Charte québécoise. La demande pour permission d’appeler à l’égard de ce nouveau moyen a été déférée à la formation chargée d’entendre le pourvoi, pour y être plaidée à la fois sur sa recevabilité et sur le fond[6].  

[11]           Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que le Règlement en question entrave de façon plus que négligeable la liberté de religion de l’appelante et de ses fidèles, mais que cette restriction est justifiée dans le cadre d’une société libre et démocratique. Je suis aussi d'avis que ce Règlement ne contrevient pas aux articles 15 de la Charte canadienne et à l’article 10 de la Charte québécoise. Je propose donc le rejet de l’appel.   

Les faits

[12]           Les principaux faits retenus par le juge de la Cour municipale sont les suivants :

[6] Durant l’année 2006, une plainte est logée auprès de la poursuivante concernant la tenue d’un lieu de culte par la défenderesse à l’intérieur d’une unité de copropriété résidentielle située sur le site de la station touristique MontTremblant (la Station).

[7] Le service de l’urbanisme de la poursuivante mène son enquête, effectue des inspections des lieux et avise le révérend Mockin, représentant de la défenderesse, que le règlement de zonage en vigueur ne permet pas un tel usage à cet endroit.

[8] Toutefois, compte tenu des affectations prévues au schéma d’aménagement de la Municipalité Régionale de Comté des Laurentides (M.R.C.), une modification au plan d’urbanisme et au règlement de zonage de la Ville pouvant, à priori, être envisagée, la défenderesse est avisée de déposer auprès du service d’urbanisme une demande de changement d’usage, appuyée des documents requis, afin que l’on puisse vérifier si un tel changement est possible.

[9] Le dossier n’est jamais allé plus loin : Aucune demande de changement d’usage n’a été déposée, la défenderesse invoquant le fait qu’elle éprouvait de la difficulté à obtenir le consentement requis de la Station qui était, semble-t-il nécessaire.

[10] Un an plus tard, aucune nouvelle plainte n’ayant été déposée auprès de la Ville, le service de l’urbanisme ferme son dossier.

[11] Suivant le rapport du consultant en urbanisme Patrick LeBire, pièce D-1, il semble que les activités de la défenderesse à l’intérieur de cette unité de copropriété résidentielle se soient poursuivies jusqu’à l’automne 2011, moment de l’acquisition par la défenderesse de l’immeuble présentement en cause.

[12] Ce fait est également confirmé par le révérend Mockin lorsqu’il mentionne qu’après six années à être utilisée comme lieu de culte, l’unité de copropriété était devenue trop petite et qu’il fallait envisager la relocalisation du lieu de culte.

[13] Le révérend Mockin ajoute qu’à cette époque la défenderesse était à la recherche d’un endroit à distance de marche de la Station afin de pouvoir desservir la clientèle qui en fréquente les installations, les hôtels et les copropriétés résidentielles.

[14] Le révérend confirme que la clientèle de la défenderesse provient, à près de 80 % des utilisateurs des installations de la Station et qu’il n’y a pas d’intérêt à installer le lieu de culte ailleurs sur le territoire de la poursuivante.

[15] Il mentionne également que la clientèle qui fréquente le lieu de culte de la défenderesse veut pouvoir profiter des installations de la Station tout en ayant la possibilité d’avoir accès à un lieu de culte à distance de marche.

[16] Il importe également de souligner que le révérend Mockin admet, lors de son témoignage, que préalablement à l’acquisition de l’immeuble du Chemin Desmarais, aucune vérification n’a été faite de la légalité de l’usage qu’on entendait en faire et qu’il savait qu’un lieu de culte n’y était pas autorisé.

[17] C’est ainsi qu’en octobre 2011 la défenderesse procède à l’acquisition de l’immeuble de la rue Desmarais, situé dans la zone TO 820 suivant le règlement de zonage de la Ville.

[18] À l’intérieur de cette zone ne sont permis que les usages «habitation unifamiliale H-1», «bi-familiales H-2» et de «commerces d’hébergement C-8», soit les résidences touristiques, les gîtes du passant ou les auberges d’un maximum de 12 chambres.

[19] Le 7 décembre 2012, par l’intermédiaire de son consultant, l’urbaniste Patrick LeBire, la défenderesse dépose auprès de la poursuivante une demande de modification du règlement de zonage affectant la propriété de la rue Desmarais afin d’y permettre l’usage «lieu de culte».

[20] Le projet consiste à «permettre à la clientèle locale et touristique de bénéficier d’installations pour prier et se réunir dans le cadre des diverses festivités juives».

[21] Le choix de l’emplacement du Chemin Desmarais a été motivé par sa proximité avec la Station, «ce qui permet à la clientèle touristique de s’y rendre à pieds sans avoir à perturber leurs vacances».

[22] Le rapport du consultant LeBire indique également que la clientèle de la défenderesse est constituée à 80% de touristes en vacances à la Station et qui proviennent des États-Unis, d’Israël, de l’Angleterre et du Canada.

[23] Le 21 janvier 2013, par sa résolution CM 13 01 017, le conseil municipal de la poursuivante, à l’unanimité, rejette la demande de changement de zonage, entre autres en raison de la vocation résidentielle du secteur et considérant que les terrains situés à la base sud de la Station doivent être réservés à des activités touristiques en lien avec l’hébergement.

[24] Le 29 janvier 2013 un courriel, non produit à l’audience, est transmis au consultant LeBire, l’avisant de la décision du conseil municipal de refuser la demande de modification au règlement de zonage.

[25] Le 14 mai 2013, le président et chef de l’exploitation de la Station transmet une lettre au maire de la poursuivante l’informant de son appui à la demande de changement de zonage de la défenderesse, considérant entre autres que 80% de sa clientèle réside sur le site de la Station et que l’immeuble du Chemin Desmarais permet à cette clientèle de s’y rendre à pieds sans entrainer de perturbation du voisinage.

[26] Vu cette lettre, le dossier est à nouveau présenté au conseil municipal qui, pour les mêmes raisons que celle invoquées dans sa résolution, pièce D-2, maintient sa décision de refuser la demande de modification au règlement de zonage.

[27] Comme c’est la 2ième fois que le conseil municipal est avisé des activités dérogatoires ayant cours à l’intérieur de l’immeuble du Chemin Desmarais, le service d’urbanisme ouvre un dossier d’infraction et mandate l’inspectrice Liboiron pour en assurer le suivi, d’autant plus qu’en juillet 2013 une plainte émanant du voisinage soulève une problématique de circulation, de stationnement et de bruit découlant des activités de la défenderesse.

[28] En février 2014, l’inspectrice effectue une visite des lieux. Comme il n’y a personne elle ne peut visiter l’intérieur mais constate, au travers d’une porte-patio, que le salon est aménagé comme lieu de rencontre et que l’on peut y voir plusieurs rangées de chaises ainsi qu’un lutrin.

[29] Le 26 février 2014, l’inspectrice Liboiron transmet un «avis d’infraction» à la défenderesse, pièce P-5, la sommant de cesser tout usage dérogatoire du bâtiment.

[30] Suite à la réception de cet avis, le révérend Mockin communique avec la supérieure de l’inspectrice, madame Geneviève Demers, pose des questions et demande copie de la règlementation applicable.

[31] Le 14 mars 2014, madame Demers reçoit un courriel du consultant LeBire sollicitant une rencontre avec le maire de la poursuivante.

[32] Vu cette demande, le 20 mars 2014 le dossier est de nouveau soumis à l’attention du conseil municipal qui maintient son refus de modifier le règlement de zonage mais autorise le maire et madame Demers à participer à la rencontre sollicitée par le consultant LeBire.

[33] La rencontre a lieu le 8 avril 2014 : Le consultant LeBire et le révérend Mockin exposent les raisons qui, selon eux, militent en faveur d’une modification de la règlementation et la Ville, de son côté, exprime les motifs pour lesquelles la modification n’est pas appropriée.

[34] Selon le témoignage de madame Demers, la Ville mentionne cependant être disposée à aider la défenderesse à se relocaliser ailleurs sur le territoire et à envisager des modifications règlementaires, si nécessaires, mais ailleurs que sur le Chemin Desmarais.

[35] Aucun site particulier, où les activités de la défenderesse pourraient être relocalisées, n’est mentionné, mais la Ville invite la défenderesse à analyser avec elle les alternatives de relocalisation.

[36] Selon madame Demers, la Ville se disait prête à travailler en collaboration avec la défenderesse pour examiner les diverses alternatives de relocalisation possibles, mais la défenderesse n’aurait jamais donné suite à l’invitation.

[37] Lors de son témoignage, le consultant LeBire mentionne à ce sujet que la défenderesse n’envisageait nullement une relocalisation de son lieu de culte ailleurs sur le territoire de la poursuivante : Son mandat était limité à l’obtention d’une modification au règlement de zonage pour l’immeuble du Chemin Desmarais.

[38] Par ailleurs, monsieur LeBire admet, lors de son contre interrogatoire, que les représentants de la Ville mentionnaient être disposés à apporter leur aide à une relocalisation, mais que la défenderesse n’y a pas donné suite car ce n’était pas son choix.

[39] Suite à cette rencontre, le point est fait lors d’une séance plénière du conseil municipal qui n’entend toujours pas modifier son refus de la demande de modification au règlement de zonage.

[40] Le 15 avril 2014, madame Demers avise le consultant LeBire de la décision du conseil municipal et transmet à la défenderesse une lettre au même effet, pièce P-12, tout en lui réitérant sa disponibilité à aider à la relocalisation.

[41] Aucune suite n’ayant été donnée à cette lettre, l’inspectrice Liboiron transmet un second avis d’infraction à la défenderesse, le 5 juin 2014, pièce P-6.

[42] Le 2 juillet 2014, l’inspectrice reçoit une lettre, pièce P-7, des conseillers juridiques de la défenderesse, accusant réception de l’avis d’infraction, pièce P-6, et l’informant qu’une suite y sera donnée dans les 15 jours.

