Beaupré c. Procureur général du Québec | 2023 QCCS 4431 | |||||||||
COUR SUPÉRIEURE | ||||||||||
« Chambre civile » | ||||||||||
CANADA | ||||||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||||||||||
DISTRICT DE | MONTRÉAL | |||||||||
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N°: | 500-17-101393-174 | |||||||||
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DATE : | 14 novembre 2023 | |||||||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | ÉRIC DUFOUR, J.C.S. | ||||||||
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YVES BEAUPRÉ | ||||||||||
et | ||||||||||
MARCEL DUCHESNE | ||||||||||
et | ||||||||||
EVANS DUPUIS | ||||||||||
et | ||||||||||
FRATERNITÉ INTER-PROVINCIALE DES OUVRIERS EN ÉLECTRITICÉ | ||||||||||
et | ||||||||||
FRATERNITÉ NATIONALE DES CHARPENTIERS-MENUISIERS, SECTION LOCALE 9 | ||||||||||
et | ||||||||||
UNION DES OPÉRATEURS DE MACHINERIE LOURDE, DIVISION DES GRUTIERS, LOCAL 791G | ||||||||||
Demandeurs | ||||||||||
c. | ||||||||||
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PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC | ||||||||||
Défendeur | ||||||||||
et | ||||||||||
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DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES | ||||||||||
Mis en cause | ||||||||||
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APERÇU
[1] L’article
[2] Les 29 juin 2017, 13 septembre 2017 et 9 mars 2018, la Cour du Québec déclare Yves Beaupré, Marcel Duchesne et Evans Dupuis (représentants syndicaux) coupables d’avoir contrevenu à l’article 119.0.1[2]. Ils en appellent actuellement devant la Cour, mais les dossiers demeurent en attente du présent jugement.
[3] Appuyés de leurs syndicats respectifs, les représentants syndicaux attaquent la validité constitutionnelle d’une portion de l’article 119.11, qu’ils prétendent contraire à l’alinéa 2d) et à l’article
[4] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que :
- La référence que fait l’article 119.11 à l’article 119.0.1 n’entrave pas de manière substantielle le droit des travailleurs de s’unir afin d’exercer des activités syndicales, ce qui n’entraîne aucune contravention à l’alinéa 2d) de la Charte canadienne et à l’article
- La référence que fait l’article 119.11 à l’article 119.0.1 n’impose aucune peine ni aucun traitement ou châtiment cruels ou inusités. Bien informés des circonstances et même en tenant compte de cas hypothétiques raisonnables, les citoyens n’estimeraient pas intolérable le fait que les travailleurs ne puissent plus agir, en raison de leurs déclarations de culpabilité à une infraction à la Loi R-20, en tant que représentants syndicaux, pour une période de cinq ans. Cette référence ne contrevient donc pas à l’article
[5] Le Tribunal rejettera le pourvoi en contrôle judiciaire.
LES QUESTIONS EN LITIGE
A) L’article 119.11 de la Loi R-20 enfreint-il l’alinéa 2d) de la Charte canadienne et l’article
B) Si oui, la mesure peut-elle être sauvegardée au regard des articles
C) L’article
D) Si oui, cette référence peut-elle être justifiée en vertu de l’article
ANALYSE
A) L’article
[6] Voici le texte des articles
119.0.1.- Commet une infraction et est passible d’une amende de 1 227 $ à 2 452 $ dans le cas d’une personne physique et de 2 487 $ à 4 973 $ dans les autres cas :
1° l’association visée par l’article 107.1 qui réfère de la main-d’œuvre ou offre ou fournit, directement ou indirectement, un service de référence de main-d’œuvre autrement que par la participation au Service de référence de main-d’œuvre de l’industrie de la construction;
2° le représentant syndical, le délégué de chantier ou tout autre représentant d’une association visée par le paragraphe 1° qui, directement ou indirectement, réfère de la main-d’œuvre ou offre ou fournit un service de référence de main-d’œuvre autrement que par l’intermédiaire de sa participation au Service de référence de main-d’œuvre de l’industrie de la construction;
3° toute autre personne qui offre ou fournit un service de référence de main-d’œuvre dans l’industrie de la construction.
119.11.- Toute personne physique déclarée coupable, en vertu d’un jugement définitif, d’une infraction visée à l’un ou l’autre des articles 113.1, 113.2, 115, 119, 119.0.1, 119.0.3, 119.0.5 et 119.8 à 119.10 est inhabile à diriger ou à représenter, à quelque titre que ce soit, une association visée par l’un des paragraphes a à c.2 du premier alinéa de l’article 1 ou une association de salariés affiliée à une association représentative ou à être membre du Conseil d’administration de la Commission ou d’un comité formé en application de la présente loi, durant les cinq années qui suivent le prononcé de la sentence.
[7] Il s’agit de déterminer si, comme le soutiennent les représentants syndicaux et les syndicats (les demandeurs), le jeu de ces dispositions législatives contrevient à leur liberté d’association prévu aux chartes.
[8] Que protège l’alinéa 2d) de la Charte canadienne[5]? Dans l’arrêt Association police montée[6], la Cour suprême conclut que, considéré en fonction de son objet, l’alinéa 2d) concerne plus particulièrement trois catégories d’activités :
- le droit de s’unir à d’autres et de constituer des associations;
- le droit de s’unir à d’autres pour exercer d’autres droits constitutionnels;
- le droit de s’unir à d’autres pour faire face, à armes plus égales, à la puissance et à la force d’autres groupes ou entités.
[9] Puisqu’il concerne des droits associatifs, l’alinéa 2d) ne garantit pas la réalisation d’objectifs précis des travailleurs mais plutôt le processus pour les atteindre[7] ou le droit de s’associer pour ce faire[8]. Dans le contexte des relations de travail, l’al. 2d) assure le droit des employés de véritablement s’associer en vue de réaliser des objectifs collectifs relatifs aux conditions de travail[9], ce qui s’avère le cœur de cette protection constitutionnelle et, pour qu’une disposition législative y porte atteinte, il faut qu’elle l’entrave de manière substantielle[10]. Ces caractères italiques importent puisqu’ils éclairent le contenu de la protection véritable qu’offre l’al. 2d).
[10] Les demandeurs soutiennent que le terme substantiel ne devrait pas faire partie du paradigme. Ils précisent que ce qu’ils invoquent relève du droit constitutif d’association[11], autrement dit du droit même de constituer et de former une association, qui ne tolèrerait aucune entrave à leur liberté, peu importe son intensité. Ils prennent appui sur un article de doctrine[12] où les auteurs promeuvent cette opinion :
Or, depuis la trilogie de 1987, il est reconnu que la liberté constitutive d’association protège, minimalement, le « droit d’appartenir à une association ou de la constituer ». Dans l’arrêt Dunmore, la Cour suprême parle d’une protection contre l’«ingérence» de l’employeur. Le libre choix des représentants et l’indépendance de ceux-ci vis-à-vis de la direction nous paraissent relever davantage de l’aspect constitutif de la liberté d’association, comme c’est le cas, incidemment, pour le droit d’affiliation syndicale. Ainsi, il nous semble que toute disposition qui compromet ces activités devrait être considérée, en elle-même, comme contraire à l’alinéa 2d), sans que la partie demanderesse ait à démontrer, par surcroît, qu’elle subit, de ce fait, une « entrave substantielle » à sa liberté d’association.
[11] Avec égards, le Tribunal ne peut retenir cet argument.
[12] Les mots entraves substantielles n’apparaissent évidemment pas par hasard dans les arrêts de la Cour suprême mais s’avèrent au contraire soigneusement choisis. Dans l’arrêt Health Services[13], la Cour suprême estime que tous les aspects de l’activité associative liée à la négociation collective ne bénéficient pas de la protection constitutionnelle; uniquement les entraves substantielles à l’association collective le sont. Elle ajoute que, si aucune démonstration d’une intention de porter atteinte au droit d’association lié à la négociation collective n’est nécessaire pour établir la violation de l’al. 2d), il faut tout de même que la loi attaquée entrave de façon substantielle l’activité de négociation collective, décourage la poursuite collective d’objectifs communs.
[13] Illustrant que toute entrave législative ne contrevient pas, en elle-même, à l’al. 2d), l’arrêt Association police montée donne divers exemples de mesures législatives ou réglementaires restreignant les droits de négociation collective. Ainsi, quelle que soit la nature de la restriction, il faut essentiellement déterminer si les mesures en question perturbent l’équilibre des rapports de force entre les employés et l’employeur que l’al. 2d) vise à établir, de telle sorte qu’elles interfèrent de façon substantielle avec un processus véritable de négociation collective[14].
[14] Récemment, la Cour d’appel conclut aussi que l’entrave doit être substantielle pour établir une contravention à l’al. 2d)[15]. Il en va de même de cette Cour, alors qu’elle écrit, dans la décision Fédération des policiers et policières municipaux du Québec c. Procureur général du Québec[16] :
[114] Cependant, le droit d’association demeure à portée restreinte. D’une part, ce droit garantit « un processus plutôt qu’un résultat ou que l’accès à un modèle particulier de relations de travail ». D’autre part, seule une entrave ou atteinte substantielle à la liberté d'association, par opposition à des « répercussions mineures » , peut justifier l'examen judiciaire des dispositions législatives attaquées.
[Références omises]
[15] Donc, pour intéressante que soit la proposition de ces auteurs, les tribunaux n’y adhèrent pas. Une loi peut limiter le processus véritable de négociation collective; tout est question de degré et, passé un certain point, l’entrave devient substantielle, ce qui la rend attentatoire à l’al. 2d).
[16] Quand une entrave devient-elle substantielle? Ici encore, le contexte de chaque cas importe, comme le souligne la Cour d’appel dans l’arrêt Procureur général du Québec c. Les avocats et notaires de l’État québécois[17], sachant l’importance des sujets visés pour l’activité collective et de la manière dont la mesure a été mise en œuvre[18].
[17] Notons que la liberté des travailleurs quant au choix des représentants syndicaux n’est pas absolue. Cette liberté permet plutôt aux employés de participer véritablement au choix des objectifs collectifs que devra poursuivre leur association[19].
[18] Les demandeurs plaident que le droit de constituer une association et de travailler à sa formation, incluant ses règles internes, se situe au cœur même de la liberté d’association, ce qui milite en faveur d’une interprétation généreuse de la protection qu’offre l’al. 2d). Ils ajoutent que ce droit constitutionnel inclut le choix des représentants d’une association syndicale et la détermination du cens d’éligibilité[20]. Pour eux, le choix des représentants syndicaux demeure central à la constitution d’une association. Ils réfèrent plus particulièrement au passage suivant de l’arrêt Syndicat des employées et employés professionnels et de bureau, section locale 573 (CTC-FTQ) c. Commission de la construction du Québec[21]:
[60] On constate donc que le droit d’adhérer à un syndicat est lié au droit d’affiliation qui n’est pas un droit dérivé du droit d’association : il fait partie de la liberté constitutive (droit premier). L’affiliation permet non seulement de réaliser des objectifs reliés au travail, par exemple influencer les débats publics et les législations qui peuvent affecter les droits des travailleurs, mais elle peut également servir des objectifs sociaux plus larges.
[61] En outre, le droit international reconnaît que l’affiliation fait partie intégrante de la liberté d’association. Plusieurs conventions internationales l’indiquent clairement.
[19] Partant de cet arrêt, ils affirment que la structure d’une association syndicale influence grandement le choix des salariés du syndicat auquel ils adhèrent et soumettent que le choix des représentants fait partie de cette structure[22].
[20] Avec égards, le Tribunal ne voit pas en quoi le passage précité de cet arrêt supporte leur position. Rien n’y indique que le droit d’affiliation confère celui de déterminer les conditions relatives à l’éligibilité d’un représentant syndical ou à sa désignation lorsque la structure corporative d’une association ne prévoit pas d’élection. Du point de vue conceptuel, choisir un candidat parmi plusieurs pour un poste de représentant syndical – que ce choix résulte d’un vote ou d’une désignation par un bureau central lorsque les règles internes le prévoient – ne va pas jusqu’à déterminer et imposer les conditions sans lesquelles une personne ne peut occuper ce poste. S’il en était autrement, les syndicats et les travailleurs imposeraient aux gouvernements leurs volontés quant aux règles à la base de l’habilité à occuper un poste syndical. Les législateurs se trouveraient à toutes fins pratiques évincés de leurs pouvoirs législatifs en la matière, ce qui ne saurait se concevoir.
