Décision

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6930221 Canada inc. c. Cerulli Faraggi

2024 QCTAL 11785

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau de Montréal

 

No dossier:

689482 31 20230310 F

No demande:

3839119

RN :

 

3865427

 

Date :

09 avril 2024

Devant le greffier spécial :

Me William Durand

 

6930221 Canada Inc.

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Anna Maria Cerulli Faraggi

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         La locatrice a produit une demande de fixation de loyer, conformément aux dispositions de l’article 1947 du Code civil du Québec et de remboursement des frais.

[2]         Plusieurs dossiers de fixation de loyer visant des logements du même immeuble ou du même ensemble immobilier et concernant la même période de référence ont été entendus en même temps, conformément à l’article 57 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1].

[3]         Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023, à un loyer mensuel de 4 696,00 $, incluant le coût d’un espace de stationnement.

[4]         La locatrice a produit le Formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer ainsi que les pièces justificatives et les factures au soutien de ces renseignements, sauf en ce qui concerne la ventilation et le détail des primes payées pour les différentes garanties de ses polices d’assurance.

[5]         À cette fin, lors de l’audience, le Tribunal a autorisé[2] la locatrice à lui transmettre, au plus tard le 1er février 2024, les documents susmentionnés, le tout tel qu’il appert au formulaire d’autorisation de produire un document déposé au dossier.

[6]         La locatrice a transmis les mêmes documents qu’elle avait initialement remis, lors de l’audience pour fixation, c’est-à-dire la facturation de son courtier immobilier. Un courriel du courtier immobilier est également joint, expliquant que le montant de la police n’est pas scindé « puisqu’il s’agit d’une police globale ».


[7]         Ce courriel ne sera pas retenu en preuve, considérant que le courtier immobilier n’était pas présent pour témoigner de la teneur de cette affirmation.

[8]         Le Tribunal rappelle qu’il ne peut retenir que les primes afférentes à la protection incendie et la responsabilité civile, comme le prévoit le Règlement sur les critères de fixation de loyer[3]. Il lui est toutefois possible de voir, sur la documentation remise à l’audience, que plusieurs risques n’étant pas mentionnés au Règlement sont couverts par la police, tels que : les tremblements de terre, les refoulements d’égout, les bris d’équipement, les inondations.

[9]         Puisque la preuve soumise ne permet pas au Tribunal de calculer adéquatement la somme des primes de ces garanties devant être rayées, pour les fins du calcul de fixation, il réduira les primes de 25%[4] en application de l’article 15 du Règlement :

« 15. En l’absence d’un renseignement nécessaire à la détermination du loyer conformément au présent règlement, le tribunal pallie cette absence en s’appuyant sur les renseignements pertinents dont il peut disposer. »

[10]     La somme de 31 786 $ est retenue pour 2022 et celle de 26 777 $ est retenue pour 2021.

[11]     Le Tribunal tient à noter que la locatrice, suivant l’autorisation de produire qui lui avait été remise, en plus, de ne pas produire ce qui lui avait été demandé, à produit de façon non sollicitée copie de trois décisions[5] afin de plaider sa position.

[12]     Bien que le Tribunal n’apprécie guère ce manque de rigueur, il commentera brièvement les décisions dans l’objectif d’apporter plus d’éclaircissements aux parties.

[13]     La première décision soumise analyse l’opportunité ou non de retenir, toujours, pour les fins d’une fixation de loyer, deux polices d’assurance différentes couvrant le même immeuble lors de la même année. Le Tribunal ne voit donc pas en quoi celle-ci est pertinente dans le dossier à l'étude.

[14]     La seconde vient quant à elle expliquer que le Tribunal ne peut se pencher sur les causes de la variation des primes d’une police. Que la variation d’une année à l’autre soit due à un changement de propriétaire, à un changement d’assureur, à une augmentation de la valeur de l’immeuble ou encore à un sinistre, le Tribunal doit retenir les primes payées par la locatrice afférentes à la protection incendie et responsabilité civile.

[15]     Finalement, la troisième décision, en s’appuyant sur une décision[6] en révision, retient la somme globale de la police, sans ventiler les primes payées pour les différentes garanties.

[16]     Cette décision de révision semble, avec respect, avoir été mal interprétée. Tel que le démontre la décision de première instance[7], rendue par le greffier spécial, les primes de plusieurs protections ont bien été rayées des polices d’assurance[8]. La décision de révision vient d’ailleurs confirmer la décision du greffier spécial.

[17]     Les locataires souhaitaient cependant que plusieurs avenants, prévus à la police et pour lesquels aucune prime n’était facturée, soient également retranchés. La juge administrative est alors venue confirmer dans son analyse qu’une composante incluse dans la prime de base de la police à laquelle on ne peut attribuer une valeur spécifique doit tout de même être retenue.

[18]     Le Tribunal est d’avis que cette décision de révision ne vient en aucun cas limiter les dispositions du Règlement et la discrétion du greffier spécial dans son analyse de la preuve. Interpréter la décision autrement ferait en sorte d’enlever tout son sens aux dispositions du Règlement. Il suffirait alors à la locatrice d’omettre de produire le détail de ses polices d’assurance afin que le Tribunal se voie contraint de retenir la prime payée dans sa globalité, faisant abstraction de la nécessité de retirer celles afférentes à des garanties non prévues au Règlement.


