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Décision

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Décision

Dufresne (Caisse) c. Anctil

2016 QCRDL 12251

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

258616 31 20160202 G

No demande :

1923380

 

 

Date :

05 avril 2016

Régisseure :

Sophie Alain, juge administrative

 

Jeaninne Dufresne (Caisse)

 

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Pierre Anctil

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      La locatrice demande l'autorisation de reprendre le logement occupé par le locataire afin d'y loger sa petite-fille Marilyse Paquette[1], à compter du 1er juillet 2016. Elle demande également d'ordonner l'éviction du locataire, l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel, plus le paiement des frais judiciaires.

[2]      Les parties sont liées par un bail reconduit se terminant au 30 juin 2016 au loyer mensuel de 526 $.

Questions en litige

           1.          La locatrice a-t-elle vraiment l’intention de reprendre le logement pour y loger sa petite-fille ou s’agit-il d’un faux prétexte?

           2.          Si la reprise est autorisée, quel sera le montant de l’indemnité payable au locataire?

Contexte

[3]      Le 29 décembre 2015, la locatrice a transmis un avis de reprise au locataire.

[4]      Le locataire n’a pas répondu à l’avis laissant présumer qu’il s’y oppose, d’où la présente demande du 2 février 2016.

[5]      Le contenu de l’avis de reprise transmis au locataire ainsi que les délais légaux pour l’avis et la production de la présente demande ont été respectés[2].

[6]      Le logement visé par la reprise comporte 6½ pièces et est situé au 3e étage d’un immeuble comportant deux triplex mitoyens, propriété de la locatrice.

[7]      La locatrice est atteinte de démence de type Alzheimer. En raison de son inaptitude, sa fille, Linda Caisse, agit comme mandataire aux biens et à la personne.

[8]      Caisse explique que le placement de la locatrice dans une résidence en décembre 2014 fut un échec; celle-ci s’étant enfuie et blessée.


[9]      La locatrice doit donc demeurer le plus longtemps dans sa maison. Compte tenu de sa perte d’autonomie, elle y reçoit les services du CLSC (cinq visites par jour). Cependant, elle ne peut sortir à l’extérieur seule.

[10]   Caisse visite sa mère plusieurs fois par semaine et lui apporte tous les repas. Cependant, elle et son frère n’habitant pas Montréal ne peuvent assumer plus qu’ils ne le font actuellement.

[11]   Si la petite-fille de la locatrice venait demeurer dans l’immeuble, elle pourrait être un support additionnel, en l’amenant marcher dehors, lui faisant quelques commissions… Marilyse habiterait le logement avec sa sœur. La locatrice pourrait ainsi avoir une meilleure qualité de vie. Caisse ajoute que sa mère adore ses petites-filles, surtout Marilyse.

[12]   Marilyse Paquette témoigne être actuellement aux études à l’Université de Montréal. Bien qu’elle ait un horaire chargé vu ses études et son emploi, elle serait disponible pour sa grand-mère pour la visiter à son retour. Elle pourrait manger avec sa grand-mère. Sa sœur a un horaire inverse au sien et pourra ainsi combler les absences.

[13]   Marilyse précise que pour aider sa grand-mère à conserver son autonomie, elle doit lui venir en aide sans que cette dernière ne s’en rende compte.

[14]   Enfin, Marilyse envisage demeurer auprès de sa grand-mère au moins cinq ans.

[15]   Au soutien de la demande, la travailleuse sociale de la locatrice, madame Vanessa Ruelle-Champagne, explique le soutien nécessaire à accorder à la locatrice pour lui permettre de demeurer dans sa maison, malgré sa perte d’autonomie en lien avec une atteinte cognitive. Elle rapporte que la locatrice est heureuse de l’arrivée de sa petite-fille dans un logement de son immeuble.

[16]   Essentiellement, elle explique que le placement en 2014 fut dévastateur pour la locatrice; pour sa dignité, son autodétermination et le respect de ses droits, il est préférable qu’elle demeure dans sa maison le plus longtemps possible.