[21] De même, la possibilité pour un travailleur d’opter pour un syndicat plutôt qu’un autre en considération de sa structure opérationnelle et de son offre de services aux membres n’empêche pas le législateur, du point de vue de l’al. 2d), de déterminer les règles minimales de conduite et de probité des représentants syndicaux.
[22] Les demandeurs réfèrent aussi le Tribunal aux obligations internationales pour appuyer leur interprétation de l’al. 2d). Ils plaident que la Charte canadienne doit au moins équivaloir au minimum prévu aux ententes internationales auxquelles adhère le Canada, comme le décide la Cour suprême dans Re Public Service Employee Relations Act (Alberta)[23] et Québec (Procureure générale) c. 9147‑0732 Québec inc.[24]. Au sujet des instruments internationaux, les demandeurs réfèrent plus particulièrement à la Convention n°87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (Convention n°87)[25] qui, en ce qui concerne l’organisation des associations, prévoit :
Article 3
1. Les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d’action.
2. Les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal.
[23] Dans Health Services, la Cour suprême précise que la Convention n°87 a été interprétée comme ayant pour effet de protéger la négociation collective dans le cadre de la liberté d’association. Elle ajoute que la partie I de la convention, intitulée Liberté syndicale, établit le droit des travailleurs de constituer librement des organisations qui sont régies par des statuts et règlements administratifs élaborés par les travailleurs et qui peuvent s’affilier à des organisations internationales.
[24] Les demandeurs plaident avec insistance le Rapport du Comité de la liberté syndicale[26], dont ils invoquent plus particulièrement les passages suivants :
225. Le comité relève que, selon l’organisation plaignante, les amendements apportés à la loi R-20 violent les normes internationales du travail en ce qu’ils empêchent un membre d’une association syndicale ayant commis certaines infractions de se faire élire au poste de délégué syndical. A cet égard, le comité constate que le gouvernement affirme que les interdictions afférentes à l’obtention du titre de délégué syndical par un travailleur qui a commis certaines infractions criminelles visent à garantir la probité et l’intégrité des représentants syndicaux.
[…]
Le comité prie le gouvernement, en consultation avec tous les partenaires sociaux concernés, d’examiner l’article
[25] Ils réfèrent enfin le Tribunal à une compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale (CLS), un organe tripartie composé notamment de l’Organisation internationale du travail (OIT). Le Bureau international du travail (BIT), basé à Genève, publie cette compilation[27].
[26] Tel que l’indique le rapport, l’objet de l’OIT consiste à améliorer les conditions de travail et à promouvoir la liberté syndicale[28]. Son but ne consiste pas à blâmer quiconque mais d’engager un dialogue[29]. Voici les principaux résumés des décisions auxquelles réfèrent les demandeurs :
585. La liberté syndicale implique le droit pour les travailleurs et les employeurs d’élire leurs représentants en pleine liberté.
588. Il incombe aux organisations de travailleurs et d’employeurs de déterminer les conditions dans lesquelles leurs dirigeants syndicaux sont élus, et les autorités devraient s’abstenir de toute intervention indue dans l’exercice du droit garanti aux organisations de travailleurs et d’employeurs d’élire librement leurs représentants conformément à la convention no 87.
625. Une loi interdisant d’une manière générale l’accès aux fonctions syndicales pour toute sorte de condamnation est incompatible avec les principes de la liberté syndicale, dès lors que l’activité condamnée ne met pas en cause l’aptitude et l’intégrité nécessaires pour exercer de telles fonctions.
629. La disqualification pour les mandats syndicaux fondée sur «tout délit d’escroquerie, de malhonnêteté ou d’extorsion» pourrait porter atteinte au droit d’élire les dirigeants en toute liberté, étant donné que le terme «malhonnêteté» pourrait englober une large gamme de conduites qui ne rendraient pas nécessairement les personnes condamnées pour ce délit inaptes à occuper des postes de confiance tels que des fonctions syndicales.
667. L’idée de base de l’article 3 de la convention no 87 est de laisser aux travailleurs et aux employeurs eux-mêmes le soin de décider des règles à observer pour la gestion de leurs organisations et pour les élections en leur sein.
[27] Il faut préciser que la présomption de conformité demeure un principe d’interprétation en vue d’aider les tribunaux à délimiter l’étendue et la portée des droits que garantit la Charte canadienne[30]. Comme il s’agit d’une présomption, une partie peut la réfuter. De même, en tant que principe d’interprétation, la présomption n’anéantit pas l’intention claire d’un législateur[31].
[28] Malgré les références internationales que présentent les demandeurs, la Cour suprême définit clairement ce que protège l’al. 2d). Voilà pourquoi, en dépit de ce que recommande le CLS dans son rapport et les décisions de l’OIT, le contenu du droit enchâssé par l’al. 2d) demeure celui défini par la Cour suprême, notamment dans les arrêts Health Services et Association police montée.
[29] En somme, l’al. 2d) ne confère pas le droit des employés de dicter les règles d’habilité ou d’inhabilité de leurs représentants syndicaux. Les demandeurs doivent plutôt démontrer que l’effet combiné des articles
[30] Faut-il le rappeler, le fardeau de démonstration de l’atteinte à un droit garanti par la Charte canadienne repose sur la partie qui le prétend[32]. La charge de persuasion demeure celle de la prépondérance de la preuve même en présence d’un litige de nature constitutionnelle.
[31] Les demandeurs échouent dans leur démonstration : la référence à l’article 119.0.1 n’affecte en rien la capacité des travailleurs de choisir leur syndicat ou leurs représentants en fonction de leurs règles de fonctionnement. Il n’en résulte aucune entrave substantielle au droit des travailleurs quant au processus véritable de négociation collective.
[32] Pour conclure ainsi, toutefois, il faut d’abord rappeler le contexte particulier des relations de travail dans l’industrie de la construction au Québec, unique au Canada, sinon dans le monde.
[33] Le monde des relations de travail dans l’industrie de la construction au Québec a subi nombre de tumultes depuis le siècle dernier et requis les soins constants des gouvernements du Québec depuis au moins le milieu du 20ième siècle.
[34] De l’épisode du saccage de la Baie-James aux troubles vécus au chantier Gaspésia, les rapports de commissions d’enquête et de groupes de travail se succèdent. Tous pressent le Gouvernement d’agir pour assainir les relations de travail et lui transmettent des recommandations précises en ce sens.
[35] Les parties dépeignent bien ce contexte.
[36] Comme le précisent les demandeurs, les caractéristiques particulières de l'industrie de la construction au Québec nécessitaient qu’on l’exclue de l’application des règles générales prévues au Code du travail[33] ou à la Loi sur les décrets de convention collective[34], qui ne leur convenaient pas, s’avérant mal adaptées à leurs réalités, particulièrement en ce qui concerne la paix industrielle, la stabilité et la démocratie syndicale.
[37] Au nombre des réalités spécifiques à l’industrie de la construction se trouvent :
- l’absence de stabilité des emplois, souvent saisonniers ou dépendants de l’avènement de grands chantiers;
- la dispersion géographique des chantiers et des travailleurs;
- le fort pourcentage de petits employeurs (comptant moins de 20 employés);
- la mobilité de la main-d’œuvre;
- la durée de vie variable des chantiers et leur caractère diversifié;
- la cohabitation de plusieurs employeurs sur un même chantier;
- la cohabitation de plusieurs corps de métiers sur un même chantier;
- le sentiment d’appartenance à un métier plutôt qu’à un employeur qui empreint un travailleur de la construction[35].
[38] À ces caractéristiques s’ajoutent la coexistence de syndicats de métiers et de syndicats industriels affiliés à des centrales différentes – souvent rivales – et un historique de conflits intersyndicaux, d'intimidation et de violence sur les chantiers de construction.
[39] Dans l’arrêt Advance Cutting, la Cour suprême décrit longuement l’historique peu banal des relations de travail dans l’industrie de la construction au Québec[36]. En voici les extraits les plus importants pour le présent jugement :
Les problèmes et, parfois, la violence, liés aux relations du travail dans l’industrie de la construction du Québec ont tourmenté les administrations provinciales qui se sont succédé depuis le milieu des années 60. (par. 117);
Une succession de conflits entre syndicats rivaux, au milieu des changements économiques que vivait l’industrie, mena à une réévaluation du régime et à de nouveaux choix dans les années 60 et 70 dans le but de rétablir la paix et la stabilité dans l’industrie. (par. 118);
Dans l’industrie de la construction, les syndicats internationaux étaient particulièrement puissants dans les métiers comme l’électricité et la plomberie, mais ils contrôlaient aussi d’importants métiers comme le montage de structures d’acier et l’installation d’ascenseurs. (par. 124);
Des conflits survinrent entre les groupements syndicaux et au sein des groupes d’employeurs. Par exemple, au moins une demi‑douzaine de groupes provinciaux, régionaux ou de métiers se disputaient l’appui des entrepreneurs. La violence éclatait fréquemment sur les chantiers de construction. Des arrêts de travail se produisaient souvent et de manière incontrôlable. Les abus comme la subornation et l’utilisation illicite des régimes de placement syndical étaient monnaie courante. Il fallait concevoir et mettre en place un nouveau cadre. (par. 127);
L’adoption de la loi […] suscita de grands espoirs, qui s’envolèrent vite. Les troubles ne cessèrent pas dans l’industrie de la construction. Le nouveau régime de négociation collective s’effondra presque immédiatement. Les conflits, les grèves et la violence se poursuivirent de la même façon, malgré l’adoption de modifications mineures et majeures à la loi au fil des années, qui ne réglèrent rien dans l’immédiat. (par. 129);
Pour mettre fin à la violence syndicale et aux abus dans les régimes de placement et de bureaux d’embauche gérés par les syndicats et pour prévenir des grèves illégales, la loi prévoit des sanctions plus sévères, sans grand succès à l’époque. Malgré ces modifications, la violence continua à éclater sporadiquement, la négociation collective ne débouchant que sur de nouveaux conflits. Les syndicats de métiers spécialisés cherchèrent à obtenir ou à conserver le contrôle de grands projets, et la FTQ a tenté de s’assurer le contrôle de fait de l’industrie de la construction. Les rivalités intersyndicales persistèrent et touchèrent durement l’industrie. (par. 130);
En 1974, après le saccage du projet de la Baie James par des dirigeants syndicaux et des membres de sections locales de la construction affiliées à la FTQ, le gouvernement du Québec établit une commission d’enquête présidée par le juge en chef adjoint de la Cour provinciale, Robert Cliche : la Commission d’enquête sur l’exercice de la liberté syndicale dans l’industrie de la construction, plus connue sous le nom de « Commission Cliche ». (par. 131);
Le rapport de la Commission Cliche recommanda l’imposition de la mise en tutelle par l’État d’un certain nombre de sections locales de syndicats pendant plusieurs années. Il proposa également des modifications au régime de négociation collective de même que des réformes profondes dans les lois et règlements régissant la qualification professionnelle des entrepreneurs et l’accréditation professionnelle des travailleurs. (par. 132);
Le régime suivant la Commission Cliche demeure fondé sur la Loi des relations du travail dans l’industrie de la construction de 1968. Il établit un mode de relations du travail propre à l’industrie de la construction, ce qui le soustrait à l’application du Code du travail et de la Loi des décrets de convention collective. (par. 134);
Les négociations et la convention entre les syndicats représentatifs et les associations d’employeurs ont mené à l’adoption d’un décret provincial applicable à l’ensemble de l’industrie et juridiquement contraignante pour tous les employés et employeurs de la province. L’application du décret a été confiée à un organisme public, l’«Office de la construction du Québec », devenu la « Commission de la construction du Québec ».Quelques années plus tard, les bureaux de placement syndicaux sont passés sous le contrôle de la Commission de la construction et il est maintenant interdit aux syndicats de les exploiter. Le régime prévoit l’embauche préférentielle des travailleurs de la construction dans chaque région de la province. Ce régime, révisé périodiquement, vise à atteindre une certaine stabilité dans l’emploi et à conférer des droits d’ancienneté aux salariés considérés comme « de vrais travailleurs de la construction ». (par. 135);
La Commission dresse la liste des travailleurs de la construction qui possèdent les qualités requises pour participer au vote obligatoire prévu par l’art.
[40] À l’instar de la Cour suprême, il est difficile de ne pas insister sur le rapport de la Commission Cliche[37], tant son importance demeure significative encore aujourd’hui. Il est remarquable que, dans sa lettre au Premier ministre Bourassa, le président de la Commission écrive :
[…] au menu quotidien de nos audiences, nous avons trop souvent été placés en présence de fraudeurs, d’escrocs et de canailles.