[43] Le 23 juillet 2014, les conseillers juridiques de la défenderesse avisent la poursuivante, pièce P-8, que la défenderesse ne se considère pas en infraction aux dispositions du règlement de zonage, ce dernier lui étant inopposable puisque portant atteinte au droit de religion de ses fidèles, étant au surplus prohibitif.

[44] Le 22 septembre 2014, l’inspectrice Liboiron effectue une nouvelle visite des lieux et, y constatant qu’il est toujours utilisé comme lieu de culte, procède à l’émission du présent constat d’infraction.[7]

[Renvois omis]

[13]           Le juge retient aussi de la preuve que l’environnement immédiat de l’immeuble en litige comprend une clinique médicale, un hôtel, une résidence unifamiliale et « une quantité considérable de copropriétés divises »[8]. Il rejette la prétention de l’appelante selon laquelle le lieu de culte ne porterait pas atteinte aux droits d’autrui puisqu’il ne créerait pas de nuisance. Il conclut au contraire que l’usage qui est fait de l’immeuble en litige cause des nuisances sonores aux résidents des condominiums et d’une résidence situés à proximité de la synagogue[9].

[14]           Au sujet des zones où l’implantation de lieux de culte est permise, le juge retient qu’il en existe plusieurs dans lesquelles des terrains ou locaux susceptibles d’être achetés ou loués afin d’y aménager un lieu de culte ont été identifiés, dont dans le noyau villageois, et qu’il s’y trouve des hôtels où les fidèles peuvent séjourner et des terrains sur lesquels ils peuvent se construire une résidence secondaire[10]. Aucune n’est située à distance de marche de la Station à l’exception d’une seule, laquelle est toutefois entièrement occupée par la chapelle Saint-Bernard et deux autres bâtiments, tous considérés comme historiques par la municipalité. Nous y reviendrons.

[15]           Le juge retient aussi de la preuve que l’inspectrice Mme Liboiron a identifié une zone située à distance de marche de la Station dans laquelle des terrains seraient disponibles aux fins d’y construire un bâtiment de culte, la zone TM511. L’implantation d’un lieu de culte dans cette zone y étant présentement prohibée, le permettre nécessiterait une modification du Règlement de zonage et du schéma d’aménagement de la Municipalité régionale de comté des Laurentides (« MRC ») dont l’intimée fait partie, et bien que l’intimée eût été disposée à examiner la possibilité d’entreprendre les démarches afin que l’usage y soit autorisé[11], l’appelante n’a pas répondu à l’invitation d’en discuter que la Ville lui avait transmise.

[16]           L’importance du Sabbat pour les juifs orthodoxes n’est pas contestée par l’intimée. Le juge retient de la preuve présentée par le Rabin Bell, expert en lois juives, et par le révérend Mockin, les éléments suivants, lesquels permettent de bien saisir les particularités des croyances de ses membres et leur importance dans ce litige, croyances dont la sincérité n’est pas mise en doute par l’intimée et n’est pas en litige :

[81] Le jour du Sabbat, qui débute à la tombée du jour le vendredi et se termine le samedi soir après le coucher du soleil, les juifs orthodoxes doivent réduire toutes leurs activités extérieures pour se concentrer sur la prière et la famille.

[82] Certaines prières se font seul alors que d’autres nécessitent un «Quorum», c’est-à-dire un groupe d’au moins dix hommes adultes.

[83] Parmi ces prières qui se font en Quorum, on compte la lecture de la «Torah», le récit du «Kaddish» qui a pour objet la glorification du Saint Nom.

[84] Ils doivent donc pouvoir se réunir pour effectuer ces prières.

[85] Le jour du Sabbat, les juifs orthodoxes se voient imposer certaines restrictions à leurs activités courantes et qui proviennent de l’interprétation contemporaine des lois juives.

[86] Ainsi, en ce jour, il est interdit de «travailler». Ce terme comprend 39 catégories d’activités différentes telles que cuisiner, faire du feu ou rougir une pièce de métal.

[87] L’interprétation contemporaine de l’interdiction de «faire du feu» ou de «rougir une pièce de métal» comprend celle de conduire un véhicule à moteur ou d’y prendre place, en raison du fait que le moteur fonctionne à la combustion.

[…]

[89] D’où l’importance, comme [le souligne le Rabin Bell], que le lieu de culte où l’on célèbre le Sabbat, soit situé à distance de marche.

[17]           Le juge retient du témoignage du révérend Mockin, mais aussi de ceux de MM. Aaron Herzog, Thierry Bellisha, Sam Bellisha et Théodore Quint, que ces derniers et les autres fidèles qui fréquentent la synagogue de l’appelante souhaitent à la fois profiter des activités de loisirs qu’offre la Station et y séjourner, ou, comme M. Bellisha, séjourner dans une résidence secondaire acquise parce qu’elle se trouve à distance de marche des installations de la Station et de la synagogue. Pour plusieurs de ces fidèles, si la synagogue était située ailleurs qu’à distance de marche des installations de la Station, soit ils n’y viendraient qu’à d’autres moments que durant le Sabbat, soit ils n’y viendraient pas du tout et iraient plutôt passer leurs vacances dans un autre centre de villégiature où il y a une synagogue, comme certains d’entre eux le faisaient avant d’apprendre la présence de la synagogue en litige. Comme mentionné plus haut, la clientèle de l’appelante est constituée à 80 % de touristes en vacances à la Station et à 20 % de fidèles détenant une résidence secondaire à distance de marche de la synagogue, résidence acquise après que l’appelante eut aménagé sa première synagogue dans une des unités résidentielles de la Station. 

[18]           Comme le rappelle le juge LeBel dans Congrégation des témoins de Jéhovah, une cour d’appel ne peut réviser les conclusions de fait du tribunal de première instance que si celui-ci « a commis une erreur manifeste, grave et dominante. Cette obligation de déférence est particulièrement intense quant à l’appréciation de la crédibilité des témoins »[12].

La position des parties

[19]           L’appelante ne soutient pas que le juge a erré dans l’appréciation des faits. Elle estime toutefois que, dans les zones où les bâtiments de culte sont autorisés, la qualité des hôtels et autres établissements susceptibles de recevoir ses fidèles n’est pas du calibre de ceux disponibles à la Station. Elle plaide que ses fidèles ont le droit, comme tous les autres, de pouvoir demeurer, lors de leurs séjours à Tremblant, dans un des hôtels ou condos situés directement sur le site de la Station, ou dans une résidence située à proximité, de façon à pouvoir profiter plus immédiatement de l’accès aux pentes de ski (en d’autres moments que le jour du Sabbat) et de ses autres installations.

[20]           Or, soutient l’appelante, l’effet du Règlement, parce qu’il ne permet pas l’usage de Bâtiment de culte sur le site de la Station, a pour conséquence de les exclure le jour du Sabbat et même durant tout leur séjour, lorsque celui-ci s’étend sur plus d’une journée et que ce séjour inclut le jour du Sabbat. Il serait déraisonnable d’exiger d’eux, par exemple, qu’ils demeurent dans un hôtel de la Station à leur arrivée le mercredi, qu’ils quittent le vendredi avant le coucher du soleil afin de se rendre dans une auberge ou un hôtel situé dans le noyau villageois, puis qu’ils reviennent dans un hôtel de la Station le samedi soir après le coucher du soleil afin d’y compléter leur séjour.

[21]           De plus, puisque le Règlement a pour effet d’obliger ses fidèles à résider dans un nombre limité de zones lors de leur séjour dans la municipalité, il aurait comme conséquence de les y confiner. Or, plaide l’appelante dans son mémoire, reconnaître le droit d’une municipalité d’ainsi déterminer où cette communauté est autorisée à établir ses lieux de culte aurait comme conséquence de lui accorder le droit de ne les permettre que sur « des terrains situés uniquement dans des secteurs isolés et peu recherchés, créant là une véritable “ghettoïsation ».

[22]           Cela étant, le Règlement en question entraverait de façon plus que négligeable la liberté de religion des fidèles de l’appelante, violation qui ne serait pas justifiée dans le cadre d’une société libre et démocratique.

[23]           Par ailleurs, puisque le Règlement permet l’usage de culte dans une zone située à distance de marche de la Station et que cette zone est en partie occupée par la chapelle Saint-Bernard, un bâtiment de culte d’une autre religion, le Règlement serait discriminatoire et enfreindrait le droit à l’égalité de tous devant la loi protégé par l’article 15 de la Charte canadienne et l’article 10 de la Charte québécoise. Bien qu’elle n’ait pas présenté ce moyen auprès des deux instances précédentes, la Cour devrait l’autoriser à le faire en appel puisqu’aucune preuve nouvelle n’est requise et que l’intimée a eu l’occasion d’y répondre dans son mémoire.

[24]           De son côté, l’intimée soutient que les juges des deux premières instances n’ont pas erré en concluant que l’appelante n’a pas démontré que le Règlement entrave de façon plus que négligeable la liberté de religion de l’appelante et ses membres.

[25]           En réponse à l’allégation d’atteinte au droit à l’égalité, elle plaide que la permission de soulever cette question en appel devrait être refusée puisque ce moyen n’a pas été invoqué lors des deux instances précédentes et que, s’il l’avait été, elle aurait présenté une preuve appropriée, ce qu’elle ne peut faire en appel. Quant au fond sur cette question, elle soutient que l’appelante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve.

Analyse

1.     L’atteinte à la liberté de religion de l’appelante et de ses fidèles

[26]           L’appelante soutient que les deux juges ont erré en concluant que le Règlement ne porte pas atteinte à sa liberté de religion et à celle de ses membres. Le Règlement imposerait au contraire une entrave de façon plus que négligeable à leur liberté de religion, en ce qu’il a comme effet pratique de les empêcher de demeurer sur le site de la Station et de profiter des activités qu’elle offre à l’ensemble de la population.

