Denis c. Grondin |
2011 QCRDL 10481 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau de Laval |
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No : |
36 091029 008 S 110131 |
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Date : |
18 mars 2011 |
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Régisseure : |
Marie-Louisa Santirosi, juge administratif |
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André Denis |
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Locateur - Partie demanderesse |
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c. |
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Rolland Grondin |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] Le tribunal est saisi d’une demande de résiliation de bail au motif que le locataire ne s’est pas conformé à des ordres de la cour.
[2] Le 24 novembre 2010, une décision de la soussignée concluait comme suit :
« [48] ACCUEILLE en partie la demande du locateur;
[49] ORDONNE au locataire de se départir de son chat dans les 15 jours du jugement à intervenir et de fournir la preuve au locateur par la transmission d'un document du refuge ou tout autre document pertinent dans les 21 jours, suivant la décision;
[50] ORDONNE au locataire de faire nettoyer et désinfecter les murs et planchers du logement et balcons dans les 30 jours de la décision;
[51] ORDONNE au locataire de faire nettoyer les sofas, rideaux, couvertures lui appartenant dans les 30 jours de la décision, à intervenir;
[52] ORDONNE au locataire de fournir la preuve au locateur de ses démarches dans les 5 semaines, suivant la décision;
[53] PERMET au locateur de visiter le logement pour vérifier que le logement est en bon état et exempt d'odeurs;
[54] CONDAMNE le locataire aux frais judiciaires de 71 $.
[3] Cette décision intervenait à la demande du locateur. Il alléguait que le locataire possédait un chat en contravention de son contrat de louage. L’inconvénient apparaissait principalement dans le mauvais entretien de l’animal et des odeurs nauséabondes qui se dégageaient du logement.
[4] Dans le présent litige, il explique douter que le locataire se soit conformé au jugement du 24 novembre.
[5] En effet, dans un premier temps, le document provenant de l’organisme le berger Blanc, mentionne que le chat remis entre leur main, est un animal errant. Il est donc possible que ce ne soit pas celui du locataire. Le reçu est daté du 7 décembre 2010.
[6] Le 5 février 2011, soit environ deux mois plus tard, l’occupant du logement du dessus fait parvenir à l’administration, un courriel dans lequel il se plaint de la présence d’excréments sur le balcon du défendeur. Des photos annexées au message permettent de constater des traces foncées qui se démarquent de la neige et qui suggèrent qu’un animal s’est soulagé dans l’espace en question.
[7] La gestionnaire du locateur convient que des représentants ont visité le logement, tel que l’autorisait le jugement du 24 novembre 2010, mais aucune de ces personnes ne s’est attardée à l’état du balcon. Elle justifie cette omission par la température qui rendait ce type de vérification peu propice.
[8] Le concierge de l’immeuble a tenté par la suite, d’effectuer une visite pour des considérations différentes, mais n’a jamais réussi à rejoindre le locataire et conséquemment n’a pu accéder au logis.
[9] Dans un deuxième temps, la gestionnaire soulève l’incertitude de la qualité des travaux puisque le locataire ne lui a fourni aucune preuve de la décontamination.
[10] Le locataire réplique qu’il est prestataire d’aide sociale. Il a des revenus limités et a voulu de façon bien innocente, éviter des frais d’abandon. Il a donc déclaré au personnel du refuge que l’animal qu’il abandonnait était un chat errant. Il est conscient qu’il s’agissait d’une fausse déclaration, mais il a réussi ainsi à réduire à néant les déboursés.
[11] Sa mère et son père corroborent que l’animal fut remis à l’organisme et qu’il n’y a plus d’animaux au logement de leur fils. Sa mère accompagnait le locataire lorsqu’il a déposé le chat au refuge.
[12] Le locataire croit que les traces foncées qu’on aperçoit sur les photos proviennent soit de la rouille des armatures de fer du balcon ou de la rampe, ou encore qu’il s’agit de morceau de briques effritées.
[13] Il semble peu probable que les débris soient des morceaux de briques. L’aspect et la lourdeur ne sont pas compatibles avec cette hypothèse. La soussignée ne peut toutefois éliminer la possibilité qu’il s’agisse d’écaillement de peinture rouillé provenant d’une armature de fer. Les photos déposées par la mandataire sont brouillées et ne permettent pas de distinguer la nature de ces traces.
[14] En ce qui concerne les travaux, le locataire rétorque qu’un grand ménage fut exécuté par son frère, sa mère et lui. Rien ne fut épargné, mur, plancher, armoires, rideaux ou sofas.
[15] Comme son frère était actionnaire d’une compagnie de ménage, ils ont utilisé des produits commerciaux assez puissants et efficaces.
[16] Après les gros travaux, son père lui a fourni la peinture nécessaire pour rétablir une belle apparence au logement.
[17] Le locateur s’oppose au reçu déposé par le défendeur et provenant de la compagnie de son frère. Le document en question n’indique aucun montant de facturation. La soussignée lui donne raison sur ce point. Le document est non seulement incomplet, mais surtout, le locateur n’a pas eu l’opportunité de contre-interroger son signataire.