[41] Cette mise en exergue impressionne parce qu’elle reflète l’ambiance générale dans laquelle cette commission a mené ses travaux, ambiance qui a conditionné ses recommandations. Au chapitre de la politique de la main-d’œuvre, les commissaires écrivent[38] :
L’examen de la situation actuelle révèle plusieurs choses. D’abord, la multiplicité et la concurrence des différents organismes de placement. Il est curieux de voir le nombre d’organisations qui veulent aider les travailleurs mais qui, pour ce faire, s’entredéchirent. Ceci nous amène à une autre constatation. La rivalité empêche les différentes organisations de placement de communiquer entre elles et entraîne un manque flagrant de coordination. Ceci empêche l’activité de placement de s’exercer en rapport avec les autres activités qui concernent la main-d’œuvre, par exemple, la formation professionnelle.
De plus, le placement des travailleurs confère finalement un pouvoir très grand à celui qui en est chargé. En effet, certains des intéressés se sont prévalus de cette fonction de placement pour augmenter leur pouvoir de négociation et ainsi confondre systématiquement main-d’œuvre et relations de travail. À ce sujet, la F.T.Q. admet même dans son mémoire à la Commission que “…les bureaux (de placement) syndicaux sont également partie intégrante de la force syndicale et donc du pouvoir de négociation des syndicats…”.
Une autre constatation s’ajoute : le placement des travailleurs est le meilleur moyen de contrôle quantitatif et de faciliter les mesures de protection d’emploi.
[…]
Finalement, il existe présentement une inégalité découlant de l’affiliation syndicale, inégalité systématiquement imposée dans le domaine du placement des travailleurs de la construction. En effet, le travailleur de certains métiers, pour maximiser ses chances d’emploi, ne peut faire autrement en pratique que d’adhérer à un syndicat de métier de la F.T.Q. - Construction.
[…]
Ceci signifie qu’en pratique, un individu n’est pas aussi libre qu’on pense de choisir son syndicat. S’il veut travailler il est forcé d’adhérer à la F.T.Q. Le monopole du placement confère donc à celui qui l’exerce un pouvoir excessif vu la relation qui doit exister entre le placement des travailleurs, les autres fonctions de main-d’œuvre et les objectifs économiques et sociaux.
[…]
Bref, nous affrontons présentement un système de placement tyrannique qui finalement vise plutôt à combler l’intérêt égoïste de certaines organisations et de certains dirigeants que de répondre aux besoins des travailleurs. Le droit au travail signifie pour le travailleur la protection de ses droits dans l’embauche. La vénalité des emplois ou le sacrifice des droits pour obtenir l’emploi constituent en fait un chantage et non pas la protection des travailleurs.
[…]
De fait, l’abolition des bureaux de placement syndicaux est devenue un consensus au Québec. Tous les organismes qui ont déposé des rapports auprès de notre Commission, à la seule exception de la F.T.Q., réclament l’abolition de ces bureaux de placement syndicaux.
[42] Parmi les recommandations des commissaires, le Tribunal retient celles-ci[39] :
14 – que le pluralisme syndical soit maintenu dans l’industrie de la construction;
111 – que l’on confie à l’Office de la construction la responsabilité et l’exécution du placement dans la construction;
130 – que le service de placement recommandé au chapitre sur la main-d’œuvre, soit l’instrument d’un régime de préférence d’emploi, et ce, au plus tard, le 1er janvier 1976.
[43] Outre le survol historique que rédige le juge LeBel, plusieurs études rappellent le contexte singulier dans lequel évolue l’industrie de la construction[40]. Le Rapport d’enquête sur les dépassements de coûts et de délais du chantier de la Société Papiers Gaspésia de Chandler (Commission Lesage)[41] déposé en mai 2005, mérite, lui aussi, qu’on s’y attarde. En plus de bien décrire les spécificités de l’industrie de la construction au Québec (notant la durée variable des chantiers[42], les quatre grands secteurs de l’industrie[43], la pluralité des employeurs pour les travailleurs[44], les différences des cycles d’emplois selon les métiers[45] et l’importance des rôles que jouent les parties patronales et syndicales dans le recrutement des employés[46] notamment), la Commission Lesage scanne le chantier de la Société de papiers Gaspésia à Chandler et note[47] :
Au chantier Papiers Gaspésia, nous avons déjà mentionné que quelques 95% des travailleurs qui y ont œuvré étaient membres du Conseil conjoint. Il est vrai que plusieurs d’entre eux étaient de métiers affiliés en très large majorité au Conseil conjoint, mais cela ne peut cependant pas tout expliquer. Notre enquête a clairement révélé des négations du droit au travail pour plusieurs travailleurs qui n'étaient pas « du bon bord », des pressions explicites sur certains travailleurs de changer d’allégeance au scrutin de juin 2003, s’ils voulaient travailler, des pressions sur des entrepreneurs pour engager des gens du Conseil conjoint, plus précisément de la FTQ-construction, des conseils au directeur du Projet sur les « bonnes » manières de faire les choses. Un représentant du Conseil conjoint a ainsi résumé la situation dans ses représentations à Oméga Construction : « C’est un chantier FTQ icitte ».
La Commission ne considère pas le pluralisme syndical comme étant une formule parfaite, exempte de tout défaut. Convaincue de la valeur de la démocratie syndicale, elle a toutefois observé les immenses dangers de l’implantation du monopole syndical dans l’industrie québécoise de la construction pour régler les problèmes vécus.
[44] Elle poursuit ainsi[48] :
[…]
Pendant de l’intimidation, la discrimination sur la base de l’allégeance syndicale représente un cancer tout aussi virulent à l’encontre du pluralisme syndical, de l’exercice de la liberté syndicale et du droit au travail. On entend par discrimination toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur l’allégeance syndicale qui a pour effet de détruire ou d’altérer l’égalité des chances en matière d’emploi.
[45] La Commission Lesage s’attaque ensuite plus spécifiquement au phénomène du placement syndical. Elle écrit[49] :
Cette fonction « placement et référence », tous ou à peu près tous les acteurs syndicaux en font. Il s’agit là d’un service fort utile tant aux membres visés, ceux-ci devant souvent changer d’employeurs ou de chantier dans un cadre d’instabilité d’activité et d’emploi, qu’aux entrepreneurs en quête de main-d’œuvre. C’est le beau côté des choses. Toutefois, les abus potentiels que peut causer un bps doivent être contrôlés et éliminés par des mesures strictes de lutte à l’encontre de l’intimidation et de la discrimination. Ce n’est pas en réformant le placement et la référence que l’intimidation et la discrimination seront éliminées, mais plutôt en renforçant les moyens de lutte et les pénalités contre l’intimidation et la discrimination que les choses avanceront.
[46] À la suite de cette enquête, le gouvernement du Québec (Gouvernement) débute ses consultations particulières sur le Projet de loi 135 intitulé Loi modifiant la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction. Dans la présentation qu’il en fait, le ministre du Travail indique aux parlementaires : nous ne pouvons accepter que ce régime (des relations de travail) soit entaché par des pratiques d’intimidation ou de discrimination dans l’embauche. En ce sens, il faut atténuer les irritants, notamment ceux soulevés dans le rapport Lesage[50].
[47] Les efforts gouvernementaux et législatifs se poursuivent.
[48] Le 19 avril 2011, la ministre du Travail fait part que le gouvernement du Québec s’apprête à une mise à jour de la règlementation du secteur de la construction[51]. Elle détaille ensuite ses objectifs dans un communiqué du 18 mai 2011[52] où elle invite les principaux acteurs à alimenter sa réflexion. Elle annonce aussi qu’un groupe de travail, composé de spécialistes de l’industrie, mènerait les consultations. Le groupe de travail reçoit en tout 60 mémoires.
[49] Le 30 août 2011, la ministre du Travail reçoit le Rapport du groupe de travail sur le fonctionnement de l’industrie de la construction[53]. Les membres du groupe de travail y analysent la mécanique de la référence de main-d’œuvre et dénoncent le dysfonctionnement qui en résulte[54] :
Le placement syndical est une forme exacerbée de référence de la main-d’œuvre par laquelle une association syndicale peut contrôler l’offre de travail, exercer des pressions sur un employeur en vue de le contraindre à n’embaucher que les travailleurs inscrits sur la liste qu’elle lui soumet ou, dans certains cas, de l’empêcher de faire des mises à pied au moment opportun. En outre, un tel contrôle s’accompagne souvent de l’interdiction faite au travailleur, par son syndicat, d’être embauché directement par un employeur ou de chercher à l’être.
Le placement syndical est traditionnellement pratiqué par les syndicats de métiers dans l’industrie de la construction, au Québec et ailleurs.
Les diverses mesures adoptées par le législateur depuis la commission Cliche, dont les dernières découlent du projet de loi 135 (devenu le chapitre 42 des lois du Québec de 2005), n’ont pas permis d’enrayer le recours aux pratiques déloyales, dont celles d’intimidation auprès des travailleurs et des employeurs.
De l’avis de la majorité des intervenants, les pratiques déloyales se sont raffinées et sont bien implantées dans l’industrie de la construction. Le placement syndical nuit à l’image de l’industrie, à l’intérêt des donneurs d’ouvrage d’investir dans ces conditions, à la capacité concurrentielle des entreprises de construction et à une saine concurrence entre les associations syndicales.
De l’avis du comité, deux droits fondamentaux des travailleurs sont touchés par ces pratiques déloyales : le droit de travail et le libre choix de leur association syndicale représentative.
[50] Ils estiment qu’une réforme en profondeur s’impose et font des recommandations à la ministre[55] :
Le placement syndical de la main-d’œuvre et les abus qui en découlent doivent être interdits. Le comité croit que, encadré adéquatement, un système de référence de main d’œuvre pourrait constituer une source de recrutement crédible et efficace pour les employeurs, les syndicats étant aptes à recommander des travailleurs répondant spécifiquement aux besoins particuliers ou même ponctuels des employeurs. La référence syndicale peut également représenter une importante valeur ajoutée pour les travailleurs qui exercent dans un secteur caractérisé par une mobilité interemployeur plus accentuée.
Le comité estime qu’une réforme en profondeur s’impose. Une telle réforme devra entraîner le respect des droits fondamentaux et un changement de comportement des représentants syndicaux, tout en assurant une transition qui pourra répondre aux besoins des travailleurs et des employeurs dans toute l’industrie de la construction.
À cet effet, le comité recommande ce qui suit.
[…]
1) Que soient adoptées les dispositions requises afin d’interdire les pratiques de placement syndical de la main d’œuvre qui consistent à imposer le choix et le nombre de travailleurs sur un chantier. Que ces dispositions entrent en vigueur trois mois suivant l’adoption de la Loi.
[…]
6) Que le gouvernement autorise la référence de la main-d’œuvre par les associations syndicales représentatives, dans les neuf mois suivant l’adoption de la Loi, assujettie toutefois à un système encadré de délivrance de licences, comprenant notamment les éléments suivants :
[…]
f. Des sanctions en gradation seront imposées pour non-respect des règles établies, allant d’un simple avis à l’inhabilité, pour une période de cinq ans, d’un dirigeant d’association syndicale représentative ou de tout représentant syndical appelé à jouer un rôle dans la référence de la main-d’œuvre. Des sanctions similaires pour l’association syndicale représentative pourront conduire à la perte de la licence, durant les cinq ans qui suivent le jour du prononcé de la sentence par la CRT.
g. Il y aura interdiction de boycotter ou d’inciter quiconque à boycotter le système de référence de la CCQ, de même que d’exercer des pressions sur les responsables du système, sous peine de sanctions aussi sévères que celles recommandées au point précédent.
[51] La ministre suit ces recommandations et, le 6 octobre 2011, dépose le Projet de loi 33 intitulé Loi éliminant le placement syndical et visant l’amélioration du fonctionnement de l’industrie de la construction[56]. Dans son allocution présentant le projet de loi, la ministre déclare :
(…) [C]e projet de loi introduit un nouveau mécanisme de référence en remplacement de la pratique du placement syndical des salariés de l’industrie de la construction et propose diverses mesures visant l’amélioration du fonctionnement de l’industrie de la construction.
C’est ainsi que le projet de loi élimine le placement syndical en prévoyant que toute référence de main-d’œuvre doit se faire par l’intermédiaire du Service de référence de main-d’œuvre de l’industrie de la construction, administré par la Commission de la construction du Québec, et que les associations syndicales et d’employeurs qui veulent référer des salariés doivent le faire par la voie de ce service après avoir obtenu un permis à cet effet. Le projet de loi édicte de plus que le fait d’imposer ou de tenter d’imposer à un employeur l’embauche de salariés déterminés ou un nombre déterminé de salariés est interdit et constitue une infraction.
