Décision

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Décision

Zafiropoulos c. Abdelali

2019 QCRDL 20868

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

Nos dossiers :

458737 31 20190503 G

393629 31 20180420 N

Nos demandes :

2753912

2773630

 

 

Date :

19 juin 2019

Régisseure :

Francine Jodoin, juge administrative

 

Konstantinos Zafiropoulos

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Arhaous Abdelali

 

Locataire - Partie défenderesse

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le locateur a produit une demande en résiliation du bail au motif de non-paiement du loyer et retards fréquents dans le paiement du loyer, plus le recouvrement du loyer (1 020 $) ainsi que le loyer dû au moment de l’audience.

[2]      Le locataire a requis la réunion du présent recours à une demande qu’il a faite[1] et qui a déjà été prise en délibéré sur une question préliminaire qui concerne la compétence juridictionnelle du Tribunal.

[3]      Cette demande de réunion est faite en date du 30 mai 2019 alors que le dossier à réunir est déjà en délibéré.

[4]      Vu l’absence de connexité entre ces deux demandes et le fait que le dossier à réunir est en délibéré, il devient impossible de joindre les recours.

[5]      Quant à la question de l’autorisation de déposer le loyer produit dans cet autre dossier, les parties ont convenu de nouvelles modalités de perception qui rendraient sans objet cette demande.

-LE PAIEMENT DU LOYER

[6]      Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019, à un loyer mensuel de 500 $.

[7]      Le locataire remet à l’audience une somme de 1 520 $, soit le solde impayé pour les mois de mars (20 $), avril, mai et juin 2019.

[8]      Le solde de mars est lié à une retenue effectuée par le locataire pour des frais d’envois de son paiement par courrier recommandé, vu le refus allégué du locateur de percevoir le loyer.

[9]      Lors de l’audience, les parties conviennent que, dorénavant, le paiement pourra s’effectuer par virement électronique à l’adresse courriel de l’avocat du locateur jusqu’à ce que les coordonnées courriel de ce dernier lui soient confirmées.

[10]   Le paiement du loyer ayant été complété, il n’y a pas lieu de prononcer la résiliation du bail pour ce motif.

[11]   Nous reviendrons ci-après sur les circonstances de ces retards de paiement.

-LES RETARDS FRÉQUENTS

[12]   L’article 1971 du Code civil du Québec prévoit ce qui suit :

« 1971. Le locateur peut obtenir la résiliation du bail si le locataire est en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer ou, encore, s'il en subit un préjudice sérieux, lorsque le locataire en retarde fréquemment le paiement. »

[13]   En l’occurrence, le locateur relate que le locataire lui a transmis un paiement incomplet en mars 2019 et qu’il a refusé, par la suite, de payer le loyer au concierge ou à son associé, comme ce fut le cas au cours des 10 dernières années. Par ailleurs, il y a des difficultés de perception depuis huit mois, dit-il.

[14]   Il fait valoir qu’il a des dépenses à assumer sur cet immeuble (hypothèque, taxes, électricité, frais d’administration). Il veut le paiement le 1er jour du mois.

[15]   Le locataire réplique qu’il a transmis cinq mises en demeure au locateur pour qu’on vienne chercher le loyer. Il a même ouvert un compte bancaire dans lequel il a déposé le loyer depuis avril 2019.

[16]   Le bail prévoit, dit-il, que le loyer est quérable. Il reconnaît, par ailleurs, que depuis le début il paie au concierge de l’immeuble ou à un partenaire du locateur qui signe les reçus. Il ne veut plus lui payer exigeant que le locateur signe lui-même les reçus.

[17]   À l’audience, les parties ont convenu de nouvelles modalités de paiement, mais le locateur insiste pour obtenir une ordonnance à l’encontre du locataire.

[18]   Pour obtenir la résiliation du bail sur le deuxième motif invoqué, soit les retards fréquents, la loi exige la preuve de retards fréquents qui sont généralement démontrés par le caractère régulier et chronique des retards.

[19]   Il faut, de surcroît, la preuve que les retards causent un préjudice sérieux. Il n’y a aucune présomption à cet égard et il ne peut évidemment s'agir de simples inconvénients résultant de la gestion d'un immeuble locatif.