[27]           Se pose ici la question préliminaire de déterminer quelle méthode analytique est la plus appropriée. L’appelante avance que le Règlement porte atteinte à sa liberté de religion protégée par l’article 2a) de la Charte canadienne et par l’article 3 de la Charte québécoise, et que la Ville ne s’est pas déchargée de son fardeau de démontrer que les restrictions qu’elle impose satisfont aux critères de l’article premier de la Charte canadienne et de l’article 9.1 de la Charte québécoise. Ce serait donc le test de l’arrêt Oakes[13] qui s’applique.

[28]           Les deux premiers juges n’ont pas traité de la méthode applicable étant donné qu’ils ont considéré que le Règlement ne porte pas atteinte à la liberté de religion de l’appelante.

[29]           L’autre méthode analytique susceptible de s’appliquer est celle fondée sur le droit administratif étant donné que l’exercice consiste à contrôler une décision d’une administration municipale[14], méthode susceptible de s’appliquer même lorsque la question concerne une des valeurs protégées par les chartes[15]. L’analyse alors employée en serait une « robuste de la proportionnalité compatible avec les principes de droit administratif »[16] plutôt que fondée sur les principes de l’article premier pris littéralement.

[30]           À l’instar des juges majoritaires dans Multani[17], je suis d’avis qu’en l’espèce, « une analyse contextuelle fondée sur l’article premier permettra de soupeser de façon plus complète les valeurs opposées pertinentes »[18].

[31]           Avec égards pour les deux premiers juges, je suis d’avis que le Règlement en litige entrave de façon plus que négligeable la liberté de religion de l’appelante et de ses fidèles. Voici pourquoi.

[32]           La personne qui invoque une violation d’un droit fondamental doit en faire la démonstration selon la norme de la prépondérance des probabilités[19]. Pour que la liberté de religion entre en jeu, la personne intéressée doit d’abord démontrer qu’il existe une pratique ou une croyance sincère liée à la religion qui requiert une pratique particulière[20].

[33]           En l’espèce, l’appelante a raison d’affirmer qu’étant donné la particularité d’une de ses croyances, soit que ses membres ne peuvent se déplacer dans une automobile ou autre véhicule autopropulsé le jour du Sabbat, ceux-ci se voient restreints dans leurs choix de lieux de villégiature alors que ce ne serait pas le cas si le Règlement n’interdisait pas les lieux de culte dans la zone où est située la Station.

[34]           Ensuite, même si une loi ou un règlement poursuit un objectif séculier, il est possible qu’il ait des effets entraînant directement ou indirectement une atteinte à la liberté de religion[21]. Le professeur José Woehrling explique que la gravité de l’atteinte à la liberté de religion dépendra de « l’importance du fardeau imposé à la pratique religieuse et de l’importance du précepte dont la mise en œuvre est rendue plus difficile »[22]. Pour qu’une mesure porte atteinte à une croyance ou pratique religieuse, elle doit constituer une entrave « plus que négligeable ou insignifiante » à la liberté de religion[23]. Dans Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony[24], la Cour suprême spécifie qu’une atteinte sera négligeable ou insignifiante lorsqu’elle « ne menace pas véritablement une croyance ou un comportement religieux »[25].

[35]           Dans Congrégation des témoins de Jéhovah, le juge LeBel[26] écrit que « la liberté de religion inclut le droit de bénéficier d’un lieu de culte »[27], mais qu’un règlement de zonage ne viole pas la liberté de religion s’il prévoit la possibilité d’ériger des lieux de culte dans la municipalité et que des terrains sont disponibles à cette fin dans les zones où cet usage est permis :

63. Avant d’aborder la question de la liberté de religion, il convient de rappeler  que le règlement de zonage de la municipalité n’interdit pas l’usage « édifices de culte » sur l’ensemble du territoire de la municipalité, mais le permet dans une zone déterminée. Il ne peut donc pas être considéré comme prohibitif au sens de la jurisprudence (SaintMichel-Archange, précité, p. 882; J. L’Heureux, Droit municipal québécois (1984), t. II, p. 316-317, par. 606).  La rédaction de ce règlement fait donc une place à l’exercice de la liberté de culte.  Il faut maintenant déterminer si cette place respecte les exigences constitutionnelles établies par la Charte.

[…]

71. […] De plus, de la même manière que cette Cour l’a précisé dans l’arrêt Edwards Books, « [l]’alinéa 2a)  n’exige pas que les législatures éliminent tout coût, si infime soit-il, imposé par l’État relativement à la pratique d’une religion » (p. 759).  En outre, bien que le règlement de zonage par sa nature même ne laisse pas aux appelants une liberté absolue de choisir l’emplacement de leur lieu de culte, cette limite est nécessaire à la préservation de la sécurité et de l’ordre au sein de la municipalité et au bon usage de son territoire et ne constitue pas une violation de la liberté de religion.  Ni le règlement, ni son application n’ont eu pour but ou pour effet de porter atteinte à la liberté de religion des appelants. 

72. Comme au moins un terrain restait disponible dans la zone P-3 pour la construction de leur lieu de culte, les appelants doivent se conformer au règlement de zonage de la municipalité et construire leur lieu de culte dans cette zone où l’usage est autorisé.  Leurs croyances et pratiques religieuses ne les exemptent alors pas de se conformer à la réglementation municipale.  Le pourvoi doit en conséquence être rejeté […].[28]

[Soulignements ajoutés]

[36]           Toutefois, dans cette affaire, il n’y avait pas d’atteinte à l’exercice de la religion, à l’instar des faits de l’arrêt de notre Cour Église de Dieu Mont de Sion[29] où les fidèles pouvaient se rendre à leur lieu de culte en véhicule, ou encore des faits de l’arrêt ValMorin[30] où, bien que les fidèles, juifs hassidiques, ne puissent se déplacer en voiture le jour du Sabbat, ils disposaient de terrains disponibles situés dans une zone autorisant les lieux de culte et se trouvant à quelques minutes de marche de leurs chalets. Or, en l’espèce, la distance qui sépare les habitations de la Station des zones où les bâtiments de culte sont autorisés par le Règlement, conjuguée aux croyances des membres de l’appelante, fait en sorte que ceux-ci doivent choisir entre renoncer à l’exercice de ces croyances et ne pas séjourner à la Station (ou dans une résidence secondaire située à proximité).

[37]           En l’espèce, rien ne permet de conclure que la Ville aurait tenté d’imposer par son Règlement de zonage des obstacles inutiles à l’exercice des libertés religieuses de l’appelante ou de ses membres et, comme nous le verrons plus loin, les limites imposées par le Règlement l’ont été dans un but légitime et spécifiquement permis par la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme[31]  LAU »). De plus, comme l’écrit le juge LeBel dans Congrégation des témoins de Jéhovah, reprenant en cela les remarques du juge Dickson dans Edwards Books : « les Églises et leurs membres ne sont pas dispensés de tout effort, voire de tout sacrifice, notamment pour l’exercice de la liberté de culte »[32]. Malgré cela, l’effet pratique du Règlement est de limiter l’accès à certaines activités et à certains établissements hôteliers le jour du Sabbat puisque les membres de l’appelante ne peuvent alors accéder à une synagogue s’ils choisissent de respecter les préceptes de leur religion. Il s’agit là d’une atteinte qui menace une croyance religieuse que je ne peux qualifier de « non négligeable » ou « insignifiante », seuil que l’appelante devait franchir afin d’opérer le renversement du fardeau de la preuve.

[38]           Mes collègues sont d’avis que, puisque les membres de l’appelante ont tous accès à un lieu de culte où ils peuvent sans contrainte exercer leur culte en tout temps, et puisqu’ils peuvent sans difficulté choisir de séjourner à des fins de loisir ou de villégiature à d’autres endroits où un lieu de culte leur est accessible sans besoin d’utiliser une voiture, conclure, comme je le propose, que le Règlement porte atteinte à leur croyance religieuse équivaudrait à reconnaître que les chartes protègent leur choix de lieu de villégiature plutôt que leur liberté de religion. Or, comme mentionné plus haut, je suis d’avis que cette particularité doit plutôt être prise en compte dans le cadre d’une analyse contextuelle fondée sur l’article premier, laquelle permet de soupeser de façon plus complète les valeurs opposées de l’espèce. 

2.     L’article premier de la Charte canadienne

[39]           L’article premier prévoit ceci :

1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.

[40]           La Cour suprême expose le fardeau qui incombe à l’intimée :

43 Il incombe aux intimés de prouver, selon la balance des probabilités, que la violation est raisonnable et que sa justification peut se démontrer dans le cadre d’une société juste et démocratique. Pour ce faire, elle doit satisfaire à deux exigences. D’abord, l’objectif législatif poursuivi doit être suffisamment important pour justifier la restriction d’un droit constitutionnel. Ensuite, les moyens choisis par l’autorité étatique doivent être proportionnels à l’objectif en question : Oakes; R. c. Edwards Books and Art Ltd., [1986] 2 R.C.S. 713.[33]

A)    L’importance de l’objectif

[41]           La restriction au droit à la liberté de religion émane du Règlement (2008)-102 concernant le zonage, une règle de droit adoptée par le conseil municipal en application des pouvoirs qui lui sont conférés à l’article 113 de la LAU.

[42]           Ce Règlement est lui-même conforme au Plan d’urbanisme de la municipalité. De plus, tant ce Plan que le Règlement se devaient eux-mêmes d’être conformes au schéma d’aménagement de la MRC (art. 33 LAU).

