Décision

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3712133 Canada inc. c. Ahmad

2025 QCTAL 15024

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

Nos dossiers :

845802 31 20250122 G

850680 31 20250213 G

Nos demandes :

4597088

4621279

 

 

Date :

30 avril 2025

Devant la juge administrative :

Vanessa O’Connell-Chrétien

 

3712133 Canada Inc

 

Locatrice - Partie demanderesse

(850680 31 20250213 G)

c.

Jad El Sayed Ahmad

 

Locataire - Partie demanderesse

(845802 31 20250122 G)

Partie défenderesse

(850680 31 20250213 G)

et

Houssame Nejme

 

Sous-locataire - Partie défenderesse

(845802 31 20250122 G)

Sous-locataire - Partie intéressée

(850680 31 20250213 G)

 

 

D É C I S I O N

 

 

  1.          Le litige ayant cours entre les parties mentionnées en en-tête découle de la sous-location faite d’un logement d’habitation par le locataire, Jad El Sayed Ahmad, au sous-locataire, Houssame Nejme, à l’insu de la locatrice, la société 3712133 Canada Inc..
  2.          La locatrice s’adresse au Tribunal administratif du logement (Tribunal) afin d’expulser le sous-locataire du logement occupé sans droit. Il s’agit de l’objet de la demande numéro 4621279 initiée dans le dossier 850680.
  3.          Cette demande a été introduite après que le locataire ait lui-même introduit une demande en non-paiement de loyer à l’encontre de son sous-locataire. Cette dernière demande numéro 4597088 a été introduite dans le dossier 845802.
  4.          Ces deux dossiers ont été convoqués en audience à deux dates distinctes, soit le 27 février et le 5 mars. À ces deux audiences, le sous-locataire ne s’est pas présenté. En prévision de la date du 5 mars, le Tribunal a reçu le 27 février 2025 un certificat médical indiquant que le sous-locataire était en arrêt de travail total du 27 février 2025 au 5 mars 2025 inclusivement. Le certificat médical numérique ne donne aucun détail. Dans la section commentaire, il est indiqué laconiquement « Pour raisons médicales ».


DEMANDE DE REMISE DE L’AUDIENCE

  1.          Lors de l’audience tenue devant la soussignée, le 16 avril 2025, le sous-locataire ne s’est toujours pas présenté. Mentionnons que celui-ci occupe un logement à distance de quelques minutes de marche du Tribunal ou l’audience était convoquée.
  2.          Le sous-locataire a toutefois formulé une demande de remise, par écrit, de l’audience « pour des raisons de santé ». À nouveau, la demande de remise est accompagnée d’un certificat médical toujours aussi laconique que le précédent; lequel indique cette fois qu’il y a arrêt de travail du 14 avril 2025 au 18 avril 2025.
  3.          Qui plus est, il a également été soumis, dans une correspondance distincte que « pour des raisons personnelles/professionnelles, je suis uniquement disponible les vendredis pour une date ultérieure ».
  4.          La locatrice et le locataire se sont opposés à la demande de remise. Ils y voient une tactique du sous-locataire pour gagner du temps, alors que le terme du contrat de sous-location est passé, que le bail liant la locatrice au locataire a été résilié et qu’aucun loyer n’a été acquitté par le sous-locataire depuis août, tout en continuant d’occuper le logement.
  5.          Les échanges de messages textes entre le locataire et le sous-locataire démontrent également que le sous-locataire utilise l’excuse de la maladie souvent. Le 1er septembre 2024, il écrit :

« Hello i am off work I am very sick I don’t have money at the moment I will send u after when I have it, here is the medical note. Have a great day. »

  1.      Le 22 septembre 2024, à nouveau il écrit :

« I am still sick bro »

  1.      Le 16 octobre 2024, le sous-locataire est malade et cette fois son micro de cellulaire ne fonctionnerait pas :

« Hi bro I just see your text I was sick, I have problem in my mic that’s why I can’t contact u »

  1.      Lorsqu’une partie demande la remise d’une audience, le Tribunal doit apprécier les motifs justifiant la remise et soupeser les inconvénients et le préjudice qu’il en résulterait de procéder ou d’accorder la remise.
  2.      Dans le présent dossier, le sous-locataire formule une nouvelle demande de remise pour raisons médicales, sans qu’aucun détail de ces raisons ne soit donné. Le locataire ne se présente même pas à l’audience pour expliquer les motifs justifiant sa demande de remise. Le certificat médical soumis ne détaille pas ses motifs et il y est simplement indiqué que le sous-locataire est en arrêt de travail. Un arrêt de travail ne signifie pas nécessairement qu’une personne ne puisse pas participer à une audience.
  3.      Qui plus est, les échanges textes reproduits ci-haut démontrent que le sous-locataire esquive ses obligations en prétendant être malade.
  4.      Dans un tel contexte, le Tribunal n’est pas convaincu du motif de remise allégué par le sous-locataire. Qui plus est, la remise demandée apparaît préjudiciable aux droits des locataire et locatrice dans le contexte du dossier ou le loyer n’est pas payé depuis août et que le logement est occupé sans droit, cela empêchant la relocation de celui-ci alors que le bail a été résilié.
  5.      Pour tous ces motifs, la demande de remise se doit d’être rejetée. Le Tribunal analysera donc le fond des demandes ayant été entendues en l’absence du sous-locataire.

