Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Kalambo c. Moleon

2024 QCTAL 13897

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

728414 31 20230818 T

No demande :

4243574

 

 

Date :

24 avril 2024

Devant la juge administrative :

Amélie Dion

 

Ilunga Kalambo

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Marc-André Moleon

 

Mercedece Cilien

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Par une demande introduite le 18 mars 2024, le locataire demande la rétractation de la décision du 23 février 2024. Par cette décision, le bail est résilié pour retards fréquents et le locataire est condamné à payer les loyers des mois de juillet 2022 à février 2024.

[2]         Lors de l’audience le 12 avril 2024, le locataire n’est toujours pas présent à l’audience alors que les locateurs sont présents.

[3]         Ainsi aucune preuve n’est présentée.

ANALYSE

Demande de rétractation du locataire

[4]         La demande du locataire est fondée sur l’article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement, ci-après (LTAL), lequel prévoit :

« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.

La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.

Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »[1]

[5]         À maintes reprises, les tribunaux ont réitéré que la rétractation est un moyen procédural exceptionnel, car le principe de l’irrévocabilité des jugements est important. Ce principe a été réitéré par la Cour d’appel du Québec :

« Le principe de l’irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d’où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l’exception et ne pas devenir la règle. »[2]

[6]         L’absence d’une partie ne donne pas ouverture systématiquement à la rétractation de jugement tel que le mentionnent les auteurs Rousseau-Houle et De Billy :

« Le seul fait qu’une partie soit absente à l’audience ne lui donnera pas automatiquement droit à une demande en rétractation. En vertu de l’article 89, la partie doit motiver son absence par une cause jugée suffisante. »[3]

[7]         La partie qui demande la rétractation doit se conformer à certaines conditions. Premièrement, elle doit démontrer les motifs justifiant son absence à l’audience. Deuxièmement, elle doit déposer sa demande dans un délai de dix jours de la connaissance de la décision.

[8]         Troisièmement, elle doit alléguer les motifs de défense sur la demande originaire qu’elle entend faire valoir, et ce, en vertu de l’article 44 du Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement, lequel prévoit :

« 44. La demande de rétractation d’une décision doit contenir non seulement les motifs qui la justifient mais, si elle est produite par le défendeur à la demande originaire, elle doit également contenir les moyens sommaires de défense à la demande originaire. »[4]

[9]         Considérant l’absence du locataire à l’audience ainsi que l’absence de preuve au soutien de sa demande de rétractation, celle-ci est rejetée.

Demande de limitation procédurale en vertu de l’article 63.2 de la Loi

[10]     À l’audience, les locateurs formulent une demande pour interdire au locataire de déposer une nouvelle demande de rétractation dans le présent dossier.

[11]     Cette demande est fondée sur l’article 63.2 de la LTAL., lequel prévoit :

« 63.2. Le Tribunal peut, sur demande ou d’office après avoir permis aux parties intéressées de se faire entendre, rejeter un recours qu’il juge abusif ou dilatoire ou l’assujettir à certaines conditions.

Lorsque le Tribunal constate qu’une partie utilise de façon abusive un recours dans le but d’empêcher l’exécution d’une de ses décisions, il peut en outre interdire à cette partie d’introduire une demande devant lui à moins d’obtenir l’autorisation du président ou de toute autre personne qu’il désigne et de respecter les conditions que celui-ci ou toute autre personne qu’il désigne détermine.

Le Tribunal peut, en se prononçant sur le caractère abusif ou dilatoire d’un recours, condamner une partie à payer, outre les frais visés à l’article 79.1, des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par une autre partie, notamment pour compenser les honoraires et les autres frais que celle-ci a engagés, ou, si les circonstances le justifient, attribuer des dommages-intérêts punitifs. Si le montant des dommages-intérêts n’est pas admis ou ne peut être établi aisément au moment de la déclaration d’abus, le Tribunal peut en décider sommairement dans le délai et aux conditions qu’il détermine. »[5]

[12]     Dans l’affaire Quarre c. Gestion MRC inc, la Cour du Québec s’exprime comme suit à l’égard une telle demande :

« [41] Déclarer un justiciable forclos de présenter une demande devant un tribunal, est un remède extrême qui ne doit être utilisé qu’avec grande circonspection et rigueur, vu ses conséquences graves sur les droits du justiciable qui est tenu de ne pas les exercer de manière abusive.

[...]

[51] Selon les principes bien établis par la jurisprudence, on ne doit pas restreindre l’accès à un tribunal à un justiciable sauf en présence d’une situation manifeste d’abus, ce qui est loin d’être le cas en l’espèce. »[6]

[13]     Après avoir analysé la preuve, la soussignée considère qu’il y a lieu d’interdire au locataire d’introduire toute nouvelle demande dans le présent dossier.

[14]     Il apparaît évident de la preuve soumise que la demande de rétractation du locataire n’a pas de fondement juridique. Elle ne sert qu’à lui permettre de demeurer plus longtemps dans le logement sans payer de loyer.

[15]     Au surplus, le locataire n’allègue aucun moyen de défense plausible à faire valoir si le jugement était rétracté.

[16]     Le Tribunal conclut que le locataire utilise le présent recours dans le but d’empêcher l’exécution de la Décision.

[17]     Le Tribunal juge approprié de citer la juge administrative Francine Jodoin dans l’affaire Hunte c. Ranglin :

« [18] En raison des ressources judiciaires limitées, et bien qu’il n’y ait pas d’automatisme à cet égard, on ne peut tolérer qu’une partie utilise le processus judiciaire à la légère, à mauvais escient ou de façon répétée et sans fondement réel sans qu’en conséquence, il en résulte une déconsidération de l’administration de la justice. »[7]

(Référence omise)

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[18]     REJETTE la demande de rétractation du locataire et ORDONNE l’exécution provisoire malgré l’appel;

[19]     MAINTIENT la décision rendue le 23 février 2024;

[20]     INTERDIT au locataire d’introduire toute nouvelle demande dans le présent dossier, à moins d’obtenir l’autorisation du président ou de toute autre personne qu’il désigne et de respecter les conditions que celui-ci ou toute autre personne qu’il désigne détermine.

 

 

 

 

 

 

 

 

Amélie Dion

 

Présence(s) :

les locataires

Date de l’audience : 

11 avril 2024

 

 

 


[1] RLRQ, chapitre T-15.01.

[2] Entreprises Roger Pilon Inc et al. c. Atlantis Real Estate Co., (1980) C.A. 218.

[3] Le bail de logement : analyse de la jurisprudence, Wilson & Lafleur Ltée (1989) Montréal, p. 307.

[4] RLRQ, chapitre T-15.01, r. 5.

[5] RLRQ, chapitre T-15.01.

[6] Quarre c. Gestion MRC inc., 2010 QCCQ 10835.

[7] Hunte c. Ranglin, 2020 QCTAL 9639.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.