[43]           Ce schéma spécifie les grandes orientations de l’aménagement du territoire, l’emplacement des périmètres urbains et les affectations du sol et prévoit que les bâtiments de culte ne peuvent être autorisés qu’à l’intérieur des périmètres urbains. Pour le territoire de l’intimée, il identifie six périmètres urbains et en précise les affectations. Trois d’entre eux sont situés à la Station et tous sont consacrés à une affectation touristique. Le schéma précise que les services communautaires – ce que sont les bâtiments de culte – ne peuvent toutefois y être autorisés qu’à titre d’usage secondaire ou connexe à un usage principal, ou s’ils se destinent exclusivement à la population résidente du secteur visé et des visiteurs. Le juge conclut à cet égard que la synagogue de l’appelante ne pourrait donc être autorisée par le Règlement de zonage sans contrevenir au schéma d’aménagement puisque la synagogue n’est pas destinée qu’aux résidents de la zone et à ses visiteurs. Cette constatation n’est pas visée par l’appel.

[44]           Évidemment, le Règlement et le Plan d’urbanisme pourraient être modifiés advenant que la MRC modifie son Schéma au préalable.

[45]           Le Plan d’urbanisme de l’intimée reprend les orientations du Schéma, précise qu’il privilégie dans les trois aires de la Station « la consolidation des activités récréatives intensives », et reproduit les restrictions prescrites par le Schéma concernant les services communautaires. Le Plan qualifie la Station de « pôle touristique de calibre international » et précise l’objectif d’assurer que son développement s’effectue en complémentarité avec les deux pôles des noyaux urbains et villageois. Comme le premier juge le note avec justesse, le Plan d’urbanisme cherche à « éviter la concurrence des usages autorisés à l’intérieur des trois pôles principaux d’activités et de favoriser plutôt leur complémentarité »[34].

[46]           Quant au Règlement de zonage de l’intimée, il s’inscrit dans l’orientation tracée par le Schéma et le Plan d’urbanisme en n’autorisant l’usage Bâtiment de culte que dans les périmètres urbains du centre-ville et du noyau villageois (à l’exception du terrain où se trouve la chapelle Saint-Bernard), et donc en prohibant cet usage dans les trois périmètres urbains de la Station, qu’elle consacre aux habitations unifamiliales et bifamiliales, aux commerces et hébergements, aux résidences de tourisme, aux auberges d’un maximum de 12 chambres et, à titre d’usage complémentaire, à un gîte du passant.

[47]           Dans Congrégation des témoins de Jéhovah, le juge LeBel précise que les limites édictées par un règlement de zonage sont nécessaires « à la préservation de la sécurité et de l’ordre au sein de la municipalité et au bon usage de son territoire »[35]. De façon similaire, notre Cour écrivait dans Mascouche (Ville de) c. Thiffault :

À l'époque du libéralisme économique du 19e siècle, le droit de propriété était conçu comme un droit absolu.  Les choses ont bien évolué depuis: les notions d'intérêt commun, de développement harmonieux, de qualité de la vie et d'environnement - alors inconnues - sont maintenant au centre des préoccupations des citoyens et font l'objet d'une abondante législation et réglementation publique.

[…]

Les tenants de l'interprétation restrictive semblent opposer le droit de propriété d'un individu à celui d'un organisme désincarné et lointain, alors que le zonage est édicté au profit de tous, et chacun des divers propriétaires d'une zone et l'usage illégal par l'un s'exerce généralement au détriment du droit des autres.[36]

[48]           On comprend donc que l’ensemble de cette réglementation, tant locale que régionale, a pour but d’encadrer et de contrôler les usages sur le territoire de la municipalité, le tout dans l’intérêt public[37]. 

[49]           Je conclus donc que l’objectif d’encadrement des usages visé par le Règlement en litige est un objectif important, réel et urgent.


B)    La proportionnalité

i)       Le lien rationnel

[50]           Il ne fait pas de doute dans mon esprit que la première étape de l’analyse de la proportionnalité, soit de déterminer si le Règlement a été adopté dans le but d’atteindre l’objectif qu’il visait, est satisfaite : en réglementant les usages et l’endroit où ils peuvent être exercés en fonction de leur degré de compatibilité, l’intimée a accompli le rôle que lui confie le législateur dans la LAU.

[51]           L’appelante soutient au contraire qu’il n’existe aucun objectif légitime à interdire l’usage d’un lieu de culte pour l’appelante alors que l’intimée permet un usage identique dans une zone située à distance de marche des équipements de la Station (la chapelle Saint-Bernard) et qu’elle permet dans la zone où est située la synagogue en litige des usages tout aussi nuisibles que celle-ci (« attentatoire à la tranquillité des lieux », selon les termes employés par l’appelante).

[52]           En ce qui concerne la présence de la chapelle Saint-Bernard à distance de marche de la Station, le juge ne commet pas d’erreur manifeste et déterminante lorsqu’il conclut de son appréciation de la preuve que cette seule exception dans le Règlement, laquelle est d’ailleurs prévue dans le Schéma d’aménagement de la MRC, s’explique non pas pour des motifs religieux, mais bien pour des motifs historiques et culturels. Tel qu’il appert du Plan d’urbanisme :

La station touristique comprend la chapelle St-Bernard, citée monument historique par la Ville en vertu de la loi sur les biens culturels (ch. B-4). Construite en 1942, la chapelle se veut une réplique de l’Église du Village de St-Laurent à l’Île d’Orléans, érigée en 1679.

Le site comporte également deux bâtiments touristiques à caractère patrimonial reconnus au schéma d’aménagement de la MRC des Laurentides. Il s’agit du Chalet des voyageurs et du Inn. Ces bâtiments constituent les deux seuls témoins architecturaux des débuts du centre de ski Mont-Tremblant devenu touristique à l’aube de la Deuxième Guerre mondiale.

[53]           Le deuxième argument de l’appelante, qui est qu’il n’existe aucun objectif légitime à interdire sa synagogue étant donné que l’intimée permet des usages tout aussi nuisibles dans la zone, est sans fondement. D’abord, l’argument minimise au point d’ignorer la raison d’être de toute réglementation d’urbanisme, qui est la planification des usages actuels et de ceux susceptibles d’être exercés sur l’ensemble du territoire municipal afin d’en assurer le développement harmonieux. Accepter l’argument de l’appelante reviendrait à dire que dès qu’un usage attentatoire à la tranquillité des lieux est permis dans une zone, alors la municipalité devrait y autoriser tous les autres usages aussi attentatoires, ce qui reviendrait à réduire à néant les efforts de planification déployés par la municipalité et y substituer une réglementation fondée uniquement sur la catégorisation des usages en fonction de leur niveau de nuisance. 

ii)     L’atteinte minimale 

[54]           Dans Multani, la juge Charron indique que « [l]a restriction, qui doit porter le moins possible atteinte au droit ou à la liberté violée, ne doit pas nécessairement représenter la solution la moins attentatoire »[38]. Elle reprend ensuite à son compte ce que la Cour suprême écrivait dans RJR – MacDonald :

La restriction doit être « minimale » c’est-à-dire que la loi doit être soigneusement adaptée de façon à ce que l’atteinte aux droits ne dépasse pas ce qui est nécessaire. Le processus d’adaptation est rarement parfait et les tribunaux doivent accorder une certaine latitude au législateur. Si la loi se situe à l’intérieur d’une gamme de mesures raisonnables, les tribunaux ne concluront pas qu’elle a une portée trop générale simplement parce qu’ils peuvent envisager une solution de rechange qui pourrait être mieux adaptée à l’objectif et à la violation.[39]

[55]           En l’espèce, le Règlement de zonage prévoit plusieurs zones où il est possible d’établir un lieu de culte et la preuve retenue par le premier juge montre que des terrains et des locaux y sont disponibles afin d’y construire ou d’y aménager un lieu de culte. Comme on l’a vu plus haut, ce constat mène habituellement à la conclusion que le Règlement ne porte pas atteinte à la liberté de religion puisque, bien que la zone où l’usage est autorisé puisse être située à une certaine distance du domicile des croyants, ceux-ci, qui ne sont pas dispensés de tout effort afin d’être en mesure d’exercer leur culte, peuvent s’y rendre en voiture ou en transport en commun. Ces croyants doivent donc se conformer à la réglementation.

[56]           La particularité de l’espèce découle du fait que la croyance à laquelle le Règlement porte atteinte est en porte-à-faux avec l’objet même du Règlement, le zonage. Le zonage est un outil de contrôle du territoire par la répartition géographique, c’est-à-dire par zone ou secteur de zone, des usages. En l’espèce, le Règlement identifie les secteurs où l’usage Bâtiment de culte pourra être exercé. Le choix de tels emplacements implique l’analyse de plusieurs facteurs, dont le fait qu’un tel usage entraîne généralement un certain achalandage qui requiert l’aménagement d’un nombre suffisant de cases de stationnement et des espaces pour circuler, un certain niveau de nuisance pour le voisinage, etc. L’intimée est un gouvernement de proximité[40]. Connaissant le mieux les particularités de son territoire et les enjeux de son développement, les membres de son conseil, appuyés par le comité consultatif d’urbanisme et par les membres du département d’urbanisme, sont les mieux placés, et le sont certainement mieux que le tribunal, afin d’évaluer l’opportunité d’autoriser un usage à un endroit plutôt qu’à un autre et sa compatibilité avec les autres usages de la zone. En l’espèce, le Règlement ne permet pas l’usage dans la zone où l’appelante a aménagé sa synagogue. Sa demande de modifier le Règlement afin de l’autoriser a été analysée par l’intimée et a été refusée.

[57]           Or, l’argument que présente l’appelante revient à dire qu’aucun règlement de zonage ne devrait lui être opposable dès lors qu’il l’empêche de construire ou d’aménager un lieu de culte à distance de marche de l’endroit où un certain nombre de ses fidèles choisissent de séjourner (hôtel ou résidence secondaire). Je ne crois pas qu’en présentant ainsi l’argument de l’appelante, je le simplifie à outrance, d’autant plus que je ne vois pas en quoi il y aurait lieu de faire des distinctions dans l’application de cette logique entre la trame factuelle de la présente affaire et celle, par exemple, où certains membres de la communauté choisiraient de séjourner à tout autre endroit de la province, que ce soit dans un hôtel, une auberge, un centre de villégiature ou une résidence secondaire. Un tel choix, selon l’appelante, l’autoriserait automatiquement à y construire ou aménager une synagogue pour le bénéfice de ses fidèles, et ce, sans égard aux orientations de développement de la municipalité ou à l’incompatibilité de cet usage avec les usages permis dans la zone.