CONDAMNATION DU SOUS-LOCATAIRE AUX LOYERS DUS ET EXPULSION

  1.      La locatrice et le locataire ont conclu un bail de logement pour la période allant du 15 décembre 2023 au 31 décembre 2024. Le loyer payable prévu au bail est de 1 500 $ par mois, payable le 1er jour du mois.
  2.      Un contrat de sous-location est intervenu le 2 juillet 2024 entre le locataire et le sous-locataire. Ce contrat prévoit un terme, à savoir le 31 décembre 2024 à une section intitulée « Durée du contrat ». De cette section, le Tribunal retient de la volonté des parties qui y sont liées que le contrat soit pour la période du 4 août 2024 au 31 décembre 2024. La mensualité à payer par le sous-locataire au locataire est fixée à 1 650 $.

  1.      La locatrice n’a pas été informée au moment opportun qu’une sous-location avait été faite du logement par le locataire.
  2.      Pourtant, le Code civil du Québec[1] prévoit la disposition suivante :

« 1870. Le locataire peut sous-louer tout ou partie du bien loué ou céder le bail. Il est alors tenu d’aviser le locateur de son intention, de lui indiquer le nom et l’adresse de la personne à qui il entend sous-louer le bien ou céder le bail et d’obtenir le consentement du locateur à la sous-location ou à la cession. »

  1.      Contrairement à la cession, la sous-location ne libère pas le locataire qui sous-loue son logement des obligations [2] du bail. Il reste partie au contrat qu’est le bail.
  2.      Néanmoins, le dossier ici n’en est pas un qui concerne uniquement le non-paiement du loyer. En effet, bien que la preuve démontre que les mensualités à payer pour les mois de septembre, octobre, novembre et décembre au terme du contrat de sous-location, la locatrice demande ni plus ni moins au Tribunal d’expulser le sous-locataire occupant sans droit le logement.
  3.      Le Tribunal condamnera donc le sous-locataire à payer la somme de 6 600 $ au locataire avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter du 28 décembre 2024, date de la mise en demeure transmise au sous-locataire par le locataire.
  4.      En ce qui concerne la demande d’expulsion de l’occupant sans droit du logement par le sous-locataire, il y a également lieu d’y faire droit. C’est que le sous-locataire ne bénéficie pas d’un droit au maintien dans les lieux[3] :

« 1940. Le sous-locataire d’un logement ne bénéficie pas du droit au maintien dans les lieux.

La sous-location prend fin au plus tard à la date à laquelle prend fin le bail du logement; le sous-locataire n’est cependant pas tenu de quitter les lieux avant d’avoir reçu du sous-locateur ou, en cas de défaut de sa part, du locateur principal, un avis de 10 jours à cette fin. »

  1.      L’entente de sous-location était à durée déterminée. Elle avait un terme qui, à son arrivée, mettait fin au droit du sous-locataire d’occuper le logement. Néanmoins, la preuve démontre que le sous-locataire continue d’occuper celui-ci et ce, malgré les avis et procédures reçues.
  2.      En effet, le 19 décembre 2024, le sous-locataire se voyait rappeler l’arrivée du terme prochain.
  3.      À cette date, il se devait de libérer le logement. Il ne l’a pas fait.
  4.      Le locataire et la locatrice ont conclu le 3 février 2025 une entente de résiliation volontaire du bail du logement concerné. La locatrice voyant que son logement n’était toujours pas libéré, elle a transmis un avis au sous-locataire, par huissier, le 3 février 2025.
  5.      Malgré l’arrivée du terme de sa sous-location, de la fin du bail principal et d’un avis lui demandant de libérer le logement, le sous-locataire occupe toujours le logement. Le sous-locataire n’a pourtant aucun droit pour habiter le logement au-delà du 31 décembre 2024.
  6.      L’expulsion du sous-locataire apparaît donc justifiée.

