Juneau c. Desjardins assurances générales inc. | 2023 QCTAL 38922 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Québec | ||||||
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No dossier : | 710781 18 20230525 G | No demande : | 3916835 | |||
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Date : | 12 décembre 2023 | |||||
Devant la juge administrative : | Micheline Leclerc | |||||
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André Juneau |
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Locateur - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Desjardins Assurances générales Inc. |
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Autre - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] Le locateur réclame une somme de 9 939,26 $, avec les intérêts et les frais pour des dommages causés dans le logement.
LA PREUVE
[2] Le locateur Juneau a conclu un bail pour la période du 15 septembre 2018 au 30 juin 2020 avec les locataires Allard et Larouche, lequel a été reconduit jusqu’au 30 juin 2021 au loyer mensuel de 1 290 $.
[3] Le locateur a vendu l’immeuble au mois de janvier 2021 et au soutien de sa demande, ce dernier dit qu’il y a eu un dégât d’eau le 3 octobre 2020 dans le logement concerné.
[4] Le fils du locateur, monsieur Dominique Juneau, explique qu’il a reçu un appel de son père parce que l’eau descendait au plafond du logement situé au premier étage, soit deux étages plus bas que celui des locataires.
[5] Il s’est rendu au logement et a vu de l’eau et du café sur le plancher de la cuisine, ainsi que dans l’évier.
[6] Il a déplacé la laveuse mais il n’y avait pas d’eau sous celle-ci.
[7] Il y avait quelques gallons d’eau dans le logement des locataires et un peu d’eau dans le plafond et les salles à manger des deux logements inférieurs.
[8] Il s’est avéré que le tuyau reliant l’évier et le lave-vaisselle était obstrué (P-1) et la locataire avait laissé le lave-vaisselle en fonction en quittant.
[9] Il a rejoint la firme Qualinet et lui a donné mandat d’assécher et de nettoyer les trois logements.
[10] Il a passé une caméra dans le drain, l’eau coulait et il n’y avait plus de bouchon.
[11] Selon lui, un bouchon a été créé par les locataires qui jetaient systématiquement du marc de café dans l’évier.
[12] S’il y en a eu beaucoup, le drain sera obstrué s’il n’est pas nettoyé.
[13] Sur la réclamation de la somme de 9 939,26 $, l’assureur a payé une somme de 4 939,26 $ et le locateur réclame la franchise de 5 000 $.
[14] En contre-interrogatoire, monsieur Juneau dit que la dimension du tuyau de plomberie est d’un pouce et demi, une dimension standard à l’époque (1975) et il n’y a eu aucune modification à la plomberie.
[15] Selon lui, il y aurait eu le même problème si le tuyau était plus gros en raison de l’usage fait.
[16] Il n’a jamais eu de tels problèmes dans les 117 logements mais il reconnaît qu’il lui arrive d’intervenir dans les salles de bain pour des cheveux tombés dans les drains et possiblement à deux reprises dans les cuisines.
[17] Il précise avoir passé la caméra dans la descente de la laveuse et il n’y avait rien à signaler.
[18] Il a ouvert le robinet de l’évier et l’eau coulait.
[19] La locataire relate qu’en faisant visiter le logement en 2018, le locateur a ouvert les robinets pour montrer que l’eau coulait bien et il a offert une solution ammoniaque si les tuyaux se bouchaient parce que la tuyauterie ne tolère pas le « Drano® ».
[20] Le 3 octobre 2020, elle a démarré le lave-vaisselle et a quitté pour environ 40 minutes.
[21] À son retour, il y avait beaucoup de personnes.
[22] On lui a dit qu’il y avait eu un reflux dans l’évier.
[23] Dans les jours suivants, le fils du locateur est passé pour voir ce qui avait bouché. Il a passé un déboucheur (ficheur) dans le tuyau jusqu’à l’extérieur de l’immeuble mais rien n’a été vu.
[24] Selon elle, aucune caméra n’a été passée.
[25] Elle dit qu’ils ont eu des problèmes sporadiques dans la baignoire parce que l’eau s’écoulait lentement et que le locateur a lui-même parlé d’un problème de tuyauterie qu’il remplaçait au fur et à mesure.
[26] De plus, le lavabo de la salle de bain a été débouché à deux reprises par le fils du locateur.
[27] Pour elle, il s’agit d’un problème connu et reconnu par le locateur.
[28] En contre-interrogatoire, elle confirme qu’elle vidait le marc de café dans l’évier une fois par jour mais son mari le jetait dans la poubelle et elle reconnaît qu’il y avait du marc de café dans l’évier, sur le comptoir et sur le plancher lorsqu’elle est revenue au logement.
[29] Elle dit que le fils du locateur a passé un déboucheur avec quelqu’un et elle les a laissé faire. Après leur départ, l’eau coulait très bien.