[58]           Plus encore, l’appelante n’aurait alors qu’à y établir sa synagogue sans égard au Règlement en vigueur sans même devoir tenter de trouver une avenue plus compatible avec la planification urbanistique reflétée dans le Règlement, quitte à plaider l’atteinte à l’exercice de sa religion advenant que la municipalité lui délivre un constat d’infraction.

[59]           Dans son mémoire, l’appelante soutient que les effets préjudiciables à son égard et à celui de ses membres l’emportent sur les effets bénéfiques de la prohibition des lieux de culte dans la zone pour l’ensemble de la population. La preuve, écrit-elle, ne montrerait pas « que les effets bénéfiques résultant de l’harmonisation des usages sont nuls ou infimes comparativement aux effets préjudiciables du règlement qui porte atteinte à une pratique centrale de la religion juive ». L’intimée aurait même reconnu ce fait puisqu’elle permet, dans une zone adjacente située à distance de marche de la Station, la présence de la chapelle Saint-Bernard, ce qui selon l’appelante « démontre clairement qu’un lieu de culte peut s’harmoniser avec les usages qui sont permis sur le territoire situé à distance de marche de la station ».

[60]           Premièrement, et comme nous l’avons vu plus haut, en permettant la présence de la chapelle Saint-Bernard là où elle se trouve depuis avant même toute réglementation de zonage, l’intimée ne reconnaît rien d’autre que sa présence. L’intimée ne pourrait pas exiger sa démolition même si elle souhaitait de cette façon aussi drastique qu’illégale mettre toutes les religions parfaitement sur le même pied d’égalité dans ce périmètre de la Station.  

[61]           Bien que l’appelante n’aborde pas cette question (elle demande simplement de déclarer que le Règlement lui est inopposable), on peut se demander s’il incombait à l’intimée de modifier d’une façon ou d’une autre son Règlement afin de permettre l’implantation d’un bâtiment de culte dès lors que l’appelante lui avait démontré qu’il violait sa liberté de religion. Cette question a été soulevée en outre par le juge LeBel dans Congrégation des témoins de Jéhovah :

71 La municipalité, tenue de faire preuve de neutralité religieuse, doit veiller à aménager sa réglementation afin d’éviter d’imposer des obstacles inutiles à l’exercice des libertés religieuses.  Elle n’a cependant pas à fournir une assistance quelconque aux différents groupes religieux ni à les aider activement à régler toutes les difficultés qu’ils peuvent éprouver dans leurs négociations avec des tiers pour implanter un lieu de culte.  Ainsi, en l’espèce, la municipalité n’avait pas à assurer aux appelants l’accès à un terrain qui correspondait davantage à leurs critères de sélection.  Une telle aide serait incompatible avec son obligation de neutralité, car elle signifierait que la municipalité manipulerait ses normes réglementaires en faveur d’une religion particulière.  Un tel appui donné à un groupe religieux pourrait donc porter atteinte à la neutralité nécessaire à l’égard de tous.

[…]

76 La difficulté à résoudre se situe alors au niveau de l’identification des cas où il sera possible d’exiger de la municipalité qu’elle modifie son règlement de zonage, tout en respectant son obligation de neutralité. En effet, en règle générale, la Charte n’oblige pas l’État à prendre des mesures positives pour assurer l’exercice des libertés fondamentales prévues à l’al. 2a) de la Charte. En vertu du principe de neutralité décrit ci-haut, l’État doit même s’abstenir de prendre une mesure qui pourrait favoriser une religion au détriment d’une autre ou qui aurait simplement pour effet d’en imposer une. Cependant, une application absolue de ce principe peut parfois restreindre indûment le libre exercice de la religion. Dans certains cas, l’application sans nuance, sans souci du contexte, du principe de neutralité pourrait s’avérer incompatible avec le droit au libre exercice de la religion. À cet égard, le professeur Woehrling a bien souligné que « les deux principes constitutifs de la liberté de religion — libre exercice et neutralité de l’État — doivent être considérés comme mutuellement limitatifs, puisque le fait de donner une amplitude maximale à l’un entraînerait fatalement la négation de l’autre » (Woehrling, loc. cit., p. 379).

77 De plus, notre Cour a rappelé, à maintes reprises, qu’il n’est pas toujours suffisant pour l’État d’adopter une attitude de réserve. Elle a admis que, dans certaines circonstances exceptionnelles, une mesure gouvernementale positive pourrait s’avérer nécessaire afin de donner un sens à une liberté fondamentale (Delisle c. Canada (Sous-procureur général), [1999] 2 R.C.S. 989, par. 7 et 33; Haig c. Canada, [1993] 2 R.C.S. 995, p. 1039; Dunmore, précité).

[…]

79 En l’espèce, nous sommes en présence d’une de ces situations exceptionnelles où une attitude de réserve de la municipalité entraverait la liberté de religion des appelants. En effet, les appelants se trouveraient dans l’impossibilité absolue d’implanter leur lieu de culte sur le territoire de la municipalité en l’absence de terrain disponible dans la seule zone autorisant ce type d’usage. L’impossibilité d’y pratiquer leur culte créerait alors une entrave directe à leur liberté de religion. Il s’agit donc d’un exemple clair où la liberté de religion ne pourrait avoir une signification réelle sans une intervention positive des pouvoirs publics. Une telle intervention positive étant nécessaire, elle constituerait alors une limite raisonnable au principe de neutralité de l’État. Ainsi, afin de permettre aux appelants de jouir de leur liberté de religion, la municipalité devrait modifier le règlement. […][41]

[62]           Cette ouverture en faveur d’une intervention positive de l’État en présence d’une atteinte à la liberté de religion a été à nouveau abordée par la Cour suprême dans Multani, cette fois dans le cadre spécifique de l’analyse de l’atteinte minimale à la deuxième étape de l’analyse de la proportionnalité :

52. En considérant cet aspect de l’analyse de la proportionnalité, la juge Lemelin a exprimé l’avis que « [l]’obligation d’offrir un accommodement à cet élève est un corollaire du critère de l’atteinte minimale à ses droits » (par. 92). En d’autres mots, elle ne pouvait concevoir qu’il puisse exister une justification suffisante au sens de l’article premier s’il existe une mesure d’accommodement raisonnable (par. 75). Ce rapprochement entre la notion d’accommodement raisonnable et l’analyse de la proportionnalité n’est d’ailleurs pas sans précédent. En effet, dans Eldridge, par. 79, notre Cour a indiqué que, dans les affaires concernant le par. 15(1) de la Charte canadienne, la notion d’« accommodement raisonnable » équivaut à celle de « limites raisonnables » prévue par l’article premier de la Charte canadienne.

53 De plus, ce rapprochement des principes juridiques me paraît logique. Il ressort de la jurisprudence en matière de discrimination qu’il existe une obligation de prendre des mesures d’accommodement raisonnable en faveur des individus qui subissent les effets préjudiciables d’une politique ou d’une règle neutre en apparence, et ce, jusqu’au point où le respect de cette obligation entraîne des contraintes excessives pour la partie qui est tenue d’instaurer les mesures d’accommodement. Sans qu’il soit pour autant nécessaire d’intégrer toute la jurisprudence s’y rapportant, l’analogie avec l’obligation d’accommodement raisonnable me paraît utile pour bien saisir le fardeau qu’impose le critère de l’atteinte minimale vis-à-vis d’un individu en particulier, comme c’est le cas en l’espèce. À mon avis, le professeur José Woehrling a bien situé l’obligation d’accommodement ou d’adaptation par rapport à l’analyse fondée sur l’arrêt Oakes dans l’extrait suivant :

Celui qui veut repousser l’obligation d’accommodement doit démontrer que l’application intégrale de la norme, sans les exceptions réclamées par le demandeur, est nécessaire pour atteindre un objectif législatif légitime et important. Plus précisément, sous l’empire de l’article 1 de la Charte canadienne, en appliquant le test de l’arrêt R. c. Oakes, il faudra démontrer successivement que l’application entière de la norme constitue un moyen rationnel d’atteindre l’objectif législatif; qu’il n’existe pas de moyens d’y parvenir qui soient moins attentatoires aux droits en cause (critère de l’atteinte minimale); enfin, qu’il y a proportionnalité entre les effets bénéfiques de la mesure et ses effets restrictifs. […][42]

[Soulignements ajoutés]

[63]           Le fardeau de démonstration que l’intimée ne pouvait atteindre son objectif d’une façon moins attentatoire que ne le fait le Règlement tel qu’adopté lui appartient. Qu’en estil?

[64]           La réponse à cette question dépend à la fois de la portée de la prohibition ellemême et de la véritable nature de la demande présentée par l’appelante. À mon avis, l’intimée a rempli ce fardeau.

[65]           D’abord, le fait que l’appelante n’a proposé ni à l’intimée ni aux deux premiers juges ou à la Cour aucune avenue qui serait moins attentatoire à son droit, ou n’y a même fait allusion, constitue un indice fort du fait qu’il n’existe sans doute aucun tel moyen d’atteindre, à la fois, les objectifs du Règlement et de permettre l’usage en litige dans cette zone.

[66]           Ensuite, comme nous l’avons vu plus haut, l’interdiction d’aménager un lieu de culte n’est pas prohibitive en ce qu’elle ne s’étend pas à tout le territoire de l’intimée, l’usage étant permis dans 25 zones de la municipalité et la preuve démontrant qu’il s’y trouve des terrains et locaux où un bâtiment de culte peut y être érigé ou aménagé et auquel les membres de l’appelante peuvent accéder à pied à partir d’hôtels ou de terrains situés à proximité.