[18] Il n’en demeure pas moins que la mère du défendeur soutient la version de son fils sur les travaux et que les photos déposées par ce dernier ne laissent aucun doute qu’un grand ménage a eu lieu.
[19] La soussignée souligne que la visite des représentants du locateur n’a pas permis de mettre en doute la validité du témoignage du locataire sur les travaux et la qualité du résultat. Personne n’est venu témoigner d’une odeur résiduelle au logement.
[20] Le locateur réclame néanmoins la résiliation. Il soulève que le manque de crédibilité du locataire qui n’hésite pas à mentir au berger blanc sur la provenance du chat, entache la totalité de son témoignage. Ainsi, il demande à la cour d’accorder foi à la version du voisin et sur les photos suggérant la présence d’excréments pour établir que le chat se trouve toujours au logement.
[21] Deuxièmement, il souligne le défaut du locataire de fournir une preuve tangible de la décontamination contrevient aux ordonnances.
[22] Son procureur s’appuie sur l’affaire Plessisville (Office municipal d'habitation de) c. Drapeau.
[24] A ce sujet, il déclare ce qui suit :
La résiliation prévue à l'article 1973, al. 2 C.c.Q. n'est pas automatique dans la mesure où le texte de loi exige du créancier qu'il fasse la preuve que le débiteur ne s'est pas conformé à l'ordonnance de la Régie. Si cette preuve est faite, la Régie n'a pas de discrétion et doit prononcer la résiliation. La Régie ne peut aller au-delà du texte de loi et permettre au débiteur de fournir des explications sur le non-respect de l'ordonnance, les apprécier et exercer une certaine discrétion pour déterminer si ces explications constituent une défense. Si le législateur avait voulu permettre au débiteur de faire valoir des moyens de défense, il l'aurait dit clairement comme il l'a fait, par analogie, à l'article 53 C.p.c. en matière d'outrage au tribunal : (...) [1]
[25] Ainsi, tel qu’il apparaît de cette lecture, la discrétion judiciaire du tribunal se borne à déterminer si le présumé fautif a respecté ou non l'ordonnance.
[26] Ce principe fut d’ailleurs confirmé dans plusieurs décisions subséquentes.[2]
[27] L’honorable juge Keable a par la suite précisé que l’ordonnance doit cependant être assez « claire, précise et susceptible d’exécution ».[3]
[28] Le locataire réplique que les conditions d’application de la résiliation n’ont pas été établies.
[29] En effet, le locateur n’a pas démontré qu’un animal se trouve au logement ou que les travaux n’ont pas eu lieu.
[30] La soussignée penche en faveur de ce dernier argument.
[31] En effet, la demande est formulée parce que le locateur doute que le locataire n’a plus de chat.
[32] Or, sa preuve est basée sur des photographies un peu floues et sur le témoignage d’un occupant qui ne peut confirmer que les taches sur les photos sont des excréments.
[33] Tel que relaté plus haut, cette preuve n’est pas probante. Elle ne permet pas de circonvenir à la visite des représentants du locateur, ni aux témoignages des parents du locataire qui corroborent le départ de l’animal, ni au document du refuge qui mentionne l’abandon d’un chat par le locataire.
[34] Il n’apparaît pas déterminant que le locataire ait menti pour éviter des déboursés puisque l’objectif de l’ordonnance visait à ce qu’il se départisse de l’animal.
[35] En ce qui concerne les travaux, le corps de la décision stipule clairement que l’objectif est de faire en sorte que le logement soit débarrassé de toutes odeurs offensantes.
[36] Le locataire ne s’est possiblement pas conformé à la lettre de ces ordonnances, mais il en a respecté l’esprit et, tel qu’il appert de la preuve, il a obtenu le résultat convoité par le tribunal et le locateur : se débarrasser des odeurs et s’assurer qu’elles ne reviendraient pas.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[37] REJETTE la demande.
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Marie-Louisa Santirosi |
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Présence(s) : |
la mandataire du locateur Me François Turcot, avocat du locateur le locataire Me Sarah Brutus, avocate du locataire |
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Date de l’audience : |
4 mars 2011 |
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[1] Plessisville (Office municipal d'habitation de) c. Drapeau, C.Q. 415-80-000211-088, le 17 octobre 2008, l'honorable Pierre Labbé, j.c.q. ( 2008 QCCQ 9477 ).
[2] Voir entre autres Audet c. Courville, 500-80-000192-022, Cour du Québec, 14 avril 2003 ( REJB 2003-40179 ); Sodhac c. Dieu, C.Q. 500-80-013961-090 ( 2010 QCCQ 2501 ), le 7 avril 2010, où l'honorable juge André Renaud de la Cour du Québec s'exprimait ainsi relativement à l'article 1973 du Code civil du Québec: « [12] Le deuxième alinéa ne semble laisser aucune latitude au régisseur. »;
[3] Marcellus c. Rosito EYB 2010-179521 jugement du 16 septembre 2010 par. 17.
AVIS :
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