Dragon Jacimovic c. DP inc. | 2022 QCTAL 25593 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Montréal | ||||||
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No dossier : | 332337 31 20170421 T | No demande : | 3629056 | |||
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Date : | 12 septembre 2022 | |||||
Devant la juge administrative : | Erika Aliova | |||||
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Danica Dragon Jacimovic |
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Locataire - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
d.p.inc |
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Locatrice - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] La locataire requiert la rétractation de la décision du 8 juin 2017 de la juge administrative Linda Boucher.
[2] Elle a pris connaissance de cette décision le 2 août 2022 et déposé sa demande le 11 août 2022.
[3] Bien que dûment convoquée et notifiée, la locatrice ne s'est pas présentée à l'audience.
[4] Au motif de sa demande, la locataire indique qu'elle était absente à l’audience du 19 mai 2017 parce qu'elle n'a jamais reçu l'avis d'audition qui l'y conviait.
[5] Les parties été liées par un bail du 1er février 2016 au 31 janvier 2017 au loyer mensuel de 705 $.
[6] Vers le mois d’octobre 2016, la locataire explique avoir avisé un représentant de la locatrice à l’effet qu’elle allait s’acheter une propriété et qu’elle souhaitait mettre fin à son bail.
[7] Le représentant de la locatrice lui aurait dit de préparer un document à cet effet et de lui remettre le tout afin de mettre fin au bail.
[8] La locataire indique avoir préparé la lettre concernant ses intentions et elle a aussi remis trois chèques pour les paiements des loyers des mois d’octobre, novembre et décembre 2016. Elle a remis le tout à l’employé de la locatrice.
[9] La locataire témoigne que la locatrice a encaissé les trois chèques de loyer.
[10] Elle relate ensuite avoir déménagé le 7 décembre 2016 du logement concerné.
[11] Ce n’est que le 2 août 2022 que la locataire tombe par hasard sur la décision datée du 8 juin 2017 en visitant un site internet disponible aux citoyens qui permet de chercher des décisions émanant de différents tribunaux en y inscrivant son nom et prénom.
[12] La présente demande se fonde sur l'article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1] (Loi) qui prévoit :
« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.
Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.
La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.
La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.
Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »
[13] À maintes reprises, les tribunaux ont déterminé que la rétractation est un moyen procédural exceptionnel, car le principe de l'irrévocabilité des jugements est important. Ce principe a été réitéré par la Cour d'appel du Québec :
« Le principe de l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d'où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l'exception et ne pas devenir la règle. »[2]
[14] L'absence d'une partie ne donne pas ouverture systématiquement à la rétractation de jugement tel que le mentionnent les auteurs Rousseau-Houle et De Billy[3]:
« Le seul fait qu'une partie soit absente à l'audience ne lui donnera pas automatiquement droit à une demande en rétractation. En vertu de l'article 89, la partie doit motiver son absence par une cause jugée suffisante. »
[15] En l'instance, aucune négligence ne peut être attribuée à la locataire dont le témoignage rendu sous serment est jugé sincère et crédible. Ayant déménagé le 7 décembre 2016 du logement concerné, la locataire n’a pas reçu l’avis d’audition du Tribunal qui a été expédié le 25 avril 2017 au [...] # 11, Montréal, QC, [...].
[16] En effet, dans le présent cas, le principe de la stabilité des décisions doit céder le pas au droit de la locataire d'être entendue.
[17] À la lumière de ces principes, le Tribunal est d'avis que la locataire a fait la preuve d'un motif sérieux de rétractation.
[18] La bonne administration de la justice requiert qu'elle puisse faire valoir ses droits.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[19] ACCUEILLE la demande de rétractation;
[20] RÉTRACTE la décision rendue le 8 juin 2017;
[21] DEMANDE au maître des rôles de convoquer à nouveau les parties pour enquête et audition au mérite de la demande originaire.
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Erika Aliova | ||
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Présence(s) : | la locataire | ||
Date de l’audience : | 29 août 2022 | ||
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[1] RLRQ, chapitre T-15.01.
[2] Entreprises Roger Pilon inc. et al. c. Atlantis Real Estate Co.,
[3] Le bail de logement: analyse de la jurisprudence, Wilson & Lafleur Ltée (1989) Montréal, p. 307.
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