[67]           À cela s’ajoute le fait que, selon la preuve retenue par le premier juge, l’intimée n’a pas fermé définitivement la porte à une modification de son Règlement. Bien qu’elle ne fût pas disposée à accorder la demande spécifique de l’appelante de permettre l’usage dans la zone où se trouve son bâtiment, l’intimée était prête à l’aider à se relocaliser ailleurs que sur le chemin Desmarais et à envisager des modifications réglementaires, si nécessaire. L’intimée avait d’ailleurs invité l’appelante à analyser avec elle les alternatives de relocalisation et avait à cette fin identifié la zone TM511 située à distance de marche de la Station.

[68]           Il semble bien, selon la preuve retenue par le juge, que ce soit l’appelante qui ait présenté une fin de non-recevoir à la possibilité d’implanter son bâtiment de culte à un autre endroit que sur la rue Desmarais. Elle n’a jamais donné suite à l’invitation que l’intimée lui avait lancée à cette fin. Le consultant de l’appelante confirme que celle-ci n’envisageait nullement une relocalisation de son lieu de culte, comportement qui était en continuité avec le fait qu’elle avait acquis et converti la résidence de la rue Desmarais en lieu de culte alors qu’elle savait que cet usage y était prohibé.

[69]           Il est important de souligner que cette question, qui vise à déterminer si le Règlement aurait pu être rédigé de façon à atteindre son objectif tout en étant moins attentatoire aux droits religieux de l’appelante, doit être tranchée dans son contexte particulier. Ce contexte prouvé veut que les fidèles qui fréquentent la synagogue en litige choisissent de séjourner à Tremblant de façon temporaire et à des fins de loisirs, ce qui les distingue de celui où des personnes de confession juive orthodoxe ou hassidique revendiquent le droit de construire ou aménager une synagogue à distance de marche de leur domicile. En l’espèce, tous les fidèles qui fréquentent la synagogue en litige ont accès à une synagogue située près de leur domicile. Ce qu’ils revendiquent aujourd’hui, c’est de faire déclarer le Règlement inopposable à leur égard de façon à ce qu’ils puissent avoir accès à une synagogue là où ils ont choisi de séjourner pendant le Sabbat à des fins de loisirs ou autres fins similaires.

[70]           Je conclus donc que la restriction en est une qui, en l’espèce, porte le moins possible atteinte à la liberté de religion de l’appelante.

iii)    La proportionnalité entre les effets de la mesure et l’objectif énoncé et la mise en balance des effets préjudiciables et des effets bénéfiques, des intérêts particuliers et des intérêts de la société

[71]           Ce troisième critère de la seconde étape du test Oakes est bien résumé par le professeur Hogg : « It asks whether the Charter infringement is too high a price to pay for the benefit of the law »[43].

[72]           Je ne reprendrai pas ce qui a été dit dans les sections précédentes au sujet des effets préjudiciables que le Règlement contesté a sur l’appelante et ses fidèles. Je constate toutefois que les effets bénéfiques qui découlent de l’application de ce Règlement s’opposent à l’abolition de la norme qu’elle met en place autant au bénéfice des autres résidents de la zone que du développement du territoire municipal et régional. L’intimée a démontré l’importance et les effets bénéfiques pour ne pas autoriser la présence de lieux de culte dans les trois périmètres urbains de la Station, dont celui de consacrer ces périmètres à une affectation touristique et d’éviter la création des nuisances causées par la présence de lieux de culte (les nuisances causées par la synagogue en litige ayant d’ailleurs été prouvées) sur le voisinage. Elle a de plus rempli son fardeau de démontrer qu’il n’existait aucune mesure d’accommodement qui aurait pu satisfaire l’appelante, qui ne dépasserait pas le seuil au-delà duquel elle entraînerait des contraintes excessives pour l’intimée et pour les autres citoyens de la zone.

[73]           Ainsi, les avantages que l’ensemble de la population peut tirer de la mesure attaquée l’emportent sur les effets préjudiciables qu’elle peut avoir sur l’appelante et ses fidèles.

[74]           Tenant compte de toutes ces considérations, j’estime que l’intimée a démontré par la balance des probabilités que la violation du droit de l’appelante protégé par la Charte canadienne était justifiée dans le cadre d’une société libre et démocratique.    

3.     L’article 15 de la Charte canadienne

[75]           L’appelante soutient pour la première fois devant nous que le Règlement est discriminatoire et, de ce fait, enfreindrait le droit à l’égalité de tous devant la loi protégé par l’article 15 de la Charte canadienne et l’article 3 de la Charte québécoise. Cette discrimination découlerait du fait que le Règlement qui, on l’a vu, interdit tout bâtiment de culte dans les périmètres d’affectation de la Station, prévoit une exception à cette règle à l’égard de la chapelle Saint-Bernard.

[76]           La demande d’autorisation de présenter ce nouveau moyen a été déférée à la formation par une juge de la Cour. L’appelante y annonçait qu’elle n’entendait pas demander l’autorisation de présenter une nouvelle preuve et que ce moyen serait plaidé en ne tenant compte que de la preuve présentée lors du procès à la Cour municipale. De son côté, l’intimée s’oppose à cette demande pour le motif que, si la question avait été soulevée devant le premier juge, elle aurait alors présenté une preuve additionnelle. Je souligne que l’avis prescrit par l’article 76 C.p.c. (anciennement l’article 95 a.C.p.c.) a, depuis le dépôt de la demande d’autorisation d’appeler, été dûment signifié.

[77]           La permission d’ajouter ce moyen doit être accordée[44], l’intimée n’ayant en outre pas démontré ce qu’aurait pu être cette preuve additionnelle à laquelle elle réfère. Quant à l’appelante, le résultat de son appel sur cette nouvelle question sera, à l’instar de la première question, tributaire de la preuve présentée au premier juge[45].   

[78]           L’article 15(1) de la Charte canadienne est rédigé comme suit :

15 (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

15 (1) Every individual is equal before and under the law and has the right to the equal protection and equal benefit of the law without discrimination and, in particular, without discrimination based on race, national or ethnic origin, colour, religion, sex, age or mental or physical disability.

 

[79]           La protection du droit à l’égalité sous l’article 15 a pour objet de « favoriser l'existence d'une société où tous ont la certitude [d'être reconnus] comme des êtres humains qui méritent le même respect, la même déférence et la même considération »[46]. Pour ce faire, au fil des années, la Cour suprême a appliqué le principe d’égalité réelle plutôt que celui de l’égalité formelle, c’est-à-dire que « la principale considération doit être l'effet de la loi sur l'individu ou le groupe concerné »[47]. Comme énoncé par la juge Abella dans l’arrêt Québec (Procureur général) c. A.[48], dans un passage repris par la Cour suprême dans Première Nation de Kahkewistahaw c. Taypotat[49], l’analyse selon l’article 15(1) de la Charte canadienne doit en être une « souple et contextuelle visant à déterminer si la distinction a pour effet de perpétuer un désavantage arbitraire à l’égard du demandeur, du fait de son appartenance à un groupe énuméré ou analogue »[50].

[80]           Selon l’arrêt Taypotat[51], cette analyse comporte deux volets. Le premier volet consiste à se demander si la loi contestée crée une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue à première vue ou par son effet[52]. Le deuxième volet consiste à établir si la loi ne répond pas aux besoins des membres du groupe et leur impose plutôt un fardeau qui renforce, perpétue ou accentue ce désavantage[53], y compris un désavantage historique[54]. Ainsi, l’appelante doit démontrer qu’il existe une distinction de traitement qui est fondée sur un motif énuméré ou analogue et que la mesure contestée lui impose un fardeau ou lui nie un avantage d’une manière qui a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer le désavantage[55]. 

[81]           Au sujet du deuxième volet de l’analyse, la Cour reprend, dans l’arrêt Taypotat les propos de la juge Abella dans l’arrêt Québec c. A.[56] :

[20] Le second volet de l’analyse est axé sur les désavantages arbitraires — ou discriminatoires —, c’est-à-dire sur la question de savoir si la loi contestée ne répond pas aux capacités et aux besoins concrets des membres du groupe et leur impose plutôt un fardeau ou leur nie un avantage d’une manière qui a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer le désavantage dont ils sont victimes :

À la base, l’art. 15 résulte d’une prise de conscience que certains groupes ont depuis longtemps été victimes de discrimination, et qu’il faut mettre fin à la perpétuation de cette discrimination. Les actes de l’État qui ont pour effet d’élargir, au lieu de rétrécir, l’écart entre le groupe historiquement défavorisé et le reste de la société sont discriminatoires. [Québec c. A, par. 332]

[Soulignements ajoutés]

[82]           Les motifs de la juge Abella dans l’arrêt Fraser résument bien l’approche préconisée :

[76] Cela nous amène à la deuxième étape de l’analyse relative à l’art. 15 : la question de savoir si la loi a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer un désavantage (Alliance, par. 25). Cet examen se déroule habituellement de la même façon dans les cas d’effet distinct et de discrimination explicite. Il n’existe pas de « modèle rigide » de facteurs pertinents à prendre en considération dans cette analyse (Québec c. A, par. 31, citant Withler, par. 66). L’objectif est d’examiner l’effet du préjudice causé au groupe touché. Le préjudice peut inclure [traduction] « une exclusion ou un désavantage économique, une exclusion sociale [. . .] des préjudices psychologiques [. . .] des préjudices physiques [. . .], [ou] une exclusion politique », et il doit être examiné à la lumière des désavantages systémiques ou historiques auxquels fait face le groupe de demandeurs (Sheppard (2010), p. 6263 (soulignement supprimé)).

[77] Le but de l’examen est de faire en sorte que le par. 15(1) reste axé sur la protection des groupes qui sont défavorisés et exclus en raison de leurs caractéristiques, de même que sur la protection des personnes [traduction] « qui appartiennent à plus d’un groupe socialement défavorisé dans la société » […].[57]

[83]           Selon l’analyse à deux volets, il faut d’abord déterminer si le Règlement, à première vue ou par son effet, crée une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue. Le Règlement doit donc avoir un effet disproportionné à l’égard des membres en raison de leur appartenance à un groupe énuméré ou analogue.