[17]   Son maintien à domicile est en partie assuré par le CLSC qui comble les incapacités, mais le personnel du CLSC ne peut maintenir les liens familiaux. Selon son expérience professionnelle et considérant les besoins et souhaits de la locatrice, la présence de sa petite-fille Marilyse, tout en maintenant les liens familiaux, apporterait un support moral (en cas de chute, d’insécurité temporaire et d’anxiété) et un filet de sécurité pour le maintien à domicile.

[18]   Pour sa part, le locataire habite le logement depuis le début des années 2000. Il conteste l’intention de la locatrice de reprendre le logement pour les fins mentionnées et fait valoir que Caisse aurait pu choisir un autre logement que le sien comme le 4½ pièces moins grand que son logement qui comporte 1200 pi.2 de superficie habitable ou encore le logement libéré par madame Roy au printemps 2015.

[19]   Le locataire soumet que la procédure de reprise aurait aussi pu viser le locataire qui a un comportement dérangeant plutôt que lui. À titre subsidiaire, il réclame au Tribunal d'imposer des conditions à la reprise du logement, dont des frais de déménagement (3 500 $).

[20]   Caisse réplique que Roy a quitté son logement au printemps 2014 et qu’à cette époque, la locatrice était en investigation médicale et son diagnostic n’était pas encore connu.

[21]   Elle admet avoir été choquée que sa mère signe un bail avec un nouveau locataire trouvé par la famille de Roy, mais qu’il lui était difficile de revenir en arrière d’autant plus que le mandat en cas d’inaptitude n’avait pas été homologué par le tribunal.

[22]   À l’exception du nouveau locataire de 2014, tous les autres locataires habitent leur logement depuis de nombreuses années. Comme critère pour choisir le logement à reprendre, Caisse admet avoir choisi le logement qui lui occasionnait le plus de difficulté à percevoir le loyer et non pas en fonction du montant du loyer. Elle avoue ne pas avoir vérifié auprès des autres locataires s’ils quittaient leur logement, car ils ont jusqu’au 31 mars 2016 pour répondre. À ce jour, aucun ne l’a informé d’un départ au 30 juin 2016.


Que dit la loi en matière de reprise de logement?

[23]   La présente demande se fonde sur l’article 1957 du Code civil du Québec (C.c.Q.) qui prévoit :

1957. Le locateur d'un logement, s'il en est le propriétaire, peut le reprendre pour l'habiter lui-même ou y loger ses ascendants ou descendants au premier degré ou tout autres parent ou allié dont il est le principal soutien.

Il peut aussi le reprendre pour y loger un conjoint dont il demeure le principal soutien après la séparation de corps, le divorce ou la dissolution de l'union civile.

[24]   Mentionnons qu’en cas de refus du locataire de quitter le logement, le locateur peut avec l'autorisation du tribunal, le reprendre comme l’indique l'article 1963 C.c.Q. qui stipule :

1963. Lorsque le locataire refuse de quitter le logement, le locateur peut, néanmoins, le reprendre, avec l'autorisation du tribunal.

Cette demande doit être présentée dans le mois du refus et le locateur doit alors démontrer qu'il entend réellement reprendre le logement pour la fin mentionnée dans l'avis et qu'il ne s'agit pas d'un prétexte pour atteindre d'autres fins.

[25]   Dans l'affaire Dagostino c. Sabourin[3], le juge administratif Jean Bisson a indiqué :

« Lors de la de reprise de logement, deux droits importants se rencontrent et s'opposent : d'une part le droit du propriétaire d'un bien d'en jouir comme bon lui semble et, d'autre part, le droit du locataire au maintien dans les lieux loués. C'est pour protéger ce droit que le législateur impose des conditions au locateur. »

[26]   Ainsi, un locateur doit démontrer son intention réelle de reprendre le logement pour la fin spécifiée dans l'avis et l’absence de prétexte pour atteindre d’autres fins[4].