[19]     Afin d’illustrer le tout, le Tribunal reproduit ci-bas le contenu caviardé de la police d’assurance de la locatrice :

Coverage

Form

Subscribed

Coinsurance

Deductible

Limit of insurance

 

 

Y/N

%

$

$

Building and/or Contents - Broad Form

 

 

 

 

 

Building

**

Y

**

**

**

Property of every description

 

 

 

 

 

Edge Complete 3.0

**

Y

 

 

 

Section 1 - Blanket Extensions

 

Y

 

 

 

Section 2 - Blanket Extansions

 

Y

 

 

 

Section 3 - Additional Extensions

**

Y

 

 

 

Stated Amount Co-Insurance Clause

**

Y

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Profits

**

Y

**

 

**

 

 

 

 

 

 

Earthquake Shock Endorsement

**

Y

 

**

 

 

 

 

 

 

 

Flood Endorsement

**

Y

 

**

 

 

 

 

 

 

 

Sewer Back-up Endorsement

**

Y

 

**

 

[20]     Se rapportant à la police reproduite ci-haut, le Tribunal est d’avis que les composantes mentionnées à la décision de révision sont celles apparaissant sous l’onglet « Building and/or contents – Board Form ». Il n’est effectivement pas possible pour le Tribunal de ventiler ces composantes, puisqu’elles sont incluses dans la prime payée pour cette garantie.

[21]     En revanche et tel que l’exige le Règlement, le Tribunal doit retrancher les primes afférentes aux autres types de protections prévues à la police, tel que « Profits », « Earthquake Shock », « Flood » et « Sewer Back-Up ».

[22]     Si la locatrice n’est pas en mesure de démontrer la valeur réelle des primes payées pour ces garanties, le Tribunal peut user de sa discrétion, tel que mentionné plus haut, afin d’en faire l’estimation[9].

[23]     La locatrice est dans son droit de contracter la police d’assurance de son choix et de se protéger contre tous les risques voulus, mais les locataires, suivant les dispositions du Règlement, ne devront assumer que ceux liés à l’incendie et à la responsabilité civile. Les lacunes de la preuve de la locatrice, ou encore la structure déterminée pour sa police d’assurance dans le cadre de ses négociations avec son assureur ne devraient en aucun cas pénaliser les locataires.

[24]     Ensuite, parmi les dépenses inscrites à la section 9 du Formulaire, 24 000 $ seront rayés représentant la valeur des loyers du logement du concierge pour une année complète.

[25]     La locatrice soumet que le loyer du concierge s’établit à 2 000 $ mensuellement et que ce montant lui est crédité pour ses services. Aucune preuve n’est cependant déposée afin de supporter ce montant. La représentante de la locatrice semble plutôt laisser croire que ce montant a été estimé.

[26]     Comme seules les dépenses réellement encourues et supportées[10] par la locatrice doivent être retenues, le montant inscrit à la section 9 du Formulaire sera réduit de 24 000 $.


[27]     Après calcul, l’ajustement du loyer permis en vertu du Règlement sur les critères de fixation de loyer[11] est de 228,41 $ par mois, s’établissant comme suit :

Taxes municipales et scolaires

32,34 $

Assurances

 22,81 $

Gaz

 69,54 $

Électricité

 1,07 $

Mazout

 0,00 $

Frais d’entretien

31,84 $

Frais de services

0,00 $

Frais de gestion

 8,22 $

Réparations majeures, améliorations majeures,

mise en place d’un nouveau service

 

 8,90 $

Ajustement du revenu net

 53,69 $

 

TOTAL

 

 228,41 $

[28]     CONSIDÉRANT l’absence de preuve justifiant la condamnation de la locataire au paiement des frais introductifs de la demande;

[29]     CONSIDÉRANT l'ensemble de la preuve faite à l'audience;

[30]     CONSIDÉRANT qu’un ajustement mensuel de 228,41 $ est justifié;

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[31]     FIXE le loyer, après arrondissement au dollar le plus près, à 4 924,00 $ par mois du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024, incluant le coût d’un espace de stationnement.

[32]     Les autres conditions du bail demeurent inchangées.

[33]     La locatrice assume les frais de la demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

Me William Durand, greffier spécial

 

Présence(s) :

la mandataire de la locatrice

la locataire

Date de l’audience :

19 février 2024

 

 

 


[2] Article 37, Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement, chapitre T15.01, r. 5.

[3] Chapitre T-15.01, r. 2, article 1.

[4] 6930221 Canada inc. c. Gaëlle, 2021 QCTAL 10562 (CanLII).

[5] Chalufour c. Madore, 2022 QCTAL 28764 (CanLII); Gestion immobilière Symca inc. c. Lavallée, 2023 QCTAL 39138 (CanLII); Édifice 1535 Summerhill inc. c. Kheto, 2024 QCTAL 2459 (CanLII).

[6] Ben Hassine c. 5140 Randall inc., 2023 QCTAL 13827 (CanLII).

[7] 5140 Randall inc. c. Hassine, 2022 QCTAL 35353 (CanLII).

[8] Ibid, voir paragraphe 8.

[9]  Se référer encore une fois ici à l’article 15 du Règlement.

[10] Articles 1 et 13 du Règlement sur les critères de fixation de loyer, chapitre T-15.01, r. 2.

[11] RLRQ, c. T-15.01, r. 2.

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