[52] Plusieurs syndicats ne digèrent pas le projet de loi et perturbent les chantiers de construction[57]. On appelle au boycott du projet de loi. La validité constitutionnelle de la Loi R-20 sera aussi contestée, mais la procédure se terminera par un désistement en avril 2019[58].
[53] La mécanique législative suit toutefois son cours[59].
[54] À juste titre, le Procureur général du Québec (PGQ) souligne le fait exceptionnel que la règlementation accessoire au Projet de loi soit elle aussi étudiée en commission parlementaire dans le cadre de son adoption, ce qui démontre toute la complexité de la question et l’importance que le législateur y accorde[60].
[55] Le 12 décembre 2012, le gouvernement adopte le Règlement sur le Service de référence de main-d’œuvre de l’industrie de la construction[61]. Un service de référence en ligne est aussi créé et, pour y avoir accès, un représentant syndical ou patronal doit détenir un permis l’autorisant[62].
[56] La preuve convainc qu’à moins d’une législation et d’une réglementation fortes, adaptées aux réalités québécoises des chantiers de construction, la référence de la main-d’œuvre gangrène la stabilité et la paix sur les chantiers. Semeuse d’intimidation, de discrimination selon l’allégeance syndicale et parfois même de violence, elle est depuis longtemps dénoncée par la plupart des acteurs du milieu et de nombreux efforts ont été consentis pour tenter de l’enrayer[63].
[57] Faisons ici quelques pas de recul.
[58] Dans son rapport, la Commission Cliche recommandait d'abolir le placement syndical et de créer un service unique de placement décentralisé et impartial, administré par un office[64].
[59] Dès 1976, le législateur adopte la loi qui crée l’Office de la construction du Québec qui se voit échoir la responsabilité du placement des employés.
[60] Le 28 septembre 1977, le lieutenant-gouverneur en conseil approuve le Règlement relatif au placement des salariés dans l'industrie de la construction adopté par l'Office de la construction[65] (ancêtre de la Commission de la construction du Québec), qui prévoit notamment :
a) qu’une « agence de placement » doit détenir une licence pour œuvrer dans l’industrie de la construction;
b) qu’elle doit respecter le code d’éthique préparé par l’Office;
c) qu’elle doit faire connaître l’ordre de priorité de placement qu’elle entend appliquer à l’intérieur des critères de placement définis au règlement;
d) qu’elle doit tenir un registre de ses activités de placement.
[61] Plusieurs modifications législatives se succèdent qui portent sur le placement syndical. Notamment, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans l’industrie de la construction, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction et modifiant d’autres dispositions législatives[66] prévoit, entre autres, que nul ne peut faire du placement dans l'industrie de la construction. On y lit également, et ceci s’avère très révélateur, qu'une clause d'une convention collective ne peut porter sur le placement ou une agence de placement ou limiter le libre choix de l'employeur de requérir les services d'un salarié directement auprès de cette personne ou par l'entremise de la Commission ou d'une référence syndicale.
[62] En 2005, le Rapport de la Commission Lesage recommande au Gouvernement d’encadrer le placement syndical et les systèmes de référence pour prévenir et éviter l'intimidation et la discrimination sur la base de l'allégeance syndicale. La Commission propose au ministre du Travail de mettre sur pied une banque Internet de travailleurs de la construction commune à toute l'industrie[67].
[63] Le législateur adopte aussi d’autres modifications à la Loi R-20 par lesquelles il accroît la portée des interdictions relatives à l'intimidation et à la discrimination. Il instaure un mécanisme de plainte à la Commission des relations du travail en matière de liberté syndicale. Il prévoit également que le tribunal doit déclarer un représentant syndical inhabile à représenter, à quelque titre que ce soit, une association de salariés s’il a commis certaines infractions.
[64] Les débats parlementaires entourant l’adoption des modifications législatives illustrent les écueils et les efforts déployés pour trouver une solution aux maux que crée le placement syndical non encadré[68].
[65] À l’évidence, les diverses mesures législatives adoptées depuis le Projet de loi 135 se sont avérées insuffisantes pour endiguer le mal identifié. Même l'adoption de sanctions plus dures n’y est pas parvenue. Au contraire, le Groupe de travail détecte le raffinement des méthodes utilisées par certains syndicats pour parvenir aux mêmes fins[69].
[66] Comme le plaide le PGQ, le régime particulier instauré par la Loi R-20, tel qu'il existe actuellement, est le résultat de nombreuses tentatives, d'ajustements et de réaménagements législatifs qui se sont poursuivis avec l'adoption des dispositions législatives contestées et même ultérieurement[70].
[67] Le Tribunal ajoute que, les efforts passés n’ayant pas suffi pour l’annihiler, le placement syndical demeure au centre des préoccupations tant du gouvernement du Québec que des observateurs et des acteurs de l’industrie de la construction.
[68] Essentiellement, la Loi R-20 :
- prévoit des dispositions qui protègent la liberté et la démocratie syndicales et les salariés contre toute forme de discrimination et d'intimidation en raison de leur adhésion syndicale;
- crée une structure de négociation multi métiers au niveau provincial, sur la base de l'industrie plutôt que de l'entreprise, en divisant cette industrie en quatre secteurs : le secteur génie civil et voirie, le secteur industriel, le secteur institutionnel et commercial et le secteur résidentiel;
- reconnaît le pluralisme syndical à la table de négociations plutôt que le monopole de représentation conféré par l'accréditation unique;
- instaure l'adhésion obligatoire de tous les salariés à l'une ou l'autre des cinq associations représentatives reconnues;
- confie son administration à la CCQ.
[69] De façon plus spécifique, l’article 107.1 interdit de fournir un service de référence de main-d’œuvre dans l’industrie de la construction autrement que par un titulaire d’un permis délivré à cette fin par le Bureau des permis de service de référence de main-d’œuvre. L’interdiction vise tant les associations syndicales que les employeurs qui veulent référer des salariés.
[70] Au nombre des conditions pour obtenir un tel permis se trouve celle qu’aucun des dirigeants ou représentants de l’association demanderesse n’ait été, au cours des cinq années précédant la demande, déclaré coupable d’une infraction visée à l’article
[71] De même, afin de s’assurer de l’intégrité du processus de référence de la main-d’œuvre, le législateur a prévu des infractions sanctionnant son non-respect. C’est pourquoi le législateur choisit d’ériger en infraction celle prévue à l’article 119.0.1 concernant la référence de main-d’œuvre autrement que par la participation au Service de référence de main-d’œuvre de l’industrie de la construction.
[72] Comme on le sait, toute personne physique déclarée coupable d’une infraction visée à l’article 119.0.1 devient inhabile à diriger ou à représenter, à quelque titre que ce soit, une association syndicale pour les cinq années qui suivent le prononcé de la sentence.
[73] On voit donc que, constatant ses échecs répétés, le législateur s’attaque par la Loi R-20 au phénomène de placement syndical, véritable cancer de l’industrie selon certains. Le mécanisme choisi consiste en un service de référence de main-d’œuvre visant à éliminer le placement syndical et, avec lui, les abus qui autrefois prenaient la forme d’intimidation, discrimination et de pression directe et indirecte envers les travailleurs et les employeurs de l’industrie de la construction.
[74] Il ne fait aucun doute que la référence que fait l’article 119.11 à l’article
[75] L’interrelation entre les articles 119.11 et 119.0.1 n’empêche pas les travailleurs de la construction :
- de s’unir à d’autres et de constituer et de maintenir des associations;
- de s’unir à d’autres pour exercer d’autres droits constitutionnels, notamment de s’unir à d’autres pour faire face, à armes plus égales, à la puissance et à la force d’autres groupes ou entités;
- d’être représentés par le syndicat qu’ils veulent malgré le fait qu’un de ses représentants syndicaux devienne inhabile en raison de son geste illégal;
- de choisir parmi les syndicats qui maraudent, celui qui les représentera;
- d’orienter leur choix en fonction de l’offre de services aux membres que mousse un syndicat;
- de définir le contenu de leurs objectifs collectifs et de choisir les moyens prévus pour les réaliser;
- d’organiser leurs activités;
- de désigner un agent négociateur;
- d’élire des personnes occupant une fonction de direction par scrutin secret voté par la majorité des membres présents à une assemblée dûment convoquée pour favoriser un choix démocratique[72];
- de bénéficier des visites et des conseils, sur les chantiers, de représentants syndicaux ou de délégué syndical.
[76] Ce qui précède vaut également pour les représentants ou autres dirigeants rendus inhabiles par la commission d’une infraction en matière de références de salariés.
[77] Lors de l’audition, les représentants syndicaux témoignent de leur conviction que des employeurs demeurent réticents à engager une personne qui a occupé des fonctions syndicales, bien qu’un employeur qui agirait de la sorte contreviendrait à l’article
[78] Au-delà de cette perception des demandeurs, la preuve révèle que M. Alexandre Ricard, président de la Fraternité nationale des charpentiers-menuisiers – section locale 9, est lui-même retourné comme salarié après un passage dans des fonctions syndicales et que le demandeur Dupuis occupe maintenant un emploi de conseiller en santé et sécurité au travail chez un employeur.
[79] Notons que, s’agissant de la liberté de choix des syndiqués, elle ne se veut ni illimitée ni absolue, malgré les espoirs déçus que cela suscite. Celle des travailleurs, dans le contexte de l’industrie de la construction, s’apprécie en fonction du régime que prévoit la Loi R-20, notamment l’instauration d’un régime de syndicalisation obligatoire. La réelle liberté de choix réfère plutôt à celle qui permet aux employés de participer véritablement au choix des objectifs collectifs que devra poursuivre leur association[73].
[80] De même, le jeu des articles 119.11 et 119.0.1 n’empêche pas les syndicats :
- de marauder pour augmenter leur membership;
- d’adopter des structures administratives qui reflètent leurs orientations;
- d’établir les règles qui entourent l’élection de leurs représentants dans leurs statuts et règlements internes, conformément aux règles et modalités minimales prévues par la loi;
- de choisir qu’un délégué de chantier puisse être nommé par ses dirigeants plutôt qu’élu par les syndiqués.
[81] Les syndicats et leurs représentants peuvent encore et toujours référer un travailleur à un employeur, la seule contrainte consistant à le faire par le truchement du service de références et la détention d’un permis.
[82] En fait, rien ne permet de soutenir que l’inhabilité prévue à l’article 119.11 porte atteinte au droit à un processus véritable de négociation collective en privant les ouvriers ou les employés de quoi que ce soit qui crée ainsi une entrave substantielle à leur capacité de véritablement mener des négociations collectives. Au contraire, le modèle choisi par le législateur suit les enseignements de la Cour suprême en ce qu’il demeure respectueux de la structure même dont se sont dotés les syndicats demandeurs, lesquels restent à l’abri de l’ingérence de l’employeur, demeurent sous le contrôle des employés et offrent à ces derniers une liberté de choix suffisante quant aux objectifs qu’ils entendent poursuivre au sujet de leurs conditions de travail[74].
[83] Comme l’établit la preuve, le processus de désignation prévu dans les statuts et règlements des syndicats demandeurs demeure celui choisi uniquement par leurs membres, sans ingérence de l’État dans cette décision[75].
[84] Il faut également noter que la disposition attaquée par les demandeurs n’atténue en rien :
- les autres articles de la Loi R-20 qui obligent les représentants à rendre compte aux employés qui les ont choisis pour démontrer qu’ils travaillent à l’atteinte des objectifs pour lesquels les employés se sont associés. Comme le rappelle la Cour suprême : [l]’obligation de rendre compte assure aux employés un meilleur contrôle sur le choix des questions soumises à l’attention de l’employeur et sur les ententes conclues en leur nom à l’issue du processus de négociation collective[76];
- le droit des membres de voter et se faire entendre lorsqu’il y a lieu d’entériner une convention collective ou d’exercer des moyens de pression, allant jusqu’à la grève[77];
- la participation de toutes les associations représentatives aux négociations collectives[78].
[85] N’est-ce pas là l’un des aspects réels et concrets que protège l’al. 2d), par opposition à une absence de limite au cens d’éligibilité des représentants syndicaux? D’ailleurs, comme le reconnaissent les demandeurs eux-mêmes, [l]a Cour a donc reconnu que la liberté d’association comprenait un aspect de choix des personnes quant à l’association et à la structure de l’association. Ce qui est important pour les membres est que leur point de vue sera transmis à l’employeur par les gens qu’ils ont choisis[79].