[30] Elle n’a pas vu de caméra, tel que relaté.
[31] Elle n’a eu aucun problème après le 3 octobre 2020.
[32] Le locateur réplique qu’il montre aux locataires que l’eau coule bien et qu’il n’y a pas de blocage avant leur entrée dans le logement.
[33] Une clause du bail stipule d’ailleurs que les locataires sont responsables du blocage.
[34] Selon lui, le dégât d’eau a été causé par le café, que la locataire vidait dans l’évier.
[35] Rappelé à témoigner, monsieur Dominique Juneau dit que la caméra passée ressemble à un déboucheur parce qu’ils sont montés sur une même coquille et que ce sont des « trucs » qu’il apporte toujours.
[36] De plus, il dit que le déboucheur et la caméra ne passent pas partout et qu’il faut parfois défaire la plomberie pour les passer.
[37] Monsieur Gaston Fortin est plombier depuis 43 ans et il travaille à son compte depuis 1998.
[38] Il explique que le lave-vaisselle est branché avec l’évier et qu’un tel réseau doit être entretenu en prévention avec une caméra.
[39] Il confirme qu’un déboucheur a été passé et qu’il n’y avait aucun résidu de café. Pour sa part, il n’a jamais vu de bouchon par café.
[40] En contre-interrogatoire, il dit que son employé a effectué la réparation le 28 octobre 2020 et son mandat était de vérifier si l’installation était conforme.
[41] Il a fait couler l’eau dans l’évier parce que le locateur l’avait débouché.
[42] Il a vérifié la conformité, il a regardé ce qui était branché sur le réseau et il a donné son compte-rendu à l’assureur.
[43] Comme il n’a pas passé de caméra, il ne peut pas dire ce qui a bouché, mais il affirme que si le réseau est « clean » il n’y aura pas de bouchon.
DÉCISION
[44] L’article 1862 du Code civil du Québec stipule ce qui suit :
« 1862. Le locataire est tenu de réparer le préjudice subi par le locateur en raison des pertes survenues au bien loué, à moins qu'il ne prouve que ces pertes ne sont pas dues à sa faute ou à celle des personnes à qui il permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci.
Néanmoins, lorsque le bien loué est un immeuble, le locataire n'est tenu des dommages-intérêts résultant d'un incendie que s'il est prouvé que celui-ci est dû à sa faute ou à celle des personnes à qui il a permis l'accès à l'immeuble. »
[45] Dans l’affaire Fortin c. Shevtsova[1] , le Tribunal a écrit:
« L’article 1890 du C.c.Q. qui découle de l'obligation de conservation imposée au locataire doit être lu conjointement avec l'article 1862 C.c.Q. qui établit une présomption de faute à l'encontre de la locataire pour toutes pertes ou dégradations survenues au bien loué. Il lui appartient alors de démontrer la cause de ces pertes ou de démontrer qu'elle ne peut en être tenue responsable.
Comme le souligne, l'auteur Pierre Gabriel Jobin, dans son traité sur le louage[2] :
« ...il s'agit d'une simple présomption de faute qui permet au débiteur de s'exonérer par la preuve d'absence de faute. Quand la cause précise est inconnue, il suffit donc au locataire de prouver que lui-même et les personnes utilisant le bien ou y ayant accès ont agi en personnes prudentes et diligentes eu égard à toutes les causes probables de la perte. »
(Le tribunal souligne)
[46] La preuve a révélé qu’il y a eu un refoulement d’eau dans le logement des locataires, mais la preuve n’a pas démontré de manière prépondérante que le tuyau a été bouché par du marc de café.
[47] Il ressort de la preuve que la tuyauterie date de l’année 1975 et comme il n’y a pas d’entretien à titre préventif, un bouchon est susceptible de se former, ce qui peut être causé par différents éléments: aliments, gras, cheveux, etc.
[48] Monsieur Fortin a d’ailleurs affirmé qu’il n’avait jamais vu de bouchon causé par du marc de café.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[49] REJETTE la demande.
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Micheline Leclerc | ||
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Présence(s) : | le locateur la mandataire de Desjardins Assurances générales Inc. | ||
Date de l’audience : | 4 juillet 2023 | ||
Présence(s) : | le locateur le mandataire de Desjardins Assurances générales Inc. | ||
Date de l’audience : | 16 octobre 2023 | ||
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[1] Fortin c. Shevtsova, Régie du logement, 31-081223-156G, le 12 mai 2011, Me Francine Jodoin, juge administrative.
[2] JOBIN Gabriel, Le louage, 2e édition, 1996, Les Éditions Yvon Blais Inc., 768 pages, à la page 200 et suivantes.
AVIS :
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