[27]   L'objectif est de permettre une occupation préférentielle à celle du locataire qui perd irrévocablement son droit au maintien dans les lieux.

[28]   En conséquence, il ne doit y avoir aucun doute dans la réalisation et la faisabilité du projet, que ce dernier soit suffisamment certain et circonscrit, qu’il soit permanent, excluant le court terme, et qu’il ne repose pas uniquement sur une base transitoire ou hypothétique.

[29]   De plus, puisque l’immeuble comporte cinq logements loués, ajoutons que l'article 1964 C.c.Q. prévoit qu’un locateur ne peut, sans le consentement du locataire, se prévaloir du droit à la reprise si un logement est vacant ou offert en location à la date prévue pour la reprise s’il est du même genre que celui destiné à la reprise. Cet article se lit comme suit :

1964. Le locateur ne peut, sans le consentement du locataire, se prévaloir du droit à la reprise, s'il est propriétaire d'un autre logement qui est vacant ou offert en location à la date prévue pour la reprise, et qui est du même genre que celui occupé par le locataire, situé dans les environs et d'un loyer équivalent.

           1. La locatrice a-t-elle vraiment l’intention de reprendre le logement pour y loger Marilyse ou s’agit-il d’un faux prétexte?

[30]   Le Tribunal est conscient que l’exercice du droit à la reprise du logement a des conséquences importantes pour le locataire. La perspective de déménager constitue une source importante d’inconvénients et de stress.

[31]   Néanmoins, le locataire soulève essentiellement des doutes ou appréhensions quant aux intentions de la mandataire et de la petite-fille de la locatrice, lesquels ne sont toutefois pas supportés par la preuve et voici pourquoi.

[32]   Certes, la locatrice ne sera pas le principal soutien de Marilyse, c’est plutôt le contraire. Et à cet égard, le Tribunal est convaincu des intentions de Marilyse de soutenir la locatrice afin de la maintenir à domicile aussi longtemps que possible.

[33]   Quant à l’argument du locataire que Marilyse pourrait habiter dans le logement de la locatrice, le témoignage de Marilyse est convaincant que la locatrice ne doit pas se rendre compte qu’elle est là pour l’aider et qu’habiter seule la force à maintenir et exercer les capacités restantes. Cette affirmation respecte également la dignité de la locatrice. Ce n’est pas parce que, par le passé, la locatrice a hébergé ses petites-filles et son petit-fils, qu’elle doive encore le faire aujourd’hui.


[34]   D’ailleurs, le soutien offert à une personne âgée pour lui éviter d’être placée en résidence fut jugé si important que le juge Jean-F. Keable de la Cour du Québec a conclu qu’une interprétation littérale de l’article 1957 du Code civil du Québec conduisait à des situations absurdes. Ainsi, dans la décision Gubner c. Dahan[5], le juge Keable devait décider si une locatrice pouvait reprendre un logement pour y loger des personnes aidantes, même si celles-ci n’étaient pas spécifiquement énumérées à l’article 1957 C.c.Q. Il indique :

[56]     Retenant que l’article 48 de la Charte est une disposition de droit substantiel qui s’ajoute aux dispositions du Code civil, le Tribunal constate qu’Hana Gubner est une personne âgée au sens de la Charte selon la définition élaborée dans l’affaire Commission des droits de la personne du Québec c. Brzozowski, à laquelle réfère la juge Thibault.

[57]     À titre de personne âgée protégée par la Charte, Hana Gubner a droit à la « protection de la famille » dont parle l’article 48, 2e alinéa de la Charte. En l’absence de membres de sa famille résidant à Montréal, elle doit recevoir la protection et la sécurité garanties par les aides recherchées puisque seules ces personnes peuvent tenir lieu de « famille ».