[20]    Dans l’affaire Allaire c. Bourdeau[2], la Cour du Québec précise :

« [57]        La jurisprudence enseigne que le préjudice sérieux dont il est question ne se limite pas à une perte ou une menace pécuniaire. D’ailleurs, dans le contexte de l’application possible de l’article 1971 C.c.Q., le fait de payer les arrérages de loyer en tout temps avant jugement n’est pas pertinent[19]. Il faut mais il suffit que les retards soient fréquents et que la situation cause un préjudice sérieux au locateur.

[58]        Le préjudice sérieux dont il est question peut être d’une nature autre que pécuniaire[20] :

·        alourdissement anormal de la gestion de l'immeuble, multiplicité des démarches auprès du locataire ou du tribunal pour percevoir les loyers ou coûts supplémentaires[21];

·        soucis et tracas causés par l’entêtement du locataire à retenir son loyer, temps et énergie consacrés pour les vacations devant la Régie du logement, notes comptables et suivi des démarches effectuées[22] ;

·        démarches constantes et multipliées pour se faire payer, demandes répétées à la Régie du logement afin d'obtenir le paiement du loyer, gestion de trois décisions de la Régie du logement [23] ;

·        nombreux avis envoyés au locataire pour lui rappeler ses retards, remise du dossier à ses avocats pour récupérer le loyer dû et frais ainsi engagés [24] ;

·        multiplication des démarches pour obtenir les loyers dus et paiement de frais bancaires pour de nombreux chèques retournés [25] ;

·        impossibilité de disposer des sommes dues, procédures de recouvrement et pertes d’intérêts sur l’argent non reçu [26] ; »

[21]   Ceci étant dit, la preuve du préjudice sérieux doit être complète et documentée. En soi, la seule déclaration du locateur est insuffisante pour permettre au Tribunal d'apprécier la gravité du préjudice subi. La preuve ne peut uniquement se fonder sur une simple allégation d'inconvénients subis ou de dépenses à faire.


[22]   Le préjudice doit être prouvé par une preuve documentaire, le cas échéant, et fondé sur des faits objectifs et précis[3].

[23]   Bien que le Tribunal n'exige pas la preuve d'un péril financier, une incapacité de rencontrer ses obligations financières ou une situation économique précaire, la preuve doit, à titre d'exemple, révéler, par prépondérance, un alourdissement anormal de la gestion de l'immeuble, la multiplicité des démarches auprès du locataire ou du Tribunal, des coûts supplémentaires.

[24]   En l'occurrence, bien que le Tribunal ne doute pas que des retards de paiements puissent créer des tracasseries, des soucis ou des inconvénients, à moins d'une preuve sérieuse du préjudice subi, le Tribunal ne peut résilier le bail pour ce motif.

[25]   Vu l’admission du locateur qu’il n’a pas répondu à l’invitation du locataire de venir chercher le loyer et que le bail est ambigu sur la méthode de paiement, puisqu’il indique un paiement à l’immeuble seulement, il faut se retrancher derrière les règles usuelles rendant le loyer quérable.

[26]   Aussi, le Tribunal n’accordera pas les frais de la demande. Il sera, toutefois, pris acte de la nouvelle entente entre les parties quant au paiement du loyer.

[27]   Il n’y a pas lieu de prononcer l’exécution provisoire de la présente décision.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[28]   PREND ACTE que le paiement du loyer s’effectuera dorénavant par courrier électronique à l’adresse courriel de Me Robert Tobgi, et ce, jusqu’à ce que le locataire reçoive confirmation de l’adresse courriel du locateur;

[29]   REJETTE la demande de réunion avec le dossier 393629 (demande 2482734);

[30]   REJETTE la demande du locateur (458737).

 

 

 

 

 

 

 

 

Francine Jodoin

 

Présence(s) :

le locateur

Me Robert Tobgi, avocat du locateur

le locataire

Date de l’audience :  

11 juin 2019

 

 

 


 



[1] 393629.

[2] Allaire c. Bourdeau, 2017 QCCQ 4963, 2017EXP-1719.

[3] Seth c. Sylvestre 2018 QCRDL 24725.

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