[86] L’inhabilité que prévoit l’article 119.11 protège même, pour ainsi dire, la liberté d’association en assurant que les personnes occupant le poste de représentant syndical non seulement paraissent mais soient réellement au-delà de tout reproche quant à leur probité. En ce sens, l’article 119.11 participe même à une meilleure protection des droits associatifs des travailleurs dans l’industrie québécoise de la construction.
[87] À l’inverse, s’il advenait qu’un représentant syndical conserve ses responsabilités en dépit d’une condamnation par un tribunal pénal, on peut raisonnablement affirmer que des employeurs s’interrogeraient sur sa probité et sa crédibilité, et la bonne représentation des membres s’en trouverait à coup sûr amoindrie.
[88] Les demandeurs insistent qu’au moyen de l’article 119.11 – plus précisément dans sa référence à l’article 119.0.1 – l’État s’ingère dans ce qui existe de plus fondamental à leur indépendance structurelle par rapport à l’employeur.
[89] Il n’en est rien.
[90] La Cour suprême attribue à la notion d’indépendance syndicale la garantie que les activités de l’association reflètent les intérêts des employés, ce qui respecte la nature et l’objet du processus de négociation collective et en assure le bon fonctionnement[80]. On voit donc qu’elle revient, ici encore, à l’aspect fondamental de l’al. 2d), soit la capacité de réellement défendre des intérêts collectifs.
[91] Or, la Loi R-20 assure justement la réalisation de cet objectif, non seulement grâce aux dispositions mentionnées jusqu’ici, mais grâce encore à l’article 100, qui prévoit expressément qu’aucun employeur, ni aucune personne agissant pour un employeur ou une association d’employeurs, ne doit chercher d’aucune manière à dominer, entraver ou financer la formation ou les activités d’une association de salariés, ni à y participer.
[92] Le fait que le législateur restreigne le choix des candidats à un poste de représentant syndical n’entraîne pas qu’il s’ingère dans le choix des salariés, pas plus que, comme l’a jugé la Cour, l’imposition de la condition d’être membre d’une association pour prétendre à un poste de direction ne le fait[81].
[93] Comme le plaide le PGQ, conclure autrement permettrait à une partie de revendiquer comme seule issue possible l’élection d’une personne déterminée à un titre de direction ou de représentation pourrait être assimilé au fait de revendiquer un modèle particulier ou un résultat précis, ce qui excède manifestement la protection conférée par la liberté d’association[82].
[94] Enfin, la preuve ne démontre pas comment la référence que fait l’article
[95] Quelques considérations s’imposent au sujet d’arguments des représentants syndicaux quant à certains gestes qu’ils posent et qui, selon eux, demeurent :
- maladroits, dans le cas de Beaupré;
- du placement de salariés effectué bien indirectement, dans le cas de Dupuis;
- motivés par la défense d’un travailleur contre des pratiques d’embauches discriminatoires en fonction de l’âge, dans le cas de Duchesne.
[96] Pour eux, ces gestes demeurent bénins et n’affectent en rien leur probité. Ils ne devraient donc pas subir les conséquences drastiques de la Loi R-20.
[97] Le Tribunal rejette ces assertions.
[98] Quoiqu’il en soit de la bonne foi des représentant syndicaux, leurs déclarations de culpabilité par la Cour du Québec subsistent pour le moment. Les demandeurs admettent d’ailleurs, aux seules fins du présent jugement, les faits sur lesquels conclut la Cour du Québec dans chacun de leurs dossiers.
[99] Loin de se qualifier de bénins, les gestes des demandeurs atteignent et percent le cœur même, l’essence de la Loi R-20 : bannir une fois pour toute le placement syndical, source de troubles, de menaces de toutes sortes, voire de violence.
[100] Les perceptions des représentants syndicaux de la gravité de leurs gestes demeurent, du reste, parfaitement subjective. Tout est question de perspective et il suffit de retourner la lorgnette pour constater les différences de vues.
[101] D’autres, comme l’employeur chez qui s’est présenté Duchesne, y ont vu une tentative à peine déguisée de placement syndical illégal. Comme en témoigne Duchesne lui-même, cet employeur s’en est offusqué au point où une échauffourée s’est ensuivie, notamment une prise par le collet, impliquant d’autres personnes sur le chantier, dont une qui a stationné rapidement son camion derrière celui de Duchesne, manœuvre destinée à l’empêcher de quitter les lieux. Le tout, à la vue de tous. Duchesne a eu la frousse et s’est même rendu à un poste de police. Voilà exactement le genre de scènes effarantes décriées par quiconque s’intéresse à ce débat depuis les années ’60.
[102] Les représentants syndicaux prennent leur tâche à cœur, ne comptent pas les heures, en effectuent une grande partie bénévolement. Ils en parlent, avec émotion, comme d’une vocation. Le Tribunal n’en doute pas. Mais ceci ne les dispense pas d’obéir à la loi, surtout celle qui, comme la Loi R-20, compte tenu du passé de l’industrie de la construction au Québec et des nombreuses tentatives législatives décevantes parce que stériles pour enrayer la violence et l’intimidation sur les chantiers, vise à assurer aux travailleurs la meilleure protection des droits que confère l’al. 2d).
[103] Les demandeurs ne démontrent pas que la référence que fait l’article 119.11 à l’article
B) Si oui, la mesure peut-elle être sauvegardée au regard des articles
[104] Subsidiairement, la référence que fait l’article 119.11 à l’article
[105] Dans Oakes[83], la Cour suprême jette les bases du test que doit rencontrer la partie – en l’occurrence le PGQ – qui plaide que la disposition attaquée doit être maintenue. Elle écrit :
[69] Pour établir qu'une restriction est raisonnable et que sa justification peut se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique, il faut satisfaire à deux critères fondamentaux. En premier lieu, l'objectif que visent à servir les mesures qui apportent une restriction à un droit ou à une liberté garantis par la Charte, doit être "suffisamment important pour justifier la suppression d'un droit ou d'une liberté garantis par la Constitution": R. c. Big M Drug Mart Ltd., précité, à la p. 352. La norme doit être sévère afin que les objectifs peu importants ou contraires aux principes qui constituent l'essence même d'une société libre et démocratique ne bénéficient pas de la protection de l'article premier. Il faut à tout le moins qu'un objectif se rapporte à des préoccupations urgentes et réelles dans une société libre et démocratique, pour qu'on puisse le qualifier de suffisamment important.
[70] En deuxième lieu, dès qu'il est reconnu qu'un objectif est suffisamment important, la partie qui invoque l'article premier doit alors démontrer que les moyens choisis sont raisonnables et que leur justification peut se démontrer. Cela nécessite l'application d'"une sorte de critère de proportionnalité": R. c. Big M Drug Mart Ltd., précité, à la p. 352. Même si la nature du critère de proportionnalité pourra varier selon les circonstances, les tribunaux devront, dans chaque cas, soupeser les intérêts de la société et ceux de particuliers et de groupes. À mon avis, un critère de proportionnalité comporte trois éléments importants. Premièrement, les mesures adoptées doivent être soigneusement conçues pour atteindre l'objectif en question. Elles ne doivent être ni arbitraires, ni inéquitables, ni fondées sur des considérations irrationnelles. Bref, elles doivent avoir un lien rationnel avec l'objectif en question. Deuxièmement, même à supposer qu'il y ait un tel lien rationnel, le moyen choisi doit être de nature à porter "le moins possible" atteinte au droit ou à la liberté en question : R. c. Big M Drug Mart Ltd., précité, à la p. 352. Troisièmement, il doit y avoir proportionnalité entre les effets des mesures restreignant un droit ou une liberté garantis par la Charte et l'objectif reconnu comme "suffisamment important".
[71] Quant au troisième élément, il est évident que toute mesure attaquée en vertu de l'article premier aura pour effet général de porter atteinte à un droit ou à une liberté garantis par la Charte; d'où la nécessité du recours à l'article premier. L'analyse des effets ne doit toutefois pas s'arrêter là. La Charte garantit toute une gamme de droits et de libertés à l'égard desquels un nombre presque infini de situations peuvent se présenter. La gravité des restrictions apportées aux droits et libertés garantis par la Charte variera en fonction de la nature du droit ou de la liberté faisant l'objet d'une atteinte, de l'ampleur de l'atteinte et du degré d'incompatibilité des mesures restrictives avec les principes inhérents à une société libre et démocratique. Même si un objectif est suffisamment important et même si on a satisfait aux deux premiers éléments du critère de proportionnalité, il se peut encore qu'en raison de la gravité de ses effets préjudiciables sur des particuliers ou sur des groupes, la mesure ne soit pas justifiée par les objectifs qu'elle est destinée à servir. Plus les effets préjudiciables d'une mesure sont graves, plus l'objectif doit être important pour que la mesure soit raisonnable et que sa justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.
[106] La Cour suprême précise son raisonnement dans Health Services[84] et ajoute que le test que pose l’arrêt Oakes s’applique de manière contextuelle. L’analyse se concentre donc sur le contexte de la loi ou de la mesure attaquée. La vulnérabilité du groupe protégé, les mesures envisagées par le législateur pour remédier au préjudice subi et l’importance de l’activité concernée figurent à la grille d’analyse.
[139] L’analyse fondée sur l’article premier est axée sur le contexte de la règle de droit en cause. Parmi les facteurs contextuels à considérer figurent la nature du préjudice visé, la vulnérabilité du groupe protégé, les mesures d’amélioration envisagées pour remédier au préjudice, ainsi que la nature et l’importance de l’activité protégée : Thomson Newspapers Co. c. Canada (Procureur général),
[107] En raison de ce qui précède, le rappel du contexte effectué plus haut sert de trame à l’application des critères de l’article
[108] Enfin, le cadre d’analyse ne doit pas s’appliquer de manière trop rigide[85].
[109] Le PGQ soutient que le jeu des articles
- participer à éliminer le placement syndical et à assainir les pratiques en lien avec la référence de la main-d’œuvre;
- favoriser l’intégrité et le respect du système de référence de la main-d’œuvre;
- favoriser la transparence et l’imputabilité des représentants et dirigeants syndicaux, compte tenu du rôle important qu’ils jouent auprès des travailleurs et de la confiance qu’ils doivent inspirer.
[110] Il apparaît clairement de la preuve présentée et du texte même de plusieurs dispositions de la Loi R-20 dans son ensemble que l’objectif poursuivi par le législateur consiste à encadrer le placement syndical au moyen d’un processus administratif prévu par la loi. Étant donné les difficultés vécues sur les chantiers de construction au Québec depuis des générations, le législateur a voulu éliminer le placement syndical intimidant, source de troubles, de discrimination, voire de violence.
[111] Ainsi s’exprime la ministre du Travail[86] :
Je vous dirais qu’à mon avis, comme je l’ai mentionné, il y a beaucoup d’opinions à droite, à gauche, au centre, au centre droit, centre gauche. On en fait, on n’en fait pas. Qu’est-ce qu’on doit avoir comme sensibilité? Et, moi, je pense que les opinions de tous les gens qui sont venus ici sont importantes. On a essayé d’être à l’écoute au maximum et de voir comment on pouvait concilier le fait qu’on a des besoins sur les chantiers.
On a entendu le point de vue des employeurs. On a entendu le point de vue des syndicats, qui disent : Nous voulons continuer à jouer un rôle parce qu’on est conscients qu’il y a de la discrimination, il y a des gens qui reviennent de CSST, ça fait des années qu’on est au cœur du processus. Puis on a entendu également des employés qui, eux, veulent être capables de travailler sans passer par le syndicat. Donc, on a vraiment toutes sortes de cas de figure qui peuvent êtres différents. Donc, comme législateurs, on a vraiment, je dirais, un beau débat devant nous : Comment on peut faire pour concilier le fait qu’on a des besoins et qu’on a de la main-d’œuvre?
Mais aussi je veux juste rappeler que, le projet de loi, ce qu’il vise, c’est à combattre toutes les mauvaises pratiques qui se sont installées au fil des années dans l’industrie. Je vous ai fait la démonstration, à un moment donné, lorsqu’on avait des groupes qui étaient en audition, qu’il y avait des entrepreneurs qui ne soumissionnaient pas, sur des chantiers, des appels d’offres parce qu’ils savaient qu’ils se ramasseraient avec de la main-d’œuvre pas bonne ou bien qu’il n’y en aurait pas de disponible pour eux, alors qu’il y en avait d’autres qui en avaient. Ça, c’est une réalité de l’industrie de la construction.