[58]     En définitive, l’article 48 alinéa 2 de la Charte renferme des droits autonomes et distincts. Ces droits s’ajoutent aux conditions de reprises habituelles des articles 1957 et 1963 du Code civil. L’article 48 alinéa 2 de la Charte suffit à lui seul pour stériliser le droit du locataire au maintien dans les lieux. L’article 48 alinéa 2 de la Charte constitue un des cas prévus par la loi qui justifie l’éviction du locataire selon l’article 1936 du Code civil :

1936.  Tout locataire a un droit personnel au maintien dans les lieux ; il ne peut être évincé du logement loué que dans les cas prévus par la loi.

[59]     En conclusion, que ce soit par l’interprétation large de l’article 1957 du Code civil ou par l’effet de l’article 48 alinéa 2 de la Charte, Hana Gubner a droit de reprendre le logement de son locataire du 4317 rue Van Horne pour y loger des aides nécessaires à sa protection et à sa sécurité.

[60]     Ainsi, l’article 1957 du Code civil s’harmonise avec l’article 48 de la Charte. Hana Gubner a donc droit à la protection et à la sécurité que doivent lui apporter les personnes qui lui tiennent lieu de « famille », c’est-à-dire des aides ou des infirmières ou autres préposés qu’elle choisira. (Références omises)

[35]   D’ailleurs, dans la décision Cancilla c. Mathieu[6], le tribunal de la Régie du logement a accordé la reprise de logement pour le petit-fils d’un locateur dans des circonstances très similaires, où le locateur n’était pas le principal soutien du descendant. La soussignée fait siens les arguments suivants qui s’appliquent aux faits en instance :

[21]     L’ensemble de la preuve démontre que le locateur comme son épouse seront davantage protégés et sécurisés par la présence de leur petit-fils dans l’immeuble, lequel pourra alors leur fournir aide et assistance, et ce, autant en ce qui concerne les exigences de la vie quotidienne que dans les cas où une intervention urgente puisse être requise vu leur situation précaire et la détérioration de leur état de santé.

[22]     Vu l’article 48 de la Charte des droits et libertés de la personne qui doit aussi être considéré pour ajouter aux conditions habituelles de reprise et, plus spécifiquement, en ce qui concerne les bénéficiaires désignés à l’article 1957 du Code civil du Québec lorsqu’il s’agit de personnes âgées se retrouvant dans la situation décrite, le tribunal conclut que les faits mis en preuve justifient que la reprise demandée soit accordée comme ce fut le cas dans l’affaire Gubner c. Dahan ci-avant mentionnée.

[36]   Enfin, le Tribunal est également convaincu des intentions de Marilyse de vivre dans le quartier pour au moins une durée de cinq ans.

[37]   Quant à l’argument du locataire que la locatrice devait, conformément à l’article 1964 C.c.Q., d’abord se prévaloir du droit à la reprise d’un autre logement, le Tribunal ne le retient pas. La mandataire souligne que le logement de Roy fut disponible avant le diagnostic de la maladie de la locatrice, soit au printemps 2014.

[38]   Quant à la disponibilité d’un autre logement en juillet 2016, la mandataire déclare ne pas avoir été informée par un autre locataire de son intention de quitter et souligne, avec raison, que les autres locataires ont jusqu’au 31 mars 2016 pour signaler leur intention, alors que l’audience a lieu le 22 mars.

[39]   Certes, la disponibilité d'un logement équivalent constitue un des éléments importants dans la détermination de la bonne foi[7], laquelle doit exister non seulement au moment de l'envoi de l'avis, mais à travers l'ensemble du processus.

[40]   Or, en l’instance, le Tribunal est convaincu de la bonne foi de la mandataire de la locatrice et de sa fille. Leurs témoignages concordent parfaitement, tout comme celui de la travailleuse sociale qui vient appuyer le projet. Elles ont toutes témoigné de façon très crédible. Caisse est structurée, précise et calme; elle admet candidement le critère retenu pour le choix du logement et ne tente aucunement de le cacher.