[84]           Par l’effet du Règlement, les catholiques peuvent à la fois professer leur foi à la chapelle et profiter des installations de la Station touristique. Cela est impossible pour les fidèles juifs car, puisqu’aucun lieu de culte n’est autorisé sur le territoire de la Station et qu’ils doivent se déplacer à pied le jour du Sabbat, ils ne peuvent accéder aux installations de la Station comme les pratiquants catholiques.

[85]           Je note qu’il est aussi interdit aux croyants de toutes religions autre que catholique de professer leur foi dans un lieu de culte qui serait situé à la Station ou à proximité, ce qui fait que tous, sauf les catholiques, devraient alors se rendre en voiture dans une zone plus éloignée. Toutefois, les croyants qui adhèrent à la profession juive orthodoxe ne pourront y accéder puisqu’ils ne peuvent pas utiliser une voiture. On peut alors y voir l’effet disproportionné du Règlement à leur égard en raison de l’impossibilité pour eux de pratiquer leur foi et d’accéder à la Station le jour du Sabbat en raison de l’interdiction d’implanter un lieu de culte à la Station et de se déplacer dans un véhicule à moteur. Le Règlement vient donc leur nier un avantage que les pratiquants de la religion catholique et, dans une mesure moindre, des autres religions possèdent.

[86]           Toutefois, je suis d’avis que la négation de cet avantage n’a pas pour effet de renforcer, perpétuer ou accentuer un désavantage dont ces croyants seraient victimes. Selon ce qu’avance l’appelante dans son mémoire, cette restriction perpétue le désavantage historique des juifs puisqu’elle maintient la perception selon laquelle l’interdiction de conduire le jour du Sabbat est triviale et non digne de considération.

[87]           Je ne vois pas dans la preuve, dans les sources ou dans la jurisprudence soumises, la démonstration de cette allégation, c’est-à-dire qu’il existerait une perception selon laquelle l’interdiction de conduire, ici, le jour du Sabbat est triviale et non digne de considération.

[88]           De plus, s’il est vrai que l’interdiction de construire ou d’aménager un lieu de culte sur le site de la Station est faite aux membres de confession juive, elle est aussi intégralement faite à tous les membres de toutes les autres confessions, fussent-elles protestante, musulmane, bouddhiste, Témoins de Jéhovah ou autres. Je ne vois donc pas sur quoi repose la prétention de l’appelante selon laquelle le Règlement impose à son égard un fardeau qui perpétue le désavantage historique des personnes de confession juive. Les membres de toutes les confessions font face à la même interdiction de construire un lieu de culte, à l’exception des catholiques. Dans ce dernier cas, la preuve montre que c’est pour des raisons historiques, lesquelles penchent vers les raisons culturelles, que la chapelle, qui est érigée sur le terrain, y est autorisée par le Règlement.

[89]           Comme établi précédemment, la liberté de religion protège le libre exercice de la religion et impose une obligation de neutralité à l’État. La liberté de religion ne crée pas un droit d’accès à la villégiature. Le choix de participer à des activités récréotouristiques à la Station est un choix personnel et n’est pas protégé par la liberté de religion.

[90]           Je propose donc d’accorder la permission d’appeler d’un nouveau moyen de droit fondé sur l’article 15 de la Charte canadienne et sur l’article 10 de la Charte québécoise, de rejeter ce nouveau moyen de droit et de rejeter l’appel, avec les frais de justice.

 

 

 

 

 

STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A.


 

 

MOTIFS DE LA JUGE COTNAM

 

 

[91]           J’ai eu l’occasion de lire les motifs de mon collègue, le juge Sansfaçon. Tout comme lui, j’estime que l’appel doit être rejeté. J’en arrive cependant à cette conclusion pour des motifs différents.

[92]           Mon collègue conclut que le règlement en litige (« Règlement ») impose une entrave plus que négligeable à la liberté de religion des personnes de confession juive qui résident ou séjournent à la station touristique de MontTremblant (« Station ») et qui fréquentent le centre communautaire de l’appelante. Celle-ci offre à la population juive des prières communautaires le jour du Sabbat et lors des fêtes religieuses, des repas kasher et d’autres activités qui sont au cœur de la pratique de la religion juive.

[93]           À l’instar du juge de la Cour municipale[58] et de la juge de la Cour supérieure[59], je suis plutôt d’avis que le Règlement ne porte pas atteinte, de façon plus que négligeable, à la liberté de religion des personnes qui fréquentent l’immeuble de l’appelante.

[94]           Nul ne conteste que le fait de ne pouvoir se déplacer en automobile ou au moyen d’un autre véhicule moteur le jour du Sabbat constitue une croyance sincère inhérente aux préceptes de leur religion. Il est également admis que le Règlement ne permet pas l’établissement d’un lieu de culte à l’intérieur du périmètre de la Station ou à distance de marche de celle-ci.

[95]           En principe, le Règlement constitue une entrave à la liberté de religion pour les membres de la communauté de l’appelante qui souhaitent pouvoir profiter des activités de la Station ou y résider. Le fait de ne pas pouvoir se rendre à pied à leur lieu de culte représente certainement un inconvénient pour les observants. Il n’est pas contesté que la construction, l’utilisation et par le fait même l’accès à un lieu de culte font partie de la liberté de religion[60]. J’estime cependant que l’appelante n’est pas parvenue à démontrer que cette atteinte est plus que négligeable ou insignifiante[61] dans les circonstances particulières du présent dossier.

[96]           Le Règlement n’empêche aucunement la construction d’un lieu de culte, au contraire, il prévoit 25 zones réparties sur le territoire de la Ville de Mont-Tremblant où un tel usage est permis. Certaines de ces zones situées dans le secteur du noyau villageois et du centre-ville offrent de l’hébergement, de la restauration et d’autres services intéressants. Plusieurs terrains sont disponibles à distance de marche de lieux d’hébergement. Nous sommes loin ici du phénomène de ghettoïsation critiqué par les tribunaux[62].

[97]           L’appelante a choisi de s’installer sur la rue Desmarais en étant pleinement consciente que les seuls usages permis sont « habitation unifamiliale H-1 », « bifamiliale H-2 » et « commerces d’hébergement C-8 ».

[98]           Elle reconnaît d’ailleurs dans son mémoire :

Certes, comme le plaide l’Intimée, la liberté religieuse et l’obligation d’accommodement qui en découle ne sont pas absolues, et l’Appelante ne prétend pas qu’en raison des restrictions de transport auxquelles ses membres font face, les autorités municipales doivent permettre l’implantation d’un lieu de culte à distance de marche de n’importe quel endroit de leur municipalité.[63]

[99]           En réalité, l’appelante ne se plaint pas du fait que les personnes fréquentant son immeuble ne peuvent pratiquer leur religion dans le périmètre de la Ville de MontTremblant. Elle considère plutôt que le Règlement a pour effet « d’empêcher les observants de profiter de la Station et de ce qu’elle offre de particulier »[64], en dehors de la période du Sabbat, puisqu’ils devront séjourner à des endroits moins intéressants afin d’être en mesure de respecter leurs croyances religieuses.

[100]      Or, ces derniers ne sont aucunement privés de l’accès à la Station. S’ils décident de demeurer à distance de marche de l’immeuble de l’appelante, ils pourront, comme bien d’autres citoyens des environs, se rendre à la Station en voiture ou par le biais d’un autre moyen de transport, afin de profiter pleinement des activités hors la période du Sabbat. La Station est facile d’accès à partir du noyau-villageois ou du centre-ville de l’intimée.

[101]      L’inconvénient ne se compare aucunement au fait de devoir déménager afin de pratiquer sa religion[65], de devoir renoncer à conduire un véhicule[66] ou d’être bannis d’un commerce ou d’un lieu en particulier en raison de ses croyances[67].

[102]      J’estime que le fait de ne pas pouvoir profiter de toutes les options d’hébergement disponibles ou de devoir se déplacer à la Station ne constitue pas une entrave non négligeable à la liberté de religion. Il s’agit certes d’un désagrément ou d’une contrainte additionnelle pour les personnes souhaitant profiter des services offerts par l’appelante, mais le fait que cette contrainte rende possiblement moins agréable leur séjour ne suffit pas à établir que le Règlement est discriminatoire ou qu’il compromet, de façon non négligeable, l’exercice de leur liberté de religion[68].

[103]      Je rejetterais donc l’appel pour ce seul motif.

[104]      Cependant, si comme le suggère mon collègue le juge Sansfaçon, il fallait conclure à l’existence d’une telle entrave à la liberté de religion, je partage en tout point son analyse voulant que celle-ci soit justifiée en vertu des critères de l’arrêt Oakes[69].

 

 

 

 

GENEVIÈVE COTNAM, J.C.A.

 


[1]  L’Organisation de la jeunesse Chabad Loubavitch c. Ville de Mont-Tremblant, 2019 QCCS 5238 [jugement entrepris].

[2]  Ville de Mont-Tremblant c. L’Organisation pour la jeunesse Chabad Loubavitch, 2017 QCCM 26 [jugement de première instance].

[3]  Jugement entrepris, supra, note 1, paragr. 18; Jugement de première instance, supra, note 2, paragr. 52.

[4]  Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11 [Charte canadienne].

[5]  Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12 [Charte québécoise].

[6]  Organisation de la jeunesse Chabad Loubavitch c. Ville de Mont-Tremblant, 2020 QCCA 142 (Bich, j.c.a.).

[7]  Jugement de première instance, supra, note 2, paragr. 6-44.

[8]  Id., paragr. 65-66.

[9]  Id., paragr. 177-178.

[10]  Id., paragr. 57-63 et 262.

[11]  Id., paragr. 73, 163-165.