On a fait la démonstration également, des groupes qui l’ont fait, où les gens ne pouvaient pas travailler sur les chantiers à côté, celui de leurs choix. Il y a des employeurs… On a eu un jugement dans le cas Rapide-des-Cœurs qui a été déposé ici, à la commission, dans un cas où un employeur voulait embaucher un électricien et qu’on avait démontré clairement que le syndicat avait empêché l’embauche de cette personne-là. C’est dans le jugement Rapide-des-Cœurs qui a été déposé.
[…]
Ça fait que je comprends qu’il y ait une nuance entre le 5% de cascadeurs puis le 95%. Je suis d’accord avec vous. Ça, je suis d’accord avec vous sur toute la ligne. Malheureusement, quand il y a des comportements déviants, que ce soit peu importe où, avec les différents acteurs dont on a besoin de jouer, qui vont jouer avec nous sur la même patinoire, bien il faut faire en sorte que ces comportements déviants et ce qui est malsain pour l’industrie, ça ne se produise plus. Mais ça demande la responsabilité de tout le monde.
[…]
Moi, mon rôle, là, c’est le rôle de législateur ici, là, qui vient dire : Voici le cadre qu’on a, parce qu’on veut que tout le monde joue sur la même patinoire, avec les mêmes règles du jeu. Puis ça adonne qu’il y aura des arbitres. Ça fait que, quand on fera une petite infraction puis qu’on fera une jambette, bien il y aura des arbitres pour pouvoir dire : Aïe! toi, tu as fait quelque chose de pas correct puis tu as un permis, regarde, voici tes obligations, tes droits, tes privilèges, là. C’est ça qu’on fait, là.
[112] Ces propos font écho à ceux du Groupe de travail sur le fonctionnement de l’industrie de la construction, pour qui, rappelons-le, les diverses mesures législatives jusqu’alors en place avaient failli à mettre un terme au placement syndical[87] et aux effets néfastes qu’il engendre, ce pourquoi il recommandait une réforme en profondeur[88] et des sanctions aux contrevenants pouvant aller jusqu’à l’inhabilité pour une période de cinq ans[89].
[113] Dans l’ensemble, la preuve extrinsèque constituée des travaux parlementaires[90] de même que des pièces déposées de consentement[91], considérées dans le contexte plus global de l’histoire des relations de travail dans l’industrie de la construction du Québec, laquelle se démarque des autres industries par la violence sur les chantiers et la discrimination dans l’embauche, convainquent que l’objectif visé par le législateur s’avère celui qu’indique le PGQ. Selon cette preuve et le contexte où elle se situe, l’élimination du placement syndical et l’assainissement de ses pratiques ancillaires constituaient des objectifs valides et urgents pour le législateur lors de l’adoption de la Loi R-20 et ces objectifs ressortent du texte de l’article 119.11 dans sa référence à l’article 119.0.1.
[114] La Loi R-20 favorise aussi l’intégrité du système de référence de la main-d’œuvre. À quoi servirait la mise en œuvre d’un tel système s’il s’avérait impuissant vis-à-vis ceux qui le contournent? La simple réprimande, comme le prônent les demandeurs, ne suffirait pas à protéger le système des délinquants. Vu le contexte des relations de travail dans l’industrie de la construction, non seulement les efforts du législateur pour assainir ces relations demeureraient vains, mais encore cette stérilité des effets législatifs minerait la confiance des travailleurs de la construction que le Gouvernement protège réellement leurs droits syndicaux.
[115] La Loi R-20 favorise aussi la transparence et l’imputabilité des représentants syndicaux par l’imposition d’une inhabilité à agir à ce titre à la suite d’une déclaration de culpabilité. L’imputabilité des représentants syndicaux n’a rien d’exceptionnel, du reste. Elle s’avère même essentielle au respect du droit des travailleurs de leur liberté syndicale[92]. On peut affirmer que le libre choix d’un travailleur quant au syndicat susceptible de le représenter ou auquel il souhaite adhérer risque de s’obscurcir dangereusement sans cette imputabilité.
[116] À raison, le PGQ plaide que dans la mesure où la réforme législative s’en prend à des pratiques historiques bien implantées et opère un véritable changement de culture dans l’industrie de la construction, l’implication active et l’exemplarité des leaders, notamment syndicaux, deviennent importantes pour la réussite de la réforme souhaitée[93].
[117] Il apparaît clair que la protection de l’intégrité du système de référence constitue, au Québec, un objectif urgent et réel du Gouvernement[94].
[118] Dans l’arrêt Bryan[95], la Cour suprême résume le droit applicable concernant cet aspect du test de la justification. Elle écrit :
39. L’étape qui consiste à déterminer l’existence d’un lien rationnel commande au procureur général d’« établir un lien causal, fondé sur la raison ou la logique, entre la violation et l’avantage recherché » : voir RJR‑MacDonald, par.153, et Harper, par. 104. Il est évident que la logique et la raison peuvent jouer un rôle important dans l’établissement de ce lien causal. Celui‑ci est [TRADUCTION] « souvent difficile à établir en preuve, et la Cour suprême du Canada n’a pas toujours insisté pour qu’on en fasse la preuve directe » : P. W. Hogg, Constitutional Law of Canada (éd. feuilles mobiles), vol. 2, p. 35‑31, cité avec approbation dans Thomson Newspapers, par. 39[96].
[119] La simple lecture de la Loi R-20 montre son lien indiscutable entre les moyens ultimement choisis par le législateur et ses objectifs, le tout, encore une fois, considéré dans le grand ensemble que constituent les diverses étapes historiques des relations de travail dans l’industrie de la construction et les divers leviers utilisés pour en assainir les relations.
[120] L’inhabilité à occuper un poste de dirigeant ou de représentant syndical que décrète l’article 119.11 s’avère liée, au niveau rationnel, à l’objectif poursuivi de cessation du placement syndical. Il en va de même à l’égard de la non-tolérance des pratiques déviantes qui concernent un tel placement.
[121] Les demandeurs critiquent fortement ce choix législatif du Gouvernement. Pour eux, le lien rationnel demeure discutable puisqu’ici encore une simple réprimande aurait un lien plus étroit avec les objectifs mentionnés au paragraphe précédent.
[122] Avec égards, le fait qu’il existe d’autres possibilités législatives n’annihile pas le lien rationnel qui existe entre l’objectif que poursuit le législateur et le moyen choisi.
[123] À tout événement, c’est oublier que diverses mesures passées n’ont pas réussi à atteindre ces objectifs[97].
[124] L’inhabilité à exercer des fonctions aussi centrales que celles de dirigeant ou représentant syndical est assurément une mesure dont la portée et les effets permettent d’induire des changements dans les comportements des personnes susceptibles d’être visées. Notons au passage, même si cela ne s’avère pas déterminant, que d’autres acteurs du milieu ne partagent pas l’avis des demandeurs. En effet, l’inhabilité pour une période de cinq ans reçoit l’aval d’au moins un syndicat, la CSD-Construction[98].
[125] Le lien rationnel de l’inhabilité prévue à l’article
[126] Enfin, les représentants ou dirigeants syndicaux doivent exercer leurs fonctions en gardant en tête l’intérêt premier de leurs membres dans le respect de leurs droits syndicaux[99].
[127] Référant à l’arrêt Hutterian Brethren[100], le Tribunal précise que l’atteinte minimale, telle que définie par la Cour suprême, se démontre non pas par le fait que le législateur réalise son objectif législatif par le moyen le moins restrictif, mais par un moyen qui figure parmi un éventail de solutions raisonnables qui, par ailleurs, permettent l’atteinte de l’objectif de manière efficace[101]. Citant un auteur, la Cour suprême indique qu’il suffit d’une corrélation raisonnable entre le phénomène que l’on souhaite réglementer et les effets néfastes qu’on lui impute[102].
[128] En ce sens, un moyen qui ne permet pas l’atteinte des objectifs gouvernementaux ne participe pas des solutions raisonnables[103].
[129] Précisons enfin que le Tribunal doit faire montre de retenue judiciaire envers le législateur en ce qui concerne le moyen retenu. En l’espèce, le législateur réagit à des tensions sociales opposées présentes dans le domaine de l’industrie de la construction et arbitre des intérêts divergents[104], polycentriques. Il choisit, en l’occurrence, de protéger les travailleurs de l’industrie de la construction, les employeurs, les syndicats respectueux des droits des travailleurs, la population en général et l’industrie elle-même contre certains acteurs néfastes qui la mène à mal.
[130] Le Tribunal ne saurait ignorer l’histoire du Québec concernant cette industrie, fortement documentée d’ailleurs en l’espèce. Il faut prendre acte de l’échec des tentatives moins sévères – notamment l’imposition d’une amende seulement – adoptées autrefois pour contrer le placement syndical et les tourments qu’il induit ou provoque. Il serait contraire à l’analyse sous l’article
[131] Il est par ailleurs frappant de constater que des mesures similaires résistent au test des chartes canadienne et québécoise :
- inhabilité de cinq ans d’exercer sa profession pour un professionnel coupable d’avoir commis des abus sexuels en vertu d’un jugement final[105];
- inhabilité de cinq ans de se porter candidat pour un candidat coupable d’avoir incité illégalement une personne à voter en matière électorale[106];
- inhabilité de cinq ans de se porter candidat, de faire du travail partisan et de voter pour un candidat coupable d’avoir incité illégalement une personne à voter en matière électorale[107];
- inhabilité de cinq ans pour un candidat et de faire du travail partisan pour un électeur qui a contourné le plafond de contribution à un parti politique[108].
[132] Le PGQ plaide que l’article 119.11 s’inscrit dans un tout cohérent et ajoute que d’autres infractions qui ne sont pas ici contestées mènent à une inhabilité en ce qu’elles ont aussi un lien avec le non-respect de la liberté syndicale[109]. Il énumère ces autres dispositions de la Loi R-20 qui imposent, elles aussi, une inhabilité lors de déclarations de culpabilité à l’égard d’autres articles de la loi.
[133] Le Tribunal ne retient pas cet argument : ce n’est pas parce que la mesure n’est pas contestée par les demandeurs en ce qui concerne ces autres infractions pénales que celle qui est en cause ici s’avère justifiée au regard de l’article premier.
[134] Sur le tout, le Tribunal conclut que, compte tenu de la preuve soumise et des principes juridiques applicables, la mesure adoptée par le législateur demeure parmi celles disponibles qui permettent d’atteindre raisonnablement l’objectif gouvernemental tout en demeurant acceptable du point de vue de la Charte canadienne.
[135] La solution législative choisie par le législateur à l’article
[136] Si on l’examine objectivement, l’article 119.11 apporte aux travailleurs de l’industrie de la construction et à la population des avantages qui surpassent la frustration des représentants syndicaux qui se voient déclarés inhabiles. Les travailleurs voient la protection de leurs droits syndicaux renforcie par le fait que leurs dirigeants doivent faire preuve d’une probité exemplaire. L’inhabilité demeure limitée à la déclaration de culpabilité pour la commission d’une infraction qui se situe au cœur même du régime de référence par la loi et à une période de cinq ans au cours de laquelle, du reste, le représentant syndical demeure tout de même membre du syndicat et peut y exercer ses droits syndicaux et démocratiques.
[137] Serait-elle contraire à l’al. 2d) de la Charte canadienne et 3 de la Charte québécoise, la référence que fait l’article
C) L’article
[138] Cette question concerne uniquement les représentants syndicaux puisqu’une personne morale ne bénéficie pas de la protection garantie à l’article
[139] Les représentants syndicaux plaident que l’inhabilité pendant cinq ans à occuper une fonction de représentant syndical constitue une peine, sinon un traitement, cruelle et inusitée.
[140] Il n’en est rien mais, pour le déterminer, il faut revenir à la base de ce que protège l’article
[141] Les demandeurs font valoir que l’article 119.0.1 se situe dans la section de la Loi R-20 qui concerne les déclarations de culpabilité. Il en découle, selon eux, que cette sanction dénote une saveur pénale qui le définit comme étant une peine.
[142] Le Tribunal rejette cet argument.
[143] Premièrement, dans Hills[111], la Cour suprême indique qu’une peine se définit d’abord comme la conséquence d’une déclaration de culpabilité qui fait partie des sanctions possibles dont est passible une personne accusée pour une infraction donnée[112].
[144] Or, l’inhabilité à occuper une fonction de représentant syndical ne participe pas d’une peine. Il s’agit d’une conséquence civile découlant de la déclaration de culpabilité, prononcée par jugement final d’un tribunal, à l’égard d’une infraction précise à la Loi R-20, celle d’avoir directement ou indirectement procédé à du placement syndical sans passer par le mécanisme législatif prévu.