[41]   Rien dans la preuve ne permet de mettre en doute les propos de Marilyse et particulièrement son désir de vivre dans l’immeuble près de sa grand-mère, et ce, dans le respect de l’intimité de celle-ci. Bref, le projet a été pensé et réfléchi.

[42]   Finalement, quant au choix de son logement plutôt qu’un autre de l’immeuble, le Tribunal rappelle qu’il n’a pas le pouvoir d’ordonner à un locateur de choisir un logement plutôt qu’un autre ou de s’établir ailleurs, non plus que d’opiner sur le choix fait, à moins qu’il ne juge qu’il s’agisse d’un cas de mauvaise de foi, ce qui ne lui est pas apparu, en l’espèce[8].

[43]   La bénéficiaire de la reprise habitera le logement avec sa sœur. Elle a le droit de choisir le logement qui correspond le mieux à ses besoins, et quand les quatre autres logements de l’immeuble sont identiques, il faut nécessairement qu’un critère permette d’en sélectionner un.

[44]   Il n'existe pas de contentieux entre le locataire et la locatrice ou sa mandataire qui viendrait apporter ombrage aux fins réelles pour lesquelles la locatrice désire reprendre le logement.

[45]   Par ailleurs, bien qu'il puisse comprendre la grande déception du locataire de devoir quitter son logis, le Tribunal ne peut tenir compte, dans sa décision concernant l'autorisation de reprendre le logement, de considérations qui sont personnelles au locataire et qui ne sont pas prévues à la loi.

[46]   La locatrice a établi, par prépondérance de preuve, sa réelle intention de reprendre le logement concerné pour y loger sa petite-fille Marilyse et qu’il ne s’agit pas d’un prétexte pour atteindre une autre fin.

[47]   Pour ces motifs et puisque la reprise du logement est un droit consenti par la loi à un propriétaire, le Tribunal autorise la reprise du logement à compter du 1er juillet 2016 considérant que le bail se termine à cette date.

           2. Quel sera le montant de l’indemnité payable au locataire?

[48]   Lorsque le Tribunal autorise la reprise, il peut imposer des conditions justes et raisonnables, y compris le paiement au locataire d’une indemnité équivalente aux frais de déménagement[9].

[49]   Le Tribunal rappelle également qu’il n'y a pas lieu de pénaliser la locatrice pour l'exercice d’un droit légitime reconnu par la loi. Ainsi, l’indemnité vise à compenser le locataire adéquatement quant aux dépenses et inconvénients ayant trait directement à son départ sans risquer de créer une contrainte financière pour la locatrice.

[50]   Pour établir le montant de l’indemnité, la jurisprudence[10] a énuméré les critères à considérer dans l'évaluation de cette indemnité. Ainsi, l'âge et la condition physique du locataire, la durée d'occupation du logement, l’enracinement dans le logement et la valeur du mobilier sont des critères pertinents auxquels s’ajoutent le coût du transport des biens, les frais de branchement aux services publics (téléphone, électricité, câblodistribution, etc.) et suivi postal.

[51]   Dans les circonstances actuelles, le Tribunal est d'avis que le locataire a droit d'être indemnisé pour les dépenses et inconvénients qu'il subira, en raison du déménagement et de la perte du droit au maintien dans les lieux[11].

[52]   Le locataire réclame  3 500 $, mais n’a aucune preuve quant au frais de déménagement.

[53]   Après analyse de l’ensemble des faits soumis, le Tribunal croit qu’il y a lieu d’accorder un montant de 2 000 $ au locataire à titre d’indemnité équivalente aux frais raisonnables reliés au déménagement, incluant les frais de branchement aux services publics et de changement d’adresse, considérant sa condition médicale (haute pression et lombalgie).

Autre condition juste et raisonnable

[54]   Comme condition juste et raisonnable, il sera permis au locataire d'opérer compensation de l'indemnité obtenue à même le loyer à échoir.

[55]   Advenant que l'indemnité n'ait pas été totalement acquittée au dernier jour du bail, le Tribunal estime raisonnable d'accorder, à compter du jour suivant, les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle y afférents.