[12]  Congrégation des témoins de Jéhovah de St-Jérôme-Lafontaine c. Lafontaine (Village), 2004 CSC 48, paragr. 59 [Congrégation des témoins de Jéhovah].

[13]  R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103 [Oakes].

[14]  Cette méthode serait rendue applicable au contrôle judiciaire d’un règlement municipal par la Cour suprême dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, paragr. 55 à 57 et 136-138. Bien qu’en l’espèce la question de l’atteinte à la liberté de religion ait été soulevée dans le cadre d’un litige pénal devant la Cour municipale, la méthode qui devait être appliquée à son analyse est essentiellement la même que celle qui aurait été utilisée par la Cour supérieure si cette question avait d’abord été portée devant elle dans le cadre d’un pourvoi en contrôle judiciaire.

[15]  École secondaire Loyola c. Québec (Procureur général), 2015 CSC 12, paragr. 3-4 [Loyola]; Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12, paragr. 6 et 37; Multani c. Commission scolaire MargueriteBourgeoys, 2006 CSC 6, paragr. 92-96 (motifs dissidents des jj. Deschamps et Abella) [Multani].

[16]  Loyola, supra, note 15, paragr. 3.

[17]  Multani, supra, note 15, paragr. 24-31 (motifs majoritaires).

[18]  Id., paragr. 27 et 29, citant Ross c. Conseil scolaire du district nº 15 du Nouveau Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825, paragr. 74-75. Cette méthode a été appliquée par la Cour à l’égard d’un règlement municipal dans Bérubé c. Ville de Québec, 2019 QCCA 1764 [Bérubé].

[19]  R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265, p. 277; Canada (Premier ministre) c. Khadr, 2010 CSC 3, paragr. 21.

[20]  Syndicat Northcrest c. Anselem, 2004 CSC 47, paragr. 56 [Syndicat Northcrest c. Anselem].

[21]  R. c. Edwards Books and Art Ltd., [1986] 2 R.C.S. 713, p. 758-759 [Edwards Books].

[22]  José Woehrling, L’obligation d’accommodement raisonnable et l’adaptation de la société à la diversité religieuse, (1998) 43 R.D. McGill 325, p. 397.

[23]  Edwards Books, supra, note 21, p. 759; Syndicat Northcrest c. Anselem, supra, note 20, paragr. 5960; Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, 2009 CSC 37, paragr. 22 [Wilson Colony]; Congrégation des témoins de Jéhovah, supra, note 12, paragr. 69.

[24]  Wilson Colony, supra, note 23.

[25]  Id., paragr. 32.

[26]  Congrégation des témoins de Jéhovah, supra, note 12 : dans ce jugement, les juges majoritaires ont tranché l’appel sur une autre question. Le juge LeBel, dissident, écrivant avec l’assentiment des juges Bastarache et Deschamps et, dans une large mesure, du juge Major, est le seul à avoir traité de la question de l’atteinte à l’exercice de la religion en présence d’un règlement de zonage restrictif. Ses motifs ont par la suite été cités avec approbation par notre Cour dans Église de Dieu de Mont Sion c. Montréal (Ville de), 2014 QCCA 295, paragr. 60-64 [Église de Dieu de Mont Sion], Congregation of the Followers of the Rabbis of Belz to Strengthen Torah c. ValMorin (Municipalité de), 2008 QCCA 577, paragr. 39-40, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 25 septembre 2008, nº 32663 [Val-Morin] et Apôtres de l'amour infini c. Brébeuf (Municipalité de), 2008 QCCA 554, paragr. 49, et par la Cour suprême dans Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), 2015 CSC 16, paragr. 71.

[27]  Congrégation des témoins de Jéhovah, supra, note 12, paragr. 73 (motifs dissidents du j. LeBel).

[28]  Id., paragr. 63, 71-72.

[29]  Église de Dieu Mont de Sion, supra, note 26.

[30]  Val-Morin, supra, note 26.

[31]  Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, RLRQ, c. A-19.1.

[32]  Congrégation des témoins de Jéhovah, supra, note 12, paragr. 69.

[33]  Multani, supra, note 15, paragr. 43, repris encore récemment dans Frank c. Canada (Procureur général), 2019 CSC 1, paragr. 38-39 et Conseil scolaire francophone de la ColombieBritannique c. ColombieBritannique, 2020 CSC 13, paragr. 251 (motifs dissidents des jj. Brown et Rowe).

[34]  Jugement de première instance, supra, note 2, paragr. 203.

[35]  Congrégation des témoins de Jéhovah, supra, note 12, paragr. 71.

[36]  Mascouche (Ville de) c. Thiffault, J.E. 96-1097, 1996 CanLII 6503 (C.A.).

[37]  Marc-André LeChasseur, Zonage et urbanisme en droit municipal québécois, 2e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2009, p. 58, référant à Saint-Romuald (Ville de) c. Olivier, [2001] 2 R.C.S. 898.

[38]  Multani, supra, note 15, paragr. 50.

[39]  RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199, paragr. 160.

[40]  Préambule de la Loi visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs, L.Q. 2017, c. 13.

[41]  Congrégation des témoins de Jéhovah, supra, note 12, paragr. 71, 76-77, 79.

[42]  Multani, supra, note 15, paragr. 52-53.

[43]  Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada, 5e éd. suppl., vol. 2, Toronto, Thomson Reuters, 2007 (éd. à feuilles mobiles, 2 mai 2019), paragr. 38.12, p. 38-43, cité dans Bérubé, supra, note 18, paragr. 159.

[44]  Sur les critères relatifs à l’acceptation en appel d’un nouveau moyen constitutionnel : Guindon c. Canada, [2015] 1 R.C.S. 3, paragr. 21 et s. (motifs majoritaires des jj. Rothstein et Cromwell).

[45]  La Cour suprême a conclu dans l’arrêt Première Nation de Kahkewistahaw c. Taypotat, 2015 CSC 30 [Taypotat], qu’un manque de preuve dans le dossier l’empêchait de trancher l’appel sous l’angle d’une violation des droits garantis par l’article 15 : paragr. 27, 30 et 34, contrairement à la présente affaire alors que l’appelante estime que toute la preuve utile à ce moyen se trouve au dossier.

[46]  Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143, p. 171 (motifs du j. McIntyre pour la majorité au sujet de l'art. 15 de la Charte canadienne) [Andrews]. Voir la reprise de cette interprétation dans : Ontario (Procureur général) c. G, 2020 CSC 38, paragr. 44-47 [Ontario (Procureur général) c. G.]; Fraser c. Canada (Procureur général), 2020 CSC 28 [Fraser]; R. c. Kapp, 2008 CSC 41, paragr. 15; Law c. Canada (Ministre de l'emploi et de l'immigration), [1999] 1 R.C.S. 497, p. 529.

[47]  Andrews, supra, note 46, p. 165.

[48]  Québec (Procureur général) c. A, 2013 CSC 5.

[49]  Taypotat, supra, note 45.

[50]  Québec (Procureur général) c. A, supra, note 48, paragr. 331. Voir également Québec (Procureure générale) c. Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, 2018 CSC 17, paragr. 25 (motifs de la j. Abella) [Alliance].

[51]  Taypotat, supra, note 45, paragr. 19-20; Centrale des syndicats du Québec c. Québec (Procureure générale), 2018 CSC 18, paragr. 22 (motifs de la j. Abella) [Centrale des syndicats]; Alliance, supra, note 50, paragr. 2528 (motifs de la j. Abella); Fraser, supra, note 46,  paragr. 27 et 30 (motifs de la j. Abella); Ontario (Procureur général) c. G, supra, note 46, paragr. 40-43 (motifs de la j. Karakatsanis); R. c. C.P., 2021 CSC 19, paragr. 141 (motifs concordants du j. Wagner avec l’accord des juges Moldaver, Brown et Rowe).

[52]  Taypotat, supra, note 45, paragr. 19.

[53]  Id., paragr. 20.

[54]  Id., paragr. 20-21; Centrale des syndicats, supra, note 51, paragr. 22; Alliance, supra, note 50, paragr. 41 (motifs de la j. Abella). Fraser, supra, note 46, paragr. 76 (motifs de la j. Abella) et paragr. 175-177 et 190 (motifs dissidents des j. Rowe et Brown).

[55]  Taypotat, supra, note 45, paragr. 19-20.

[56]  Cette approche a été reprise à plusieurs occasions par la Cour suprême : Alliance, supra, note 50, paragr. 25, 28 (motifs de la j. Abella), paragr. 70, 94 (motifs dissidents des jj. Côté, Brown et Rowe); Fraser, supra, note 46, paragr. 27, 76-77; Ontario (Procureur général) c. G, supra, note 46, paragr. 57 et 69; R. c. C.P., 2021 CSC 19, paragr. 56-57.

[57]  Fraser, supra, note 46, paragr. 76-77 (motifs de la j. Abella pour la majorité).

[58]  Jugement de première instance, supra, note 2.

[59]  Jugement entrepris, supra, note 1.

[60]  Congrégation des témoins de Jéhovah, supra, note 12.

[61]  Syndicat Northcrest c. Amselem, supra, note 20, paragr. 56; Edward Books, supra, note 21, p. 759.

[62]  Ville de Montréal c. Centre islamique Badr, 2017 QCCS 57, p. 67-70.

[63]  Mémoire de l’appelante, paragr. 35.

[64]  Id., paragr. 40.

[65]  Syndicat Northcrest c. Amselem, supra, note 20, paragr. 56; Edward Books, supra, note 21.

[66]  Wilson Colony, supra, note 23.

[67]  Bertrand c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2014 QCCA 2199, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 28 mai 2015, no 36275; Hall (Litigation guardian of) v. Powers, 2002 CanLII 49475 (C.S. Ont.); Québec (Commission des droits de la personne) c. Camping & plage Gilles Fortier inc, 1994 CanLII 2350 (T.D.P.).

[68]  Val-Morin, supra, note 26, paragr. 45-49.

[69]  Oakes, supra, note 13.

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