[145] Cette conséquence n’est pas imposée par le tribunal pénal dans le cadre de la confection de la peine appropriée. Il s’agit d’une mesure qui s’inscrit dans un régime encadrant la référence de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction et qui ne repose pas sur les principes pénologiques.
[146] D’ailleurs, il vaut à ce sujet de mentionner ce qu’en écrit la Cour du Québec dans le jugement imposant la peine à monsieur Beaupré :
Le procureur en défense a plaidé la conséquence d’un verdict de culpabilité sur la capacité des défendeurs à exercer leur fonction syndicale mais le tribunal a immédiatement précisé que cette conséquence administrative ne relevait pas de sa juridiction. Le tribunal doit limiter son travail à sa juridiction, soit de déterminer la responsabilité pénale d’un défendeur en regard de l’article de la loi vu à l’instant.
[147] Le PGQ insiste que l’inhabilité vise autre chose que l’application des critères relatifs à la détermination de la peine. Pour lui, elle ne vise ni la dissuasion ni l’expression de la réprobation mais plutôt la protection de la probité du système mis en place par le législateur. En cela, elle se distinguerait de l’amende - une peine visant un objectif de réprobation sociale et de dissuasion.
[148] Le Tribunal se limite à ce qu’écrit cette Cour dans l’affaire Le Gris c. Directeur général des élections du Québec[113], où elle conclut, toujours dans un contexte d’inhabilité en matière électorale :
[101] Que l’inhabilité existe du seul effet de la loi (art.
[102] Le fait que l’inhabilité puisse résulter à la fois d’une déclaration de culpabilité et d’un jugement sur une action en déclaration d’inhabilité de nature civile milite fortement en faveur de la conclusion qu’il s’agit, dans les deux cas, d’une sanction civile et non d’une peine.
[103] La possibilité que des gestes puissent entraîner des conséquences pénales ne signifie pas que toutes les conséquences qui en résulteront seront de même nature. Il est acquis qu’une même conduite peut revêtir plus d’un aspect et donner lieu à la fois à des conséquences de nature pénale et civile.
[…]
[114] La sanction imposée au demandeur, quoique considérable, se rattache à la qualité requise pour se porter candidat à l’élection municipale et mène à l’incapacité de remplir un mandat ou assumer une charge publique, une conséquence civile et non pénale.
[115] Du tout, le Tribunal constate que la protection conférée par l’article 11i) ne s’applique que dans un contexte bien délimité. L’inhabilité pour une période de cinq ans n’entraîne pas de « véritables conséquences pénales » et ne peut donc être associée à une peine au sens établi dans l’arrêt K.R.J., précité.
[Références omises]
[149] Si l’inhabilité ne constitue pas d’une peine, à tout le moins, insistent les demandeurs, il s’agit certainement d’un traitement.
[150] Le Grand Larousse Illustré 2023 définit le mot traitement, dans sa première acception, comme la manière d’agir envers quelqu’un.
[151] Peu de jurisprudence nous éclairent sur ce point. À raison, les demandeurs réfèrent le Tribunal aux affaires Rodgers[114] et Médecins canadiens pour les soins aux réfugiés[115].
[152] Dans Rodgers, la Cour suprême enseigne que toute conséquence d’une déclaration de culpabilité qui ne constitue pas une peine peut par ailleurs se qualifier de traitement au sens de l’article 12, donnant en exemple la prise d’échantillon d’ADN. Dans la mesure où la prise du prélèvement était cruelle et inusité, elle pourrait faire l’objet d’une réparation sous l’article 12.
[153] De même, dans la décision Médecins canadiens pour les soins aux réfugiés, la Cour fédérale indique qu’une intervention ou un processus étatique participait de ce que la Cour suprême envisageait dans l’affaire Rodriguez et pouvait donc se qualifier de traitement.
[154] Quoiqu’il en soit, même si 119.0.1 constitue un traitement au sens de l’article 12, l’inhabilité pour une période de cinq ans n’est ni cruelle ni inusité, dans les circonstances du présent pourvoi en contrôle judiciaire, tant à l’égard des représentants syndicaux demandeurs qu’à l’égard du seul cas hypothétique soumis par eux.
[155] Depuis plus de 35 ans maintenant, la Cour suprême décrit les pourtours de l’article 12. Déjà en 1987 dans l’arrêt Smith[116], elle écrit :
La limite en cause en l'espèce est celle apportée par l'art. 12 de la Charte. À mon avis, la protection accordée par l'art. 12 régit la qualité de la peine et vise l'effet que la peine peut avoir sur la personne à qui elle est infligée. Je suis d'accord avec ce que dit le juge en chef Laskin dans l'arrêt Miller et Cockriell, précité, lorsqu'il définit les termes "cruels et inusités" comme la "formulation concise d'une norme". Le critère qui doit être appliqué pour déterminer si une peine est cruelle et inusitée au sens de l'art. 12 de la Charte consiste, pour reprendre les termes utilisés par le juge en chef Laskin à la p. 688 de l'arrêt Miller et Cockriell, précité, à se demander "si la peine infligée est excessive au point de porter atteinte aux normes de la décence." En d'autres termes, bien que l'état puisse infliger une peine, l'effet de cette peine ne doit pas être exagérément disproportionné à ce qui aurait été approprié.
[156] On constate que, dès le départ, la Cour suprême envisage l’article 12 comme la protection contre ce qui constitue une peine ou un traitement que ne tolèrerait pas la société canadienne si cette peine ou ce traitement était imposé à une personne. Comme elle l’enseignait encore dans l’arrêt Ferguson[117], une peine sera contraire à l’article 12 si elle est excessive au point d’être incompatible avec la dignité humaine. Sa simple disproportion ne suffit pas. Pour la Cour suprême, la peine ou le traitement doivent s’avérer si disproportionnés que les Canadien(ne)s les considéreraient odieux ou intolérables[118].
[157] Dans l’arrêt Nur[119], prononcé en 2015, la Cour écrit aussi ce qui suit :
[39] La Cour place la barre haute lorsqu’il s’agit de tenir une peine pour « cruel[le] et inusité[e] » au sens de l’art. 12 de la Charte. La peine doit en effet être totalement disproportionnée à celle qui convient eu égard à la nature de l’infraction et à la situation du délinquant (R. c. Smith,
[158] Un test en deux étapes permet de décider si une peine ou un traitement enfreint l’article 12. Le Tribunal procède ainsi :
- Définir premièrement la peine qui doit s’avérer proportionnelle à la gravité de l’infraction et à la culpabilité morale de la personne délinquante;
- Comparer ensuite la peine juste et la peine minimale obligatoire contestée afin de déterminer si la disposition contestée l’oblige à infliger une peine qui est exagérément disproportionnée par rapport à la peine juste et proportionnée[120];
- Le tout, eu égard à :
[159] Le test s’applique aussi à l’égard d’une situation hypothétique raisonnable[121].
[160] Avant de passer à l’application du test, rappelons qu’une peine ne contrevient pas à l’article 12 uniquement parce qu’elle vise davantage certains objectifs pénologiques. Le Tribunal rappelle les enseignements de la Cour suprême alors qu’elle écrit que la barre est haute lorsqu’il s’agit de tenir une peine pour cruelle et inusitée, que ce critère est strict et exigeant et que le contraire tendrait à banaliser la Charte canadienne[122].
[161] Ici, le Tribunal conclut que l’article
[162] Comme mentionné plus haut, l’inhabilité ne constitue pas une peine.
[163] Considéré sous l’angle d’un traitement, il s’avère néanmoins proportionnel à la gravité des gestes commis par les représentants syndicaux. Malgré leur dénégation et la mitigation de cette gravité, il demeure que leurs gestes heurtent de plein fouet le cœur même de la Loi R-20. Tolérer de tels comportements en permettant que les contrevenants poursuivent leurs activités de représentants syndicaux minerait grandement la confiance des travailleurs et des acteurs de l’industrie de la construction au Québec envers les engagements gouvernementaux d’éradiquer une fois pour toute la violence vécue sur les chantiers au moyen d’un système de référencement neutre que constitue le Bureau de placement.
[164] Certes, les demandeurs se voient privés d’exercer leurs fonctions. Certains perdent même leur emploi, mais pas tous. Par ailleurs, les demandeurs peuvent encore occuper un poste dans l’industrie de la construction, encore que cela s’avère plus difficile étant donné les années qui les séparent du temps de l’exercice même de leur métier du fait de leurs occupations syndicales.
[165] Dans moult décisions, les tribunaux concluent que la Charte canadienne ne protège pas le droit d’exercer une profession ou un emploi sans cadre précis destiné, notamment, à la protection du public[123]. Il a d’ailleurs été jugé en matière professionnelle qu’une inhabilité d’exercer une profession pour une durée de cinq ans découlant de la loi à la suite d’un jugement liée à la commission d’abus sexuels posés par des professionnels à l’égard de leurs patients avait pour but de protéger le public et de faire respecter la loi[124].
[166] Quoiqu’il en soit, pour navrantes que soit leurs pertes d’emploi, elles ne constituent pas une peine ou un traitement intolérable aux yeux de la population dans le contexte où l’inhabilité imposée par la Loi R-20 résulte d’un long historique d’intimidation, de saccage de chantiers de construction et de troubles parfois violents que les Canadien(ne)s ne tolèrent pas. La perte de l’emploi ne participe d’ailleurs pas d’une peine ou traitement cruels ou inusités, comme le conclut la Cour dans Sherk-Lefebvre c. Germain[125] :
[40] Quant au préjudice subi par le requérant, principalement la perte d’emploi, elle est inhérente ou découle de la peine de 8 mois de détention infligée par le juge du procès. Selon le Tribunal, ce «préjudice» ne peut nullement être considéré comme un «traitement ou peine excessif au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine».
[167] L’inhabilité vise l’élimination du placement syndical ainsi que l’assainissement des pratiques dommageables autrefois favorisées par certains dirigeants syndicaux en matière de référence de main-d’œuvre. Il s’agit de favoriser l’intégrité et le respect du système de référence de la main-d’œuvre et de camper la transparence et l’imputabilité des acteurs syndicaux par le biais d’un système de référence prévu à la Loi R-20. Le lien évident entre l’inhabilité et les buts visés par le législateur montre que la peine ou le traitement ne peuvent s’avérer intolérable aux yeux de la population.
[168] Les demandeurs soumettent comme seule hypothèse raisonnable le cas de Benjamin Otis. Otis participait à l’origine au présent litige, mais s’en désiste en cours de route. Autrefois représentant syndical, la Cour du Québec le déclare coupable de l’infraction prévue à l’article
[169] La similitude du cas d’Otis avec ceux des demandeurs représentants syndicaux est telle que le résultat de l’analyse à son égard demeure le même : l’inhabilité ne constitue aucune peine ni traitement cruels ou inusités.
[170] Dans Harvey[126], la Cour suprême conclut qu’une mesure législative faisant perdre, pour une durée de cinq ans, le cens d’éligibilité d’une personne, bien que heurtant le droit de vote que protège l’article
[171] La Cour d’appel adopte une conclusion similaire dans Thérien[127] à l’égard d’une disposition législative décrétant l’inhabilité à se porter candidat, à faire du travail partisan et à voter pendant une période de cinq ans dans le contexte où un élu a voté sans droit, a incité un électeur à voter illégalement et à contourner des articles de la Loi électorale[128].
[172] En somme, à l’évidence, la disposition contestée ne contrevient pas à l’article
D) Si oui, cette référence peut-elle être justifiée en vertu de l’article
[173] S’il fallait conclure que la disposition attaquée s’avère contraire à l’article 12, sa justification sous l’article
E) COMMENTAIRES SUR LA CONDUITE PROCÉDURALE DE L’INSTANCE
[174] Quelques constatations méritent mention quant au cadre procédural suivi par les parties.
[175] À l’ouverture de l’audience, il est apparu inusité au Tribunal, voire inédit, que le recours des demandeurs ait débuté par le simple dépôt d’avis aux procureurs généraux du Canada et du Québec, suivant l’article
[176] Or, cela n’a rien de banal ni de purement technique. L’avis prévu à l’article
[177] Toutefois, le litige ayant cheminé et étant parvenu à terme malgré cette lacune, les parties étant présentes et se déclarant prêtes à procéder, elles ont alors convenu, à la suggestion du Tribunal, de considérer les avis aux procureurs généraux comme un Pourvoi en contrôle judiciaire, plus particulièrement celui que prévoit le paragraphe
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[178] REJETTE le pourvoi en contrôle judiciaire;
[179] AVEC frais de justice.