[56]   Les frais de la demande seront assumés par la locatrice puisque chacune des parties se voit reconnaître des droits par la présente décision.

[57]   Enfin, l’exécution provisoire de la présente décision n’est pas justifiée aux termes de l’article 82.1 de la Loi sur la Régie du logement[12].

À titre informatif

[58]   Le Tribunal rappelle qu’un recours est prévu en faveur d’un locataire en recouvrement de dommages-intérêts et même de dommages punitifs si la reprise de logement est obtenue de mauvaise foi (article 1968 C.c.Q.). De plus, un logement qui a fait l’objet d’une reprise ne peut, sans l’autorisation de la Régie du logement, être reloué ou utilisé pour une autre fin que pour celle pour laquelle le droit a été exercé (article 1970  C.c.Q.).

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[59]   ACCUEILLE en partie la demande de la locatrice qui assume les frais judiciaires;

[60]   AUTORISE la locatrice à reprendre le logement afin d'y loger Marilyse Paquette, à compter du 1er juillet 2016, date à laquelle le locataire et tout occupant devront avoir quitté les lieux;

[61]   CONDAMNE la locatrice à payer au locataire une indemnité de 2 000 $, en argent comptant, par chèque certifié ou mandat poste le jour du départ du locataire, avec les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 1er juillet 2016;

[62]   AUTORISE le locataire à opérer compensation de l'indemnité à même les derniers mois de loyer.

 

 

 

 

 

 

 

 

Sophie Alain

 

Présence(s) :

le mandataire de la locatrice

Me Audrey Walsh, avocate de la locatrice

le locataire

Me Marie-Josée Bellemare, avocate du locataire

Date de l’audience :  

22 mars 2016

 

 

 


 



[1]    L’utilisation du nom de famille ou du prénom par la suite a pour but d’alléger le texte et non à faire preuve de familiarité ou de prétention.

[2]    Articles 1960 à 1963 du Code civil du Québec.

[3]    31-991119-037G, 26 janvier 2000. Au même effet : Tremblay c. Galipeau, R.L. Montréal, 31-021211-132G, r. F. Jodoin, 28 février 2003.

[4]    Article 1963 du Code civil du Québec.

[5]    SOQUIJ AZ-50350425, J.E. 2006-519, [2006] R.J.Q. 903, [2006] J.L. 55. 2005-12-20 (jugement rectifié le 2006-03-14).

[6]    2010 QCRDL 12782, j.a. E. L. Moffatt.

[7]    Voir l’opinion du juge Michel A. Pinsonneault, de la Cour du Québec qui énonce ce qui suit dans l'affaire Arts c. Trinh Vo, [2004] J. L. 63 (C.Q.) : Les dispositions de l'article 1964 C.c.Q. ne doivent et ne peuvent pas être considérées et appliquées dans un vaccum et de façon abstraite, elles doivent nécessairement se lire en conjonction avec celles de l'article 1963 C.c.Q. Ces deux articles sous-tendent la bonne foi du locateur lorsqu'il décide de reprendre un logement pour les fins autorisées par l'article 1957 du Code civil du Québec. [...].

[8]    Fequiere c. Lefebvre, R.L. Montréal, 31-080110-001 G, le 20 février 2008, r. L. Fortin; Olaru c. Ouellet (2006) J.L. 177 (R.L.) tel que cité dans St-Pierre c. Dorion, 2013 QCRDL 38849, j.a. I. Normand.

[9]    Article 1967 C.c.Q.

[10]   Voir notamment : Carlin c. Dec, 500-02-063681-980, 99-03-26, j. L. Dansereau (C.Q.) et Mill c. Wolf, 31-011031-070G, 7 février 2002, r. Me D. Dumont (R.L.).

[11]   Boulay c. Tremblay [1994] J.L. 132 (C.Q.).

[12]   RLRQ, c. R-8.1.

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