FRAIS

  1.      En ce qui a trait aux frais du dossier qui sont réclamés par la locatrice et le locataire dans chacun des dossiers qu’ils ont institués, il faut savoir que ces frais sont encadrés par la Loi sur le Tribunal administratif du logement[4] et son article 79.1 :

« 79.1. Lors de la décision, le membre peut adjuger sur les frais prévus par règlement. »

  1.      Les frais ne naissent qu’une fois accordés par le tribunal ayant la compétence de les accorder et c’est ce qui explique que les intérêts ne seront dus qu’à compter de leur prononcé[5].
  2.      À la lumière du règlement applicable et de la preuve au dossier, les frais de 90 $ engagés pour le dépôt de chacune des demandes peuvent être accordés aux parties ayant introduit les demandes dont est saisi le Tribunal[6].


EXÉCUTION PROVISOIRE

  1.      La locatrice demande au Tribunal que la présente décision soit exécutoire provisoirement. La loi prévoit que l’exécution d’une décision par le présent tribunal est normalement acquise à l’expiration des délais d’appels[7].
  2.      C’est que règle générale, notre droit civil est basé sur la conception que l’appel suspend l’exécution de la décision dont il est fait appel[8]. L’encadrement législatif en matière d’appel des décisions du Tribunal administratif du logement ne fait pas exception à ce principe.
  3.      Par sa demande d’exécution provisoire, la locatrice cherche à éviter de devoir attendre l’expiration des délais ordinaires pour pouvoir exécuter sa décision.
  4.      L’article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[9] encadre les demandes d’exécution provisoire :

« Le membre peut, s’il le juge à propos, ordonner l’exécution provisoire, nonobstant la révision ou l’appel, de la totalité ou d’une partie de la décision, s’il s’agit:

 de réparations majeures;

 d’expulsion des lieux, lorsque le bail est expiré, résilié ou annulé;

 d’un cas d’urgence exceptionnelle. »

  1.      L’utilisation des termes « s’il le juge à propos » témoigne d’une volonté du législateur de consacrer une discrétion au décideur dans l’octroi de l’exécution provisoire d’une partie ou de la totalité de sa décision qui concerne les sujets énumérés aux paragraphes précités.
  2.      Dans le contexte du présent dossier, cette demande de la locatrice apparaît justifiée vu qu’il y a lieu d’expulser l’occupant sans droit des lieux lesquels sont occupés sans droit depuis un moment déjà et sans aucune volonté du sous-locataire d’obtempérer aux multiples demandes et procédures formulées à son endroit. L’occupation des lieux dans le contexte du présent dossier cause un préjudice à la locatrice en ce qu’elle l’empêche de louer le logement tout en encaissant des pertes de revenus mois après mois depuis plusieurs mois. Rappelons que la locatrice n’a jamais été avisée de la sous-location consentie et n’a jamais pu visiter l’état de son logement, le sous-locataire ayant toujours refusé tout accès. La locatrice est en droit de s’inquiéter de l’état du logement. Vu les circonstances particulières de ce dossier, il y a lieu de prononcer l’exécution provisoire immédiate de la présente décision eu égard à la conclusion d’expulsion.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

Dossier 850680

  1.      ORDONNE l’expulsion du sous-locataire HOUSSAME NEJME et de tous les occupants du logement;
  2.      CONDAMNE le locataire JAD EL SAYED AHMAD à payer à la locatrice 3712133 CANADA INC. les frais de 90 $ avec les intérêts au taux légal, à compter de la date de la présente décision.
  3.      PRONONCE l’exécution provisoire de la conclusion en expulsion à la date de signature de la présente décision;

Dossier 845802

  1.      CONDAMNE le sous-locataire HOUSSAME NEJME à payer au locataire JAD EL SAYED AHMAD la somme de 6 600 $ plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 28 décembre 2024;

  1.      CONDAMNE le sous-locataire HOUSSAME NEJME à payer au locataire JAD EL SAYED AHMAD les frais de 90 $ avec les intérêts au taux légal, à compter de la date de la présente décision;

 

 

 

 

 

 

 

 

Vanessa O’Connell-Chrétien

 

Présence(s) :

le mandataire de la locatrice

le mandataire du locataire JAD EL SAYED AHMAD

Date de l’audience : 

16 avril 2025

 

 

 


 


[1] Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991. (« C.c.Q. »)

[2] C.c.Q., art. 1873

[3] C.c.Q, art. 1940.

[4] RLRQ c T-15.01

[5] Code de procédure civile, RLRQ c C-25.0, art. 343.

[6] Tarif des frais exigibles par le Tribunal administratif du logement, chapitre T-15.01, r. 6, art. 7.

[7] Loi sur le Tribunal administratif du logement, RLRQ, c. T-15.01, Art 82.

[8] Mouvement laïque québécois c. English Montreal School Board, 2021 QCCA 1675, par. 2

[9] Loi sur le Tribunal administratif du logement, RLRQ, c. T-15.01, Art 82.1.

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