__________________________________
ÉRIC DUFOUR, J.C.S.
Dates d’audience : 18, 19 et 20 septembre 2023
Me Claude Tardif
Me Catherine Massé-Lacoste
Rivest, Schmidt
Avocat(e)s pour les parties demanderesses
Me Bruno Deschênes
Me Manuel Klein
Bernard, Roy (Justice-Québec)
Avocats pour le Procureur général du Québec
Me Marie-Claude Huot
Avocate pour le Directeur des poursuites criminelles et pénales
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[1] RLRQ, c. R-20.
[2] Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Union des opérateurs de machinerie lourde, section locale 791 (dossier d’Evans Dupuis),
[3] Loi de 1982 sur le Canada (R.U.), 1982, c. 11.
[4] RLRQ, c. C-12.
[5] Le Tribunal analyse la question à l’égard de l’al. 2d) de la Charte canadienne et applique le même raisonnement à l’art.
[6] Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (Procureur général),
[7] Health Services and Support – Facilities Subsector Bargaining Assn. c. Colombie-Britannique,
[8] Ontario (Procureur général) c. Fraser,
[9] Association police montée, préc. note 6, par. 67.
[10] Id., par. 72 et 80.
[11] Plan de plaidoirie des demandeurs, p. 17, par. 70.
[12] TREMBLAY, C. et BRUNELLE, C., La liberté constitutionnelle d’association au Canada : dialogue social ou monologue judiciaire?, paru dans (2015) 49-1, la Revue juridique Thémis.
[13] Préc. note 7, par. 90.
[14] Association police montée, préc. note 6, par. 72.
[15] Association des cadres de la Société des casinos du Québec c. Société des casinos du Québec,
[16]
[17]
[18] Delisle c. Canada (Sous-procureur général),
[19] Association police montée, préc. note 6, par. 83.
[20] Plan d’argumentation des demandeurs, par. 73-74.
[21]
[22] Plan d’argumentation des demandeurs, par. 80-82.
[23]
[24]
[25] Convention (nº87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, Organisation internationale du travail, 9 juillet 1948 (CIT, 31e sess.).
[26] Pièce P-6 (dossier Benjamin Otis).
[27] Pièce P-10 (dossier Benjamin Otis).
[28] Id., p. 5.
[29] Id., p. 6.
[30] Kazemi (Succession) c. République islamique d’Iran,
[31] Québec (Procureure générale) c. 9147-0732 Québec inc., préc. note 24, par. 34.
[32] R. c. Collins,
[33] RLRQ, c. C-27.
[34] RLRQ, c. D-2.
[35] R. c. Advance Cutting & Coring Ltd.,
[36] Plus particulièrement aux par. 117-141.
[37] Pièce D-4, Rapport de la Commission d’enquête sur l’exercice de la liberté syndicale dans l’industrie de la construction. Robert Cliche, Brian Mulroney et Guy Chevrette composaient la commission.
[38] Pièce D-4, p. 217 à 221.
[39] Pièce D-4, à partir de la page 297.
[40] Pièce D-4 : Rapport de la Commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans l'industrie de la construction (Rapport de la Commission Cliche), Québec, Éditeur officiel du Québec, 1975. Voir aussi Pièce D-5 : Recueil des annexes du Rapport de la Commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans l'industrie de la construction (Rapport de la Commission Cliche), Québec, 1975 (extraits); Pièce D-6 : Rapport d'enquête sur les dépassements de coûts et de délais du chantier de la Société Papier Gaspésia de Chandler (Rapport de la Commission Lesage), Québec, Publications du Québec, 2005; Pièce D-7 : Claudine Leclerc et Jean Sexton, La sécurité d’emploi dans l’industrie de la construction au Québec, un rêve impossible?, Collection Relations du travail, Les Presses de l’Université Laval, 1983; Pièce D-8 : Réal Mireault, « Témoignage sur l'évolution du régime des relations du travail dans le secteur de la construction », dans Rodrigue Blouin, éd., Vingt-cinq ans de relations industrielles, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 1990; Pièce D-9 : Rapport du groupe de travail sur le fonctionnement de l'industrie de la construction, Québec, Ministère du Travail, 2011.
[41] Pièce D-6.
[42] À la p. 90.
[43] À la p. 91.
[44] À la p. 92.
[45] À la p. 92.
[46] À la p. 93.
[47] À la p. 211.
[48] Aux p. 211 et 217.
[49] Aux p. 222 et 223.
[50] Pièce D-44, p. 5.
[51] Pièce D-27.
[52] Pièce D-28.
[53] Pièce D-9.
[54] À la p. 8.
[55] Aux p. 9-11.
[56] Pièce D-32.
[57] Voir FTQ-Construction c. N. Turenne Brique et pierre inc.,
[58] Dossier Conseil provincial du Québec des métiers de la construction c. Procureur général du Québec, 500-17-072010-120.
[59] Pièce D-34 et D-35.
[60] Pièce D-38 : Étude du Règlement sur le Service de référence de main-d’œuvre de l'industrie de la construction, Journal des débats de la Commission permanente de l'économie et du travail, 1re sess., 40e légis., 6 décembre 2012, vol. 43, n° 4.
[61] (RLRQ, c. R-20, r.14.1).
[62] Voir le Règlement sur le permis de service de référence de main-d'œuvre dans l'industrie de la construction, RLRQ, c. R-20, r. 8.1.
[63] Qu’il suffise de référer aux rapports des commissions Cliche et Lesage, et du groupe de travail sur le fonctionnement de l'industrie de la construction. Voir aussi Pièce D-7 : Claudine Leclerc et Jean Sexton, La sécurité d’emploi dans l’industrie de la construction au Québec, un rêve impossible?, Collection Relations du travail, Les Presses de l’Université Laval, 1983, p. 28-34; Pièce D-9 : Rapport du groupe de travail sur le fonctionnement de l'industrie de la construction, Québec, Ministère du Travail, 2011, p. 9-11; Pièce D-31 : Fiche de consultation sur le placement de la main-d'œuvre, déjà produite comme pièce D-31, p. 4 et 5; Pièce D-33 : Consultations particulières sur le projet de loi 33, Journal des débats de la Commission permanente de l'économie et du travail, 2e sess., 39e légis., 24, 25, 26 et 27 octobre 2011, vol. 42, n°13, 14, 15 et 17 : 24 octobre 2011, p. 32 et 39 (36 et 43) et 27 octobre, p. 36 (223); Pièce D-34 : Adoption du principe du projet de loi 33, Journal des débats de l'Assemblée nationale, 2e sess., 39e légis., 2 et 3 novembre 2011, vol. 42, n° 57 et 58 : 2 novembre, p. 3120, 3121, 3127 (6, 7, 13); Pièce D-35 : Étude détaillée du projet de loi 33, Journal des débats de la Commission permanente de l'économie et du travail, 2e sess., 39e légis., 8, 9, 14, 15, 16, 17, 18, 23, 24, et 25 novembre 2011, vol. 42, n°18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 27, 28 et 29 : 18 novembre, p. 16-20 (365-369); 23 novembre 2011, p. 3, 5 et 8 (382, 384 et 387); 25 novembre 2011, p. 7 (456); Pièce D-48 : Intimidation et harcèlement dans le secteur de la construction – Comprendre une réalité complexe afin de mieux intervenir, École nationale d’administration publique Montréal, août 2017, p. 14, 20, 21, 36, 57, 61, 68, 69.
[64] Pièce D-4, p. 233-234.
[65] Pièce D-42, A.C. 3282, G.O. 26 octobre 1977, 5581.
[66] LQ 1993, c. 61.
[67] Pièce D-6, p. 211-212, 215-224 et recommandations no. 6 et 9-14.
[68] Voir les débats parlementaires, pièces D-43 à D-46.
[69] Pièce D-9, p. 8.
[70] Plan d’argumentation du PGQ, par. 77.
[71] Loi R-20, art. 107.3.
[72] Loi R-20, art. 96.
[73] Association police montée, préc. note 6, par. 83.
[74] Id., par. 97.
[75] Dossier Duchesne, Pièce P-3 : Statuts et règlements de la Fraternité nationale des charpentiers-Menuisier, section locale 9 amendés le 23 avril 2022 -, p. 16; Dossier Beaupré, pièce P-2 : Statuts et les règlements de la FIPOE, p. 15; Dossier Dupuis, Pièce P-3 : Statuts et les règlements de l’Union des opérateurs, local 791 et de la Division des grutiers local 791G, section locale 791G datés des 28 et 29 janvier 2017, p. 19.
[76] Association police montée, préc. note 6, par. 87.
[77] Loi R-20, art. 96a).
[78] Id., art. 41.3.
[79] Plan d’argumentation des demandeurs, par. 72.
[80] Association police montée, préc. note 6, par. 89.
[81] Proulx c. Québec (Procureure générale),
[82] Plan d’argumentation du PGQ, par. 198. Voir aussi les arrêts Health Services, préc. note 7, par. 91, et Ontario (Procureur général) c. Fraser,
[83] R. c. Oakes, [1983] 1 R.C.S. 103.
[84] Health Services and Support, préc. note 7.
[85] États-Unis d’Amérique c. Cotroni,
[86] Pièce D-35 : Étude détaillée du projet de loi 33, Journal des débats de l’Assemblée nationale, 2e session, 39e législature, novembre 2011, aux p. 364, 369 et 386.
[87] Pièce D-9, p. 8.
[88] Id., p. 9.
[89] Id., p. 11.
[90] Pièces D-32 à D-36.
[91] Plus particulièrement le Rapport de la Commission Cliche (pièce D-4), le Rapport de la Commission Lesage (pièce D-6) et le Rapport du Groupe de travail sur le fonctionnement de l’industrie de la construction au Québec (pièce D-9).
[92] Fernand MORIN, Le droit de l’emploi au Québec, Montréal, Wilson & Lafleur 2010, 4e édition, p. 1004.
[93] Plaidoirie écrite du PGQ, par. 229.
[94] Pièce D-36, p. 24-26.
[95] R. c. Bryan,
[96] Voir aussi Harper c. Canada (Procureur général),
[97] Pièce D-9 : Rapport du groupe de travail sur le fonctionnement de l’industrie de la construction, Québec, 30 août 2011, p. 8. Voir aussi Pièce D-35 : Québec, Assemblée nationale, Journal des débats, Commission permanente de l’économie et du travail, 2e session, 39e législature, Vol. 42 N° 24,18 novembre 2011, Étude détaillée du Projet de loi no 33, CET-24, p. 20.
[98] Pièce D-44 : Consultations particulières sur le projet de loi 135, Journal des débats de la Commission permanente de l'économie et du travail, 1re sess., 37e légis., 29 novembre et 1er décembre 2005, Vol. 38, n° 95 et 97 : 1er décembre 2005, p. 34 (p. 119 de la pièce D-44).
[99] Fernand MORIN, Le droit de l’emploi au Québec, préc. note 92.
[100] Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony,
[101] Aux par. 53-55.
[102] R. c. Advance Cutting & Coring Ltd., préc. note 35, par. 268.
[103] Ibid.
[104] Id., par. 273.
[105] Mussani c. College of Physicians and Surgeons of Ontario, [2004] OJ no. 5176 (C.A.O.) (QL).
[106] Harvey c. Nouveau-Brunswick (Procureur général),
[107] Thérien c. Pellerin,
[108] Maheux c. Procureur général du Québec,
[109] Plaidoirie écrite du PGQ, par. 263.
[110] Québec (Procureure générale) c. 9147-0732 Québec inc., préc. note 24, au par. 17.
[111]
[112] R. c. Bissonnette,
[113]
[114] R. c. Rodgers,
[115] Médecins canadiens pour les soins aux réfugiés c. Canada (Procureur général)
[116] R. c. Smith (Edward Dewey),
[117] R. c. Ferguson,
[118] Voir aussi R. c. Wiles,
[119] R. c. Nur,
[120] R. c. Hills,
[121] R. c. Nur, préc. note 119. Voir aussi R. c. Hilbach,
[122] R. c. Lloyd,
[123] Mussani v. College of Physicians and Surgeons (Ontario), préc. note 105, par. 41, 43, 47, 58-60, et 95-96; Voir aussi Association des juristes de justice c. Canada (Procureur général),
[124] Mussani v. College of Physicians and Surgeons (Ontario), préc. note 105.
[125]
[126] Harvey c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), préc. note 106.
[127] Thérien c. Pellerin,
[128] RLRQ, c. E-3.3.
[129] Eaton c. Conseil scolaire du comté de Brant,
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